Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 3 octobre 2019, n° 18/00739

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 3 oct. 2019, n° 18/00739
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 18/00739
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saintes, 18 janvier 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CK/LR

ARRÊT N°527

N° RG 18/00739

N° Portalis DBV5-V-B7C-FM2U

E

C/

SA CLINIQUE PASTEUR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2019

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 janvier 2018 rendu par le Conseil de Prud’hommes de SAINTES

APPELANTE :

Madame V-W E

née X

née le […] à […]

[…]

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Jean Paul ROSIER de la SCP E.LITIS, avocat au barreau de SAINTES

ayant pour avocat plaidant Me Jean U avocat au barreau de SAINTES

INTIMÉE :

SA CLINIQUE PASTEUR

N° SIRET : 715 45 0 0 52

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Malika MENARD, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Bruno ROPARS avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Juillet 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean ROVINSKI, Président

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Madame V-Sophie DE BRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Jean ROVINSKI, Président, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Clinique Pasteur est un établissement de santé privé, installé à Royan, exerçant sous la tutelle de l’Agence Régionale de santé (ARS) qui peut seule accorder l’autorisation administrative de fonctionnement d’une maternité. Depuis les décrets du 9 octobre 1998 les maternités sont classés en trois types, en fonction du niveau de soins apportés aux nouveaux-nés notamment. Une maternité de type 1 ne peut légalement fonctionner qu’avec deux gynécologues obstétriciens. La Clinique Pasteur avait une activité de maternité, classée en type 1.

Initialement le territoire du pays royannais comptait trois établissements ayant un service de maternité, l’hôpital de Royan, la polyclinique Saint Georges et la Clinique Pasteur. En 1977 la maternité de l’hôpital a fermé, les lits afférents étant transférés aux deux cliniques.

Entre les années 90 et le début des années 2000, le service de maternité de la Clinique Pasteur a fonctionné avec trois gynécologues obstétriciens, le Dr Y, le Dr Z et le Dr A. Cette dernière a démissionné en 2003 en raison de la difficulté à partager effectivement les gardes et à recruter d’autres gynécologues obstétriciens, puis a réintégré la clinique. Le Dr Y a fait valoir ses droits à la retraite le 1er octobre 2007. Le Dr B a signé avec la Clinique Pasteur un contrat d’exercice libéral le 16 octobre 2007 et a démissionné le 1er juillet 2009. Le Dr C a de même signé un contrat d’exercice libéral le 4 novembre 2010 et a démissionné en mai 2012.

Le départ à la retraite du Dr Z a été programmé pour le 31 décembre 2014. Le Dr Z a été placé en arrêt de travail le 1er août 2014.

Le conseil d’administration de la Clinique Pasteur s’est réuni le 4 septembre 2014 et a voté la résolution de cesser l’activité obstétrique et de fermer en conséquence le service maternité au 31 décembre 2014 en raison de l’échec des recherches de remplacement du Dr Z.

Le Comité d’entreprise a été informé et consulté le 12 septembre 2014 au sujet du projet de restructuration pour motif économique envisagé et la compression de personnel en résultant, de même que le CHSCT le 26 septembre 2014, un plan de sauvegarde de l’emploi a été présenté et discuté lors des réunions du Comité d’entreprise le 30 septembre 2014 puis le 20 octobre 2014 et le document unilatéral élaboré par la Clinique Pasteur et validé par le Comité d’entreprise a été transmis à la Direccte le 21 octobre 2014 qui l’a homologué le 12 novembre 2014.

S’agissant des emplois, le service maternité était composé de deux infirmières diplômées d’Etat et quatre aides soignantes qui ont été reclassées en interne, et de treize sages femmes et huit auxiliaires de puériculture dont la suppression des postes était visée par le plan de sauvegarde de l’emploi et pour lesquelles aucun reclassement n’a été trouvé en interne.

Ces salariées ont reçu par courrier du 19 novembre 2014 la décision d’homologation prise par la Direccte, puis ont été convoquées le 4 décembre 2014 à un entretien fixé le 10 décembre 2014 au bureau du responsable ressources humaines. A cette occasion les documents afférents au contrat de sécurisation professionnelle leur ont été remis.

Le 10 décembre 2014 chacune des 21 salariées concernées a reçu une lettre de licenciement à titre conservatoire.

Mme D, née en 1957, avait été engagée le 1er juillet 1977, occupait le poste d’auxiliaire de puériculture à temps complet, percevait en moyenne 2 26,63 euros brut, a été engagée en contrat à durée déterminée de 6 mois, converti en contrat à durée indéterminée par le centre hospitalier de Saintonge,

Mme E, née en 1953, avait été engagée le 1er avril 2000, occupait le poste d’auxiliaire de puériculture à temps complet, percevait en moyenne 2 837 euros brut, a fait valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2014, date reportée en 1er juillet 2015,

Mme T-U, née en 1966, avait été engagée le 1er janvier 1998, occupait le poste de sage femme à temps temps partiel 50%, percevait en moyenne 1 520,44 euros brut, exerçait pour le reste une activité libérale qu’elle a développée à 100%, elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle proposé.

Mme F, née en 1959, avait été engagée le 4 novembre 1983, occupait le poste de sage femme à temps partiel 80%, percevait en moyenne 2 504,41 euros brut, a été engagée en contrat à durée déterminée de 6 mois, converti en contrat à durée indéterminée par le centre hospitalier de Saintonge.

Le 10 décembre 2015 les quatre salariées ont saisi séparément le conseil de prud’hommes de Saintes pour contester le motif économique du licenciement et l’exécution de l’obligation de reclassement avec toutes conséquences de droit sur l’ indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail.

Par jugements séparés du 19 janvier 2018 rendus sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud’hommes de Saintes a débouté chaque demanderesse de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens et dit n’y avoir lieu à appliquer l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les appels interjetés par Mme E et l’ordonnance de jonction ;

Vu les dernières conclusions transmises à la cour par lesquelles l’appelante demande notamment à la

cour d’infirmer la décision déférée, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la Clinique Pasteur à lui payer en application de l’article L 1235-3 du code du travail une somme de 28 653 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et celle de 1 500 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises à la cour par lesquelles la Clinique Pasteur sollicite notamment la confirmation de la décision déférée, la cour devant débouter l’appelante de l’ensemble de ses prétentions et la condamner à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 4 juin 2019 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées. La cour ajoute statuer par arrêts séparés du même jour sur les appels des quatre salariées citées.

SUR CE

Sur le licenciement pour motif économique :

Les premiers juges ont exactement visé les articles L 1232-6, L 1233-3 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et retenu, sans être critiqués sur ce point, que constitue aussi un motif économique de licenciement la suppression ou la modification de poste due à une réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ou celle de son secteur d’activité.

Ils ont également repris intégralement l’énoncé de la lettre du licenciement du 10 décembre 2014, la cour se référant à la décision déférée et rappelant seulement que la Clinique Pasteur y a exposé, après avoir rappelé à titre liminaire la réglementation applicables aux maternités et l’évolution des activités des maternités au plan national, que :

— maternité de type 1 elle ne pouvait légalement fonctionner qu’avec deux gynécologues obstétriciens au minimum, afin de garantir en permanence la continuité des soins aux patientes, les deux praticiens en exercice dans l’établissement étant le Dr A et le Dr Z,

— elle avait anticipé le départ à la retraite du Dr Z et recherché depuis trois ans activement deux gynécologues obstétriciens afin d’assurer la pérennité de la maternité, une équipe de trois praticiens permettant l’organisation des tours de garde dans de bonnes conditions,

— elle avait ainsi missionné deux cabinets de recrutement, publié des annonces sur des sites spécialisés, envoyé plus de 800 plaquettes dans les différents centres hospitaliers du territoire national, pris contact avec le Professeur Pierres, chef du pôle femme-mère-enfant du Chu de Poitiers, entrepris un travail d collaboration autour d’une alliance stratégique avc le centre hospitalier de Saintonge pour rendre le projet médical de territoire plus attractif pour un candidat à l’installation, avoir été soutenue par le réseau périnatal de Poitou-Charentes,

— en dépit des efforts déployés et des intenses recherches, aucun candidat bénéficiant d’une formation reconnue et susceptible de succéder au Dr Z n’avait été trouvé, le recrutement étant d’ailleurs une difficulté récurrente des maternités de type 1, travaillant avec de petites équipes la charge de travail de chacun étant nécessairement accrue, et d’une faible activité rendant ces établissements peu attractifs pour des gynécologues obstétriciens exerçant en libéral,

— le départ à la retraite du Dr Z programmé le 31 décembre 2014 et l’absence de candidat efficient empêchait légalement la maternité de la Clinique Pasteur de fonctionner ce qui imposait de cesser l’activité obstétrique au 31 décembre 2014,

— la situation économique de la Clinique Pasteur ne lui permettait pas de maintenir ses effectifs en cessant une partie de son activité, une partie du personnel du service maternité ne pouvant, compte tenu de ses compétences spécifiques à l’obstétrique, travailler dans d’autres services, ce qui concernait les sages femmes et les auxiliaires de puériculture,

— l’examen des comptes montrait que l’exploitation de la Clinique Pasteur, hors subventions, était déficitaire, l’équilibre des comptes n’étant assuré que par l’octroi des subventions Migac accordées par l’Ars, ressources non maîtrisés par la clinique et non reconductibles, surtout en cas d’arrêt de l’activité du service maternité, alors même que la nécessité performante de maintenir un outil performant et attractif nécessitait de pouvoir faire des investissements constants, le tout ne permettant pas de faire face à des surcoûts de fonctionnement et exigeant d’adapter les effectifs en personnel aux activités et aux ressources,

— ainsi, le fonctionnement de l’activité maternité étant légalement impossible sans deux gynécologues obstétriciens, la fermeture définitive du service de maternité était contrainte pour sauvegarder la compétitivité de la Clinique Pasteur,

— cette réorganisation entraînait la suppression de 21 postes de travail, dont celui de la salariée destinataire de la lettre de licenciement, la suppression de tous les postes de sa catégorie professionnelle n’impliquant pas l’application de critères d’ordre de licenciement,

— aucune solution de reclassement en interne, même sur un poste de catégorie inférieure, n’avait été identifiée,

— les solutions de reclassement en externe avaient été étudiées sous l’égide de l’Ars, de nombreux échanges étant menés avec les différents établissements de soins publics et privés de la région Poitou-Charentes, en vain,

— l’Ars créait un centre périnatal de proximité localisé sur le centre hospitalier de Royan devant ouvrir des perspectives d’embauche, le cabinet Rpc& associés devant apporter son aide pour postuler, et le service des ressources humaines et le dispositif du plan de sauvegarde de l’emploi permettant la mise en oeuvre de mesures d’accompagnement.

La salariée ayant critiqué, d’une part, la réalité du motif économique, le considérant imputable à un comportement fautif de la Clinique Pasteur, et, d’autre part, l’exécution loyale de l’obligation de reclassement, les premiers juges ont retenu par des motifs très développés que la Clinique Pasteur n’avait commis aucune faute dans les recherches de recrutement d’un nouveau gynécologue obstétricien, que l’employeur avait exécuté de bonne foi le contrat de travail, avait été confronté à une pénurie de candidat et de candidat utile, avait loyalement exécuté son pouvoir d’apprécier les rares candidatures présentées, qu’il avait été contraint d’envisager la cessation de l’activité maternité, ce qui l’avait conduit à réorganiser l’entreprise, que son expert comptable attestait que les rémunérations brutes des personnels de la maternité, soit 21 personnes concernées par la fermeture du service, s’étaient élevées en 2014 à la somme de 537 423 euros, le coût global charges sociales patronales comprises atteignant la somme de 797 328 euros, que les comptes de résultat faisait ressortir entre 2008 et 2013 un résultat moyen de 270 016 euros et un résultat net moyen de 223 782 euros, que les produits d’exploitation comprenaient depuis 2010 des subventions d’exploitation liées à l’activité maternité qui allaient donc être supprimées, que les parties avaient admis à l’audience que la Clinique Pasteur ne pouvait assumer la charge des postes du service maternité sans exercer l’activité correspondante, qu’elle avait loyalement exécuté son obligation de reclassement, le projet de reprise du service maternité par la Polyclinique de Saint Georges de Didonne n’étant plus d’actualité le 4 septembre 2014, que le plan de sauvegarde de l’emploi avait permis des mesures d’accompagnement et avait été homologué par la Direccte.

La salariée appelante demande à la cour d’infirmer la décision déférée tandis que la Clinique Pasteur

en sollicite l’entière confirmation.

Mme E rappelle que les parties ont admis à l’audience du conseil de prud’hommes que la Clinique Pasteur ne pouvait assumer la charge des postes de la maternité dépourvue d’activité sans mettre en péril sa situation financière, 'question de bon sens'. Toutefois elle conteste la légitimité de la décision de fermer le service maternité.

Mme E fait valoir :

— que la Clinique Pasteur était considérée par les services publics et notamment l’Ars comme participant d’une mission de service public de la santé, ce point n’étant pas contesté par l’employeur,

— que la Clinique Pasteur n’était pas en déficit ni en difficultés financières au moment du licenciement puisque soutenue par les subventions de l’Ars, l’employeur rétorquant que les subventions attachées au fonctionnement de la maternité allaient être supprimées ce qui créait un déséquilibre en cas de maintien des charges en personnel,

— que la Clinique Pasteur n’était pas soumise à la concurrence puisque les cliniques situées aux alentours avaient ou allaient fermer et qu’ainsi la maternité de la Clinique Pasteur était la seule implantée sur le territoire royannais et bénéficiait au surplus d’une excellente réputation lui permettant de rayonner sur les secteurs voisins, l’employeur répliquant que la législation ne lui permettait pas de maintenir le fonctionnement de la maternité sans disposer de deux gynécologues obstétriciens et qu’il devait tirer les conséquences de l’échec des opérations de recrutement.

Il est constant que la suppression de l’activité maternité impliquait la perte des subventions correspondantes versées par l’Ars et que la Clinique Pasteur devait adapter ses charges en personnel à son activité résiduelle.

Les parties s’opposent essentiellement sur les conditions dans lesquelles les opérations de recrutement ont échoué, la salariée appelante soutenant que l’employeur s’est comporté de manière fautive en abusant de son pouvoir de décider ou non de l’embauche des candidats et la Clinique Pasteur arguant d’un défaut de candidat utile indépendant de sa volonté.

Les premiers juges ont exactement retenu que la Clinique Pasteur justifiait avoir fonctionné avec trois gynécologues obstétriciens jusqu’au 1er octobre 2007, date du départ à la retraite du Dr Y puis avoir recruté un troisième gynécologue obstétricien et avoir été confrontée ensuite à deux démissions successives. Aucune pièce ne permet d’imputer à la Clinique Pasteur ces démissions qui, rapprochées de celle même momentanée du

Dr A, accréditent l’argumentation de l’employeur selon laquelle le travail dans une petite équipe alourdit la charge des gardes et donc les obligations professionnelles de chaque praticien.

Mme E , s’appuyant sur les attestations du Dr Z et du Dr A, reproche à la Clinique Pasteur de ne pas avoir, dès le départ à la retraite du Dr Y anticipé sur le prochain départ à la retraite du Dr Z, âgé en 2007 de 58 ans, et d’avoir entre 2006 et 2011, découragé les éventuelles candidatures, même présentées par les deux gynécologues obstétriciens en poste, en proposant une rémunération au rabais et en refusant certaines interventions aux futurs praticiens, l’objectif étant de favoriser les chirurgiens urologues de la clinique, pratiquant également la chirurgie obstétrique.

Or, les premiers juges ont exactement vérifié que la Clinique Pasteur établissait avoir confié le 10 novembre 2011 une mission de recherche d’un à deux gynécologues obstétriciens à un premier cabinet de recrutement, puis qu’elle s’était également adressé à un second le 3 février 2013 puis qu’elle avait entrepris des contacts directs avec des sociétés spécialisées dans la diffusion d’annonces

de recrutement à partir de mai 2013 et qu’elle avait démarché directement une centaine de praticiens sur l’ensemble du territoire national.

Les premiers juges ont ensuite exactement listé et discuté les candidatures présentées à la Clinique Pasteur pour remplacer le Dr Z, l’appelante ne pouvant contester que sept médecins n’ont pas donné suite à leur proposition initiale. Les pièces versées aux débats ne permettent pas non plus d’imputer à la Clinique Pasteur ces défections qui ne résultent que des choix des praticiens.

La candidature du Dr Mongazi a été légitimement écartée compte tenu de certaines insuffisances professionnelles.

Il est constant que, réunie le 7 octobre 2013, la commission médicale d’établissement de la Clinique Pasteur a rejeté les candidatures du Dr G et du Dr H, le Dr I déclarant à la presse qu’elles ne remplissaient pas les critères fixés.

La Clinique Pasteur souligne exactement que cette commission prend une décision collective et qu’elle constitue une 'émanation du corps médical’ ne pouvant se confondre avec le conseil d’administration de la société.

Le conseil de prud’hommes a considéré que la commission médicale d’établissement de la Clinique Pasteur, présidée par le Dr J, avait, par décision collective, écarté la candidature du Dr G présentée en juin 2013 par un des cabinets de recrutement au motif d’une motivation médicale insuffisante au regard de ses exigences financières, ce praticien ayant démissionné d’une maternité de niveau supérieur à celle de la Clinique Pasteur, car composée de 13 gynécologues obstétriciens, que le 20 août 2013 le Dr G avait adressé un mail au Dr J formalisant ses prétentions financières ce qui corroborait l’appréciation de ses motivations, qu’ainsi sa candidature avait été écarté après un examen sérieux, pour des motifs relevant du pouvoir de direction de la Clinique Pasteur, sans que l’urgence à trouver un remplaçant au Dr Z ni la pénurie de candidats ne puisse priver l’employeur de ce pouvoir d’appréciation.

L’appelante critique ainsi vainement le rejet cette candidature en soutenant que le Dr G avait donné toute satisfaction lors de remplacements effectués dans la Clinique Pasteur, que le Dr A était favorable à son intégration, que sa compétence était reconnue depuis son installation en 2003 à Saint Nazaire, qu’il y avait urgence à pourvoir au remplacement du Dr Z pour garantir la pérennité du service maternité. Plus particulièrement les attestations, rédigées en termes généraux, versées aux débats dont celles du Dr G, du Dr A et d’autres salariées sont insuffisantes pour reconsidérer l’appréciation de la candidature du praticien par la commission d’établissement.

Le conseil de prud’hommes a également considéré que la commission médicale d’établissement de la Clinique Pasteur avait apprécié dans le cadre de ses prérogatives la candidature du Dr H, compte tenu notamment d’un mail adressé le 22 août 2013 par Mme K, directrice de la clinique, au Dr S, son président directeur général, aux termes duquel le Dr Z 'déchantait sur ce confrère, le qualifiant de très brouillon et bordélique, ayant tendance à surfacturer ses actes dans son cabinet, son comportement ne faisant pas l’unanimité notamment chez les anesthésistes'. Devant la cour la Clinique Pasteur communique les attestations de quatre anesthésistes, les docteurs L, M- Bistuer et Dorner-Bracq ainsi que l’attestation du Dr N confortant le manque de compétences et qualités professionnelles du Dr H.

L’appelante objecte que le Dr H avait également effectué des remplacements dans l’établissement en 2013 et 2014 sans encourir de reproches, que Mme O, sage-femme, atteste en sa faveur, que le Dr A était favorable à l’intégration de ce praticien, en poste à Guéret depuis 5 ans. Toutefois les avis concordants des anesthésistes priment sur l’opinion de Mme O et le témoignage du Dr A, non circonstancié sur les compétences du Dr H, comme déjà du Dr G, traduit surtout son souhait légitime de voir recruter un remplaçant au Dr Z pour maintenir l’activité de

la maternité.

Mme E considère que la direction de la Clinique Pasteur a évincé à tort le Dr H en contestant la pertinence de ses diplômes obtenus à l’étranger, ce en contradiction avec l’arrêté du 6 février 2012 l’autorisant à exercer en France. Elle soutient que la Clinique Pasteur a adopté une attitude discriminatoire et offensante à l’égard des praticiens d’origine étrangère, que le Dr G en atteste. Toutefois l’employeur justifie de la liste des praticiens en poste, celle-ci révélant suffisamment une proportion importante de praticiens d’origine étrangère et ayant obtenu leur diplôme à l’étranger, le ressenti du Dr G étant inopérant pour remettre en question l’appréciation faite de sa candidature déjà discutée. Le même raisonnement s’applique pour les autres candidats de nationalité étrangère ou ayant obtenu leurs diplômes à l’étranger.

Mme E soutient également que la Clinique Pasteur n’a pas donné suite à la candidature du Dr P, adressée spontanément en janvier 2014, alors qu’âgé de 60 ans il pouvait se rendre disponible sous réserve d’accomplir un préavis de un mois, ce qui portait son engagement à début 2015, un remplaçant ayant pu être trouvé dans l’intervalle ou le Dr Z ayant pu accepter de décaler son départ à la retraite ou une négociation du préavis ayant pu être négociée avec l’ancien employeur. Toutefois Mme E ne peut raisonner par voies d’hypothèses, alors même que le Dr Z confronté à des problèmes de santé était déjà en arrêt de travail depuis le mois d’août 2014, que la Clinique Pasteur ne trouvait pas de candidat pour le remplacer, que le courrier de candidature du Dr P mentionnait expressément le fait qu’il 'n’était pas pressé', que la Clinique Pasteur, confrontée à une situation d’urgence reconnue par l’appelante, n’a donc pas apprécié de manière fautive la situation du Dr P.

La Clinique Pasteur explique et justifie que la gynécologie-obstétrique concerne la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement et ne se confond pas avec la chirurgie-gynécologique, qui est toujours exercée dans la clinique, et qui seule peut concurrencer la sénologie et l’urologie. Ainsi, certains candidats avaient reçu lors des opérations de recherches de recrutement, un courrier les encourageant à développer une activité de chirurgie-gynécologique, les praticiens en étant chargés dans la clinique acceptant de la partager.

Mme E fait ainsi vainement valoir qu’au 1er février 2017 la Clinique Pasteur a recruté le Dr Q, gynécologue oncologue.

L’appelante rappelle exactement que les subventions versées par l’Ars n’étaient pas remises en question si l’activité maternité était poursuivie, ainsi qu’annoncé par un courrier de l’autorité en date du 13 juin 2014, dans un souci de préserver l’activité de service public d’obstétrique sur le bassin de santé de Royan, et que la volonté politique était de maintenir cette activité, dans l’intérêt de la population, celle-ci s’étant mobilisée de même que les élus locaux et nationaux, mais ne peut en déduire que c’est volontairement que la Clinique Pasteur a écarté les candidatures présentées pour remplacer le Dr Z. Par ailleurs, le courrier du 13 juin 2014 était adressé au Dr R, président directeur général de la polyclinique Saints Georgs de Didonne.

En effet, par courrier du 20 décembre 2013 dont copie a été adressée à l’Ars, le Dr R, directeur de la Polyclinique Saint Georges a manifesté auprès de la Clinique Pasteur sa volonté de reprendre l’activité maternité en ce inclus le personnel. Mme E considère qu’il n’a pas été loyalement donné suite à cette proposition, le Dr S, président directeur général ayant le 13 janvier 2014 opposé une fin de non-recevoir à son collègue en contestant toute volonté de céder la maternité.

Toutefois à cette date, la Clinique Pasteur disposait d’une année pour recruter un remplaçant au Dr Z, qui n’était pas encore en arrêt de travail et n’était pas tenue d’accéder à cette proposition, son refus fautif n’étant pas établi.

Si le Dr R a réitéré son offre auprès de l’Ars, par courrier du 27 juin 2014, faisant suite à celui

précité du 13 juin 2014, il a expressément, comme le 20 décembre 2013, exigé le transfert de l’enveloppe financière et un accompagnement financier et administratif de l’Ars, précisé que la 'reprise de l’activité maternité’ incluant la reprise des obstétriciens de la Clinique Pasteur et du personnel était conditionnée, s’agissant du personnel, par la liquidation de leurs droits à licenciement par la Clinique Pasteur, ce qui n’empêchait donc pas le licenciement des salariés, et surtout ajouté qu’il devait recruter des gynécologoques obstétriciens, ce qu’il a qualité de 'point noir’ dans son second courrier, faute de candidature 'sérieuse'. A ce stade il était au surplus envisagé que le Dr Z, comme le Dr A, rejoigne la Polyclinique Saint Georges, l’arrêt de travail puis le départ à la retraite du Dr Z contraignant également la Polyclinique à rechercher au moins deux autres gynécologues obstétriciens.

Ainsi, alors que la Polyclinique Saint Georges a été confrontée aux mêmes difficultés de recrutement et n’a pas ouvert de maternité par la suite, Mme E ne peut soutenir que la Clinique Pasteur a volontairement empêché la réalisation du projet d’une rivale et a préféré tout mettre en oeuvre pour fermer la maternité.

L’appelante soutient que la Clinique Pasteur a transformé la maternité en service de chirurgie ambulatoire de 40 lits, au lieu de 27, qu’elle a recruté 5 nouveaux médecins affectés à ce service, que rejeter les candidatures de gynécologues obstétriciens était une stratégie destinée à aboutir à cette réorganisation, plus lucrative pour les actionnaires de la société, que les membres de la commission médicale d’établissement sont eux mêmes actionnaires de la société et avaient un intérêt financier personnel à cette réorganisation.

La cour ayant écarté les arguments de Mme E relatifs au rejet fautif par la Clinique Pasteur des candidatures présentées pour assurer les fonctions de gynécologue obstétricien, l’appelante ne peut s’immiscer dans l’organisation de l’établissement postérieure au licenciement.

La Clinique Pasteur rétorque exactement qu’elle a développé l’activité de chirurgie ambulatoire, conformément à la priorité nationale en ce domaine définie par le gouvernement et l’Haute autorité de santé et l’Ars, qu’en parallèle les séjours hospitaliers ont diminué, qu’elle justifie au surplus d’un déficit d’exploitation depuis 2015, passé de – 97 499 euros pour cet exercice à – 140 379 euros en 2016 puis – 391 000 euros en 2017.

En conséquence aucun comportement fautif de la Clinique Pasteur n’est à l’origine de la réorganisation caractérisée par la fermeture de la maternité, celle-ci étant nécessaire pour sauvegarder la compétitivité ce qui rend bien fondé le licenciement pour motif économique.

La cour confirme la décision déférée de ce chef.

Sur l’obligation de reclassement :

La cour se réfère aux motifs précédents s’agissant des textes applicables.

S’agissant du reclassement en interne, Mme E fait valoir que l’employeur, pourtant informé du départ à la retraite du Dr Z et conscient dès 2007 des difficultés de recrutement, n’a pas, dans le laps de temps écoulé jusqu’en 2014 et conformément à ses obligations légales, mis en oeuvre une formation permettant au personnel spécialisé en maternité de prétendre à d’autres fonctions médicales, ce qui caractérise une légèreté blâmable.

La Clinique Pasteur rétorque exactement qu’elle a tenté de maintenir l’activité maternité en recherchant des praticiens compétents, qu’elle justifie des formations suivies par le personnel de la maternité et qu’elle n’était pas tenue de dispenser à ses salariés une formation destinée à leur garantir une compétence et une qualification dans un autre métier. Elle ajoute encore exactement que des mesures ont été prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi pour accompagner chaque

salariée, qu’un emploi conforme aux compétences a d’ailleurs été retrouvé par Mme D et Mme F, que Mme T U a poursuivi avec succès son activité en libéral à 100%, que Mme E a fait valoir ses droits à la retraite.

S’agissant du reclassement en externe, Mme E soutient que dans le plan de sauvegarde de l’emploi la Clinique Pasteur fait état de démarches auprès des établissements de la région mais sans en justifier, l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi et l’absence de contestations du comité d’entreprise ne donnant pas un blanc seing à l’employeur.

Toutefois Mme E ne peut être omettre que le plan de sauvegarde de l’emploi a été validé par les représentants du personnel, après réunions et négociations, qu’il a été homologué par la Direccte et qu’il n’a pas ensuite été contesté par les salariés ce qui lui confère un caractère suffisant pour garantir les droits des salariées licenciées.

Sans être sérieusement contestée par l’appelante, la Clinique Pasteur justifie également des recherches de reclassement entamées auprès des établissements hospitaliers de Rochefort, Saintes, Angoulême, de la PMI de Niort et du CPP de Royan, ainsi qu’avec le centre hospitalier de Saintonge, ayant abouti à la signature d’un contrat à durée déterminée puis contrat à durée indéterminée à moins que la salariée licenciée se soit orientée vers une activité libérale ou fait valoir ses droits à la retraite.

La cour a déjà discuté de l’offre de 'reprise’ formulée par la Polyclinique de Saint Georges et de l’absence d’ouverture d’activité maternité dans cet établissement, ce qui y rendait impossible tout reclassement, sans que le comportement fautif de la Clinique Pasteur soit retenu.

En conséquence la Clinique Pasteur a satisfait à son obligation de reclassement ce qui rend le licenciement bien fondé.

La cour confirme la décision déférée de ce chef.

Sur la demande indemnitaire :

Le licenciement étant bien fondé sur un motif économique et l’obligation de reclassement ayant été parfaitement et loyalement exécutée, la demande indemnitaire est mal fondée.

La cour confirme la décision déférée en ce qu’elle en a débouté Mme E .

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’appelante qui succombe est condamnée aux dépens.

Nonobstant l’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques ne commandent pas de faire droit à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme la décision déférée ;

Y ajoutant :

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne Mme E aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 3 octobre 2019, n° 18/00739