Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 9 janvier 2023, n° 21/12507

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 10, 9 janv. 2023, n° 21/12507
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/12507
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 14 janvier 2023
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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 09 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/12507 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7RZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2021 -TJ de [Localité 7] RG n° 19/05044

APPELANTS

RECEVEUR INTERREGIONAL DES DOUANES DE [Localité 9]

Ayant ses bureaux [Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Dan HAZAN de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0258

M. LE DIRECTEUR REGIONAL DES DOUANES DROITS INDIRECTS ROISSY Monsieur le Directeur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret

Ayant ses bureaux [Adresse 10]

[Localité 5]

Représenté par Me Dan HAZAN de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0258

ADMINISTRATION DES DOUANES

Prise en la personne de la Direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret

Ayant leurs bureaux [Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Dan HAZAN de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0258

INTIMEE

S.A.R.L. JYFEL CORPORATION

agissant poursuites et diligences de son gérant, représentant légal en exercice

Ayant son siège social

[Adresse 3]

6, le bois des côtes, Bâtiment A

[Localité 4]

N° SIRET : [Localité 8] B 493 917

Représentée par Me Vincent COURCELLE LABROUSSE de l’AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259

Représentée par Me Pierre-Joseph BOILLOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.R.L. Jyfel Corporation (ci-après désignée 'la société Jyfel') importe et commercialise des équipements et consommables destinés à des applications industrielles.

Elle a procédé à l’importation de microscopes Hirox RH 2000 et KH 8700 lesquels, lors de la déclaration en douanes, ont été classés en catégorie 8471 'unités de traitement pour machines automatiques de traitement de l’information’ pour les microscopes KH 8700, et 9012 « microscopes autres qu’optiques diffractographes » pour les microscopes RH 2000.

Après avoir dans un premier temps considéré que les microscopes relevaient de la catégorie 9011 'microscopes optiques y compris microscopes pour photo micrographie', l’administration des douanes a retenu qu’ils relevaient de la position tarifaire 8525 80 19 'caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes’ et, écartant les observations de l’importateur, a notifié un procès-verbal de constat le 19 septembre 2018 puis un procès-verbal rectificatif le 3 octobre 2018.

Un avis de mise en recouvrement a été émis le 17 octobre 2018 pour un montant total de 8 203 euros comprenant 6 473 euros de droits de douanes, 1332 euros de TVA supplémentaire et 398 euros d’intérêts de retard.

Cet avis de mise en recouvrement a été contesté par la société Jyfel le 14 novembre 2018, contestation rejetée par les douanes le 18 février 2019.

Par acte d’huissier de justice en date du 25 avril 2019, la société Jyfel Corporation a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Bobigny le directeur régional des douanes et des droits indirects de Roissy Fret et le receveur interrégional des douanes de Roissy en France en annulation de l’avis de mise en recouvrement du 17 octobre 2018.

Par jugement rendu le 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué comme suit:

'- Annule l’avis de mise en recouvrement du 17 octobre 2018 et le redressement subséquent,

— Condamne le receveur interrégional de douanes de [Localité 9] et le direction régionale des douanes de Roissy Fret ès qualité in solidum à payer à la société Jyfel Corporation la somme de 8 203 euros avec intérêts de droit au taux prévu par le code des douanes et le code des douanes de l’Union.

— Condamne le receveur interrégional des douanes de [Localité 9] et le directeur régional des douanes de Roissy Fret ès qualité in solidum au paiement de la somme de

2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

— Rappelle qu’il n’y a lieu à condamnation à des frais de procédure.'

Par déclaration du 2 juillet 2021, le receveur interrégional des douanes de [Localité 9], le directeur régional des douanes et droits indirects de Roissy et l’administration des douanes prise en la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2021, la Direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret demande à la cour de :

'- Infirmer le jugement en ce qu’il annule l’avis de mise en recouvrement du 17 octobre 2018 et le redressement subséquent et condamne le receveur interrégional des douanes de [Localité 9] et le directeur régional des douanes de Roissy Fret ès qualité in solidum à payer à la société Jyfel Corporation la somme de 8 203 euros avec intérêts de droit au taux prévu par le code des douanes et le code des douanes de l’Union,

— Confirmer l’avis de mise en recouvrement n° 783/18S049 du 17 octobre 2018,

— Condamner la société Jyfel Corporation à verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dire n’y avoir lieu à dépens conformément à l’article 367 du code des douanes.'

Au soutien de son appel, sur la classification tarifaire des microscopes importés Hirox, l’administration des douanes fait valoir que sa position a été arrêtée en plusieurs étapes en raison de la production différée par la société Jyfel des éléments nécessaires à l’appréhension correcte de ces microscopes mais qu’au vu des observations de cette dernière du 24 mars 2016 et des notices techniques fournies, la classification 85 25 80 19 s’est finalement imposée.

L’administration des douanes conteste avoir fondé sa décision sur les dispositions du règlement d’exécution n°2016/2223 de la Commission européenne du 5 décembre 2016 en soulignant que la référence à ce règlement n’a pas été faite par ses services mais par la société Jyfel qui a prétendu, sans aucun élément pour fonder son affirmation, que la classification tarifaire finalement retenue résulte d’une application rétroactive de ce règlement par l’administration des douanes.

Elle fait valoir que ce règlement d’exécution n’a pas créé une classification pour les microscopes numériques qui n’avait pas lieu d’être auparavant puisque la classification 8525 80 19 pouvait déjà être retenue par les administrations douanières et l’avait été effectivement par les douanes allemandes qui avaient émis deux renseignements tarifaires contraignants de la sous position 8525 80 pour des microscopes numériques.

L’administration des douanes soutient que le tribunal judiciaire de Bobigny a commis une erreur d’appréciation en retenant qu’au jour des importations le règlement d’exécution ne visait pas à s’appliquer et que retenir la classification indiquée par ce règlement serait contraire au principe de sécurité juridique.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2022, la société Jyfel Corporation demande à la cour de :

'- Recevoir la société Jyfel Corporation en ses conclusions d’intimée et les dire bien fondées,

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mai 2021 en ce qu’il annule l’avis de mise en recouvrement n°783/18S049 du 17 octobre 2018 et le redressement subséquent,

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mai 2021 en ce qu’il condamne le receveur interrégional des douanes de Roissy en France et le directeur régional des douanes de Roissy Fret ès qualité in solidum à payer à la société Jyfel Corporation la somme de 8 203 euros avec intérêts de droit au taux prévu par le code des douanes et le code des douanes de l’Union à compter de la date de paiement,

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mai 2021 en ce qu’il condamne le receveur interrégional des douanes de Roissy en France et le directeur régional des douanes de Roissy Fret ès qualité in solidum au paiement de la somme de

2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 20 mai 2021 en ce qu’il rappelle qu’il n’y a lieu à condamnation à des frais de procédure,

— Condamner l’administration des douanes à payer à la société Jyfel Corporation la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dire n’y avoir lieu à condamnation aux dépens au titre de l’article 367 du code des douanes.'

La société Jyfel fait valoir que l’administration des douanes disposait des éléments techniques permettant le classement tarifaire des microscopes litigieux dès l’origine de la procédure de contrôle douanier et qu’aucune notice technique nouvelle ne lui a été communiquée entre ses avis de résultat de contrôle de 2016 et l’avis de résultat de contrôle du 15 mai 2018 qui retient pour la première fois une classification sous la position tarifaire 8525 80 19. Elle en conclut que le changement d’analyse du classement tarifaire des microscopes résulte seulement de la publication du règlement d’exécution de la Commission européenne du 5 décembre 2016 qui a retenu cette position tarifaire pour un microscope numérique. Elle souligne également que l’administration des douanes n’a jamais expliqué les motifs fondant le changement du classement tarifaire qu’elle a opéré en mai 2018 et que la motivation de l’avis de résultat de contrôle du 15 mai 2018 atteste de la référence au règlement d’exécution du 5 décembre 2016.

La société Jyfel fait valoir qu’un règlement de classement tarifaire ne peut emporter d’effet rétroactif car les modifications de nomenclature ne peuvent avoir un caractère seulement interprétatif mais sont nécessairement constitutives de droit.

Elle soutient qu’il appartenait à l’administration des douanes de démontrer que les microscopes Hirox n’étaient pas des 'microscopes autres qu’optiques’ au regard de leurs caractéristiques et propriétés objectives, ce qu’elle n’a pas fait.

La société Jyfel expose que la règle principale du classement tarifaire est que le classement des marchandises s’effectue au vu de celles-ci telles qu’elles se présentent au moment du dédouanement, selon leurs propriétés et caractéristiques objectives.

Elle soutient qu’en application de cette règle, les microscopes Hirox importés relèvent nécessairement de la position tarifaire 9012 laquelle s’applique notamment, mais non exclusivement, aux microscopes électroniques ou protoniques, soit, en pratique, à tous les microscopes autres qu’optiques. Elle souligne à cet égard que les microscopes litigieux ont bien pour caractère essentiel d’opérer un grossissement de l’objet et non l’enregistrement d’une image, ce qui est exclusif du classement sous la position 8525 80 19.

MOTIVATION

1.- Sur la demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement n°783/18S049 du 17 octobre 2018

C’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a dit que les microscopes Hirox RH 2000 et KH 8700 importés par la société Jyfel ne relevaient pas de la position et de la sous-position tarifaire 8525 80 19'caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes’ et qu’il a en conséquence annulé l’avis de mise en recouvrement n°783/18S049 émis le 17 octobre 2018 par l’administration des douanes.

Il y a seulement lieu d’ajouter que l’erreur d’appréciation contenue, selon l’administration des douanes, dans la motivation du premier juge n’est pas caractérisée dès lors que ce dernier n’a pas jugé que la position tarifaire retenue pour un certain type de microscope numérique par le règlement d’exécution de la Commission européenne du 5 décembre 2016 ne pouvait pas être appliquée à la date des déclarations d’importation des microscopes en litige si leurs caractéristiques et propriétés objectives le permettaient mais a au contraire jugé qu’il y aurait une atteinte à la sécurité juridique si des modifications de classification tarifaire devaient être motivées non pas en fonction de la caractéristique essentielle du produit importé mais à partir du détail des fonctionnalités de ce produit.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne que, en vue de garantir la sécurité juridique et la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises, telles qu’elles sont présentées en vue de leur dédouanement, doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée et des notes de sections ou de chapitres (CJCE 27 septembre 2007 affaires C-208/06 et C-209/06 et les arrêts cités aux paragraphes n°34 et 36).

En l’espèce, l’administration des douanes soutient que les microscopes Hirox RH 2000 et KH 8700 relèvent de la sous-position 8525 80 19 'caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes’ . En cause d’appel, elle n’invoque aucun motif fondé sur les caractéristiques et propriétés objectives des microscopes litigieux justifiant cette classification tarifaire, alors qu’elle ne correspond pas d’emblée au libellé des positions de la nomenclature combinée applicables aux microscopes.

L’avis de résultat de contrôle établi par l’administration des douanes le 15 mai 2018 et le procès-verbal de constat dressé le 19 septembre 2018 décrivent les microscopes litigieux comme suit: 'Les microscopes importés de référence KH-8700 ou RH-2000 sont, d’après les documents fournis, des microscopes numériques avec technologie 3D. Ils comprennent chacun une tourelle porte-objectifs, une platine porte-objet, un éclairage incorporé par diode LED haute luminosité et un oculaire avec caméra vidéo comportant un capteur d’images CC 1200 x 1600 pixels. Ils sont livrés avec un écran de visualisation LCD couleur et un ordinateur avec logiciel de manipulation d’image.'

Ils justifient le classement à la position 8525 comme suit : 'Considérant que l’image grossie ne peut être affichée sur une machine automatique de traitement de l’information qu’après avoir été enregistrée par un capteur d’images, les appareils présentent en fait les caractéristiques d’une caméra de télévision.'

Il résulte de ce descriptif des microscopes litigieux que les articles qui les composent répondent principalement aux caractéristiques matérielles d’un microscope autre qu’optique, la fonction essentielle assurée par les biens importés étant en outre d’opérer un grossissement de l’image. Le fait qu’il y soit associé un oculaire avec caméra vidéo comportant un capteur d’images caractérise l’existence d’une fonctionnalité spécifique de ces microscopes mais l’administration des douanes ne démontre pas que cette fonctionnalité leur retire leur propriété essentielle et objective devant déterminer leur classification tarifaire selon le libellé de la position 90 de la nomenclature combinée.

Par suite, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

2.- Sur les frais du procès

Il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens en application des dispositions de l’ancien article 367 du code des douanes.

Partie perdante au procès, l’administration des douanes sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et sera condamnée à payer à la société Jyfel la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité de procédure en considération des frais irrépétibles de justice que cette dernière a dû exposer afin d’assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

DIT n’y avoir lieu à dépens,

DÉBOUTE l’administration des douanes et droits indirects de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’administration des douanes et droits indirects à payer la somme de 3 000 euros à la S.A.R.L. Jyfel Corporation en application de l’article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS

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