Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 11 septembre 2012, n° 10/03315

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 2e ch., 11 sept. 2012, n° 10/03315
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 10/03315
Décision précédente : Tribunal de commerce de Saintes, 21 juillet 2010
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°517

R.G : 10/03315

XXX

F O-P

C/

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS F NUIT ET Y

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2012

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/03315

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 22 juillet 2010 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES.

APPELANT :

Monsieur O-P F

né le XXX à XXX

XXX

XXX

ayant pour avocat postulant la SCP PAILLE THIBAULT CLERC, avocats au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant la SELARL BARRIERE, avocats au barreau de LA ROCHELLE,

INTIMEE :

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS F NUIT ET Y

6 route de Saint O d’Angély

XXX

ayant pour avocat postulant la SCP TAPON Eric MICHOT Yann, avocats au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me REYE de la SCP D’AVOCATS TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur O CHAPRON, Président

Monsieur Guillaume DU ROSTU, Conseiller

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur O CHAPRON, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Saintes en date du 22/07/2010 qui a :

— rejeté toues les demandes de O-P F,

— condamné ce dernier à payer à la SARL Ets F NUIT et Y une indemnité de 1.500 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— condamné O-P F aux dépens,

Vu l’appel interjeté le 18/08/2010 par O-P F,

Vu les dernières conclusions du 30/05/2011 de O-P F, demandant à la Cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— dire et juger que sa révocation de ses fonctions de gérant est survenue sans justes motifs et qu’elle est abusive,

— en conséquence, condamner la SARL Ets F NUIT et Y à lui payer les sommes de :

> 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive,

> 112.038,68 € au titre de la perte de la rémunération de gérant,

> 45.000 € au titre du préjudice moral,

> 50.000 € au titre de la moins-value née de la création d’une nouvelle activité,

> 38.903,20 € au titre des pertes sur le plan AGF-Vie pour le financement d’une nouvelle activité,

— condamner ladite SARL au paiement d’une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions du 25/01/2011 de la SARL Ets F NUIT et Y (la SARL), demandant à la Cour de :

— à titre principal, confirmer la décision entreprise,

— à titre subsidiaire, dire et juger que O-P F n’est pas fondé en ses demandes indemnitaires et les rejeter,

— dans tous les cas, condamner O-P F au paiement d’une indemnité de 5.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu l’ordonnance de clôture du 6/06/2012 ;

Vu l’arrêt de la présente Cour du 6/06/2012 ayant rabattu celui rendu le 21/02/2012 par erreur ;

O O O

La SARL Ets F NUIT et Y, exploitant un fonds de commerce d’N, taxis et pompes funèbres, avait en 2003 O-P F pour gérant.

En décembre 2003, ce dernier, ès qualités, a procédé au licenciement pour faute grave de X F, directeur général de la société, et d’D Z, directeur de la société (lettres de licenciement non versées aux débats).

A la demande des associés X F et D Z, le gérant O-P F a convoqué pour le 4/02/2004 une assemblée générale ordinaire des associés de la SARL, avec notamment à l’ordre du Y la révocation éventuelle du gérant, et une assemblée générale extraordinaire avec à l’ordre du Y une augmentation éventuelle du capital.

L’assemblée générale mixte tenue le 4/02/2004 a réuni les associés suivants :

— O-P F : 5.312 parts 41,7 %

— X F (fils de J.-P C.) : 6.500 parts 51 %

— D Z : 782 parts 6,1 %

— I J : 78 parts 0,6 %

— A B : 78 parts 0,6 %

L’assemblée générale ordinaire des associés a prononcé la révocation du gérant O-P F et nommé à ses lieu et place X F.

L’assemblée générale extraordinaire a rejeté la résolution relative à l’augmentation du capital social.

L’instance prudhomale engagée par D Z en contestation de son licenciement a donné lieu à une transaction avec réintégration de l’intéressé au poste de directeur la SARL (allégation de cette dernière, non justifiée, mais non contestée par O-P F).

Par assignation du 4/02/2009 introductive de l’instance dont appel, O-P F a agi à l’encontre de la SARL aux mêmes fins que celles énoncées dans ses conclusions d’appel.

O O O

1 – O-P F, soutenant que sa révocation aurait été dénuée de motifs légitimes, fait valoir :

— qu’aucun comportement fautif ne pourrait lui être reproché ; qu’il ne saurait lui être fait grief d’avoir conclu l’achat, par la SARL, d’une autre société (M N), destiné à récupérer l’activité et la clientèle de la société absorbée, représentant un actif supérieur à la valeur d’achat ;

— qu’aucune atteinte à l’intérêt social ne pourrait lui être reprochée, dès lors : que la mésentente entre associés et dirigeant ne pourrait à elle seule justifier la révocation de ce dernier ; qu’un simple changement de majorité au sein de la société, et le désir de cette nouvelle majorité de nommer un gérant de son choix, ne pourraient légitimer la révocation du gérant ; que l’intérêt social ne reposerait pas sur l’intérêt des détenteurs majoritaires de parts ; que l’insubordination dont auraient fait preuve X F et D Z aurait mis en péril les orientations et directives du gérant qui n’aurait eu d’autre choix que de licencier les deux intéressés.

L’article L 223-25, alinéa 1er, du Code de Commerce, sur lequel O-P F fonde son action indemnitaire, dispose :

Le gérant (d’une SARL) peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

La SARL, dans ses conclusions, motive la légitimité de la révocation de O-P F, non pas sur une faute de gestion notamment quant à la prise de contrôle de la société M N, mais exclusivement sur l’atteinte portée par O-P F, dans l’exercice de ses fonctions de gérant, à l’intérêt social.

Il est établi – et non contesté – qu’il existait, en 2003, un conflit entre O-P F, gérant et associé minoritaire, et X F, directeur salarié et associé majoritaire (avec lequel D Z, associé minoritaire et directeur salarié, faisait cause commune).

Ce conflit est révélé notamment par la teneur du rapport de gestion rédigé par O-P F, ès qualités, en vue de l’assemblée générale du 10/04/2004 : "(…) en Octobre 2002, le gérant informe le directeur, M. Z, des investissements trop importants faits par l’entreprise dans sa modernisation et surtout effectués dans le non-respect des directives, après l’achat d’M N, et le met en garde. (… Le gérant) met en garde sur le respect et l’équilibre des activités et sur le fait que le «tout engagement» dans l’aide médicale urgente occasionne un engagement impressionnant de la masse salariale sur l’aide médicale urgente et que cela risque fort de priver l’entreprise du personnel pour effectuer les missions traditionnelles exercées depuis 1975 et qui ont assuré le développement et la pérennité de l’entreprise jusqu’à ce Y. (…) Malgré des consignes et directives répétées de la gérance, seule l’aide médicale urgente a été développée, au détriment des activités traditionnelles de l’entreprise (…). Cette priorité donnée à l’aide médicale urgente est néfaste à l’entreprise car même si elle a une bonne rentabilité, elle engage un volume trop important de la masse salariale, privant par là-même les autres activités des moyens humains nécessaires. (…) Malgré l’opposition systématique à cette société et malgré les menaces proférées à l’encontre de la gérance, le gérant a maintenu ses directives, mais l’opposition systématique formée par MM. Z D et F X l’ont amené à les licencier de l’entreprise pour faute grave. En l’état actuel, la gérance s’attache en priorité à protéger le potentiel de clientèle traditionnelle restant (…) mais il (sic) se heurte à un blocage de l’entreprise décidé de l’extérieur et organisé à l’intérieur par quelques salariés (…)".

Le conflit opposant le gérant minoritaire O-P F à l’associé majoritaire X F et au directeur salarié D Z est également révélé par la teneur des questions écrites posées par ces derniers sur la gérance de O-P F, et notamment la question n° 14 : « pourquoi avoir mis en difficulté le poste Aide Médicale Urgente, qui représente à lui seul environ 1/6 du C.A. sanitaire avec la plus forte rentabilité de la société ' ».

Il résulte des éléments qui précèdent que les intéressés étaient en conflit sur la stratégie commerciale et les secteurs prioritaires d’activité de la SARL, et que O-P F, ès qualités, a porté atteinte à l’intérêt social en tendant à imposer une stratégie différente de celle retenue par les associés majoritaires à 57,1 % X F et D Z.

Au surplus, O-P F, ès qualités, a porté une atteinte majeure à l’intérêt social de la SARL en licenciant les deux directeurs X F et D Z, brisant ainsi l’affectio societatis puisque le directeur X F ainsi licencié était également l’associé majoritaire de la SARL.

Enfin, l’assemblée générale des associés a légitimement considéré, en Février 2004, que l’opposition entretenue par O-P F, ès qualités, à la stratégie commerciale retenue par les associés majoritaires portait atteinte à l’intérêt social, puisque la stratégie mise en 'uvre par ces derniers s’est avérée pertinente en ce que, durant les exercices 2003 à 2008, la SARL a augmenté son chiffre d’affaires de 47 %, et son résultat bénéficiaire de 192 %, ainsi que l’a opportunément relevé le jugement entrepris.

En conséquence, la révocation de O-P F de sa fonction de gérant de la SARL a été décidée pour de justes motifs, et la demande indemnitaire de l’appelant doit être rejetée en ce qu’elle est fondée, à tort, sur l’article L.223-25, alinéa 1er, in fine, du Code de Commerce, en confirmation du jugement entrepris.

2 – O-P F, soutenant que sa révocation aurait été abusive, fait valoir :

— que sa révocation aurait été vexatoire, dès lors :

qu’il aurait été le fondateur de la société en 1997 et en aurait été l’unique gérant depuis sa création ; qu’il aurait ensuite associé son fils X pour assurer son avenir ;

que la décision révocatoire du 10/02/2004 porterait ainsi atteinte à son honorabilité ; qu’elle n’aurait eu pour seul but que de préserver les intérêts des deux personnes licenciées fin 2003 ;

— que ladite révocation serait intervenue au mépris des droits de la défense, dès lors :

que, si la révocation éventuelle du gérant a été régulièrement inscrite à l’ordre du Y de l’assemblée générale convoquée pour le 10/02/2004, toutefois, la production, lors de ladite assemblée – et non préalablement -, d’un document co-signé par X F et D Z, comportant une liste de questions posées au gérant sur l’activité et les orientations de l’entreprise, auxquelles O-P F a été soumis sans avoir pu préparer sa défense, aurait contrevenu au principe du contradictoire ;

qu’il en serait résulté que l’assemblée générale aurait voté la révocation de O-P F sur la base de ces seules interrogations auxquelles ce dernier aurait été privé du droit d’apporter réponses et explications.

En premier lieu, le principe de la révocabilité du gérant de SARL est posé par l’article L 223-25, alinéa 1er, précité du Code de Commerce.

Le moyen tendant à qualifier de vexatoire la révocation du gérant d’une SARL aux motifs qu’il en a été le fondateur et qu’il en a assumé seul la gérance depuis l’origine, contrevient donc, en soi, au principe légal précité. Ce moyen est inopérant.

Par ailleurs, O-P F soutient aussi vainement que sa révocation porterait atteinte à son honorabilité, alors qu’il résulte des motifs qui précèdent que ladite révocation était fondée sur de justes motifs inhérents à l’absence d’adhésion de O-P F, ès qualités, à la stratégie commerciale définie par les associés majoritaires, et non par l’allégation de commission de fautes de gestion.

En second lieu, il résulte des motifs qui précèdent que les justes motifs ayant légitimé la révocation de O-P F ont résidé, d’une part dans son opposition à la stratégie commerciale retenue par les associés majoritaires X F et D Z, opposition caractérisée par la teneur du rapport de gestion précité émanant de O-P F lui-même et, d’autre part, dans le licenciement de ces derniers opéré par O-P F, ès qualités, fin 2003.

Ces deux éléments déterminants de la révocation étaient connus de l’intéressé avant l’assemblée générale.

La liste des questions produite par les associés X F et D Z lors de l’assemblée générale n’a donc pas constitué la cause directe et déterminante de la décision de révocation.

Il n’existe dès lors pas de lien de causalité directe entre la violation des droits de la défense invoquée par O-P F, et sa révocation.

Sa demande indemnitaire doit en conséquence être rejetée.

3 – O-P F, partie succombante, supportera les dépens d’appel.

La demande indemnitaire de la SARL, fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile, sera accueillie à hauteur d’une somme de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Saintes en date du 22/07/2010.

Y ajoutant,

Condamne O-P F à payer à la SARL Ets F NUIT et Y une indemnité de 3.000 € (trois mille euros) par application, en cause d’appel, de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne O-P F aux dépens d’appel.

Dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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