Cour d'appel de Rennes, Deuxième chambre comm., 21 septembre 2010, n° 09/03357

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, deuxième ch. comm., 21 sept. 2010, n° 09/03357
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 09/03357
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rennes, 27 avril 2009
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT N°279

R.G : 09/03357

Société MTI GRAND OUEST SARL

M. D X

C/

XXX

Société FRANCE CULINAIRE DEVELOPPEMENT (anciennement dénommée LABORATOIRES LACTAVIA)

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,

Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame F G, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Juin 2010

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 21 Septembre 2010, date indiquée à l’issue des débats.

****

APPELANTS :

Société MTI GRAND OUEST SARL

XXX

XXX

représenté par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assisté de Me Benoit GICQUEL, avocat

Monsieur D X

XXX

XXX

représenté par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assisté de Me Benoit GICQUEL, avocat

INTIMÉS :

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de Me Bertrand ERMENEUX, avocat

Société FRANCE CULINAIRE DEVELOPPEMENT (anciennement dénommée LABORATOIRES LACTAVIA)

XXX

ZA

XXX

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de Me Bertrand ERMENEUX, avocat

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon protocole de cession de contrôle du 3 décembre 2005, les époux X ont cédé à la société B C finances (la société B2F) l’intégralité des parts sociales de la société Laboratoires Lactavia qui produit des adjuvants et additifs destinés à l’industrie agro-alimentaire, étant précisé que D X, ancien dirigeant social de la société cédée, s’est engagé dans cet acte à ne pas concurrencer cette dernière pendant 5 ans.

Corrélativement monsieur X, agissant pour le compte d’une société en formation, a conclu avec la société Laboratoires Lactavia un contrat de prestation de services de 6 mois aux termes duquel monsieur X s’engageait à nouveau à ne pas concurrencer sa cocontractante pendant la durée du contrat ainsi qu’à ne pas divulguer ses secrets de fabrication durant 20 ans.

Prétendant que monsieur X, qui a créé une société Management transmission investissements Grand ouest (la société MTI) exerçant une activité de conseil dans le secteur agro-alimentaire, violait ces clauses de non concurrence et de confidentialité en favorisant, au travers de l’activité de sa nouvelle société, des entreprises concurrentes, la société France culinaire développement (la société FCD) venue aux droits de la société Laboratoire Lactavia, a, par acte du 25 septembre 2008, assigné monsieur X et la société MTI devant le tribunal de commerce de Rennes, la société B2F étant intervenue volontairement à la cause.

Par jugement du 28 avril 2009, les premiers juges ont statué en ces termes :

'Interdit à monsieur D X et la société MTI de continuer leur activité déloyale et de s’intéresser à toute activité susceptible dc concurrencer la société FCD, et ce jusqu’au 31 décembre 2010, interdiction assortie d’une astreinte définitive de 10.000 euros par infraction constatée, astreinte qui courra dans les 48 heures de la signification du jugement intervenu, le tribunal déboutant la société FCD et le société B2F du surplus de leur demande ;

Condamne solidairement monsieur D X et la société MTI à payer à la société FCD et à la société B2F la somme de 331.243 euros au titre du préjudice subI par la concurrence déloyale exercée et déboute la société FCD et la société B2F du surplus de leur demande ;

Déboute la société FCD et la société B2F au titre de leur demande pour la créance non recouvrée du dossier EGC ;

Déboute les sociétés FCD et B2F de leurs demandes d’autorisation de publication du jugement intervenu dans trois journaux de leur choix ainsi que leur demande de condamnation à afficher le jugement rendu en première page de son site Internet pendant une durée de trois mois ;

Condamne monsieur D X et la société MTI à payer solidairement à la société FCD et à la société B2F la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et déboute la société FCD et la société B2F du surplus de leur demande;

Ordonne l’exécution provisoire de ce jugement, sous réserve qu’en cas d’appel il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit;

Déboute la société FCD et la société B2F de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Déboute monsieur D X et la société MTI de toutes leurs autres demandes et prétentions ;

Condamne monsieur D X et la société MTI aux entiers dépens de cette instance qui comprendront les frais de constat d’huissier et d’expertise'.

Monsieur X et la société MTI ont relevé appel de cette décision en sollicitant l’annulation des clauses de non concurrence pour indétermination géographique et disproportion entre les engagements du cédant et les intérêts protégés de la société cédée.

Subsidiairement, ils demandent à la Cour de débouter les demandeurs pour défaut de preuve des violations invoquées, des pertes de chiffre d’affaires alléguées et du lien causal entre la faute et le préjudice.

Reconventionnellement, ils réclament la condamnation des sociétés FCD et B2F au paiement des sommes de :

15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation du secret des affaires résultant du constat d’huissier opéré dans les locaux de la société MTI,

15.000 euros à chacun d’eux pour procédure abusive,

10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés FCD et B2F ont quant à elles relevé appel incident en demandant à la Cour de :

'Interdire à monsieur X et à la société MTI de continuer leur activité déloyale et plus généralement, de s’intéresser directement ou indirectement à toute activité susceptible de la concurrencer et ce, jusqu’à expiration de la clause de non concurrence soit le 31 décembre 2010 ;

Assortir cette interdiction d’une astreinte définitive de 15.000 euros par infraction constatée, astreinte qui courra dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir ;

Autoriser la publication du jugement à intervenir dans trois journaux au choix de la demanderesse, aux frais de monsieur X et de la société MTI, sans que chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5.000 euros hors taxe ;

Condamner la société MTI à afficher la condamnation en première page de son site Internet pendant une durée de trois mois dans les sept jours de la signification du jugement à intervenir, à peine d’astreinte définitive de 2.000 € par jour de retard ;

Condamner solidairement monsieur X et la société MTI à payer à la société FCD et à la société B2F la somme de 484.851,71 euros ;

Dire et juger que les condamnations qui seront prononcées porteront intérêts à compter du prononcé du jugement du 28 avril 2009;

Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du jugement du 28 avril 2009 ;

Débouter monsieur X et la société MTI de l’intégralité de leurs demandes ;

Ordonner le rejet des pièces non communiquées ;

Condamner solidairement monsieur X et la société MTI à payer à la société FCD et à la société B2F la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui s’ajouteront aux 10.000 euros de condamnation prononcée par le tribunal'.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société MTI et monsieur X le 14 juin 2010, et pour les sociétés FCD et B2F le 14 juin 2010.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande de rejet de pièces

La demande de rejet de pièces formée par les sociétés FCD et B2F porte sur l’évocation de résultats comptables et de décisions de jurisprudence non étayées par les productions ainsi que par le défaut de communication du rapport 'Diane'.

Ce rapport figure toutefois bien sur le bordereau des pièces communiquées le 3 juin 2010, et les autres griefs invoqués ne relèvent pas d’un incident de communication de pièces.

Sur la violation des engagements de non concurrence et de confidentialité

Lors de l’opération de cession de contrôle de la société Laboratoires Lactavia, monsieur X a contracté l’engagement de non concurrence suivant :

'Par les présentes, les cédants ès- qualités, en contrepartie de la réalisation des opérations de cession ci-dessus envisagées s’interdisent expressément aux conditions ci-après précisées de créer, gérer ou exploiter, sous quelque forme que ce soit, soit pour leur propre compte, soit pour le compte de tiers, comme de s’intéresser directement ou indirectement, même à titre de simple bailleur de fonds, d’associé commanditaire ou même de salarié, à un fonds de commerce identique ou assimilable à celui exploité actuellement par la société Laboratoires Lactavia, le tout à peine de dommages-intérêts envers le bénéficiaire ou ses ayants droits, et sans préjudice du droit, pour ceux-ci de faire cesser la contravention et de faire fermer l’établissement ouvert et exploité au mépris de la présente clause. Cette interdiction sera limitée dans le temps à cinq années à compter de la cession de contrôle, et dans l’espace de la France métropolitaine'.

Par ailleurs, le contrat d’assistance technique conclu avec la société Laboratoires Lactavia comportait une clause de non concurrence par laquelle monsieur X s’interdisait 'pendant la durée du présent contrat, d’offrir et/ou de commercialiser directement ou indirectement à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, par personne physique ou morale interposée, une quelconque assistance à une entreprise qui élabore, produit ou commercialise en France des additifs ou adjuvants alimentaires et qui est susceptible de concurrencer la société Laboratoires Lactavia', ainsi qu’une clause de confidentialité par laquelle il s’engageait 'pendant une durée de 20 ans à compter de la cessation (du contrat), pour quelque cause que ce soit, à ne pas divulguer, ni transmettre, montrer ou mettre à la portée de tiers de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, les informations confidentielles sans l’autorisation spécifique, préalable et écrite de la société Laboratoires Lactavia'.

Monsieur X conteste la validité de ces clauses dont il prétend que le caractère insuffisamment limité le priverait de toute possibilité d’activité dans le domaine qui est le sien.

Pourtant, la clause de non concurrence stipulée dans l’acte de cession de parts sociales limite bien la durée de l’engagement de monsieur X à 5 ans, ainsi que son étendue géographique en la cantonnant sur le territoire national.

Contrairement à ce que soutient monsieur X, cette clause ne lui interdit pas toute activité puisqu’elle lui laisse la faculté de s’intéresser à toute entreprise ne se livrant pas à la commercialisation d’adjuvants ou d’additifs pour l’industrie agro-alimentaire en France métropolitaine et même, sous réserve de ne pas manquer à l’obligation de délivrance pesant sur le vendeur de parts sociales, d’intervenir à nouveau dans son ancien secteur d’activité à l’expiration du délai de 5 ans, alors qu’il n’aura encore que 62 ans.

Cette clause est d’autre part proportionnelle aux intérêts qu’elle protège, dès lors que l’activité interdite est strictement limitée à celle de la société cédée, que le marché sur lequel opère à la société cédée n’a qu’un nombre réduit d’acteurs qui se connaissent tous et connaissent monsieur X, et que la société cédée a des clients dans toute la France.

La clause de non concurrence stipulée dans le contrat d’assistance technique est tout aussi limitée et proportionnée aux intérêts protégés puisqu’elle se borne à faire interdiction à monsieur X d’assister des entreprises se livrant à la commercialisation d’adjuvants ou d’additifs pour l’industrie agro-alimentaire pendant la courte durée de sa prestation d’assistance à la société cédée.

Par ailleurs, la clause de confidentialité ne place nullement le cédant dans l’impossibilité d’exercer son activité, de sorte que sa durée de validité de 20 ans ne saurait être regardée comme portant atteinte aux principes de liberté du commerce et du travail, et elle est au surplus parfaitement proportionnée aux intérêts qu’elle protège puisque les recettes que monsieur X s’interdisait de divulguer constituent des éléments cruciaux du patrimoine d’une entreprise ayant précisément pour objet social la production et la commercialisation d’additifs et d’adjuvants alimentaires.

Enfin, monsieur X, chef d’entreprise rompu aux affaires et conseillé par un professionnel du droit à tous les stades de l’opération de cession de contrôle de sa société, ne pouvait ignorer qu’il devait s’abstenir d’exercer toute activité de nature à concurrencer la société cédée et de divulguer des recettes exploitées par l’entreprise, de telle sorte qu’il avait une parfaite conscience de la portée des engagements de non concurrence et de confidentialité qu’il a librement souscrits.

Or, il résulte du constat dressé par l’huissier Brizard avec l’assistance de l’expert informaticien de Quenetain que monsieur X s’est mis au service d’une société Proalim, se présentant comme spécialiste de la conception et de la fabrication de produits alimentaires déshydratés destinés à l’industrie agro-alimentaire, la restauration commerciale, la restauration collective et la grande distribution et commercialisant une gamme de produits directement concurrents de ceux fabriqués et commercialisés par la société FCD.

Monsieur X a en effet établi pour la société Proalim un rapport de mission préconisant notamment, afin de développer l’activité commerciale en 2006, de récupérer le chiffre d’affaires réalisé par la société FCD avec la société A, société mère de la société Proalim, et avec la société Élodie Gourmet Caraïbes (EGC) dont monsieur X est actionnaire.

Ainsi, après avoir cédé le contrôle de sa société le 1er janvier 2006 en s’engageant à ne pas la concurrencer, l’appelant fournit le 3 avril suivant à une entreprise concurrente une prestation d’assistance en exécution de laquelle il a préconisé la captation du chiffre d’affaires substantiel qu’il réalisait auparavant avec des clients importants de la société cédée, allant même jusqu’à offrir ses services en proposant de 'commencer à dégraisser les secteurs avec le concours de D. X'.

Par surcroît, monsieur X établissait le 14 mai 2006 un second rapport proposant à la société Proalim le démarchage rapide de clients jusqu’alors en relations d’affaires avec la société FCD (SAGI, A, EGC) ainsi que la présentation de nouveaux fournisseurs pour économiser 10 à 15 % des achats au détriment de la société FCD.

L’attestation de monsieur A produite par monsieur X dans le but de se dédouaner des griefs de concurrence illicite ne convainc pas la Cour, s’agissant d’un témoignage de circonstance fourni par le dirigeant social d’une société complice de l’acte illicite qui a, de fait, effectivement rompu ses relations d’affaires avec la société FCD à la suite de l’intervention de monsieur X.

D’autre part, les intimés versent au dossier le courrier que leur a adressé la société Soreal afin de les informer des démarches 'contraire à une pratique honnête en matière d’affaires’ entreprises par monsieur X qui, agissant en qualité de dirigeant de la société MTI, lui a présenté la société Proalim comme la continuité de la société Laboratoire Lactavia, offrant à la vente des produits qualifiés de 'strictement identiques à ceux proposés par la société Lactavia-FCD'.

Monsieur X tente là encore vainement de se dédouaner en produisant le contre-témoignage non convaincant de monsieur Y, gérant de la société complice Proalim et ancien salarié de la société FCD auquel l’oppose un contentieux prud’homal.

Monsieur X prétend encore que la société Proalim avait une activité uniquement dirigée vers la restauration en foyer et non vers les industriels, mais il se trouve que la société Soreal est précisément un client industriel.

De surcroît, le constat d’huissier révèle que monsieur X détenait un document dénommé 'liste des mixes à façon’ constituant le tableau récapitulatif de la désignation des produits de la société FCD avec leur référence article par article et le client auquel l’article est vendu, la détention d’un tel document ne pouvant avoir pour objet que de préparer le démarchage de la clientèle de la société FCD.

Ainsi, la société Concept Arome avec laquelle elle avait réalisé en 2004 et 2005 un chiffre d’affaires de 61.600 euros et 64.500 euros a, nonobstant les allégations contraires des appelants, pratiquement interrompu toutes relations d’affaires avec la société FCD.

Là encore, la contre-attestation du gérant de la société IFS n’est pas convaincant, s’agissant d’nu témoignage de circonstance procèdant par allégations non prouvées.

Il résulte par ailleurs du constat d’huissier que monsieur X a, en violation de ses engagements de non concurrence et de confidentialité, cédé le 22 mai 2007 une formule de sauce à monsieur Z, dirigeant de la société Saveur concurrente de la société FCD.

En outre, l’huissier a retrouvé chez monsieur X, dans un dossier intitulé 'Proalim', des formules des Laboratoires Lactavia qu’il avait 'mis au propre’ en faisant disparaître toute référence aux Laboratoires Lactavia, et en y ajoutant le nom des fournisseurs ainsi que le coût des matières premières, offrant ainsi aux acquéreurs la possibilité de faire jouer la concurrence au détriment de la société qu’il a cédée.

Monsieur X ne saurait, pour se dédouaner, sérieusement prétendre que ces tableaux ne pouvaient émaner que de la société Proalim dans la mesure où ils faisaient référence à certains fournisseurs qui lui étaient propres, alors que la société FCD établit à titre d’exemple que la société Arles citée par monsieur X était déjà son fournisseur lorsque celui dirigeait la société Laboratoire Lactavia.

Au demeurant, une ancienne assistante de monsieur X confirme que ce dernier est venu la voir au mois de mars 2006, soit postérieurement à la cession de contrôle, pour lui demander d’imprimer quelques formules des recettes.

En outre, l’huissier a découvert des documents attestant de la transmission au groupe A de la synthèse d’une partie des recettes de la société FCD mentionnant les formules mais aussi les quantités annuellement fabriquées par la société cédée, ainsi qu’une analyse destinée à réduire les coûts et à négocier avec les fournisseurs.

Contrairement à ce que prétend l’appelant, ces documents n’ont pas été conservés en vue de leur archivage, mais, ainsi que le démontre les termes du constat d’huissier, ont été transmis à un tiers en violation de l’engagement de confidentialité.

Au demeurant, monsieur X a adressé le 7 juin 2007 à la société Proalim un nouveau rapport de mission dans lequel il explique avoir repris toutes les formules une par une pour déterminer exactement le nom des produits et matières premières en désignant le ou les fournisseurs et avoir procédé à leur révision.

À cet égard, il est inexact de prétendre que la mention sur l’emballage de la composition des produits conférait aux recettes un caractère public, alors que la liste des ingrédients ne suffit nullement à celui qui en dispose pour obtenir le produit final, sans connaissance d’une formule développant le dosage et la méthode d’incorporation de chacun de ses composants.

Enfin, il est constant que l’objet social de la société MTI est de s’entremettre dans les ventes d’entreprises du secteur agro-alimentaire, ce qui constitue, en soi, une violation des clauses par laquelle monsieur X s’était interdit 'de s’intéresser directement ou indirectement à un fonds de commerce identique ou assimilable à celui exploité actuellement par la société Laboratoires Lactavia’ et de fournir 'assistance à une entreprise qui élabore, produit ou commercialise en France des additifs ou adjuvants alimentaires et qui est susceptible de concurrencer la société Laboratoires Lactavia'.

Ainsi, le constat d’huissier établit que monsieur X et la société MTI entretenaient des relations avec la société Creanova, client de la société FCD leur ayant confié en novembre 2006 une 'mission de recherche entreprise production d’arômes naturels'.

Or, les intimés font à juste titre remarquer qu’une telle mission d’entremise dans le rachat d’entreprises ayant une activité directement concurrente de celle de la société cédée constitue une violation des engagements de non concurrence pris par monsieur X.

Il se déduit de ce qui précède que monsieur X, qui a violé ses engagements de non concurrence et de confidentialité, et la société MTI, qui s’est sciemment rendue complice de ces violations, sont, contractuellement pour le premier et délictuellement pour la seconde, responsables des conséquences préjudiciables de ces violations.

Sur les mesures réparatoires

Les premiers juges ont à juste titre ordonné à Monsieur X et à la société MTI la cessation de la violation des clauses de non concurrence et de confidentialité en assortissant cette mesure d’une astreinte dont le montant a été fixé de façon adéquate.

Ils ont en outre, par de pertinents motifs que la Cour adopte, exactement réparé le préjudice résultant de ces violations en allouant aux sociétés FCD et B2F une somme de 331.243 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la perte de marge brute qui aurait dû être réalisée pendant la durée de validité de la clause de non concurrence si monsieur X et la société MTI n’avaient pas favorisé la captation de clients importants de la société cédée par des entreprises concurrentes.

Les appelants prétendent à tort que le préjudice aurait dû être calculé sur la base de la marge nette dégagée par le chiffre d’affaires perdu, alors que la réparation intégrale du préjudice subi exigeait que le manque à gagner d’une entreprise supportant des charges fixes fût indemnisé sur la base de la marge brute.

La circonstance que cette condamnation revient à diminuer de plus de moitié le prix de la cession de contrôle de 600.000 euros est inopérante, étant au surplus précisé que la violation des engagements de non concurrence et de confidentialité a bien eu pour effet, en favorisant la captation de clientèle et la diffusion de formules de recettes, de vider l’actif de la société cédée d’une partie de sa substance.

De même, les bons résultats comptables de la société FCD ne sauraient décharger monsieur X et la société MTI de leur obligation de réparer le préjudice résultant de la perte de quatre clients importants de la société FCD en violation des clauses de non concurrence et de confidentialité.

Il y a donc lieu de confirmer ce chef du jugement attaqué, sauf à y ajouter en précisant que, en application de l’article 1153-1 du Code civil, la créance produira intérêts au taux légal à compter du jugement et que les sociétés FCD et B2F seront autorisées à les capitaliser annuellement selon les modalités fixées par l’article 1154 du même code.

En revanche, le tribunal de commerce a à tort refusé la mesure de publication par voie de presse sollicitée par les sociétés FCD et B2F.

La réparation intégrale du préjudice résultant de la violation des engagements de non concurrence et de confidentialité exige en effet que la clientèle commune des parties soit informée des manquements de monsieur X et du comportement déloyal de la société MTI.

C’est la raison pour laquelle, la société FCD sera autorisée à publier le présent arrêt par extraits dans deux journaux de son choix aux frais de monsieur X et de la société MTI, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 4.000 euros hors taxe.

Les autres mesures de publication réclamées seront rejetées.

Sur la garantie de la créance irrécouvrable de la société ECG

La sociétés FCD expose que la société EGC, qu’elle avait pour cliente, était d’une santé économique fragile, ce que monsieur X, qui en était actionnaire, ne pouvait ignorer lors de la cession de contrôle.

Elle sollicite en conséquence la condamnation des appelants au paiement d’une somme de 76.488,11 euros correspondant au montant de la condamnation à paiement prononcée à l’encontre de la société ECG à la suite des nombreux impayés qu’elle a eu à déplorer.

Bien que présentée à la faveur de son action en violation d’engagements de non concurrence, une telle demande ne peut en réalité être fondée que sur le dol ou sur la garantie contractuelle du cédant de parts sociales.

Or, la Cour ignore si les conditions de mise en oeuvre de la garantie de passif, qui n’a au demeurant pas été explicitement sollicitée, sont réunies, et la société FCD n’apporte nullement la preuve, qui lui incombe, de ce que monsieur X connaissait à l’époque de la cession l’existence des difficultés économiques de la société ECG, au sein de laquelle il n’assumait aucun mandat social avéré, et qu’il avait sciemment caché des informations cruciales sur la santé financière de ce client de la société cédée.

Pour ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, le chef du jugement attaqué ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur les demandes reconventionnelles de monsieur X et de la société MTI

Monsieur X et la société MTI sollicitent, chacun, la condamnation des sociétés intimées au paiement d’une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ma société MTI réclamant en outre une indemnité d’un égal montant en réparation d’une atteinte au secret de ses affaires.

Il va de soi que l’action des sociétés FCD et B2F, qui ont obtenu en grande partie gain de cause devant les premiers juges puis en cause d’appel, ne revêtait aucun caractère abusif.

Le secret des affaires n’était en outre pas, en soi, un obstacle à la mise de oeuvre d’une procédure destinée à faire constater par un huissier, commis à cet effet par décision de justice, la violation des engagements de non concurrence et de confidentialité invoqués, étant précisé que la mission de l’officier ministériel avait été expressément circonscrite par le président du tribunal de commerce aux seules investigations strictement nécessaires à la recherche des faits incriminés, l’huissier ayant d’ailleurs pris soin de trier les pièces et même de biffer bon nombres de documents.

Ces précautions suffisaient donc à écarter le risque de voir les sociétés requérantes accéder, au prétexte de leur action en violation d’engagements de non concurence, à des documents techniques et commerciaux sensibles étrangers au litige.

Les premiers juges ont donc à juste titre rejeté cette demande reconventionnelle.

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des sociétés FCD et B2F l’intégralité des frais exposés par elles à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Dit n’y avoir lieu d’écarter des pièces des débats ;

Confirme le jugement rendu le 28 avril 2009 par le tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de publication de la décision judiciaire par voie de presse ;

Autorise les sociétés France culinaire développement et B C finances à publier le présent arrêt par extraits dans deux journaux de leur choix aux frais de monsieur X et de la société Management transmission investissements Grand ouest, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 4.000 euros hors taxe ;

Dit que la somme de 331.243 euros produira intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2009 et autorise leur capitalisation selon les modalités fixées par l’article 1154 du Code civil ;

Condamne monsieur X et la société Management transmission investissements Grand ouest à payer aux sociétés France culinaire développement et B C finances une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne monsieur X et la société Management transmission investissements Grand ouest aux dépens d’appel ;

Accorde à la société civile professionnelle Castres, Colleu, Perot, Le Couls-Bouvet, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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