Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 9 juin 2020, n° 19/00593

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 9 juin 2020, n° 19/00593
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/00593
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Reims, 17 janvier 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 09 juin 2020

R.G : N° RG 19/00593 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-EUOO

M’C

F

c/

X

L ÉPOUSE X

Formule exécutoire le :

à

 :

Me Daouda DIOP

la SELARL PELLETIER ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 09 JUIN 2020

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 18 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de REIMS

Monsieur J M’C

[…]

[…]

Représenté par Me Daouda DIOP, avocat au barreau de REIMS

Madame E F épouse M’C

[…]

[…]

Représentée par Me Daouda DIOP, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur G X

[…]

51420 WITRY-LES-REIMS

Représenté par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Madame K L épouse X

[…]

51420 WITRY-LES-REIMS

Représentée par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR:

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre,

Madame Catherine LEFORT, conseiller rédacteur

Monsieur Cédric LECLERC, conseiller,

GREFFIER :

Monsieur N O-P

ARRET SANS DEBATS ( application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 N° 304/2020 )

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 9 juin 2020 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur N O-P, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. J M’C et Mme E F épouse M’C sont propriétaires d’une maison d’habitation sise 33 avenue de Rethel à Witry-les-Reims (51), qui est contiguë à celle appartenant à M. G X et Mme K L épouse X, située au 31 de la même rue.

Les époux M’C ont entamé des travaux de surélévation de leur maison en ancrant des poutres dans le mur séparatif.

Se plaignant d’une atteinte à leur droit de propriété sur ce mur, M. et Mme X ont mis en demeure, puis sommé par acte d’huissier du 30 octobre 2014 leurs voisins de suspendre les travaux.

Puis ils ont fait assigner M. et Mme M’C devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims aux fins de suspension des travaux, constituant selon eux un trouble manifestement illicite, et de paiement d’une provision de 20.000 euros sur leur préjudice. Par ordonnance du 18 février 2015, le juge des référé a ordonné une expertise judiciaire et a rejeté leurs demandes de provision et de suspension des travaux.

L’expert, M. Z, qui s’est adjoint un sapiteur géomètre-expert, M. I A, a déposé son rapport le 3 août 2016, concluant que le mur séparatif était mitoyen, qu’il n’était pas atteint de désordres ou malfaçons et

que les travaux avaient été réalisés dans le respect des règles de l’art.

Par acte d’huissier en date du 20 décembre 2016, M. et Mme M’C ont fait assigner M. et Mme X devant le tribunal de grande instance de Reims en indemnisation de leurs préjudices à raison du caractère abusif de la procédure de référé.

Ils ont sollicité les sommes de 5.000 euros pour procédure abusive, 5.760 euros au titre des frais de justice, 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance, 750 euros au titre du préjudice financier et 7.500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.

Les défendeurs ont conclu au débouté estimant que la procédure qu’ils avaient intentée n’était pas abusive. A titre reconventionnel, ils ont sollicité la condamnation des époux M’C au paiement d’une somme de 8.261,04 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l’article 662 du code civil, ces derniers ayant surélevé leur construction sur le mur mitoyen sans leur consentement.

Par jugement en date du 18 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Reims a':

— condamné M. et Mme X à payer à M. et Mme M’C la somme de 1.500 euros pour procédure abusive et 1.500 euros au titre des frais de justice relatifs à la procédure de référé,

— débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

— condamné M. et Mme X au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec distraction,

— ordonné l’exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé que M. et Mme X avaient saisi le juge des référés de façon précipitée, avec une analyse factuelle insuffisante, sans vérifier la nature mitoyenne du mur litigieux de sorte que leur action était téméraire, prématurée et hasardeuse, qu’ils avaient fait état de désordres sans preuve, que leur argument relatif au non respect de l’article 662 était inopérant, l’expert ayant constaté que les travaux avaient été réalisés dans les règles de l’art, et que le fait d’avoir introduit une action hasardeuse sans vérifier la véracité de leurs allégations et du bien fondé de leurs prétentions constituait une légèreté blâmable dans la mise en oeuvre du droit d’ester en justice. En l’absence de justificatifs plus précis sur les préjudices, il a alloué une somme de 1.500 euros à M. et Mme M’C en raison du caractère abusif de la procédure mais a rejeté les demandes au titre du préjudice de jouissance et du préjudice financier en ce qu’elles n’étaient pas justifiées et a estimé que les demandes au titre du préjudice moral étaient redondantes avec la condamnation pour procédure abusive. Sur les demandes reconventionnelles de M. et Mme X, il a retenu que les époux M’C avaient certes omis de respecter les dispositions de l’article 662 du code civil mais que ce non respect n’avait pas de conséquences puisque les travaux respectaient les règles de l’art et n’entraînaient pas de conséquences dommageables pour le mur, de sorte que les préjudices allégués ne découlaient pas du non respect des dispositions de l’article 662 du code civil mais de l’abus dans la mise en oeuvre de leur droit d’ester en justice.

Par déclaration du 5 mars 2019, M. et Mme M’C ont fait appel sur le montant des indemnisations allouées.

Par conclusions n°2 du 29 octobre 2019, M. et Mme M’C demandent à la cour d’appel':

— confirmer le jugement sur la responsabilité des époux X,

— l’infirmer sur le montant des indemnités allouées,

— dire que la procédure des époux X dirigée contre eux est abusive,

En conséquence,

— dire et juger que la procédure engagée par les époux X leur a causé un incontestable préjudice,

— déclarer les époux X entièrement responsables de leur préjudice,

— condamner les époux X à leur payer les sommes suivantes':

5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

6.960 euros au titre des frais de justice,

6.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

7.500 euros à chacun en réparation de leur préjudice moral,

750 euros au titre du préjudice financier,

avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les époux X au titre des frais irrépétibles à hauteur de 1.500 euros,

Y ajoutant,

— condamner M. et Mme X à leur payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le tribunal de grande instance,

— condamner M. et Mme X au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d’appel, et en tous les dépens, avec distraction.

Ils approuvent la motivation du jugement sur le caractère abusif de la procédure de référé et la responsabilité des époux X. Sur leurs préjudices, ils estiment que la somme de 1.500 euros allouée au titre de la procédure abusive n’est pas satisfactoire au regard des deux années de procédure injustifiées, qu’ils justifient des frais de justice engagés à hauteur de 6.960 euros. Ils invoquent également un trouble de jouissance lié au retard des travaux pour les besoins de l’expertise pendant dix mois, soit 300 jours, évalué à 20 euros par jour. Concernant leur préjudice moral, ils énumèrent les tracas occasionnés par cette procédure et font valoir qu’ils ont eu à subir un conflit qu’ils avaient tout fait pour éviter, ce qui a eu un retentissement sur la santé de Mme M’C. Enfin, ils expliquent que leur préjudice financier correspond aux cinq demi-journées de travail qu’ils ont dû prendre pour assister aux audiences et aux opérations d’expertise.

Par conclusions récapitulatives en date du 6 avril 2020, M. et Mme X demandent à la cour d’appel de':

— infirmer le jugement sur les condamnations prononcées à leur encontre et en ce qu’il les a déboutés de leur demande reconventionnelle,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme M’C du surplus de leurs demandes,

— dire et juger que la procédure de référé qu’ils ont initiée n’est pas abusive,

— dire et juger qu’ils n’ont commis aucune légèreté blâmable dans la mise en oeuvre de leur droit d’ester en justice de nature à engager leur responsabilité,

— dire et juger que M. et Mme M’C ne rapportent pas la preuve de leurs prétentions,

En conséquence,

— débouter purement et simplement M. et Mme M’C de l’intégralité de leurs demandes,

Statuant de nouveau,

— dire et juger que le mur séparatif situé entre la maison d’habitation leur appartenant et celle appartenant à M. et Mme M’C est mitoyen, sans limitation de hauteur,

— dire et juger que M. et Mme M’C ont élevé leur construction contre le mur mitoyen sans avoir sollicité et obtenu préalablement leur consentement conformément aux dispositions de l’article 662 du code civil,

— dire et juger M. et Mme M’C entièrement responsables des préjudices qu’ils ont subis,

— condamner solidairement M. et Mme M’C à lui payer la somme de 8.261,04 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions de l’article 662 du code civil,

— condamner solidairement M. et Mme M’C au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction.

Ils font valoir en premier lieu qu’il n’y a d’abus qu’en cas de faute et qu’il ne peut y avoir d’abus si les demandeurs ont pu croire au bien fondé de leur action ou si la légitimité de l’action a été reconnue, même partiellement. Ils expliquent qu’en l’espèce, leur maison surplombant celle des époux M’C, ils pouvaient légitimement croire que le mur séparatif était leur propriété'; qu’ils se sont inquiétés lorsqu’ils ont vu des trous dans le mur de leur habitation'; que M. et Mme M’C ne se sont pas rapprochés d’eux, conformément à l’article 662 du code civil, avant d’entreprendre les travaux'; que leur mise en demeure est restée sans réponse, de même que la sommation'; que c’est dans ce contexte qu’ils ont fait délivrer l’assignation, pour protéger leur droit de propriété face au mutisme de leurs voisins'; qu’ils n’ont donc pas agi avec précipitation, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal'; que le juge des référés a fait droit à leur demande d’expertise, de sorte que leur action ne pouvait être considérée comme abusive'; que le tribunal ne pouvait leur reprocher de ne pas avoir vérifié la nature du mur alors que même l’expert, M. Z, pensait comme eux que le mur leur appartenait et n’a pu conclure que le mur était mitoyen qu’après l’intervention du géomètre expert'; que ce n’est pas parce que l’expert a conclu à la conformité des travaux qu’il y a abus de droit. En second lieu, ils soutiennent que les préjudices allégués par M. et Mme M’C ne sont pas justifiés. S’agissant des frais de justice, ils estiment ne pas être tenus pour responsables de ces frais engagés du fait de la faute que les époux M’C ont eux-mêmes commise en ne respectant pas l’article 662 du code civil, faisant valoir que ces derniers n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter une action en justice puisqu’ils n’ont pas cherché à recueillir leur consentement et qu’en cas de désaccord ils auraient dû recourir à un expert. Ils ajoutent que M. et Mme M’C ne produisent aucun élément permettant de chiffrer la demande. Ils considèrent que la demande au titre du préjudice de jouissance est mal fondée puisque le retard dans le démarrage des travaux est étranger au litige et que ces travaux n’ont duré que trois mois. Ils contestent le préjudice moral de leurs voisins qui n’ont pas pris soin de les aviser des travaux et ont attendu leur départ en vacances pour commencer les travaux. Enfin, ils estiment que le préjudice financier n’est justifié par aucune pièce et que les époux M’C n’auraient pas eu à se déplacer au tribunal s’ils avaient réalisé les démarches nécessaires avant la réalisation des travaux.

Sur leur appel incident, ils font valoir qu’il résulte des actes notariés et des constatations de M. A que le mur séparatif est mitoyen'; que M. et Mme M’C ont d’ailleurs toujours considéré que le mur était mitoyen'; que pour autant ces derniers n’ont pas respecté les dispositions de l’article 662 du code civil prescrivant de recueillir le consentement de l’autre propriétaire et n’ont pas répondu à leurs demandes, ce qui les a contraints à agir en justice'; que leur demande en paiement de divers frais (constat, sommation, expertises, assignation) pour un montant total de 5.261,04 euros est donc bien fondée. Ils ajoutent qu’ils ont également subi, du fait de cette procédure qu’ils ont été contraints d’initier, un préjudice moral évalué à 3.000 euros, Mme X souffrant d’un symptôme de stress traumatique.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2020. Les parties ont donné leur accord à l’application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère abusif de la procédure de référé et les demandes indemnitaires de M. et Mme M’C

L’exercice d’une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières permettant de caractériser une faute.

Celui qui pouvait légitimement croire au succès de ses prétentions ne commet pas de faute en exerçant une action en justice.

L’action ne peut être abusive lorsque sa légitimité a été reconnue par le juge en tout ou partie.

En l’espèce, il est constant que les maisons respectives des époux X et des époux M’C sont contiguës et que celle des premiers est plus haute que celle des seconds. Souhaitant surélever leur maison, M. et Mme M’C ont utilisé la partie du mur de la maison de leurs voisins qui surplombe la leur, et y ont fait ancrer des poutres en perçant ce mur. C’est ce qui a été constaté par procès-verbal de constat d’huissier en date du 24 octobre 2014 réalisé à la demande de M. et Mme X. Par courrier d’avocat du 28 octobre 2014, ces derniers ont mis en demeure leurs voisins d’arrêter les travaux, en ce qu’ils constituent une atteinte grave à leur propriété privée. Le 30 octobre 2014, ils leur ont fait délivrer une sommation de suspendre les travaux par acte d’huissier, et le 31 octobre 2014, ils leur ont fait signifier une assignation en référé aux fins de cessation des travaux et remise en état de leur mur, invoquant un trouble manifestement illicite, et d’indemnisation de leur préjudice pour atteinte à leur droit de propriété immobilière. Au cours de l’instance, ils ont ajouté une demande d’expertise. Par ordonnance du 18 février 2015, le juge des référés a constaté qu’il existait un litige entre les parties sur la question de savoir si le mur dans lequel avaient été ancrées les poutres était mitoyen ou appartenait aux époux X, de sorte que le trouble manifestement illicite n’était pas caractérisé et qu’il était nécessaire d’ordonner une expertise.

Dans la mesure où le juge des référés a ainsi fait droit à une des demandes des époux X, la procédure de référé ne saurait être considérée comme abusive, ni même d’ailleurs mal fondée en totalité. Il importe peu que cette demande d’expertise n’avait pas été formulée initialement. En tout état de cause, au vu de la configuration des lieux, il existait un doute objectivement légitime sur le caractère mitoyen ou non du mur litigieux de sorte que M. et Mme X pouvaient légitimement croire que le mur de leur maison surplombant la maison des époux M’C leur appartenait. D’ailleurs, ni le juge des référés ni l’expert, M. Z, n’ont estimé qu’il était évident que le mur était mitoyen. Il a fallu qu’un géomètre expert, M. A intervenant comme sapiteur, établisse, au vu notamment d’un acte notarié de 1922, que le mur était mitoyen. Dans ces conditions, l’action intentée en référé par les époux X pour faire cesser une atteinte à leur propriété privée, qu’ils pensaient légitimement réelle, ne saurait être abusive, ni même prématurée ou précipitée puisque si leur action avait été bien fondée, il n’était pas anormal d’agir si rapidement.

Il convient d’ajouter que les époux M’C apportent certes la preuve que M. et Mme X, contrairement à ce qu’ils soutenaient, avaient connaissance des travaux de surélévation de leur maison depuis l’été 2014, par la production d’attestations de nombreux voisins indiquant que le panneau d’affichage préalable aux travaux était apposé sur la maison des époux M’C et par une attestation du maire indiquant que M. X était venu à la mairie en août 2014 pour consulter le dossier du permis de construire. Toutefois, ils n’apportent pas la preuve que les époux X avaient connaissance de ce que des trous seraient percés dans ce que ces derniers pensaient être leur mur. En effet, le dossier du permis ne permet nullement de s’en rendre compte, du moins pour un profane en matière de construction. Les époux M’C, qui pensaient à juste titre que le mur était mitoyen, n’apportent pas non plus la preuve qu’ils ont recueilli le consentement de leurs voisins pour ancrer leurs poutres dans ce mur, conformément à l’article 662 du code civil. L’attestation de

Mme B, qui habite au […] (donc de l’autre côté de la maison des appelants et concernée également par les travaux), n’est à ce titre pas assez précise quant à la date de l’information donnée à M. X et quant au contenu de l’information relative aux travaux projetés et l’incidence sur les murs.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a jugé que l’action introduite par M. et Mme X devant le juge des référés était abusive et en ce qu’il les a condamnés à payer la somme de 1.500 euros à M. et Mme M’C.

Les demandes indemnitaires des appelants au titre de la procédure abusive et de leur préjudice moral résultant de la procédure de référé (qui correspondent d’ailleurs à un seul et même préjudice) doivent être rejetées puisqu’aucune faute ne peut être retenue contre M. et Mme X dans l’exercice de leur droit d’agir en justice. Il en est de même s’agissant du préjudice de jouissance, car il ne saurait être reproché à ces derniers d’avoir sollicité et obtenu une mesure d’expertise.

S’agissant de leur préjudice financier (absences au travail) et des frais de procédure (honoraires d’avocat), les demandes relèvent, non pas de l’article 32-1 du code de procédure civile mais de l’article 700 du même code. Le juge des référés avait, dans sa sagesse, rejeté les demandes des parties fondées sur l’article 700 et avait condamné chacune des parties à supporter la charge de ses dépens. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme M’C, ils n’ont pas tout fait pour éviter le litige puisqu’ils n’ont pas recueilli le consentement de leurs voisins sur les travaux, peu important que ces travaux aient finalement été réalisés conformément aux règles de l’art. Un dialogue avant le dépôt de la demande de permis de construire aurait permis d’aborder la question de la mitoyenneté du mur et d’expliquer que l’ancrage des poutres ne devait pas dépasser la moitié de l’épaisseur du mur, et dissiper ainsi, le cas échéant, tout malentendu. Dès lors, rien ne justifie en l’espèce de faire droit à leur demande au titre des frais exposés.

Il convient donc de débouter les époux M’C de l’ensemble de leurs demandes.

Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme X

L’article 662 du code civil dispose que l’un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre.

En l’espèce, M. et Mme M’C ont utilisé le mur de la maison des époux X, qui est mitoyen d’après l’expertise judiciaire, pour y appuyer le rehaussement de leur maison, et ce sans recueillir le consentement de leurs voisins.

Toutefois, s’ils avaient demandé l’accord de M et Mme X et si ces derniers s’étaient opposés aux travaux, les époux M’C auraient pu les effectuer quand même en faisant réaliser une expertise afin de s’assurer que la construction n’était pas nuisible aux droits de leurs voisins.

Or il résulte de l’expertise judiciaire, réalisée à la demande des époux X, que les travaux sont tout à fait conformes aux règles de l’art et ne nuisent pas aux droits de ces derniers puisque les poutres sont enfoncées sur la moitié environ de l’épaisseur du mur mitoyen par ancrage et sabot métallique. D’après l’expert, il n’existe aucune malfaçon ni aucun désordre sur le bâtiment de M. et Mme X. Les travaux n’ont donc nullement porté atteinte à la stabilité et à la solidité de leur maison ni à leur droit de propriété ou de jouissance. M. et Mme C apportent d’ailleurs la preuve, par un procès-verbal de constat d’huissier du 7 octobre 2014, que les fissures visibles sur la façade de l’habitation de leurs voisins existaient déjà avant les travaux.

Les époux X font valoir que du fait du non respect des dispositions de l’article 662 par les époux M’C, ils ont été contraints d’exposer les frais suivants':

—  282,13 euros au titre du procès-verbal de constat d’huissier du 24 octobre 2014,

—  75,65 euros au titre de la sommation par huissier du 30 octobre 2014,

—  3.665 euros au titre de l’expertise de M. Z,

—  1.125 euros au titre de l’intervention du géomètre expert,

—  113,26 euros au titre de l’assignation en référé,

soit un total de 5.261,04 euros.

Ils demandent donc la condamnation des époux M’C à leur payer cette somme, ainsi que la somme de 3.000 euros en réparation de leur préjudice moral en raison des nombreuses démarches épuisantes pour cette procédure, et de leur crainte quant à la solidité de leur maison pendant toute la procédure, Mme X suivant un traitement pour des symptômes de stress chronique depuis le début de la procédure.

Cependant, l’ensemble des préjudices allégués apparaissent plutôt liés à la procédure judiciaire qu’ils ont choisi de diligenter, étant rappelé qu’ils pensaient surtout que le mur litigieux n’était pas mitoyen et leur appartenait. Si M. et Mme M’C leur avaient demandé leur consentement, il n’est nullement certain que l’action en référé et l’expertise judiciaire auraient pu être évitées puisqu’ils étaient convaincus de leur bon droit quant à la propriété du mur.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme X de leurs demandes reconventionnelles.

Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient d’infirmer les dispositions du jugement qui condamnent M. et Mme X aux dépens et au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles.

Les époux M’C, qui succombent, doivent être condamnés solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement par l’avocat des intimés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité justifie en l’espèce de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme X et de condamner solidairement sur ce fondement les époux M’C à leur payer la somme de 3.000 euros pour leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant sans audience en application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-3034 du 25 mars 2020, par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 18 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Reims en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu’il a débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmés,

DEBOUTE M. J M’C et Mme E F épouse M’C de l’ensemble de leurs demandes,

CONDAMNE solidairement M. J M’C et Mme E F épouse M’C à payer à M. G X et Mme K L épouse X la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. J M’C et Mme E F épouse M’C aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Pelletier & Associés, avocats associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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