Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 19 novembre 2020, n° 19/00217

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 19 nov. 2020, n° 19/00217
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 19/00217
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 7 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

JN/SB

Numéro 20/3268

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 19/11/2020

Dossier : N° RG 19/00217 – N° Portalis DBVV-V-B7D-HEOG

Nature affaire :

Contestation d’une décision d’un organisme portant sur l’immatriculation, l’affiliation ou un refus de reconnaissance d’un droit

Affaire :

[Y] [B]

C/

CARSAT AQUITAINE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Novembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 24 Septembre 2020, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame NICOLAS, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame DIXIMIER, Conseiller

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant assisté de Maître ETESSE de la SELARL JEROME GARDACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PAU et Maître CAUSSANEL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

CARSAT AQUITAINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître DELBERGUE loco Maître BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 17 DECEMBRE 2018

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PAU

RG numéro : 20180138

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] (l’assuré social ou le cotisant), après avoir exercé une activité salariée, a exploité du 01 septembre 1998 au 26 septembre 2010, un fonds de commerce comprenant une activité de débit de tabac, au titre de laquelle il a versé des cotisations auprès du Régime d’Allocations Viagères des Gérants de Débits de Tabac (RAVGDT en abrégé).

Le 21 mai 2016, sur son relevé de carrière destiné à évaluer ses droits à la retraite, la Carsat, contrairement à l’analyse de la Cour de cassation affirmée à deux reprises en 2017, n’a pas pris en compte les trimestres cotisés auprès du Régime d’Allocations Viagères des Gérants de Débits de Tabac (RAVGDT en abrégé).

Il a contesté cette décision, et sollicité la prise en compte de ces trimestres de cotisation, ainsi qu’il suit :

>le 18 décembre 2017, devant la commission de recours amiable (CRA) de la CARSAT Aquitaine, laquelle a rejeté sa demande par décision du 6 février 2018,

> le 5 avril 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau.

Par jugement en date du 17 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale, par application de l’article 42 de la loi du 30 décembre 2017 numéro 2017-1836, a débouté l’assuré social de ses demandes.

Le 27 décembre 2018, l’assuré social a reçu notification de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le 18 janvier 2019, par déclaration au guichet unique de greffe, il en a, par son conseil, régulièrement interjeté appel.

L’affaire au fond a été enrôlée sous le numéro 19/ 217, et fait l’objet de la présente décision.

Le 16 octobre 2019, il a par conclusions spéciales, saisi la cour, relativement à ce litige, d’une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 19/3340.

Selon avis de convocation du 19 novembre 2019, contenant calendrier de procédure, pour chacune de ces deux affaires, les parties ont été convoquées à l’audience du 6 février 2020, renvoyée successivement, en raison d’une grève générale du barreau, puis de l’état d’urgence sanitaire, au 24 septembre 2020.

Elles ont de l’accord des parties été mises en délibéré à la même date.

La demande de transmission de la QPC a été rejetée par arrêt de même date que la présente décision .

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon conclusions visées par le greffe le 22 septembre 2020, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le cotisant, M. [Y] [B], appelant, conclut à la réformation du jugement déféré, et statuant à nouveau, sollicite :

— la prise en compte, pour le calcul de sa retraite, de ses points au titre du régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac (RAVGDT), tels que réclamés par courrier du 18 décembre 2017,

— la condamnation de la Carsat à lui payer 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance.

Par conclusions de 31 janvier 2020, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la caisse de retraite, la CARSAT Aquitaine, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré.

SUR QUOI LA COUR

L’assuré social rappelle en substance que :

— les débitants de tabac sont soumis à un régime de retraite spécifique instauré par le décret numéro 63-1104 du 30 octobre 1963 : le régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac (RAVGDT)

— selon deux arrêts de la Cour de cassation, intervenus les 17 janvier et 20 juin 2007, il s’agissait d’un régime de retraite de base obligatoire,

— en vertu de ce principe, les caisses de retraite, pour le calcul des droits à la retraite des cotisants, additionnaient les périodes validées au titre de ce régime, à celles obtenues auprès de leurs autres régimes,

— l’article 42 de la loi 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, a donné une nouvelle qualification à ce régime de retraite, ne le considérant plus comme un régime de retraite de base obligatoire, mais comme un régime additionnel obligatoire,

— en conséquence, les périodes de cotisations au RAVGDT ne peuvent plus se cumuler à celles des autres régimes pour le calcul des droits à la retraite,

— la Carsat, comme la commission de recours amiable, de même que le premier juge, ont à tort fait une application rétroactive de ces dispositions, refusant de prendre en compte les périodes acquises au titre de ce régime avant 2018, soit, ce qui le concerne, les cotisations versées 1998 à 2010,

— cette analyse est contraire au principe de non rétroactivité de la loi, posé par l’article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif »,

— elle est de même contraire aux dispositions de l’articleVI paragraphe de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il rappelle en outre, qu’il a saisi la commission de recours amiable avant la parution de la loi dont est issu l’article 42 litigieux, de même qu’il a fait valoir ses droits à la retraite antérieurement à cette même loi.

L’organisme social, après avoir rappelé les dispositions de l’article 42, et de l’article 78 de la loi de financement de 2018, se prévaut de l’entrée en vigueur immédiate de cette loi, pour estimer avoir fait à la demande de l’appelant, une juste application de la réglementation en vigueur.

Pour trancher la contestation, il doit être rappelé les dispositions de l’article 42 de la loi 2017-1836 du 30 décembre 2017, sont les suivantes :

«I. – Ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire, pour l’application du code des pensions civiles et militaires de retraite, du code rural et de la pêche maritime et du code de la sécurité sociale, le régime additionnel obligatoire d’allocations viagères aux gérants de débits de tabacs prévu à l’article 59 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963).

II. – Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, le I s’applique à compter de la date d’entrée en vigueur du présent article ».

Il n’est ni contesté ni contestable, que cette loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2018.

Cependant, l’organisme de retraite fait une application erronée du II de l’article 42, en lui conférant à tort et contrairement à la lettre du texte, un effet rétroactif.

En effet, et conformément aux dispositions univoques de l’article 42 rappelé ci-dessus, par la combimaison des paragraphes I et II, c’est à partir du 1er janvier 2018, que s’appliquent les dispositions selon lesquelles le régime d’allocations viagères aux gérants des débits de tabac prévu à l’article 59 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963), ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire.

Or il est constant qu’antérieurement à cette date, il était considéré comme tel.

Il s’en déduit que les cotisations versées par l’appelant au titre de ce régime, et antérieurement au 1er janvier 2018, doivent être traitées comme ayant été versées au titre d’un régime de retraite de base obligatoire.

L’appelant justifie qu’il s’agit de cotisations versées pour la période du 1er septembre 1998 au 26 septembre 2010.

Le premier juge sera infirmé.

L’équité commande d’allouer à l’appelant, la somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Carsat, qui succombe, supportera les dépens exposés en cause d’appel, qui comprendront ceux exposés au titre du dossier n° 19/3340 .

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau en date du 17 décembre 2018,

Juge que les cotisations versées par M. [B] au titre du régime d’allocations viagères aux gérants des débits de tabac prévu à l’article 59 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963), antérieurement au 1er janvier 2018, et au cas d’espèce du 1er septembre 1998 au 26 septembre 2010, doivent être traitées comme ayant été versées au titre d’un régime de retraite de base obligatoire, et donc être prises en compte au titre du calcul de ses droits à pension de retraite,

Condamne la Carsat Aquitaine, à payer à M. [B], la somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Carsat Aquitaine aux dépens exposés en cause d’appel, qui comprendront ceux exposés au titre du dossier n°19/3340 .

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 19 novembre 2020, n° 19/00217