Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 4 janvier 2010, n° 08/03061

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 4 janv. 2010, n° 08/03061
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 08/03061
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Troyes, 24 septembre 2008
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 04 janvier 2010

R.G : 08/03061

SOCIETE GABO

c/

SOCIETE INVICTA

YM

Formule exécutoire :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 04 JANVIER 2010

PARTIES EN CAUSE :

ENTRE :

SOCIETE GABO

Tarnow 33-100

XXX

POLOGNE

COMPARANT, concluant par la SCP SIX – GUILLAUME – SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP FOURNIER BADRE HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS, avocats au barreau de REIMS

DEFENDERESSE en première instance

DEMANDERESSE au contredit devant la Cour d’Appel de REIMS d’un jugement rendu le 11 septembre 2006 par le tribunal de commerce de SEDAN

DEMANDERESSE devant la Cour d’Appel de REIMS suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 09 juillet 2008

ET :

SA INVICTA

Le Faubourg

XXX

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT – JACQUEMET – CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP FAUCQUEZ – BOURGAIN, avocats au barreau de BOULOGNE SUR MER.

DEMANDERESSE en première instance

DEFENDERESSE au contredit devant la Cour d’Appel de REIMS d’un jugement rendu le 11 septembre 2006 par le tribunal de commerce de SEDAN

DEFENDERESSE devant la Cour d’Appel de REIMS suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 09 juillet 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame Anne HUSSENET, Conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposés. Ils en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre, entendu en son rapport

Madame HUSSENET, Conseiller

Madame LEGRAND, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Novembre 2009, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Janvier 2010,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2010 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La S.A. Invicta, qui a pour activité la fabrication et la vente d’appareils de chauffage, est en relation d’affaires avec la société de droit polonais Gabo depuis 1998.

Les parties ont régularisé un contrat à durée indéterminée le 12 février 2001 en vertu duquel la S.A. Invicta a accordé à la société Gabo l’exclusivité sur les territoires de la Pologne et de la Slovaquie pour la vente des appareils (foyers et inserts) de marques Invicta et Laudel dans le réseau des professionnels, à l’exclusion des grandes enseignes de distribution.

La société Gabo a reproché à la S.A. Invicta à partir de l’automne 2004 et de ne pas respecter la clause d’exclusivité et de développer un réseau de commercialisation parallèle, ainsi que de livrer les produits et les pièces de rechange avec retard et d’augmenter ses tarifs de manière immédiate et importante.

De son côté, la S.A. Invicta a reproché à la société Gabo de ne pas promouvoir ses produits sur la Pologne et la Slovaquie.

C’est dans ces conditions que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 février 2005, la S.A. Invicta a résilié le contrat du 12 février 2001 à effet au 1er mars 2006.

Par acte du 5 août 2005, la S.A. Invicta a fait assigner la société Gabo devant le Tribunal de commerce de Sedan afin de la voir condamner à lui payer des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant du défaut de promotion de ses produits et de la résiliation du contrat.

La société Gabo a soulevé in limine litis l’incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction polonaise.

Par jugement du 11 septembre 2006, le Tribunal de commerce de Sedan a :

— déclaré l’exception d’incompétence territoriale recevable, mais mal fondée ;

— retenu sa compétence et renvoyé l’affaire pour être plaidée au fond.

La société Gabo a formé un contredit contre ce jugement et, par arrêt du 26 mars 2007, la Cour d’appel de Reims a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et condamné la société Gabo au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens du contredit.

Sur le pourvoi de la société Gabo, la première chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 9 juillet 2008, cassé l’arrêt du 26 mars 2007 et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de Reims autrement composée.

La société Gabo a saisi la cour d’appel de renvoi le 20 novembre 2008.

Par dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2009, la société Gabo poursuit l’infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :

— se déclarer territorialement incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Tarnow (Pologne) ;

— condamner la S.A. Invicta au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2009, la S.A. Invicta poursuit la confirmation du jugement déféré, le débouté des prétentions contraires ou plus amples de la société Gabo et sa condamnation au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la première chambre civile de la Cour de cassation a soulevé d’office un moyen tiré de la violation de l’article 5 §1 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 et cassé l’arrêt du 26 mars 2007 au motif que, d’une part, selon ce texte, lorsqu’il ne s’agit ni d’un contrat de vente ni d’un contrat de fournitures de services, le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande, pour la détermination de la compétence juridictionnelle, doit être fixé conformément à la loi qui régit l’obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie et que, d’autre part, pour qualifier de contrat de vente le contrat-cadre du 12 février 2001 par lequel la société française Invicta, fabricant, accordait à la société polonaise Gabo, la distribution exclusive de ses produits sur les territoires de la Pologne et de la Slovaquie, la cour d’appel, en faisant application de la loi polonaise à laquelle se référait l’article 11 du contrat, a ainsi violé les dispositions sus-mentionnées alors qu’il lui appartenait de qualifier le contrat au regard du droit communautaire applicable ;

Attendu qu’en vertu de l’article 5 § 1 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, applicable aux actions judiciaires intentées après le 1er mars 2002, 'une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre :

a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

— pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

— pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas’ ;

Attendu que, pour pouvoir appliquer les règles sus-mentionnées, il convient, dans un premier temps, de déterminer la nature du contrat en cause, et ce, selon la loi du for par référence au droit communautaire en recherchant une notion uniforme autonome du contrat en cause ;

Attendu, tout d’abord, qu’il est constant et non contesté que, l’action portant sur l’exécution du contrat du 12 février 2001, le litige relève de la matière contractuelle au regard de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes ;

Attendu que les parties sont contraires sur la détermination de l’obligation qui sert de base à la demande, la S.A. Invicta soutenant que le contrat litigieux doit être qualifié de contrat de vente et la société Gabo de contrat de distribution ;

Attendu qu’en droit communautaire, il n’existe aucune définition autonome du contrat de vente ni du contrat de distribution de sorte que les règles de conflit de la juridiction saisie commandent l’application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, ratifiée le 14 avril 2005 par la République de Pologne et applicable aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur, soit après le 1er avril 1991 ;

Attendu qu’en vertu de l’article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; qu’en l’espèce, les dispositions de la loi polonaise ont été rendues applicables par l’article 10 – et non 11 – du contrat ;

Qu’il s’ensuit que l’application des dispositions communautaires conduit à qualifier juridiquement le contrat litigieux au regard de la loi polonaise ;

Attendu qu’en vertu du contrat du 12 février 2001, la S.A. Invicta, fabricant, accorde à la société Gabo, vendeur, l’exclusivité, sur les territoires de la Pologne et de la Slovaquie, de la vente et des services de garantie sur les appareils (foyers et inserts) des marques Invicta et Laudel dans le réseau des professionnels (artisans, cheministes, âtriers, installateurs), c’est-à-dire à l’exclusion des grandes enseignes de distribution (article 1.1) ; que la société Gabo s’engage à acheter les produits chez le fabricant et à assurer leur garantie, ainsi qu’à promouvoir lesdits produits (article 1.2) ; que la société Gabo peut concéder la vente des produits à d’autres entreprises polonaises (article 1.3) ; qu’en vertu de l’article 2, elle s’engage à vendre les produits visés par le contrat selon l’assortiment et les quantités fixés sur le bon de commande et à présenter ce bon au fabricant trente jours à l’avance ; que, de son côté, le fabricant s’engage à enregistrer les commandes du vendeur dans la limite de ses capacités (soit un camion par quinzaine) et, dans un délai de sept jours, à accuser réception et à confirmer les dates de livraison, ainsi qu’à réaliser les commandes à la date prévue au plus tard trente jours après l’enregistrement ; que l’article 2.3 impose au fabricant d’appliquer les prix départ usine et à communiquer au vendeur tout changement de prix par écrit six mois à l’avance ; qu’en vertu de l’article 3, les frais de livraison et de transport sont à la charge de la société Gabo ; que, par ailleurs, le fabricant s’oblige à collaborer avec cette dernière en matière de publicité en lui transmettant des catalogues, des photographies, des échantillons et des matériaux publicitaires (article 4) ; que l’article 5 contient une limitation de la responsabilité de la S.A. Invicta en matière de garantie des vices au seul remplacement des pièces défectueuses ; que l’article 6 impose à la société Gabo de récupérer la marchandise et fixe les modalités financières du contrat ; qu’en application de l’article 7, le fabricant doit munir la marchandise d’une plaque signalétique et d’une fiche technique avec le bulletin de garantie en polonais ; que le contrat est conclu pour une durée indéterminée (article 8.1), chaque partie pouvant le résilier avec un préavis de douze mois (article 8.2) ; qu’enfin, l’article 9 prévoit que toute modification du contrat doit se faire par écrit à peine de nullité et l’article 10 est libellé ainsi : 'pour les questions non réglées par le présent contrat, les dispositions de la loi polonaise sont seules applicables’ ;

Attendu qu’il ressort de la consultation rédigée par M. X Y et Mme Z A-B, juristes, et du certificat de coutume établi par Me Sylwia Piotrowska, avocat du cabinet Gide Loyrette Nouel, qu’en droit polonais le contrat de distribution, ou contrat d’intermédiaire autonome dans les échanges économiques, relève de la catégorie des contrats innommés et est caractérisé par les éléments suivants :

— obligation de revendre la marchandise (élément fondamental) : l’intermédiaire doit assurer la distribution des marchandises aux acheteurs sur le territoire visé dans le contrat ; l’obligation de vendre peut être expresse ou implicite ; l’intermédiaire doit être obligé de mener une action de distribution consistant à mettre à la disposition et à vendre des marchandises aux clients, et ce, en son nom et à son propre compte ;

— obligation de veiller aux intérêts du fournisseur laquelle résulte notamment des clauses suivantes : préparation du marché par l’éveil de l’intérêt des clients potentiels, publicité, participation à des foires, affichage des marques de fabrique, observation du marché… ;

— obligation de suivre les recommandations et les instructions du fournisseur (élément non essentiel du contrat) ;

— exclusivité attribuée sur un territoire déterminé (élément indispensable) ;

— caractère durable du contrat ;

Que dans son jugement du 14 janvier 1997, la Cour suprême de la République de Pologne a défini dans les termes suivants le contrat de distribution : 'Le distributeur est un entrepreneur indépendant qui se charge d’une vente constante des marchandises définies, le plus souvent de marque, provenant du fabricant défini, sur le marché défini. Ce type de contrat se caractérise par : continuité, obligations accessoires (promotion des marchandises, mise dans la chaîne de distribution, suivi des indices du fabricant, la loyauté réciproque), ainsi que caractère de cadre. Le distributeur agit à son propre nom dans le cadre de (la) vente, à son propre compte, mais aussi bien dans son intérêt que (dans) celui du fabricant. Ce type de contrat fait partie du contrat d’intermédiaire indépendant dans la circulation des biens et il faut bien le distinguer des contrats conclus entre les fabricants et les entreprises en gros, qui du point de vue économique sont intermédiaires dans l’échange commercial, mais pas de la même façon que 'dealer’ (intermédiaire) – leur objectif n’est pas d’apporter (des) profits au fabricant. Si le fabricant attribue le droit d’exclusivité dans le cadre de (la) vente au sujet donné, ce dernier, nommé distributeur, peut utiliser la détermination 'exclusif'.' ;

Attendu que la S.A. Invicta fait valoir que la majorité des dispositions du contrat ont trait à la vente des appareils de chauffage (articles 2, 3, 5, 6 et 7), l’article 1er instituant une obligation d’exclusivité de vente au profit de la société Gabo et une exclusivité d’achat au profit du fabricant ; qu’elle indique que la société Gabo était chargée de la promotion des appareils de chauffage sur les territoires concernés par l’exclusivité de vente concédée ; qu’elle soutient qu’en l’espèce, l’exclusivité réciproque concédée par les parties avait pour objet non pas d’assurer la promotion sur les territoires spécifiés, mais de garantir et protéger le rapport de vente existant entre les parties ; qu’elle fait également observer, d’une part, que le contrat ne prévoyait aucune clause d’objectif ni de rendement à la charge du distributeur, laquelle constitue la contrepartie naturelle de l’exclusivité dans les contrats de distribution et, d’autre part, qu’aucune restriction n’était imposée à la société Gabo concernant les méthodes de marketing ou les prix ; qu’elle rappelle que l’article 550 du code civil polonais connaît ce type de contrat de vente assorti d’une obligation accessoire d’exclusivité de vente et/ou d’achat ;

Mais attendu que le contrat cadre litigieux porte sur la vente de manière régulière par un entrepreneur indépendant de produits déterminés en provenance d’un producteur ; que si l’exclusivité attribuée sur un territoire déterminé ne constitue pas un élément déterminant pour différencier le contrat litigieux du contrat de vente assorti d’une obligation accessoire d’exclusivité, force est de constater que le contrat du 12 février 2001 répond à la définition que donne le droit polonais du contrat de distribution ;

Que le contrat présente tout d’abord un caractère permanent dès lors qu’il est conclu à durée indéterminée et ne peut être résilié qu’après un préavis de douze mois ;

Que la société Gabo, qui est expressément dénommée 'le vendeur’ et non 'l’acheteur', a souscrit auprès de la S.A. Invicta, en application de l’article 2, l’obligation de vendre les marchandises faisant l’objet du contrat et s’est vue accorder la possibilité de développer son propre réseau de distribution en Pologne 'afin d’augmenter la vente’ (article 1.3) ; que les parties ont donc entendu inclure dans le champ contractuel cette obligation, au demeurant dans la durée, afin de préserver les intérêts tant du fournisseur que du distributeur ; que le contrat doit donc apporter un bénéfice au fabricant en plus du seul produit de la vente des marchandises ; que, dans sa lettre de résiliation du 28 février 2005, la S.A. Invicta a reproché à la société Gabo de n’avoir effectué aucune vente en 2003 et 2004 pour les foyers et inserts de cheminées de la gamme Invicta ; qu’elle a précisé : 'Nous considérons donc que vous avez renoncé à distribuer ces produits’ ; qu’il ressort donc des termes clairs et précis de cette lettre que le fournisseur fait grief à son contractant de ne pas avoir respecté son obligation de vendre les produits de la gamme Invicta ; qu’il s’en déduit que cette obligation constituait un élément essentiel de l’engagement des parties ; que, dans sa lettre du 28 février 2005, la S.A. Invicta poursuivait : 'En ce qui concerne la marque Laudel, nous constatons que le volume d’achats en chute est devenu négligeable : 493 pour 2003, 392 pour 2004. Au regard des autres marques que vous distribuez, nous pensons qu’il est également inutile de poursuivre la distribution de ces produits. Toutefois, lors de votre visite du 23 février 2005, vous avez manifesté votre volonté de développer les produits Laudel ; nous vous prions de nous communiquer votre objectif quantitatif pour 2005" ; qu’il ressort de la lettre du 28 février 2005 que la S.A. Invicta n’a aucun doute sur la qualification juridique du contrat dans la mesure où elle utilise à deux reprises les mots 'distribuer’ et 'distribution’ ; que, par ailleurs, les termes mêmes de la lettre du 28 février 2005 contredisent les allégations de la S.A. Invicta selon laquelle les parties n’avaient prévu aucune clause d’objectif ; qu’en effet, si une telle stipulation ne figure pas dans le contrat du 12 février 2001, il convient de relever, d’une part, qu’elle n’est pas considérée par le droit polonais comme un élément essentiel du contrat de distribution et, d’autre part, que cette question, liée à l’obligation de vendre, n’est pas complètement exclue du champ contractuel dès lors que le fournisseur demande à son revendeur de lui communiquer son objectif quantitatif pour l’année 2005 ;

Que le contrat prévoit également à la charge de la société Gabo l’obligation d’assurer la garantie des produits vendus ; qu’il convient, à cet égard, de rappeler que la S.A. Invicta a entendu, aux termes de l’article 5 du contrat, limiter sa responsabilité en matière de garantie des vices au seul remplacement des pièces défectueuses ; que la société Gabo doit, par ailleurs, assurer la promotion des produits fabriqués par la S.A. Invicta ; que la société Gabo, qui doit conduire des actions publicitaires, se voit aider pour ce faire par le fabricant (article 4) ; que ces obligations participent de l’obligation plus générale de veiller aux intérêts du fournisseur, ce qui constitue un élément déterminant du contrat de distribution en droit polonais ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté la qualification de contrat de distribution au motif qu’il ne prévoit pas certaines obligations comme un volume de chiffre d’affaires, la fixation d’objectifs et de résultats, la participation à diverses manifestations, des directives en matières publicitaires ; qu’en effet, de tels critères ne sont pas déterminants pour la qualification du contrat en droit polonais ainsi que cela ressort tant du jugement rendu le 14 janvier 1997 par la Cour suprême de la République de Pologne que de la consultation produite par la société appelante ;

Attendu que pour déterminer la juridiction compétente, il convient de rechercher quel est le lieu d’exécution de l’obligation servant de base à la demande conformément à l’article 5 § 1 a) du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; que seules ces dispositions peuvent en effet trouver application dès lors que le contrat de distribution n’est ni un contrat de vente ni un contrat de fourniture de services ;

Attendu qu’en l’espèce, la S.A. Invicta fait grief à la société Gabo d’avoir manqué à son obligation de vendre les produits des marques Invicta et Laudel sur les marchés pour lesquels une exclusivité lui avait été concédée ; qu’il n’est pas contestable que cette obligation devait s’exécuter sur le territoire de la Pologne de sorte que les juridictions polonaises sont compétentes pour connaître de l’action introduite par la S.A. Invicta contre la société Gabo ;

Qu’en effet, contrairement à ce qu’elle soutient dans le cadre du contredit, la S.A. Invicta poursuit, aux termes de son assignation, la condamnation de la société Gabo à lui payer des dommages-intérêts en réparation 'du préjudice causé par l’absence de promotion des produits Invicta et Laudel’ et 'du préjudice subi du fait de la résolution du contrat’ ; que l’obligation qui sert de base à la demande est bien celle qu’avait souscrite la société Gabo d’assurer la promotion des produits Invicta et Laudel en Pologne et en Slovaquie en application de l’article 1.2 du contrat ; que cette obligation devait être exécutée dans ces deux pays, et notamment en Pologne, peu important à cet égard que la société Gabo devait récupérer les marchandises au siège de la S.A. Invicta ;

Attendu que la société Gabo ayant son siège dans le ressort du Tribunal de grande instance de Tarnow, c’est cette juridiction qui doit être désignée pour connaître du litige ;

Que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;

Attendu que la S.A. Invicta, qui succombe, sera condamnée aux dépens du contredit ;

Qu’aucune considération d’équité ne commande l’application aux parties des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que l’avoué de la société Gabo ne peut pas prétendre au droit de recouvrement direct prévu par l’article 699 du code de procédure civile dans une procédure de contredit pour laquelle son ministère n’est pas obligatoire ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement prononcé le 11 septembre 2006 par le Tribunal de commerce de Sedan et statuant à nouveau ;

Reçoit la société de droit polonais Gabo en son contredit et la dit bien fondée ;

Déclare le Tribunal de commerce de Sedan territorialement incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Tarnow (Pologne) ;

Rejette les demandes formées par les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A. Invicta aux entiers dépens du contredit et dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit que le présent arrêt sera notifié aux parties par les soins du greffier de la Cour par lettre recommandée avec demande d’avis de réception conformément aux dispositions de l’article 87 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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