Cour d'appel de Poitiers, 4e chambre, 5 avril 2023, n° 21/03293

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 4e ch., 5 avr. 2023, n° 21/03293
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 21/03293
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Sabres, 9 juin 2021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 10 avril 2023
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Texte intégral

ARRET N°

N° RG 21/03293 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GNEI

[F]

C/

[R]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 05 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03293 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GNEI

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juin 2021 rendu par le Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE.

APPELANTE :

Madame [U] [W] [F]

née le 22 Août 1984 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Charlotte JOLY de la SCP BCJ BROSSIER – CARRE – JOLY, avocat au barreau de POITIERS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007400 du 08/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)

INTIME :

Monsieur [Y] [X] [L] [R]

né le 23 Mars 1986 aux [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Catherine MICHENAUD, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique NOLET, Président qui a présenté son rapport

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseiller

Madame Ghislaine BALZANO, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Elodie TISSERAUD

lors du prononcé : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 10/06/2021 le tribunal judiciaire des Sables d’Olonne a notamment :

— constaté l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre M. [R] et Mme [F],

— désigné Maître [G], notaire, pour procéder à ces opérations et le juge commis,

— constaté que l’actif indivis est constitué notamment :

* du solde du prix de vente : 108.828,65 euros,

* du mobilier : 13.461,85 euros,

— Dit que Mme [F] doit à l’indivision la somme de 15.000 euros, montant de l’acquisition en 2010 de ses portions indivises outre 2.130 euros au titre des frais notariés de vente, ces sommes étant portées à l’ actif de l’indivision,

— Dit que M. [R] est redevable à l’indivision de la somme de 8.075,65 euros correspondant à la somme versée pour solder son prêt CRCA et aux honoraires du géomètre,

— Dit que M. [R] est créancier de l’indivision d’une indemnité de 50.192 euros au titre de sa rémunération pour les travaux réalisés,

— Dit que devront figurer au compte d’ administration de M. [R] les sommes suivantes :

*taxe foncière 2015 : 784 euros,

* assurance maison 2015 : 232,29 euros,

— Dit que la demande d’indemnité d’occupation formulée par Mme [F] est recevable pour la période du 25 mai 2015 jusqu’à la date de la vente de la maison en janvier 2016,

— Dit que le notaire désigné procèdera à une estimation de la valeur locative du bien immobilier afin dé déterminer l’indemnité d’occupation et en cas de contestation des parties, rendra compte au juge commis dans les meilleurs délais pour la réalisation d’ une expertise,

— Dit que devra figurer au compte d’ administration de Mme [F] la somme de 1.290 euros concernant les travaux de finition du cellier,

— Débouté Mme [F] de sa demande de voir figurer à son compte d’administration les sommes de 2.377,48 euros et 6.700,18 euros,

— Débouté M. [R] de ses demandes de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros et 5000 euros,

— Débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 10.000 euros,

— Déclaré irrecevable la demande de Mme [F] de remboursement des frais de mariage d’un montant de 6.220,86 euros,

— Ordonné la transmission de la présente décision à Maître [G],

— Dit qu’à défaut d’acte de partage amiable, l’affaire sera rappelée sur rapport du juge commis en application des dispositions de l’article 1373 du Code de Procédure Civile,

Par déclaration du 23/11/2021 dont la régularité n’est pas contestée, Mme [F] relevait appel de cette décision. Elle demande à la cour de :

— Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation sur la base d’un actif de 122.245,50 euros

— Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que M. [R] est redevable envers l’indivision de la somme de 8.075,65 euros (solde prêt CRCA et honoraires du géomètre),

— Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Mme [F] est créancière de l’indivision à hauteur de 1.290 euros (travaux de finition du cellier),

— Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que M. [R] est débiteur d’une indemnité d’occupation,

Pour le surplus,

— Réformer le jugement,

— Rejeter l’intégralité des demandes de M. [R] et l’en débouter,

Statuant à nouveau,

— Désigner tel Notaire qu’il plaira à la cour d’appel aux fins de procéder aux opérations de liquidation,

— Dire que le Notaire désigné ne pourra pas être Me [G] tel que cela était prévu dans le jugement déféré,

— Dire que Mme [F] n’est pas redevable envers l’indivision de la somme de 15.000 euros au titre de l’acquisition outre 2.130 euros au titre des frais notariés,

— Débouter M. [R] de sa demande à ce titre,

— Débouter M. [R] de sa demande à se voir juger créancier de l’indivision à hauteur de 50.192 euros (rémunération de son intervention),

Statuant à nouveau,

— Dire qu’aucun indivisaire ne bénéficie de créance à l’égard de l’indivision au titre de sa participation à la construction de l’ouvrage commun,

A titre subsidiaire,

— Débouter M. [R] de sa demande à hauteur de 50.192 euros en l’absence d’une participation exclusive et personnelle de sa part et en présence d’un chiffrage incohérent,

A titre encore plus subsidiaire, si par impossible sa demande devait être sur le principe satisfaite, dire qu’elle ne pourrait excéder la somme de 10.000 euros,

En tout état de cause,

— Dire Mme [F] créancière de l’indivision à hauteur de 48.298 euros au titre de son investissement personnel dans l’ouvrage indivis,

— Débouter M. [R] de sa demande relative à la taxe foncière et à l’assurance habitation au titre de l’année 2015,

A titre subsidiaire,

— Dire sa créance limitée à la part de l’assurance portant sur la garantie couvrant uniquement l’habitation elle-même,

— Dire Mme [F] créancière de l’indivision à hauteur de 9.077,66 euros au titre des économies dont elle est à l’origine au bénéfice de l’indivision (carrelage et sanitaires),

— Dire M. [R] débiteur d’une indemnité d’occupation au bénéfice de l’indivision à hauteur de 8.100 euros et l’y condamner,

— Condamner M. [R] à verser à Mme [F] la somme de 16.220,86 euros à titre de dommages et intérêts,

— Dire que chaque partie conservera par devers elle les frais qu’elle a exposés,

— Condamner M. [R] aux dépens.

M. [R] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

— Ordonne l’ouverture des opérations de comptes et liquidation et partage des intérêts patrimoniaux et financiers de l’indivision conventionnelle de M. [Y] [R] et de Mme [U] [F],

— Commet tel juge qu’il plaira au tribunal à l’effet de surveiller les opérations auxquelles sera tenu de rendre compte le notaire liquidateur commis,

— Dit qu’il pourra être pourvu au remplacement des juges et notaire commis par simple ordonnance sur requête,

— Dit l’actif indivis se compose notamment :

* du solde du prix de vente consigné à savoir : 108.828,65 euros,

* du mobilier d’un montant de 13.416,85 euros,

— Dit que Mme [F] doit à l’indivision la somme de 15.000 euros montant de l’acquisition en 2010 de ses parts et portions indivises outre 2.130 euros au titre des frais notariés de vente. Dire que cette créance sera portée à l’actif de l’indivision,

— Dit que M. [R] est redevable à l’indivision d’une somme de 7.716,85 euros, somme ayant soldé son prêt in fine Crédit Mutuel. Dire que cette créance sera portée à l’actif de l’indivision,

— Dit que M. [R] est redevable à l’indivision d’une somme de 358,80 euros, montant des honoraires du géomètre expert pour la division de son terrain initial en deux lots. Dire que cette créance sera portée à l’actif de l’indivision,

— Dit que M. [Y] [R] est créancier de l’indivision d’une indemnité de 50.192 euros au titre de sa rémunération pour les travaux réalisés,

— Dit que devra figurer au compte d’administration de M. [Y] [R] :

* la taxe foncière 2015 : 784 euros,

* l’assurance maison de 2015 : 232,29 euros,

— Déboute Mme [F] de sa demande d’une somme au titre du carrelage de 2.377,48 euros, de sa demande de 6.700,18 euros au titre des sanitaires, WC, SDB, dressing,

— Déboute Mme [F] de sa demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice moral présentée au titre de la rupture de l’engagement matrimonial,

— Déclare irrecevable comme prescrite la demande de Mme [F] présentée au titre des frais de mariage.

Et Statuant à nouveau :

— Désigner le Président Départemental de Vendée avec faculté de délégation afin de procéder aux dites opérations de comptes liquidation et partage de l’indivision conventionnelle [R] / [F] ainsi que de leurs créances,

— Déclarer Mme [F] non fondée en sa demande d’indemnité d’occupation dirigée contre M. [R], l’en débouter,

Très subsidiairement, au regard de la prescription quinquennale de l’article 815-9 du Code Civil et de la signification des conclusions présentant la demande de Mme [F] en date du 25 mai 2020 le point de départ ne peut être qu’à compter du 25 mai 2015 jusqu’à janvier 2016 soit sur 7 mois,

— Débouter Mme [F] de sa demande tendant à voir fixer à la somme de 740 euros/mois l’indemnité d’occupation,

— Déclarer Mme [F] non fondée en sa demande d’une somme de 1.290 euros au titre du cellier, l’en débouter,

— Dire et juger que Mme [F] a sciemment diverti en novembre 2014 des biens mobiliers indivis se trouvant dans l’immeuble indivis [Adresse 2] et a rendu le bien inhabitable en enlevant la cuisine équipée et tous les radiateurs,

— Condamner en conséquence Mme [F] à régler à M. [R] en réparation du préjudice subi une indemnité de 10.000 euros,

— Condamner Mme [F] à régler à M. [R] une indemnité de 5.000 euros en réparation du préjudice moral pour résistance abusive,

— Déclarer prescrite au visa de l’article 2224 du Code Civil la demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice moral au titre de la rupture de l’engagement matrimonial présentée par Mme [F],

— Débouter comme non fondée Mme [F] en sa demande nouvelle en paiement au titre de sa participation aux travaux de construction d’une somme de 38.073 euros,

— Débouter Mme [F] comme étant prescrite au visa de l’article 2224 du Code Civil sa demande nouvelle en paiement d’une somme de 7.725 euros TTC au titre des travaux de nettoyage tant sur le chantier que dans leur ancien logement, subsidiairement, la déclarer non fondée,

— Débouter Mme [F] comme étant prescrite au visa de l’article 2224 du Code Civil sa demande nouvelle en paiement d’une somme de 2.500 euros TTC au titre des frais de nourriture et de produits ménagers, subsidiairement, la déclarer non fondée,

— Condamner Mme [F] au paiement d’une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

— La condamner aux dépens,

— Débouter Mme [F] de toute demande présentée à ce titre,

— La débouter de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

Vu les dernières conclusions de l’appelante en date du 6/02/2023 ;

Vu les dernières conclusions de l’intimé en date du 25/01/2023 ;

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8/02/2023.

SUR QUOI

Les parties ont été concubins pendant plusieurs années.

En 2010 ils ont fait l’acquisition pour moitié indivise d’un terrain sis à [Localité 7]) et y ont fait construire une maison d’habitation.

Le 16/10/2012 un enfant est né de leur union. Le couple s’est séparé en 2014.

Le 18/05/2016 la maison a été vendue au prix de 220.000 euros. Après remboursement des prêts une somme de 108.825 euros reste consignée chez le notaire. Les parties ne parvenant pas à s’entendre sur un partage amiable, M. [R] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire des Sables d’Olonne aux fins précitées.

SUR LA DÉSIGNATION DU NOTAIRE

Les deux parties s’accordent pour que le président de la chambre des notaires de Vendée soit désigné. Le jugement sera infirmé du chef de la désignation de Me [G].

SUR L’ACTIF INDIVIS

Les parties s’accordent sur :

— le solde du prix de vente : 108.828,65 euros,

— le mobilier : 13.416,85 euros,

— la créance de M. [R] envers l’indivision :

* le solde du prêt in fine : 7.716,85 euros,

* les frais de géomètre : 358,80 euros.

Elles ne s’accordent pas sur la créance de Mme [F] envers l’indivision.

Il est constant que M. [R] a fait l’acquisition en 2009 d’une parcelle de terre de 4.000 m² pour la somme de 20.000 euros en sa qualité d’agriculteur, le terrain jouxtant son exploitation devenant constructible de ce fait. Il a souscrit pour financer cet achat un prêt in fine de 22.700 euros en octobre 2009.

En février 2010 ce terrain a été scindé en deux lots et M. [R] a vendu la moitié de la parcelle à Mme [F] pour la somme de 15.000 euros.

Le 1/04/2010 le couple a souscrit trois emprunts de 142.700 euros.

Mme [F] n’a jamais réglé personnellement ni la somme de 15.000 euros ni les frais de vente de 2.130 euros. Il est constant que cette somme de 15.000 euros ne correspond pas à la valeur du lot qu’elle a acheté à M. [R]. Mme [F] explique que cette vente s’est faite à ce prix afin que l’emprunt souscrit par le couple finance l’acquisition.

Pour autant, Mme [F] reconnait n’avoir jamais acheté le terrain avec des fonds personnels, contrairement à M. [R] qui a souscrit un prêt personnel. Elle a accepté que l’acte notarié porte sur ce montant de 15.000 euros et son acquisition a été payée au moyen des prêts remboursés par le couple.

Par conséquent c’est à bon droit que le premier juge a considéré que Mme [F] était redevable envers l’indivision de la somme de 15.000 euros au titre de l’acquisition qu’elle a faite de la moitié de la parcelle et de 2.130 euros au titre des frais de l’acte.

La décision sera confirmée de ce chef.

Il sera donc ajouté à l’actif de l’indivision la créance de Mme [F] :

— créance Mme [F] envers l’indivision : 17.130 euros,

TOTAL : 147.451,15 euros

SUR LE PASSIF DE L’INDIVISION

Mme [F] conteste le principe même de l’existence d’une créance des indivisaires à ce titre au premier motif que chaque concubin est réputé fournir sa part en deniers ou en industrie, que les deux concubins ont participé à part égale et que cela ne peut donner lieu à créance.

Il convient sur ce point d’indiquer que la créance réclamée par M. [R] consiste en l’édification de la maison, et non pas en quelques travaux d’amélioration ou de conservation. Les prêts souscrits par les concubins ont uniquement servis à l’achat des matériaux. La maison a été construite par M. [R] selon ce qu’il indique, par les deux concubins selon ce qu’indique Mme [F]. La construction d’une maison ne peut être considérée comme une participation ordinaire aux dépenses du ménage et doit donner lui à rémunération.

En second lieu Mme [F] fait valoir que les deux indivisaires ont participé à proportion égale et que la rémunération ne peut donc pas donner lieu à créances.

La cour relève que chaque indivisaire ayant déployé une activité au bénéfice de l’indivision a droit à une rémunération. Encore faut-il qu’il fasse la preuve de cette activité et donne les éléments permettant de la quantifier. Il revient précisément à la cour de vérifier ces demandes.

Créance de M. [R] au titre de son industrie

Selon les dispositions de l’article 815-12 du code civil, selon lesquelles ''l’indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l’amiable ou, à défaut, par décision de justice.''

M. [R] indique, et justifie de ce qu’il a réalisé une grande partie de la construction de la maison. Il a fait appel au cabinet Arthex, cabinet d’experts agréés par le syndicat national des experts immobiliers qui a évalué et quantifié le travail.

Pour répondre à l’argumentation de Mme [F] selon laquelle des amis ont également participé à la construction, la cour relève que M. [R] ne s’en est pas caché. Comme cela se passe couramment lorsqu’un groupe d’amis ou de parents a des compétences en matière de travaux et du matériel professionnel, ils s’entraident et se rendent les heures passées dans les mêmes conditions. Les amis et membres de sa famille ayant aidé M. [R] ont fourni une attestation en ce sens à l’expert : M. [O] ( fondations et placo plâtre), M. [R] [X] son frère, M. [R] [B] ( son père, nettoyage du terrain, aide à la construction, aménagement du terrain), M. [D], M. [A] (prêt de matériel notamment d’échaffaudage). Ils certifient l’avoir aidé, comme lui-même les a aidés en retour lorsqu’ils ont construit ou aménagé leur maison.

Par conséquent, si les amis de M. [R] ont donné des heures de travail, il les a personnellement rendues, et c’est bien au bout du compte par son industrie que la maison a été construite.

En second lieu il est justifié que M. [R] a également utilisé le matériel de son entreprise agricole : pelleteuse, télescopique, camion…

En définitive le cabinet, au terme d’un rapport détaillé a estimé le nombre d’heures de travail fournies pour réaliser la maison à 1.376 heures, sur la base d’un coût horaire de 37 euros qui n’apparait pas excessif représentant une rémunération globale de 50.912 euros.

Mme [F] estime que M. [R] n’a pas pu consacrer tout ce temps à la construction car il a une activité professionnelle à plein temps.

La cour relève tout d’abord qu’il a été aidé d’amis et de parents, ensuite que M. [R] est exploitant agricole, il a du matériel et avait le temps, le soir, les week-ends pour travailler. En outre n’ayant pas de patron, il est maître de son emploi du temps.

Enfin Mme [F] fait valoir qu’elle-même et sa famille ont également participé à la construction et que ce travail doit être déduit des 1.376 heures décomptées à M. [R]. Elle l’avait affirmé en première instance et le premier juge l’avait invité à chiffrer sa créance, ce qu’elle fait en cause d’appel. Le temps passé par Mme [F] ne peut être déduit du temps passé par M. [R] qui a été arbitré par le cabinet d’expertise et qui ne représente pas un montant excessif dès lors que la maison a été vendue 220.000 euros en 2016, sur un terrain acheté 22.000 euros avec des achats de matériaux de construction financés par l’emprunt à hauteur de 120.000 euros.

La créance de M. [R] sur l’indivision au titre de son industrie a justement été fixée à 50.912 euros.

Créance de Mme [F] au titre de son industrie

* la participation aux travaux de construction

Mme [F] demande de ce chef la somme de 38.073 euros.

Mme [F] expose qu’elle a activement participé aux travaux de construction en plus d’assumer l’entretien courant du logement occupé le temps de cette réalisation.

Elle a aussi fait réaliser un rapport par le cabinet ABR Experts qui a chiffré le travail que Mme [F] lui a déclaré avoir réalisé sur la base de photographies démontrant sa présence sur le chantier et ce à hauteur de 38.073 euros.

Le fait que Mme [F] prenne des photos des fondations ne prouve pas qu’elle y a participé, le fait qu’elle pose le premier parpaing ne prouve pas qu’elle a posé les parpaings, le fait qu’elle pose avec le balai ne prouve pas qu’elle a coulé le béton, le fait qu’elle pose en doudoune et non pas en tenue de chantier sur l’arase du mur ne prouve pas qu’elle a posé l’arase.

A l’évidence, Mme [F] n’a pas effectué les travaux de construction.

En revanche, elle a participé au chantier en amenant à manger sur le chantier, en le nettoyant, et l’essentiel des attestations qu’elle a versées en première instance qui n’émanent que de membres de sa famille délimitent ainsi son rôle. C’est uniquement en cause d’appel qu’elle a demandé de nouvelles attestations aux mêmes témoins qui attestent cette fois sur le même modèle et de façon elliptique qu’ils l’ont vue travailler le soir et le week-end sur le chantier. Ces dernières attestations ne permettent toujours pas à Mme [F] de faire la preuve de son activité dans les travaux de construction.

En revanche, Mme [F] a assuré une contribution particulière et significative au chantier, précisément en permettant à l’équipe de travailler dans les meilleures conditions puisqu’elle nettoyait le chantier, assurait l’intendance mais aussi la logistique et ce travail spécifique, qui si elle ne l’avait pas fait aurait été facturé en heures de travail par M. [R], doit également recevoir rémunération à hauteur de 5.000 euros représentant 10% de l’industrie déployée par M. [R].

La créance de Mme [F] au titre de son industrie sera fixée au passif de l’indivision à hauteur de 5.000 euros.

* la somme de 7.725 euros et de 2.500 euros

Mme [F] demande en outre qu’il lui soit alloué la somme de 7.725 euros chiffrée par le cabinet ' atout ménage’ qui chiffre les heures de travail passées à faire les courses, préparer les repas, faire la vaisselle, ranger, nettoyer le chantier, l’ancien logement et enfin déménager la maison. La somme de 2.500 euros correspond au coût de la nourriture et des produits ménagers.

Les travaux, en ce qui concerne l’entretien de la maison d’habitation ou le logement, ne peuvent donner lieu à rémunération dès lors qu’il s’agit d’une participation ordinaire dans des taches domestiques qui ressortent du quotidien du concubinage auquel M. [R] participait, son investissement dans le déménagement étant bien entendu aussi important que celui de Mme [F] ainsi qu’il ressort d’ailleurs des photographies qu’elle produit. S’agissant de son travail spécifique sur le chantier de construction, il a donné lieu à rémunération à hauteur de 5.000 euros.

S’agissant des dépenses d’entretien il est rappelé que chaque concubin est réputé fournir sa part en deniers et que ces dépenses, comme leur nom l’indique à la participation aux dépenses du ménage, les deux concubins avaient une activité professionnelle et avaient donc des ressources financières qui étaient virées sur un compte joint destiné à assurer l’entretien du ménage.

Mme [F] sera également déboutée de ces chefs de demande.

SUR LE COMPTE D’ADMINISTRATION

Le compte d’ administration de M. [R]

M. [R] a réglé la taxe foncière et l’assurance de l’année 2015. C’est à tort que Mme [F] conteste la prise en compte de l’assurance qui est nécessaire à la conservation de l’immeuble, il s’agit d’un contrat ' assurance propriétaire non occupant’ donc l’intégralité est due.

La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a fait figurer au compte d’administration de M. [R] la somme de 784 euros d’une part et 232,29 euros d’autre part.

Le compte d’ administration de Mme [F]

Mme [F] réclame diverses sommes à ce titre.

* La somme de 2.377 euros

Mme [F] réclame tout d’abord la somme de 2.377 euros au titre de l’économie qu’elle a faite réaliser à l’indivision sur l’achat du carrelage.

Cette économie a bénéficié aux deux concubins, elle n’a rien coûté à Mme [F] et la dépense a été réglée au moyen du compte joint, Mme [F] sera déboutée de ce chef de demande.

* La somme de 6.700,18 euros

Mme [F] indique qu’elle a financé seule l’achat des sanitaires et de l’agencement intérieur pour ce montant. Elle produit pour en justifier :

— la facture émise par la SARL Cuisine dont le père de Mme [F] est le gérant,

— l’extrait du grand livre de la SARL Cuisine sur lequel apparaissent des règlements affectés à cette facture entre 2010 et 2012,

— des extraits du compte de Mme [F] sur lequel figurent entre 2010 et 2012 des retraits de carte bancaire correspondant aux règlements précités.

Ces retraits de carte bancaire ne peuvent pas prouver le paiement de la facture.

D’abord parce que les document produits apparaissent être un montage pour mettre chaque mois en adéquation le montant des liquidités sorties par Mme [F] et le prétendu paiement d’une facture émise deux ans plus tôt.

En second lieu, le couple a emménagé le 19/06/ 2010, selon les dires de Mme [F] lors de l’expertise de la société ' atout ménage'. La facture est datée du mois de septembre 2011. Les sanitaires comme les placards de toutes les chambres ont nécessairement été posés en 2010. Pourquoi la SARL Cuisine a-t-elle facturé ces meubles en septembre 2011 alors même que la pose de ces meubles a été facturée en avril 2010 par la société Hillairet, facture au nom de M. [R] qui est produite par Mme [F] elle-même.

Enfin et surtout les liquidités prélevées par Mme [F] l’ont été sur le compte joint du couple en sorte qu’elle ne fait pas la preuve d’avoir réglé ces dépenses avec des fonds propres en sorte qu’elle sera déboutée de ce chef de demande.

* La somme de 1.290 euros

Enfin Mme [F] demande que soit porté à son compte d’administration la somme de 1.290 euros correspondant aux travaux de finition du cellier.

Elle ne produit aucune facture à l’appui de cette prétention, mais un décompte accompagné de relevés de compte. Il en résulte que les paiements ont en effet été effectués par l’intermédiaire du compte joint. Mais Mme [F] produit des relevés de son compte personnel qui permettent de mettre en relation les virements faits de son compte personnel vers le compte joint, et le paiement des finitions du cellier.

La décision du premier juge de dire que devra figurer au compte d’administration de Mme [F] la somme de 1.290 euros concernant les travaux de finition du cellier sera confirmée.

SUR L’INDEMNITE D’OCCUPATION

Mme [F] demande la fixation d’une indemnité d’occupation à la charge de M. [R] pour son occupation privative de la maison du 25/05/2015 jusqu’à la vente de la maison le 18 mai 2016 sur la base d’une somme de 675 euros par mois.

Elle réfute avoir vandalisé la maison qui bénéficiait d’une cheminée, seul mode de chauffage utilisé par le couple pendant trois ans. Elle ne pouvait plus accéder au logement car l’accès par le garage a été déconnecté par M. [R] et elle n’avait pas la clé de la porte de service. M. [R] a en outre mis des verrous pour empêcher l’usage des serrures. Il ne lui a permis d’y pénétrer qu’en 2016 pour y faire le ménage avant la vente. Elle produit un état des lieux de la maison fait en janvier 2016 par une agence immobilière.

M. [R] s’oppose à cette demande. Il explique que le 8/11/2014 la maison a été totalement vidée par Mme [F] et ses parents. Ils ont enlevé tous les éléments permettant d’y vivre : cuisine intégrée, éléments de salle de bains, radiateurs, lavabo.

Il dit avoir trouvé refuge chez ses parents avant de partir vivre dans un camping. Il ajoute que Mme [F] a toujours conservé un trousseau de clefs.

* *

*

Il résulte des attestations circonstanciées de divers membres de la famille de Mme [F] et d’amis qu’elle a déménagé le 8/11/2014. Tous précisent avoir pris ses affaires, démonté les meubles, plaques, pouvant l’être la maison ayant été laissée propre, rangée et nettoyée, Mme [F] ayant pris le soin de 'passer la serpillère avant de partir'.

Cette date n’est pas contestée par M. [R] qui ne conteste pas la séparation du couple mais uniquement le fait qu’il ait eu l’usage privatif de la maison.

Ces attestations, ajoutées au constat des lieux établi en 2016 par l’agence immobilière 'Abris Immo’ démontrent que Mme [F] a laissé la maison dans un parfait état, que ce soit pour la vente ou la location.

Tous les témoins attestent de ce que la maison lorsqu’ils ont déménagé Mme [F] était occupée par M. [R].

Il ressort ensuite de l’attestation du père de Mme [F] que ' de novembre 2014 à janvier 2016 il s’est rendu de temps en temps avec sa fille à sa maison pour s’assurer qu’elle était bien entretenue.. J’ai pu constater qu’à chaque fois, il nous était impossible d’entrer : ni par la porte d’entrée, ni par la porte de service du garage pour laquelle la serrure avait été changée, ni par la porte électrique du garage. A priori elle avait été certainement déconnectée par [Y].

Lors d’une nos visites, en date du 24/03/2015 nous y avons trouvé [Y] en présence de son père et d’un autre homme et de son frère [X]. Après des discussions houleuses [Y] a enfin accepté qu’elle entre dans la maison, contrairement à moi. Elle m’a confirmé en sortant de la maison que M. [R] s’y était bien installé : jouets, meubles, literie s’y trouvaient.'

Ces éléments, particulièrement circonstanciés démontrent l’occupation privative de la maison indivise par le seul M. [R] qui en a interdit l’accès à Mme [F]. Peu importe ses dénégations sur son occupation ou non de la maison puisqu’il est fait la preuve de ce qu’il a empêché Mme [F] d’y pénétrer.

Au regard de la prescription quinquennale et du fait que les premières conclusions de Mme [F] demande la fixation d’une indemnité d’occupation remontent au 25/05/2020 c’est à bon droit que la période retenue pour l’indemnité d’occupation a commencé à courir le 20/05/2015.

Il ressort également de l’attestation du père de Mme [F] que c’est seulement jusqu’en janvier 2016 que Mme [F] a été interdite d’accès à la maison. C’est donc encore à juste titre que le premier juge a dit que l’indemnité d’occupation était due jusqu’au mois de janvier 2016.

Sa décision sera confirmée de ce chef.

S’agissant de la valeur de l’indemnité d’occupation, Mme [F] a pris pour base l’évaluation faite par l’agence Bossard Immobilier qui a retenu la somme de 900 euros, non pas en 2022 comme l’indique à tort M. [R] mais le 5/01/2015. Déduction faite de 25% pour occupation précaire elle chiffre l’indemnité d’occupation mensuelle à 675 euros.

M. [R] conteste ce montant mais ne produit aucun document contraire.

C’est donc à bon droit que le premier juge a chargé le notaire de l’estimation du bien.

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS

* Les demandes de M. [R]

M. [R] demande la condamnation de Mme [F] à lui payer la somme de 10.000 euros en raison de l’enlèvement par Mme [F] du mobilier indivis et des dégradations causées dans l’immeuble.

M. [R] a fait établir deux constats le 31 octobre et le 10 novembre 2014 après le déménagement de Mme [F].

Il ressort de l’examen comparatif des deux constats que Mme [F] a en effet emporté une partie du mobilier et des aménagements intérieurs de la maison, elle ne l’a pas ' vidé’ et le mobilier restant permettait parfaitement à M. [R] d’y vivre, sauf dans la cuisine puisque tous les éléments permettant de cuisiner avaient été enlevés.

Toutefois il est constant que ces éléments provenaient du magasin du père de Mme [F] et lui avaient été confiés. Le couple ne l’avait pas acheté, Mme [F] était donc libre d’en disposer à sa guise tout comme du mobilier des salles de bains. Par ailleurs, la résidence habituelle de l’enfant étant fixée chez elle il est naturel qu’elle ait récupéré la chambre de l’enfant.

Mme [F] a listé les achats communs et donc le mobilier commun, et les affaires personnelles qu’elle a récupéré. M. [R] n’a pas été spolié et chacun est resté en possession de mobiliers (à titre d’exemple M. [R] a conservé le lave-linge, sa chambre, le salon, la tondeuse, le barbecue…).

Enfin ainsi qu’il est justifié plus haut, à la fois par les attestations de Mme [F] et le constat d’huissier la maison n’a pas été vandalisée, M. [R] doit donc être débouté de ce premier chef de demande.

Il demande également la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé Mme [F] en bloquant tout processus de règlement du partage.

Tout comme le premier juge l’a fort justement indiqué ' M. [R] ne démontre pas qu’il a été plus constructif dans les échanges que Mme [F]'.

Il a interdit pendant plus d’un an à Mme [F] d’accéder à l’immeuble indivis, par conséquent la responsabilité du blocage de la communication entre les parties est partagée.

M. [R] sera débouté également de ce chef de demande.

* Les demandes de Mme [F]

Mme [F] réclame tout d’abord la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral en raison de la rupture amoureuse du couple le 18/05/2014 laquelle a mis un terme à son rêve de mariage commun avec ses deux soeurs.

Mme [F] fait valoir qu’elle est issue d’une famille de triplées et que les trois soeurs avaient toujours rêvé de se marier de façon simultanée. La cérémonie avait été organisée d’un commun accord entre les parties jusqu’à l’annonce par M. [R] de la rupture et le courrier adressé par les parents de M. [R] à ses propres parents le 21/05/2014 pour indiquer que le mariage étant rompu, ils ne participeraient à aucun des frais prévus pour cette cérémonie.

M. [R] soutient que cette demande indemnitaire est prescrite à juste titre. En effet la rupture du mariage a été annoncée en mai 2014 et l’assignation en partage de M. [R] est datée du 21/10/2019. La demande indemnitaire est une action personnelle qui se prescrit par cinq ans. La demande de Mme [F] est donc prescrite.

Mme [F] réclame ensuite le remboursement de la somme de 6.220 euros au titre des frais du mariage annulé.

Pour les mêmes raisons, cette demande est prescrite puisque l’annulation par les parents de M. [R] de leur participation, et donc de la connaissance par Mme [F] de leur position remonte au 21/05/2014. La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Surabondamment la cour relève qu’en aucun cas cette demande n’aurait pu prospérer puisque seuls les parents de Mme [F] qui ont payé les frais de mariage auraient pu la présenter.

Chaque partie succombe partiellement dans ses prétentions et conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Au fond,

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement déféré du chef de la désignation du notaire, de la créance en industrie de Mme [F] et des demandes de Mme [F] à titre de dommages-intérêts et pour les frais de mariage,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Désigne Monsieur le Président de la chambre départementale des notaires de la Vendée avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de liquidation et partage de l’indivision,

Dit que Mme [F] est créancière de l’indivision d’une somme de 5.000 euros au titre de sa rémunération, sur le fondement de l’article 815-12 du code civil, pour la construction de la maison,

Déclare prescrites la demande de dommages-intérêts et la demande de remboursement des frais de mariage de Mme [F],

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Dominique NOLET, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. NOLET

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Poitiers, 4e chambre, 5 avril 2023, n° 21/03293