Cour d'appel de Reims, 7 janvier 2015, n° 13/03400

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 7 janv. 2015, n° 13/03400
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 13/03400
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Troyes, 27 novembre 2013, N° F13/00314

Texte intégral

Arrêt n°

du 07/01/2015

Affaire n° : 13/03400

XXX

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 7 janvier 2015

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 28 novembre 2013 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section activités diverses (n° F 13/00314)

Madame Z A épouse Y

XXX

XXX

comparante en personne

INTIMÉE :

Association AADPSFP

XXX

XXX

représentée par la SELAS FIDAL, avocat au barreau de l’AUBE

DÉBATS :

A l’audience publique du 3 novembre 2014, où l’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2015, Madame Martine CONTÉ, conseiller rapporteur, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées, et en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Martine CONTÉ, Président

Madame Valérie AMAND, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Françoise CAMUS, Greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Martine CONTÉ, Président, et Madame Françoise CAMUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Madame Z Y, née le XXX, a été engagée en qualité d’animatrice de formation, par l’association AADPSFP selon deux contrats à durée déterminée à temps partiel du 5 octobre 2009 au 31 juillet 2010 puis du 5 août 2010 au 29 juillet 2011.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des organismes de formation.

Le 26 juillet 2013, Madame Y a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et temps plein ainsi que de condamnation de l’association AADPSFP, outre frais et dépens, à lui payer les sommes suivantes :

—  20.110,81 € à titre de rappel de salaire (différence entre salaire conventionnel minimal – qualification D2 – 220 et les salaires bruts versés),

—  2.011,08 € à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés (10 %),

—  3.352,10 € à titre d’indemnité de préavis (deux mois de salaire),

—  1.676,05 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (un mois de salaire),

—  20.112,59 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois de salaire),

—  1.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par jugement du 28 novembre 2013, le conseil de prud’hommes de Troyes a débouté Madame Y de l’ensemble de ses prétentions.

Le 30 décembre 2013, Madame Y a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties :

Pour un plus ample exposé, la cour se réfère expressément aux écritures remises :

— le 11 juillet 2014 par Madame Y,

— le 30 octobre 2014 par l’association AADPSFP,

et oralement soutenues à l’audience.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, Madame Y réitère ses prétentions initiales, tandis que l’intimée sollicite la confirmation de celui-là.

MOTIFS :

Attendu qu’ainsi que l’ont relevé les premiers juges, l’association AADPSFP exerce son activité dans le secteur de la formation où il est d’usage licite de pouvoir recourir à des embauches en contrat à durée déterminée, et du reste la CCN des organismes de formation confirme cette possibilité ;

Attendu que les deux contrats litigieux sont motivés par cette autorisation légale et conventionnelle ;

Qu’il n’en demeure pas moins que dans ce cas l’employeur supporte la charge de prouver concrètement et objectivement que les contrats considérés avaient pour objet de pourvoir un emploi par nature temporaire ;

Que ce n’est que par voie d’affirmations générales non étayées par les éléments du dossier que le conseil de prud’hommes a considéré que l’association AADPSFP administrait valablement cette preuve, ce dont Madame Y est fondée à leur faire grief ;

Attendu que l’association AADPSFP fait certes valoir – ce qui n’est pas contesté – qu’elle dispense des prestations de nature variée, telles que fixées par les conventions obtenues de donneurs d’ordres (pour l’essentiel la Région et Pôle Emploi) après des appels d’offres, à exécuter dans divers lieux, et pour des nombres de participants variables ;

Que les fiches d’activités de Madame Y font apparaître la durée et la nature de son intervention ;

Que cependant ainsi que le souligne l’appelante, cela ne suffit pas à faire ressortir que l’objet des contrats, comparée à l’ensemble de l’activité de l’entreprise – description exhaustive des missions sur la période d’embauche de Madame Y, durée de celles-ci, composition des équipes intervenantes avec la ventilation entre les salariés en CDI (et il est acquis aux débats que l’association en emploie) et en CDD – constituaient concrètement des tâches par nature temporaire ;

Que la pièce 3 de l’intimée qui ne contient que l’intitulé et le code des conventions, des durées globales et lieux, sans description de leur contenu comparé aux prestations confiées à Madame Y, se trouve dépourvue de valeur probante suffisante ;

Qu’il en est de même des listes d’émargements des stagiaires ;

Qu’au contraire de ce que sollicitait non sans pertinence Madame Y, la pièce 11 de l’intimée ne s’analyse pas comme étant le registre du personnel ;

Qu’il ne s’agit que d’une liste des salariés et des formations qu’ils ont accomplies avec les durées mais sans précision d’abord de leur domaine d’intervention – ce qui exclut de le comparer à celui dévolu à Madame Y – ni de la nature pour chacun de la relation contractuelle, à durée déterminée ou indéterminée ;

Attendu qu’il s’évince du tout, au contraire de l’opinion des premiers juges que la nature temporaire de l’emploi s’avère insuffisamment caractérisée, ce que confirme l’enchaînement dans le temps quasi-immédiat des deux contrats ;

Attendu que l’association AADPSFP argue aussi vainement de l’absence de protestations émises par la salariée pendant l’exécution des contrats et avant l’introduction de l’instance survenue deux ans après la fin du second contrat, alors qu’aucune prescription n’est opposée et que n’est pas constituée une volonté non équivoque de Madame Y de renoncer à ses droits ;

Attendu que consécutivement Madame Y doit prospérer – ce qui impose d’infirmer le jugement – en sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et par voie de dépendance nécessaire de constat d’une rupture sans cause réelle et sérieuse, celle-ci n’étant pas motivée autrement que par l’arrivée du terme du contrat et mise en 'uvre sans respect de la procédure légale ;

Attendu que Madame Y sollicite aussi la requalification du contrat de à temps partiel à temps complet, aux motifs qu’elle devait se tenir à disposition et partant se trouvait empêchée de prévoir ses horaires et d’exercer sa liberté de travailler pour un autre employeur ;

Attendu que le contrat de travail ne prévoyait que la fourniture par l’employeur d’un temps de travail de 20 heures sans prévoir, au contraire de ce qu’exige l’article L. 3123-14, la répartition de ces heures entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni viser le régime des heures complémentaires ;

Que Madame Y relève exactement cette carence, ainsi que la variation – à la hausse ou à la baisse – des heures prévues qui résultent de ses bulletins de paye ainsi que des relevés d’activité, qui du reste font ressortir le caractère habituel de cette pratique en prévoyant une option selon que les formations sont 'programmées’ ou 'rajoutées’ ;

Que par contre la cour n’est saisie que dans la limite des prétentions, et celle de Madame Y a seulement pour objet le calcul de la différence entre le salaire théorique à temps plein pour sa période d’embauche et celui qu’elle a effectivement reçu ;

Qu’en particulier si elle évoque le régime des heures complémentaires (limite du volume et ouverture du droit à majorations) elle n’émet pas de demande au titre notamment des majorations qui n’apparaissent certes pas sur ses bulletins de paye où elle a, comme en janvier 2011, exécuté 150,21 heures ;

Que son observation n’est qu’un moyen au soutien de la demande de requalification à temps plein ;

Attendu qu’il s’ensuit – là comme le soutient exactement l’intimée – que les défauts du contrat de travail ci-avant mis en exergue, crée au profit de la salariée une présomption simple de travail à temps complet que l’employeur peut combattre en prouvant qu’il a au minimum fourni la durée de travail contractuellement convenue – ce qui apparaît en l’espèce suffisamment des bulletins de paye – et que la salariée était néanmoins en mesure de prévoir le rythme même variable de travail et qu’elle n’était donc pas contrainte de se tenir en permanence à disposition ;

Que cette preuve peut être administrée par tous moyens ;

Attendu que l’association AADPSFP satisfait suffisamment à cette obligation probatoire en produisant les fiches quotidiennes d’activité de Madame Y qui comprennent la date d’intervention, son lieu, sa durée, son objet, complétées par l’attestation régulière et non arguée de faux de Madame X responsable emploi, dont il appert que les informations étaient communiquées à l’appelante de manière à lui permettre de respecter ses engagements envers son autre employeur la Maison de l’Enfance à WASCY – et Madame Y ne discute pas avoir exercé, ce qui était son droit, un autre emploi à temps partiel - ;

Que la possibilité de prévision de ses horaires et de leur répartition par Madame Y est ainsi suffisamment caractérisée ;

Attendu que ces motifs qui compléteront ceux des premiers juges, commandent de confirmer le rejet de la demande de salaires et congés payés de ce chef ;

Attendu que consécutivement l’appréciation des sommes revenant à Madame Y du fait de la rupture sans cause réelle et sérieuse d’un contrat de travail à durée indéterminée ne doit pas s’apprécier sur un salaire à temps complet de 1.676,05 € mais sur celui brut mensuel moyen perçu pendant la durée d’emploi soit au vu des bulletins de paye 914,27 € ;

Attendu qu’au titre du non-respect de la procédure, dont participe l’indemnité légale de requalification du CDD en CDI, l’association AADPSFP sera condamnée à payer la somme de 914,27 € ;

Qu’ayant plus de 6 mois mais moins de deux ans d’ancienneté, en vertu de l’article 1234-1 du code du travail, outre congés payés, ce n’est qu’à l’équivalent d’un mois de salaire (914,27 €) auquel peut prétendre Madame Y au titre du préavis ;

Qu’en considération de son âge, de son ancienneté, mais en l’absence de justification de sa situation professionnelle depuis la rupture, Madame Y sera remplie de son droit à réparation du préjudice consécutif à la rupture par la condamnation de l’intimée à lui payer la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que son nécessaire préjudice moral distinct sera entièrement réparé par une indemnité de 1.000 € ;

Attendu que sans astreinte, l’association AADPSFP devra remettre une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt ;

Attendu que le jugement sera aussi infirmé en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;

Que l’association AADPSFP qui succombe principalement sera condamnée aux dépens des deux instances ainsi qu’à payer à Madame Y la somme de 1.000 € pour frais irrépétibles d’appel, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant débouté Madame Z Y de sa demande de rappel de salaires pour contrat à temps complet ;

Confirme le jugement de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne l’association AADPSFP à payer à Madame Z Y les sommes suivantes :

— indemnité de procédure et de requalification des CDD en CDI 924,17 €

— préavis 924,17 €

et congés payés 92,41 €

— dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse 4.000,00 €

— dommages et intérêts pour préjudice moral distinct 1.000,00 €

— frais irrépétibles 1.000,00 € ;

Condamne l’association AADPSFP à remettre à Madame Z Y dans le mois de la notification de l’arrêt une attestation Pôle Emploi conforme à celui-ci ;

Condamne l’association AADPSFP aux dépens de première instance ainsi que d’appel et rejette sa demande de frais irrépétibles.

Le greffier, Le président,

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