Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 26 mars 2019, n° 16/02411

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 1re ch., 26 mars 2019, n° 16/02411
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/02411
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PC/AM

Numéro 19/1262

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 26/03/2019

Dossier N° RG 16/02411

N° Portalis DBVV-V-B7A-GICG

Nature affaire :

Autres demandes relatives à la vente

Affaire :

L-M Y

C/

D Z

SA SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL OCCITANIE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 27 novembre 2018, devant :

Madame S, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

Mme ROSA SCHALL, Conseiller

assistés de Madame O-P, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur L-M Y

né le […] à […]

de nationalité française

65140 C

représenté et assisté de Maître Harold ALOS, avocat au barreau de TARBES

INTIMES :

Monsieur D Z

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

représenté et assisté de la SCP CHEVALLIER – FILLASTRE, avocats au barreau de TARBES

La SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL OCCITANIE venant aux droits de la SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL DE GASCOGNE HAUT LANGUEDOC (SAFER-GHL)

[…]

31321 CASTANET-TOLOSAN

représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés ès qualités audit siège

représentée et assistée de Maître Jessica FOURALI, avocat de la SCP AMEILHAUD A.A. – F A.A. – D I – […], avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 28 AVRIL 2016

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

En suite du décès de M. J X survenu le 31 janvier 2013, Mme K A, ès qualités de représentante légale de leur fille mineure, B X, née le […], a :

— conclu le 26 avril 2013 avec la SAFER Gascogne Haut Languedoc (ci-après la SAFER) une convention de mise à disposition des parcelles agricoles dont feu M. X était propriétaire à Ansost et C, cadastrées ZB 27 et […] et ZA 15 (C), pour une contenance totale de 7 ha 37 a,

— signé le 28 avril 2013 une promesse unilatérale de vente au profit de la SAFER, sous la condition suspensive de l’autorisation du juge des tutelles.

Saisie de demandes concurrentes de MM. Y et Z, exploitants de propriétés agricoles voisines des terres de feu M. X, le comité technique départemental des Hautes-Pyrénées de la SAFER a donné le 15 juillet 2013 un avis favorable à la demande d’attribution des parcelles formée par M. Z, notifié à M. Y le 16 juillet 2013.

Le 17 octobre 2013, le conseil d’administration de la SAFER a confirmé l’avis émis par le comité technique départemental en faveur de M. Z.

Selon acte authentique du 19 février 2014, Mme A, ès qualités de représentante légale de sa fille mineure B a vendu les terres dont s’agit à la SAFER, en exécution d’une ordonnance du 4 novembre 2013 par laquelle le juge des tutelles du tribunal de grande instance d’Auch l’avait autorisée à accepter la succession de feu M. X et à vendre les parcelles litigieuses, au prix de 94 000 €.

Par courrier du 9 septembre 2014, la SAFER a informé M. Y que sa candidature n’avait pas été retenue et lui a adressé copie de la décision de rétrocession des parcelles au profit de M. Z, ainsi motivée : M. Z, âgé de 49 ans et agriculteur à titre principal est attributaire de 7 ha 83 a 40 ca sur les communes d’Ansost et C ; il est installé sur un système de production de céréales irriguées ; l’acquisition de cette surface lui permettra d’agrandir et de conforter la structure de son exploitation ; son siège d’exploitation est situé à environ 200 m du bien à la vente ; il exploite des parcelles contiguës en faire-valoir indirect'.

Par actes des 26 et 27 février 2015, M. Y a fait assigner la SAFER GHL et M. Z aux fins de voir prononcer l’annulation de la décision de rétrocession prise par la SAFER au profit de M. Z.

Par jugement du 28 avril 2016, le tribunal de grande instance de Tarbes a débouté M. Y de ses demandes et l’a condamné à payer à M. Z et à la SAFER la somme de 1 000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en considérant en substance, au visa des articles L141-1 et R142-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime, en leur rédaction en vigueur à la date de la rétrocession litigieuse, au regard des moyens d’annulations soutenus par M. Y :

— s’agissant du moyen tiré de la prétendue incompétence de l’auteur de la décision de rétrocession :

> que le signataire du courrier du 9 septembre 2014 disposait d’une subdélégation régulière de pouvoir,

> qu’il importe peu que le rédacteur de la lettre ait mentionné que la décision avait été prise par la SAFER et non par son conseil d’administration, cette légère imprécision de termes n’ayant aucune incidence sur les droits du candidat évincé, alors qu’il n’y pas lieu de confondre l’autorité ayant rendu la décision de celle qui en a informé le candidat évincé et que les courriers des 16 juillet 2013 et 9 septembre 2014 ne contiennent aucune ambiguïté à ce sujet,

— s’agissant du moyen tiré d’une prétendue violation des dispositions de l’article L142-4 du C.R.P.M. : que l’avis de rétrocession a été affiché en mairies, que cet texte ne prévoit aucun formalisme particulier pour l’information des candidats évincés, que la décision du 17 octobre 2013 fait expressément référence à l’avis du C.T.D. et que des avis de rétrocession motivés ont été régulièrement publiés en mairie, en sorte que M. Y a été suffisamment informé des motifs retenus par le comité,

— que la SAFER n’est pas tenue de mentionner la situation des candidats évincés et les motifs du rejet de leur candidature,

— que l’article R143-11 du C.R.P.M. concerne la rétrocession de biens préemptés par la SAFER et n’est pas applicable à une acquisition à l’amiable, de même que celles de l’article L331-2§I 7° dudit code,

— que le juge judiciaire vérifie la légalité de la décision de rétrocession et n’est pas juge de son opportunité.

M. Y a interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la cour le 4 juillet 2016.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 24 octobre 2018.

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 janvier 2018, M. Y demande à la cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles R142-3, R141-10, R142-1, L141-1, L143-3 et L142-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime :

— de prononcer l’annulation de la décision de rétrocession par la SAFER G.H.L. au bénéfice de M. Z portant sur diverses parcelles de terre situées sur les communes d’Ansost et C, d’une superficie de 7 ha 83 a 40 ca,

— de condamner la SAFER à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il invoque les moyens suivants d’annulation :

— incompétence de l’auteur de la décision, dès lors :

> qu’aux termes de l’article 26-3 des statuts de la SAFER, la décision de rétrocession doit émaner du conseil d’administration ou d’une personne ayant reçu délégation,

> qu’en l’espèce, l’avis de rétrocession, seul document porté à sa connaissance, n’indique pas son auteur et ne comporte aucune signature alors qu’il doit émaner du conseil d’administration de la SAFER, que le courrier signé accompagnant l’avis de rétrocession ne permet pas d’en déduire que la même personne en a été le signataire et qu’à défaut d’indication sur l’avis de rétrocession, il doit être considéré que la décision a été prise par une personne qui n’avait pas compétence pour signer un tel acte, en sorte que la décision de rétrocession est entachée d’illégalité pour incompétence de son auteur,

— violation des dispositions de l’article R142-3 du C.R.P.M. dès lors que la SAFER ne justifie pas de la publication de l’appel de candidatures auprès des mairies d’Ansost et C, ni de sa publication dans deux journaux diffusés sur l’ensemble du département, paraissant au moins deux fois par mois, l’irrégularité de la publication de l’appel à candidatures étant sanctionnée par l’annulation de la décision prise, sans que le demandeur à l’annulation ait à justifier d’un grief,

— violation des dispositions de l’article R142-1 du C.R.P.M., étant considéré :

> que le contrôle de légalité implique que le juge vérifie que la décision de la SAFER a été prise sur la base de renseignements exacts et complets,

> qu’en l’espèce, la fiche de candidature de M. Z ne comporte aucun renseignement quant au prix de rétrocession, ma destination du projet, ma distance entre le siège de l’exploitation et les parcelles demandes et les activités secondaires,

> que M. Z a donné des informations inexactes sur sa situation professionnelle (défaut de déclaration

d’une activité secondaire, minoration de la surface exploitée et autres) ayant eu une incidence sur le choix opéré par la SAFER,

— violation des dispositions des articles L143-3 et L142-4 du C.R.P.M. dès lors que le P.V. du conseil d’administration du 17 octobre 2013 ne comporte aucun élément de fait et se limite à confirmer et approuver l’avis émis par le CTD, sans même faire état des parcelles situées à Ansost, motivation laissant à penser que la SAFER n’a fait que s’en référer à l’avis du CTD sans procéder à l’examen des dossiers, alors que celui-ci ne donne qu’un avis et que l’obligation de motivation pèse sur la SAFER, l’avis du comité ne pouvant suppléer la carence de celle-là.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 octobre 2018, la SAFER Occitanie venant aux droits de la SAFER -G.H.L., demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de condamner M. Y à lui payer la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en soutenant, pour l’essentiel :

— sur l’information relative à l’avis de rétrocession :

> que les pièces mêmes produites par M. Y (notification du rejet de sa candidature, avis de rétrocession joint au courrier du 19 septembre 2014) établissent qu’il a reçu une information complète, même si par courriers non recommandés, la forme recommandée n’étant exigée qu’en cas de rétrocession sur préemption,

> que l’affichage réglementaire est intervenu sur les avis de publicité adressés aux mairies concernées et que sont versés aux débats les avis publiés dans deux journaux distincts,

— sur la prétendue incompétence de l’auteur de la décision d’attribution :

> que les pièces du dossier établissent que la décision d’attribution à M. Z a été prise par le conseil d’administration lors de sa séance du 17 octobre 2013, confirmant l’avis du CTD du 15 juillet 2013, lui-même porté à la connaissance de M. Y le 16 juillet 2013,

> que l’appelant confond la prise de décision et la publication/information de la décision, réalisée en l’espèce par des personnes bénéficiant de (sub)délégations régulières de pouvoir,

> que la procédure prévue par l’article R142-4 ne prévoit aucun formalisme particulier en sorte qu’il ne peut en être tiré une obligation de signature de l’avis au candidat évincé par le décisionnaire de la SAFER,

— sur la fiche de candidature de M. Z :

> que le défaut de mention de son entreprise de travaux agricoles est sans incidence sur la décision d’attribution dès lors qu’il ne touche depuis dix ans aucun revenu de cette activité,

> que rien n’établit que la décision eût été différente si avait été mentionnée la véritable distance (250 M et non 200 M) entre le siège de l’exploitation de M. Z et les parcelles objets de la rétrocession,

— sur la prétendue violation de l’article L143-3 et de l’article R143-11, que ces textes ne sont applicables qu’en matière d’acquisition par préemption.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 février 2018, M. Z demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. Y à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en soutenant, en substance :

— que le signataire de l’avis de rétrocession était titulaire d’une délégation régulière de pouvoir,

— que s’il est toujours inscrit en qualité d’entrepreneur de travaux agricoles, il n’exerce plus depuis plusieurs années aucune activité en cette qualité et que sa prétendue incapacité ou incompétence à pouvoir travailler les terres litigieuses n’est pas établie.

MOTIFS

Il convient de déclarer recevable, par application de l’article 554 du code de procédure civile, l’intervention volontaire en cause d’appel de la SAFER Occitanie, justifiant venir régulièrement aux droits de la SAFER Gascogne – Haut Languedoc (pièces 10 à 12 de l’intimée).

Il y a lieu de constater :

— que la recevabilité même de la contestation de la décision de rétrocession prise au profit de M. Z n’est pas contestée par les intimés,

— qu’en cause d’appel, M. Y ne soutient plus les moyens d’annulation qu’il avait soumis à l’examen du premier juge sur le fondement des articles L143-11 (défaut de notification par L.R.A.R. du rejet de sa candidature) et L142-2 (défaut d’autorisation préalable au titre du contrôle des structures) du C.R.P.M.

Sur le moyen d’annulation tiré d’une prétendue incompétence de l’auteur de la décision :

Il résulte des pièces versées aux débats et spécialement du procès-verbal du conseil d’administration de la SAFER GHL du 17 octobre 2013 que la décision de rétrocession des parcelles litigieuses au bénéfice de M. Z a été prise, à l’unanimité, par les membres du conseil d’administration ayant participé à la réunion (cf. page 5/11 du procès-verbal, pièce n° 1 produite par la SAFER), dans des conditions de forme, de quorum et de pouvoir régulières au regard des articles 23, 24 et 25 des statuts de la SAFER GHL (pièce 6 de l’appelant), étant en particulier constaté :

— que onze des quatorze membres du conseil d’administration ont participé à la délibération alors que le quorum est de la moitié au moins des membres (article 23 des statuts),

— qu’aux termes de l’article 25-3° des statuts, le conseil d’administration fait et accepte tous achats, échanges, ventes, attributions par substitution, cessions, locations ou intermédiations locatives de tous biens meubles et droits immobiliers quelconques,

— que la décision de rétrocession a donc été régulièrement prise par l’organe délibérant et décisionnaire de la SAFER, soit son conseil d’administration, dans le cadre de ses pouvoirs et compétence statutaires,

— qu’aucun élément versé au dossier, spécialement la délégation spéciale de pouvoir consentie par le conseil d’administration au directeur des opérations foncières et la subdélégation de pouvoirs consentie par celui-ci au directeur départemental du Gers (pièce 3 de la SAFER), n’établit que le conseil d’administration de la SAFER GHL s’est dessaisi de son pouvoir décisionnaire en matière de détermination des bénéficiaires des rétrocessions,

— que la circonstance que le courrier de notification du rejet de la candidature de M. Y mentionne que 'la SAFER’ n’a pas retenu sa candidature est en conséquence sans incidence tant sur la validité même de la décision, prise par l’organe régulièrement habilité, que sur les droits de M. Y,

— que ni l’avis de rétrocession adressé au candidat évincé ni son courrier d’accompagnement, simples supports techniques de la notification et de la publicité de la décision, n’ont à être rédigés ni même simplement signés par l’organe décisionnaire et qu’en l’espèce le courrier de notification a été signé par le directeur départemental du Gers, disposant d’une subdélégation de pouvoir régulière.

Ce moyen de nullité sera en conséquence rejeté.

Sur le moyen de nullité tiré d’une prétendue violation de l’article R142-3 du C.R.P.M. :

En sa rédaction applicable à la date de la décision de rétrocession querellée, issue du décret 2102-363 du 14 mars 2012, l’article R142-3 du C.R.P.M. disposait :

— qu’avant toute décision d’attribution, les SAFER procèdent à la publication d’un appel de candidatures avec l’affichage à la mairie de la commune de la situation du bien, pendant un délai minimum de quinze jours, d’un avis comportant, notamment, la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d’urbanisme, s’il en existe,

— que pour les biens acquis à l’amiable d’un montant supérieur à celui prévu par l’article R141-10 …, un même avis est publié en caractères apparents dans deux journaux diffusés dans l’ensemble du département, paraissant au moins deux fois par mois et figurant sur une liste établie par le préfet, dont l’un à caractère professionnel et agricole.

En l’espèce, la SAFER justifie (pièce 9) de la publication de l’appel de candidatures dans 'La Semaine des Pyrénées’ et 'La République des Pyrénées’ et de l’affichage de cet appel, tant en mairie d’Ansost (visa et cachet de la mairie en date du 20 juin 2013, pièce n° 8) qu’en mairie de C (visa et cachet de la mairie en date du 20 juin 2013, pièce n° 7).

Ce moyen de nullité sera également rejeté.

Sur le moyen de nullité tiré d’une prétendue violation de l’article R142-1 du C.R.P.M.

L’article R142-1 du C.R.P.M., en sa rédaction applicable au litige, issue du décret 2006-821 du 7 juillet 2006, dispose que les biens sont attribués par les SAFER aux candidats, personnes physiques ou morales, capables d’en assurer la gestion, la mise en valeur ou la préservation, compte tenu notamment de leur situation familiale, de leur capacité financière d’acquérir le bien et de le gérer, de l’existence de revenus non agricoles, de leurs compétences professionnelles et de leurs qualités personnelles ainsi que de l’intérêt économique, social ou environnemental de l’opération.

M. Y soutient que la décision de rétrocession des terres à M. Z a été prise en violation de ces dispositions pour avoir été fondée sur des renseignements erronés et incomplets fournis par celui-ci dans sa fiche de candidature et lors de l’audition devant le CDT, n’ayant pas permis d’apprécier sa capacité à gérer les terres dont s’agit.

Il convient de considérer, s’agissant de chacun des chefs de contestation soulevés par M. Y :

— que le défaut d’indication d’un prix d’achat dans la fiche de candidature de M. Z est

sans aucune incidence dès lors que le prix principal de la rétrocession avait été

définitivement fixé par la SAFER (94 000 €) et mentionné dans les appels à candidatures, la vente ne se faisant pas au profit du plus offrant,

— que la destination du projet d’acquisition de M. Z (agrandissement) est expressément indiquée dans sa fiche de candidature,

— que l’erreur quant à la distance séparant le siège de son exploitation des parcelles litigieuses (250 m et non 'environ 200 m’ comme retenue par le CDT, contre 50 m seulement pour M. Y), au demeurant non formellement établie, est, en toute hypothèse, par son caractère minime, sans incidence déterminante sur l’appréciation des mérites des candidatures respectives des parties et de leur capacité à gérer les parcelles en cause,

— que la circonstance que M. Z a mentionné dans sa fiche de candidature, à la rubrique 'observations sur l’environnement familial’ : 'reprise par son fils âgé de 15 ans’ signifie seulement sa volonté d’assurer, à terme, la transmission et la continuité de l’exploitation et non de se désengager immédiatement de son activité au profit d’un enfant dont il indique également 'collégien -> études agricoles',

— que la circonstance que M. Z n’a pas mentionné une activité d’entrepreneur agricole pour laquelle il était inscrit au R.C.S. est également sans incidence dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle était effectivement exercée à la date de la rétrocession litigieuse,

— que l’incertitude sur la superficie réellement exploitée par M. Z avant la rétrocession (82 ou 87 hectares) est sans incidence dès lors qu’en toute hypothèse, les dispositions de l’article L331-2-I-7 du C.R.P.M. ne sont pas applicables en matière de rétrocession intervenant sur acquisition amiable par la SAFER mais seulement en cas de rétrocession consécutive à une préemption.

Le moyen de nullité tiré du caractère erroné et/ou incomplet des informations sur la base desquelles la décision de rétrocession a été prise sera en conséquence également rejeté.

Sur le moyen de nullité tiré d’une prétendue violation des articles L143-3 et R142-4 du C.R.P.M. :

Il convient ici de rappeler :

— que l’article L143-3 du C.R.P.M. dispose qu’à peine de nullité, la SAFER doit justifier sa décision par référence explicite et motivée à l’un ou plusieurs des objectifs définis à l’article L142-2 et qu’elle doit également motiver et publier la décision de rétrocession,

— que l’article R142-4 dudit code impose à la SAFER d’informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix.

Il y a lieu de considérer :

— que si l’article R142-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime oblige la SAFER à notifier les motifs qui l’ont déterminée à choisir le bénéficiaire de la rétrocession, il ne lui impose nullement de justifier le rejet des autres candidatures, en sorte qu’aucune omission fautive ne peut de ce chef être reprochée à la SAFER qui demeure libre de choisir un candidat, dans le cadre des objectifs qui lui sont impartis,

— que les textes précités n’édictent aucun interdiction pour la SAFER de justifier sa décision de rétrocession par adoption expresse des motifs retenus par le comité départemental technique dans son avis préalable,

— que cette motivation (agrandissement et restructuration parcellaire) et celle mentionnée dans l’avis de rétrocession notifié à M. Y (M. Z, âgé de 49 ans et agriculteur à titre principal est attributaire de 7 ha 83 a 40 ca sur les communes d’Ansost et C ; il est installé sur un système de production de céréales irriguées. L’acquisition de cette surface lui permettra d’agrandir et de conforter la structure de son exploitation.

Son siège d’exploitation est situé à environ 200 m du bien à la vente. Il exploite des parcelles contiguës en faire-valoir indirect) sont fondées sur des données concrètes, rappelant la consistance et les conditions d’exploitation du candidat retenu, permettant de vérifier la réalité des objectifs poursuivis et répondant aux exigences de la loi.

Ce moyen de nullité sera également rejeté.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande principale en annulation de la décision de rétrocession prise le 17 octobre 2013 par la SAFER GHL au profit de M. Z.

A défaut de preuve d’une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit fondamental de M. Y de poursuivre en justice la défense de ses droits, laquelle ne peut se déduire de sa seule double succombance en première instance et en appel (et alors même que la

SAFER n’a produit qu’en cause d’appel les justificatifs de l’accomplissement des formalités prévues par l’article R142-3 du C.R.P.M., la SAFER sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive.

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. Y à payer à la SAFER et à M. Z, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1000 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en première instance et d’allouer aux intimés une indemnité de 1 000 € chacun au titre des frais par eux exposés en cause d’appel.

M. Y sera condamné aux entiers dépens d’appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 28 avril 2016,

Déclare recevable l’intervention volontaire en cause d’appel de la SAFER Occitanie, venant aux droits de la SAFER Gascogne – Haut Languedoc,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

— Déboute la SAFER Occitanie de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive en cause d’appel,

— Condamne M. Y à payer à la SAFER Occitanie et à M. Z, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d’appel,

— Condamne M. Y aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Q-R S, Président, et par Mme B O-P, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

B O-P Q-R S

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