Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 14 septembre 2021, n° 19/01810

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 14 sept. 2021, n° 19/01810
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/01810
Sur renvoi de : Cour de cassation, 3 juillet 2019, N° P18-16.138
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

R.G : N° RG 19/01810 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-EXJH

ARRET N°21/468

du : 14 septembre 2021

CL

S.A. BNP PARIBAS

C/

A

copie exécutoire:

la SCP X.COLOMES S.COLOMES-K-ZANCHI

la SCP W-AA-AB-AC

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE 1re SECTION

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2021

RENVOI DE CASSATION

Arrêt cour de cassation en date du 4 Juillet 2019, enregistrée sous le n° P18-16.138

DEMANDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE

S.A. BNP PARIBAS

[…]

[…]

Représentée par Me Z COLOMES de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-K-ZANCHI, avocat au barreau de l’AUBE et ayant pour conseil Maître CHAMBREUIL avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE

Monsieur Q-R A

[…]

[…]

R e p r é s e n t é p a r M e A n n e – s o p h i e F A R I N E d e l a S C P W-AA-AB-AC, avocat au barreau de L’AUBE et ayant pour conseil Maître KUHN avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Maître V TULPIN-P Notaire

Représenté par Me RAFFIN avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître KUHN avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

GREFFIER :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 15 juin 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 septembre 2021,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2021 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH président de chambre et Monsieur I MUFFAT-GENDET, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE:

Selon acte notarié reçu le 24 avril 1992 par Monsieur Q-R A, notaire à Arcis sur Aube (le notaire), la Banque Nationale de Paris, devenue la société anonyme Bnp Paribas (la banque), a consenti une ouverture de crédit de 21.543.000 francs à Monsieur B X et à Madame T-Y U épouse X.

Au titre des garanties consenties à la banque dans cet acte, figuraient':

— le cautionnement hypothécaire de la société en nom collectif Dabiflor en premier rang à hauteur de 5 millions de francs';

— le cautionnement hypothécaire du Groupement Foncier Agricole de Sapincourt (le groupement) à hauteur de 14 millions de francs, soit 2.134.284,24 euros, portant sur plus de 730 ha de terrains, autorisé par une assemblée générale extraordinaire de ce dernier tenue en l’étude même du notaire, ce cautionnement étant placé en quatrième rang après le Crédit Agricole pour sûreté d’un prêt en principal de 7 millions de francs';

— le cautionnement hypothécaire du groupement foncier agricole de l’Île Saint-Georges à hauteur de 3 millions de francs, et ce en quatrième rang après le Crédit Agricole, bénéficiant d’une inscription pour sûreté d’une somme de 8,5 millions de francs';

— Les cautions personnelles de Mesdames D X et Y-N X, et de Messieurs E X, F X, G X, H X, I X, J X, K X, pour un montant global de 11 096 630 francs';

— les nantissements des parts détenues par les emprunteurs et les cautions au sein du Gfa de l’Île Saint-Georges, de la société Dabiflor, et du Gfa de Sapincourt.

Monsieur B X a été successivement déclaré en redressement judiciaire le 18 mars 1997, puis en liquidation judiciaire sur résolution de son plan de redressement le 9 juillet 2003.

La créance de la banque a été définitivement admise par arrêt de la cour d’appel de Reims du 5 mars 2002 pour 40.180.573,10 francs, soit 6.125.488,88 euros.

Une procédure en nullité de la décision de l’assemblée générale extraordinaire du groupement et par voie de conséquence du cautionnement, a été initiée par Messieurs Z et L X, associés du groupement.

Aux termes d’un arrêt définitif du 8 novembre 2010 de la cour d’appel de Reims, suite à la non admission par arrêt de la cour de cassation du 16 mai 2012 du pourvoi formé à son encontre, confirmant en cela un jugement du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne du 8 avril 2009':

— le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire a été annulé;

— l’engagement de caution hypothécaire du groupement a été annulé;

— la radiation de l’inscription hypothécaire a été ordonnée.

Le 24 janvier 2011, il a été procédé à la radiation de l’inscription prise sur les biens du Gfa de Sapincourt au profit de la banque, en garantie du prêt consenti à cette dernière aux époux X par acte notarié du 24 avril 1992.

Par acte d’huissier en date du 18 septembre 2013, la banque a fait assigner le notaire devant le tribunal de grande instance de Troyes, en responsabilité et en indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de garantie, estimant que celui-ci avait commis une faute à l’origine de l’annulation du cautionnement.

Par un jugement rendu le 31 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Troyes a:

— dit l’action de la banque irrecevable car prescrite,

— condamné la banque à payer au notaire, la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Le 1er décembre 2016, la banque a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire en date du 27 février 2018, la cour de céans a:

— infirmé le jugement rendu le 31 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de Troyes en toutes ses dispositions;

Et statuant à nouveau:

— déclaré le notaire responsable de l’annulation du cautionnement hypothécaire dont bénéficiait la banque en garantie de sa créance au titre du prêt consenti à Monsieur B X le 24 avril 1992;

— condamné le notaire à payer à la banque la somme de 3.532.090 euros en réparation du préjudice subi en raison de la perte de garantie;

— débouté le notaire de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances;

— condamné le notaire aux dépens des deux instances, avec distraction au profit du conseil de la banque, et à

payer à cette dernière la somme 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Le notaire à formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Par arrêt en date du 4 juillet 2019, la première chambre civile de la Cour de cassation a:

— cassé l’arrêt de la cour de céans du 27 février 2018, mais seulement en ce qu’il avait condamné le notaire à payer à la banque la somme de 3 532 090 euros en réparation du préjudice subi en raison de la perte de la garantie;

— renvoyé les parties devant la cour de céans, autrement composée.

Pour statuer comme elle l’a fait, la haute juridiction a retenu que:

«'Vu l’article 2425 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner le notaire à payer à la banque la somme de 3'532'090 euros, l’arrêt retient que l’hypothèque annulée n’était prise qu’en second rang mais que ce rang était utile puisque le GFA a engagé une action en responsabilité à l’encontre de la banque sur le fondement de ce cautionnement, ce qui démontre que la couverture financière était conséquente ;

qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la banque aurait pu être payée de la totalité de sa créance nonobstant l’inscription d’un créancier de premier rang, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé'».

Le 14 août 2019, la banque a saisi la cour de céans en tant que cour de renvoi après cassation.

Le 28 janvier 2020, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

Le 30 janvier 2020, la banque a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture, motif pris de la nécessité prétendue d’un appel en intervention forcée.

Elle a souligné qu’il y aurait lieu d’établir les circonstances dans lesquelles l’inscription prise le 30 juin 1989 au profit du Crédit Agricole de Champagne serait devenue sans cause au 30 mai 2011, date de la cession de ses biens par le groupement.

Le 6 février 2020, l’ordonnance de clôture du 28 janvier 2020 a été révoquée.

Par courrier en date du 27 août 2020, la banque a indiqué que l’acte par lequel le groupement a cédé ses biens:

— avait précisé que l’inscription prise le 7 août 1989 au profit du Crédit Agricole de Champagne, qui selon elle avait effet jusqu’au 30 juin 2011, serait devenue «sans cause» à la date de cession;

— avait été instrumenté par Madame V O-P, notaire à Romilly sur Seine.

Le 5 octobre 2020, la banque a assigné en intervention forcée Madame O-P, à sa personne, aux fins de la voir préciser la raison pour laquelle l’inscription hypothécaire conventionnelle au profit du Crédit Agricole de Champagne, et qui avait effet jusqu’au 30 juin 2011, était devenue sans objet à la date de l’acte de cession du 30 mai 2011 qu’elle avait instrumenté.

Le 18 mai 2021, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:

— le 26 mars 2021 par la banque, appelante,

— le 15 mars 2021 par le notaire, intimé;

— le 5 janvier 2021 par Madame O-P, intervenante forcée.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, et dans les limites de la cassation, la banque demande:

— la condamnation de Monsieur A à lui payer la somme de 3 053 096,47 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 18 septembre 2013, avec anatocisme;

— le débouté intégral des prétentions du notaire;

— la condamnation du notaire aux dépens des deux instances, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

A titre principal, le notaire demande le débouté intégral des prétentions de la banque.

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir une perte de chance de la banque, le notaire demande d’en faire une appréciation très modérée.

A titre encore plus subsidiaire, (dans l’hypothèse où le préjudice de la banque pourrait être évalué en fonction de la perte du bénéfice du cautionnement hypothécaire du groupement), le notaire demande de débouter la banque de toutes ses prétentions.

Dans tous les cas, le notaire demande la condamnation de la banque aux dépens des deux instances, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Madame O-P demande de lui donner acte de ce qu’elle n’est pas en mesure de répondre à la question posée par la banque dans son assignation en intervention forcée.

MOTIFS DE LA DECISION':

Selon l’article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres.

Selon l’article 624 du même code, la portée la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce; elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Selon l’article 631 du même code, devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure n’en atteinte par la cassation.

Selon l’article 638 du même code, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi, à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En ce qu’il a retenu que le notaire était responsable de l’annulation du cautionnement hypothécaire dont bénéficiait la banque en garantie de sa créance au titre du prêt consenti, l’arrêt de la cour de céans n’a pas été touché par la cassation.

Pour mémoire, il sera reproduit la motivation de l’arrêt sur ce point:

<

En vertu des dispositions de l’article 1382 du code civil, lorsque le notaire commet une faute dans ses fonctions d’officier ministériel, il engage sa responsabilité délictuelle.

Le notaire doit veiller à l’efficacité technique et pratique ainsi qu’à la sécurité des actes qu’il instrumente et prendre toutes les dispositions utiles pour assurer l’efficacité des actes qu’il rédige, notamment pour ce qui concerne la protection des parties à l’acte.

Il ne doit pas accepter d’authentifier une convention dont il connaît le risque d’annulation et doit s’abstenir de prêter son ministère pour conférer le caractère authentique à une convention dont il sait qu’elle méconnaît les droits d’un tiers.

La banque reproche au notaire, Maître Q-R A, d’être responsable de l’annulation de l’engagement de caution du GFA DE SAPINCOURT donné en fraude des droits des associés de ce GFA.

La faute du notaire a été mise en évidence par cette cour dans son arrêt du 8 novembre 2010, laquelle a retenu les motivations suivantes':

«'(') Attendu que la preuve de ce que l’engagement de caution du GFA DE SAPINCOURT n’a été souscrit qu’au seul bénéfice d’B X et de son épouse, qui se trouvaient en grande difficulté, et au mépris de l’objet social du groupement, résulte encore du courrier adressé le 2 mai 1992 par B X à son ami Maître Q-R A, notaire signataire des actes et ayant recueilli les signatures desdits associés ou de certains d’entre eux, rédigés en ces termes':

«'Mon cher Q-R,

Je tiens à t’exprimer notre immense gratitude, la mienne et celle de mes enfants.

Sans toi, nous n’aurions jamais obtenu ce prêt salvateur. Nous aurions été condamnés à abandonner dans de pires conditions, au moins la vallée de la Durance, en mettant le groupe X tout entier dans des difficultés inextricables.

Tu le sais mieux que moi '

Ton esprit de service et ton sens des autres, ton dynamisme, ton opiniâtreté ont été déterminants dans cette avancée que j’ose qualifier de victoire.

Sois sûr Q-R que jamais nous n’oublierons ce que nous te devons. Merci du fond du c’ur.

B'»

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’engagement de caution du GFA ne respectait pas l’objet social du groupement, mais que la réalité de sa teneur a en outre été dissimulée aux associés amenés à décider du cautionnement, à l’exception de Monsieur B X et de ses enfants, ayant un intérêt direct au succès de l’opération';

Que de plus fort la délibération litigieuse et le cautionnement lui-même doivent être annulés';

(') Attendu que Maître A objecte que le notaire n’est nullement intervenu dans l’organisation et la tenue de l’assemblée générale du 24 avril 1992, qu’il n’avait pas reçu mandat de convoquer les associés, et n’est pas responsable des éventuelles irrégularités commises à l’occasion de cette assemblée';

Mais attendu que Maître A ne peut sérieusement prétendre n’avoir pris aucune part à ce que l’on peut désormais qualifier de montage devant permettre le consentement ou l’apparence de consentement du GFA au cautionnement hypothécaire du prêt souscrit par les époux B X, alors même que la réunion de l’assemblée générale s’est tenue dans ses locaux, qu’il est le rédacteur tant du prêt que du cautionnement, et que sa participation active trouve une illustration dans l’attestation de Monsieur M X d’une part, et le courrier que lui a adressé B X en le remerciant, d’autre part';

Qu’il est notamment suffisamment démontré que le notaire a, à tout le moins, accepté de solliciter des associés ou de certains d’entre eux qu’ils se rendissent à son étude pour signer le procès-verbal d’assemblée générale hors toute réunion, ce dont il résulte qu’il ne peut prétendre avoir ignoré les conditions irrégulières dans les lesquelles le consentement a été recueilli, et le caractère erroné des mentions figurant audit procès-verbal, qu’il n’a pas craint pourtant d’annexer à l’acte de prêt (')'«';

Il est donc établi que Maître A a commis une faute ayant conduit à l’annulation du cautionnement hypothécaire du GFA DE SAPINCOURT>>.

Il conviendra également de rappeler les circonstances ci-dessous, constantes entre parties.

Par un arrêt définitif rendu le 5 mars 2002 par cette même cour, la créance déclarée de la banque à raison du prêt qu’elle avait consenti aux époux X a été définitivement admise à hauteur de la somme de 6.125.488,88 euros.

Par jugement du 9 juillet 2003, le redressement judiciaire de Monsieur B X a été converti en liquidation judiciaire.

Par courrier du 17 juillet 2014, Maître C, ès-qualités de liquidateur a déposé auprès du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne une requête aux fins de voir clôturer les opérations de liquidation judiciaire.

Il résulte de l’acte notarié de prêt du 24 avril 1992 que le cautionnement hypothécaire du Gfa de Sapincourt a été pris en second rang par la banque.

Sur la nature du dommage essuyé par la banque:

Constitue une perte de chance la perte certaine d’une éventualité favorable.

Il y aura lieu de rappeler que l’emprunt de 21.543.000 francs auquel la banque a consenti selon acte notarié du 24 avril 1992 était assorti des garanties suivantes':

— le cautionnement hypothécaire de la société en nom collectif Dabiflor en premier rang à hauteur de 5 millions de francs;

— le cautionnement hypothécaire du Groupement Foncier Agricole de Sapincourt (le groupement) à hauteur de 14 millions de francs, soit 2.134.284,24 euros, portant sur plus de 730 ha de terrains, autorisé par une assemblée générale extraordinaire de ce dernier tenue en l’étude même du notaire, ce cautionnement étant placé en quatrième rang après le Crédit Agricole pour sûreté d’un prêt en principal de 7 millions de francs;

— le cautionnement hypothécaire du groupement foncier agricole de l’Île Saint-Georges à hauteur de 3 millions de francs, et ce en quatrième rang après le Crédit Agricole, bénéficiant d’une inscription pour sûreté d’une somme de 8,5 millions de francs;

— Les cautions personnelles de Mesdames D X et Y-N X, et de Messieurs E X, F X, G X, H X, I X, J X, K X, pour un montant global de 11 096 630 francs;

— les nantissements des parts détenues par les emprunteurs et les cautions au sein du Gfa de l’Île Saint-Georges, de la société Dabiflor, et du Gfa de Sapincourt.

Il sera observé que le cautionnement consenti par le Gfa de Sapincourt couvre près des deux tiers du capital emprunté, tout en observant que celui-ci se situe après une garantie similaire consentie à un autre établissement bancaire en garantie d’un prêt de 7 millions de francs seulement, de telle sorte que nonobstant ce rang inférieur, la banque pouvait légitimement escompter qu’un part très importante du capital emprunté aurait pu ainsi être couvert par cette sûreté.

Cependant, cette sûreté doit être rapprochée des autres garanties alors souscrites.

S’il convient de remarquer la particulière assurance que confère pour un prêteur un cautionnement hypothécaire, il sera observé que':

— la sûreté ainsi consentie par la société Dabiflor, certes en premier rang, est plafonnée à 5 millions de francs';

— la sûreté ainsi consentie par le groupement foncier agricole de l’Île Saint-Georges, est plafonnée à 3 millions de francs, et prend rang après une garantie de même nature bénéficiant à un autre établissement bancaire en garantie d’un prêt de 8,5 millions d’euros.

Il conviendra d’observer que si les garanties offertes par les cautions personnelles présentent un plus haut degré d’incertitude, en l’espèce, celles-ci s’élèvent toutefois à 11 096 630 francs, soit à près de 51,5'% du capital emprunté.

Enfin, les emprunteurs et cautions ont consenti aux nantissement des parts sociales dont ils étaient détenteurs aux sein des 3 personnes morales ayant consenti des garanties hypothécaires.

Il convient donc de retenir du tout que la souscription irrégulière de la garantie consentie par la Gfa de Sapincourt, imputable à la faute du notaire, par sa nature et son étendue, a été susceptible de contribuer à dans une certaine mesure à déterminer la banque à consentir au prêt sollicité.

Cependant, eu égard à la consistance des autres garanties, il n’est pas établi avec suffisamment de certitude qu’en l’absence du cautionnement hypothécaire litigieux, la banque n’aurait pas cependant consenti au prêt.

Il conviendra de retenir du tout que la faute du notaire ayant conduit à la perte de la garantie hypothécaire a fait perdre à la banque 50'% de chance de ne pas accorder le prêt litigieux.

Sur le rang utile de la sûreté perdue par la faute du notaire':

Il résulte de l’acte notarié du 30 mai 2011, instrumenté par Madame O-P, que le Gfa de Sapincourt a vendu les biens immobiliers donnés en garantie hypothécaire de l’emprunt consenti 24 avril 1992 pour une valeur de 3 532 090 euros.

S’agissant de la situation hypothécaire, cet acte précise que le bien vendu était grevé d’une hypothèque conventionnelle au profit du Crédit Agricole prise le 7 août 1989, aux termes d’un acte notarié du 30 juin 1989, pour un montant en principal de 7 millions de francs, stipulé remboursable le 30 juin 2009 et ayant effet jusqu’au 30 juin 2011,

Cet acte précise que l’acquéreur dispense le vendeur de procéder à la mainlevée de ladite inscription, aujourd’hui devenue sans cause, en précisant que le créancier n’en a pas demandé le renouvellement.

Il résulte des mentions claires et non équivoque de cet acte qu’au jour où il a été passé, il a été constaté l’apurement de la créance du Crédit Agricole, garantie par l’inscription hypothécaire susdite, et qu’à cet égard, cette inscription jusqu’au 30 juin 2011 se trouve sans emport.

En outre, il sera relevé qu’aucun autre créancier que la banque ne venait en rang préférable,

Dès lors, il conviendra de retenir que nonobstant l’inscription de ce créancier de premier rang, la banque aurait pu être payée à due concurrence de la valeur des biens immobiliers qui lui étaient offerts en garantie.

Sur le caractère certain du dommage subi par la banque:

Le créancier, privé du bénéfice de sa sûreté par la faute d’un professionnel du droit, ne justifie pas d’un préjudice certain tant que subsiste un aléa quant à l’issue de la procédure de liquidation des biens de son débiteur, car la perte définitive de la créance n’est pas établie en ce cas (Cass, 1re civ, 28 janvier 1992, n°90-16.200, Bull, I n°128).

Pour caractériser la certitude du préjudice résultant de la faute d’un notaire ayant entraîné la perte ou l’inefficacité d’une sûreté, il y a lieu de rechercher si la mise en 'uvre des autres sûretés demeurées valables n’aurait pas permis d’apurer, au moins partiellement, la dette restée à charge de la victime (Cass, 1re civ, 7 novembre 2000, n°98-13,432, Bull, I, n°277).

La banque soutient que la liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre des consorts X, cautions personnelles et solidaires, et a été étendue à la société Dabiflor et au Gfa de l’Île Saint Georges.

Elle rappelle que selon arrêt irrévocable de la cour de céans du 5 mars 2002, sa créance au titre du prêt litigieux a été définitivement admise à hauteur de 40 180 573,10 francs, soit 6 125 488,88 euros.

Elle avance avoir perçu, dans le cadre des répartitions intervenus dans la procédure collective des consorts X, au titre de ses autres garanties, un total de 1 272 475,85 euros.

Elle en déduit que sa créance demeure impayée à hauteur de 4 853 013,33 euros, ce qui constituerait le montant de son préjudice.

La banque fait valoir qu’en vertu de l’inscription d’hypothèque radiée par la faute du notaire, sur le principal de sa créance (14 000 000 millions de francs, soit 2 14 286,24 euros) outre intérêts au taux postérieur de 9,35% à compter du 9 juillet 2003, date de liquidation judiciaire de Monsieur B X, jusqu’au 8 novembre 2010, date de l’arrêt de la cour d’appel de Reims, ordonnant la radiation de l’inscription hypothécaire,, les intérêts conventionnels s’établissent à 1 454 137,88 euros.

Elle observe en outre que les accessoires de sa créance étaient évalués à 320 142,94 euros.

Elle remarque qu’en vertu de l’article 2432 du code civil, selon lequel le créancier hypothécaire inscrit pour un capital produisant intérêts et arrérages a le droit d’être colloqué pour 3 années seulement, au même rang que le principal, elle ne peut prétendre qu’à 320 142,94 euros d’intérêts conventionnels (2 132 286,24 x 9,35% x 3 ans).

Elle réclame ainsi un total de 3 053 096,47 euros (2 131 286,24 + 320 142,94 + 598 667,29 euros).

L’établissement de crédit produit des courriers émanant de Monsieur C, mandataire, s’étendant de janvier 2014 à juin 2015 lui transmettant des règlements issus des liquidations de:

la société en nom collectif Dabiflor,

Monsieur E X;

Monsieur F X;

Monsieur K X;

Monsieur B X;

Monsieur H X;

Monsieur G X,

pour un total de 362 153,93 euros.

La banque a ainsi justifié de la liquidation judiciaire de la personne morale et des personnes physiques susmentionnée.

Il sera observé que la banque n’a produit, s’agissant des personnes physiques et morales mentionnées plus haut, aucun certificat d’irrecouvrabilité de sa créance. Elle n’a pas plus produit d’élément attestant de la clôture de leurs liquidations judiciaires respectives pour insuffisance d’actif, de telle sorte qu’il ne peut pas être exclu qu’elle aurait continué à percevoir des sommes issues des répartitions et dividendes des procédures collectives de chacun.

S’agissant de Monsieur B X, débiteur principal, la banque produit un courrier de son mandataire liquidateur du 17 juillet 2014 l’informant:

— de ce qu’aucune valeur mobilière n’était à réaliser, et ce que les fonds en sa possession provenait de la vente d’un immeuble, de telle sorte que la créance de la banque serait réglée au prorata au même titre que les autres créanciers chirographaires';

— qu’il comptait déposer auprès du tribunal compétente une requête aux fins de voir clôturer les opérations de la liquidation judiciaire touchant Monsieur B X.

Cependant, la banque n’a en rien démontré l’effectivité de la clôture de liquidation judiciaire touchant Monsieur B X, ni que la réalisation de ses actifs était définitivement terminée.

De plus, la banque n’a apporté aucun élément s’agissant de la situation de Madame T-Y U épouse X, co-emprunteuse, notamment sur le point de savoir si celle-ci aurait ou non fait l’objet d’une procédure collective, ni sur l’impossibilité de recouvrer sa créance sur les biens de celle-ci.

Ainsi, la banque, n’a pas suffisamment démontré la perte définitive de sa créance auprès des époux X, débiteurs principaux.

Au surplus, il conviendra d’observer la notable ancienneté des procédures collectives touchant les intéressés susmentionnés, sans aucune précision sur leur actualisation et éventuelle clôture.

Dès lors, la banque n’a pas suffisamment justifié de l’impossibilité irrémédiablement compromise d’obtenir, dans la cadre de la liquidation judiciaire de chacun de ces garant et cautions, le paiement de tout ou partie de sa créance, dans la limite des plafonds garantis par chacun.

En outre, il ne peut pas être exclu que le débiteur principal, les garants et cautions susmentionnés soient redevenus in bonis, ce qui permettrait à la banque de continuer à rechercher directement auprès de ceux-ci les sommes qu’elle avait déclarées dans le cadre de leurs procédures collectives respectives.

Si une somme de 53 098,76 euros lui a été allouée par le liquidateur de la société Dabiflor au titre de sa créance hypothécaire, la banque n’a pas montré toute impossibilité d’en percevoir le surplus.

En conséquence, la banque n’a pas démontré l’impossibilité de recouvrir toute somme sur la société Dabiflor, nonobstant sa liquidation judiciaire, alors que celle-ci avait consenti un cautionnement hypothécaire de premier rang à hauteur de 5 millions de francs, soit 763 358,78 euros.

La banque n’a pas démontré l’impossibilité de recouvrir toute somme sur les 5 cautions personnes physiques plus haut citées, nonobstant leurs liquidation judiciaire, alors que ceux-ci avaient consenti un cautionnement hypothécaire de premier rang à hauteur de 6 754 350 francs, soit 1 031 198,47 euros.

La banque, n’a produit aucun élément relatif à une quelconque procédure collective touchant Mesdames D X et Y-N X, et Messieurs I X et J X.

Au termes de l’acte de prêt, ces 4 personnes s’étaient portées caution comme suit:

— Madame D X, à hauteur de 808 670 francs;

— Monsieur I X, à hauteur de 1 398 470 francs;

— Madame Y-N X, à hauteur de 706 470 francs;

— Monsieur J X, à hauteur de 1 428 670 francs.

La banque n’a justifié ni de l’engagement de poursuites quelconques à l’encontre de ces 4 cautions, ni, en leur absence, de l’impossibilité de recouvrir auprès d’elle les sommes qu’elles avaient ainsi garanties.

La banque échoue ainsi à démontrer la certitude de son préjudice, dans la limite des montants garantis par ces quatre cautions, soit 4 342 280 francs, ou encore 662 943,51 euros.

La banque n’a produit aucun élément établissant tant la liquidation judiciaire du Gfa de l’Île Saint Georges, que, le cas échéant, l’impossibilité de recouvrir auprès de cette personne morale les sommes qu’elle s’était engagée à garantir par cautionnement hypothécaire.

Il sera en particulier observé que le notaire se borne à soutenir que la liquidation judiciaire aurait été étendue non pas au Gfa de l’Île Saint-Georges, mais à la société civile d’exploitation agricole Saint-Georges; or cette dernière est une personne morale distincte de la précédente.

La banque échoue ainsi à démontrer la certitude de son préjudice, dans la limite des montants garantis par le Gfa de l’Île Saint George, par cautionnement hypothécaire, dans un plafond de 3 millions de francs, ou encore 458 015,27 euros.

S’agissant des nantissements, s’il peut être admis l’absence de tout valeur des parts sociales de la société en nom collectif Dabiflor, placée en liquidation judiciaire, il n’en va pas de même à l’encontre de la valeur des parts tant du Gfa de l’Île Saint Georges que celles du Gfa de Sapincourt':

il sera observé que dans l’acte de prêt du 24 avril 1992, les capitaux sociaux de ces deux personnes morales sont respectivement évalués à':

—  616 000 francs (soit 94 045,80 euros) pour le Gfa de l’Île Saint-Georges;

—  12 716 000 francs (soit 194 137,40 euros) pour le Gfa de Sapincourt.

Il n’a été apporté aucune estimation sur la valeur des parts sociales de ces deux groupements, au moment où la banque recherchait le recouvrement de sa créance.

La banque ne démontre pas avoir actionné les nantissements des parts sociales de ces deux groupements, dont elle n’a pas justifié du placement en procédure collective.

Le total des montant garantis par les cautionnements et sûretés, susdits dont la banque n’a pas démontré l’inefficacité, dépasse sa prétention indemnitaire de 3 053 096,47 euros, sans que par ailleurs la banque ne

s’explique suffisamment sur l’impossibilité définitive de recouvrer tout ou partie de sa créance directement auprès des débiteurs principaux.

En conclusion, la banque n’a pas suffisamment justifié avoir perdu toute chance de recouvrer, en tout ou en partie, le règlement de sa créance auprès des débiteurs principaux, ou par le biais des autres sûretés instrumentées par le notaire.

La banque n’a donc pas fait la preuve de la certitude de son préjudice au jour où la cour statue.

Il conviendra donc de débouter la banque de sa demande.

Sur les autres demandes':

L’arrêt de la cour de céans du 27 février 2018 a déjà statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

Il n’a pas fait l’objet de la cassation de ces chefs, exclus dès lors de la saisine de la juridiction de renvoi.

Si les parties ont formé des demandes au titre des dépens et frais irrépétibles, il conviendra de préciser que les prétentions de ces chefs ne peuvent donc s’attacher qu’à l’instance de renvoi après cassation.

Il conviendra donc de déclarer irrecevable les prétentions des parties au titre des dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel résultant de l’arrêt de la cour de céans du 27 février 2018.

La banque sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel afférents à la seule instance de renvoi après cassation, et sera condamnée à payer au notaire la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel afférents à la seule instance de renvoi après cassation.

La banque sera condamné aux dépens d’appel de l’instance de renvoi après cassation, avec distraction au profit du conseil du notaire.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi';

Déclare irrecevable les prétentions des parties relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, et d’appel attachées à l’arrêt de la cour de céans du 27 février 2018;

Déboute la société anonyme Bnp Paribas de toutes ses demandes;

Déboute la société anonyme Bnp Paribas de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel de l’instance de renvoi après cassation;

Condamne la société anonyme Bnp Paribas à payer à Monsieur Q-R A la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel de l’instance de renvoi après cassation;

Condamne la société anonyme Bnp Paribas aux entiers dépens d’appel de l’instance de renvoi après cassation, et ce avec distraction au profit de la Scp W AA AB AC, conseil de Monsieur Q-R A, de ceux de ces dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 14 septembre 2021, n° 19/01810