Cour d'appel de Rennes, 19 février 2013, n° 11/05737

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 19 févr. 2013, n° 11/05737
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 11/05737

Texte intégral

3e Chambre Commerciale

ARRÊT N°53

R.G : 11/05737

Société TRANSPORTS RIVALAN SAS

C/

Société Z A

Infirme la décision déférée

dans toutes ses

dispositions, à l’égard de

toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 FEVRIER 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Alain POUMAREDE, Président,

Mme Françoise COCCHIELLO, Conseiller,

Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, entendu en son rapport et rédacteur

GREFFIER :

Madame X Y, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Novembre 2012

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Février 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Société TRANSPORTS RIVALAN SAS

XXX

XXX

Représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, société d’avoués en liquidation (avocats au barreau de RENNES)

assistée de Me Florent VIGNY, Plaidant, (SELARL CAUSIDICOR, avocat au arreau de PARIS)

INTIMÉE :

Société Z A

Linglaz

XXX

Représentée par la SELARL GOURVES/ D’ABOVILLE & ASSOCIES, Postulant (avocats au barreau de RENNES)

assistée de Me François-xavier MICHEL, Plaidant (avocat au barreau de RENNES)

EXPOSÉ DU LITIGE

L’Union de sociétés coopératives agricoles Compagnie Bretonne de Nutrition Animale (la Z A) a confié le transport de ses produits, essentiellement des céréales, à la société des Transports Rivalan, selon deux modalités alternatives :

les trafics dits zone courte (Bretagne et Grand Ouest), réalisés à l’intérieur de la Région Bretagne ou au départ d’une zone portuaire, que ceux-ci aient ou non une destination bretonne ;

les trafics dits zone longue exécutés à l’extérieur de la Région Bretagne à l’exception de ceux au départ d’une zone portuaire.

Contestant les tarifs fixés le 25 février 2008 par la Z A, la société Transports Rivalan lui a notifié le 18 juin 2008 son intention d’appliquer, à compter du 1er juin 2008, l’indexation gasoil et d’augmenter ses tarifs, sur tous les trafics zone courte, d’un euro la tonne et sur les trafics zone longue de 5 %.

Le 27 juin 2008, la Z A refusait les nouvelles conditions tarifaires, en précisant : 'Il nous semble opportun de regarder quelques relations stratégiques pour nos entreprises au coup par coup'.

Compte tenu de la réduction du volume de chiffre d’affaires, une nouvelle grille tarifaire était établie par le transporteur le 4 août 2008.

Le 7 avril 2009, la société des Transports Rivalan a fait assigner l’Union de sociétés coopératives agricoles Z A en paiement d’une somme de 186 017 euros hors taxes au titre d’un rappel de l’indexation gasoil, pour les années 2007 et 2008, d’une indemnité de 942 552 euros correspondant au chiffre d’affaires dont elle a été privée pendant six mois, d’une indemnité de 41 483,50 euros au titre de frais d’exploitation, d’une somme de 257 517,78 euros en réparation du préjudice économique né de l’obligation de licencier et d’une somme de 57 188,63 euros en indemnisation du préjudice économique né de la sous-activité.

Le 13 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Brest a :débouté la société des Transports Rivalan de ses demandes et l’a condamnée au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société des Transports Rivalan a relevé appel de cette décision, maintenant devant la cour des demandes identiques à celles présentées devant les premiers juges à l’exception de la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile qui a été ramenée de 25 000 euros à 15 000 euros.

La Z A conclut à la confirmation du jugement et réclame une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour l’appelante le 4 juillet 2012 et pour l’intimée le 16 décembre 2011.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur le cadre juridique des relations contractuelles entre les parties

Pour s’opposer à la demande fondée sur l’article L.442-6 .I du code de commerce et imputer au transporteur la responsabilité de la rupture des relations commerciales, la Z A soutient que les dispositions du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants régissaient les relations entre eux, écartant ainsi l’application du texte sus-visé.

Mais, il n’est pas soutenu et rien ne démontre que la Z A est un commissionnaire de transport tandis que la société des Transports Rivalan conteste, sans être contredite, être intervenue en qualité de sous-traitant de celle-ci.

Le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants n’avait donc pas vocation à régir les relations commerciales entre les parties.

Sur la demande fondée sur l’indexation gasoil

La société des Transports Rivalan demande la condamnation de la société Z A à lui payer une somme globale de 186 017 euros HT au titre du 'rappel d’indexation gasoil de 2007 à 2008". Le décompte de cette somme n’est pas précisé mais apparaît, au regard de la pièce 6 de l’appelante, avoir été calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’année 2008 arrêté à 1 096 871 euros, d’une répartition du chiffre d’affaires zone courte-zone longue opérée sur la base de l’activité de l’année 2007 et un calcul fondé sur des indices différents de celui retenu par le donneur d’ordres en 2008.

Pour s’opposer à la demande, la Z A se prévaut des déclarations qu’elle a effectuées le 19 juin 2008 devant deux contrôleurs de la DGCCRF, déclarations étayées par des pièces non soumises à l’appréciation de la cour. Nul ne pouvant se constituer de preuves à soi-même, ces déclarations, qui ne sont pas confortées par un rapport de synthèse des contrôleurs les ayant recueillies, sont dépourvues de valeur probante. Il n’est en particulier pas possible de déduire de la copie de ce procès-verbal de déclarations, la preuve que les contrôleurs n’auraient formulé 'aucune observation sur les grilles tarifaires, ni sur l’application des dispositions relatives à l’indexation gasoil'.

Toutefois, il n’est pas discuté que depuis le mois de mars 2006, une indexation carburant avait été mise en oeuvre par la Z A pour les transports longues distances, cette indexation étant étendue à la zone courte à compter du 1er juin 2008.

L’article. L.3222-1 du Code des transports édicte que lorsque le contrat de transport mentionne les charges de carburant retenues pour l’établissement du prix de l’opération de transport, le prix de transport initialement convenu est révisé de plein droit pour couvrir la variation des charges liée à la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation de l’opération de transport.

Les indexations convenues depuis 2006 pour les transports zone longue par la Z A entraient dans ce cadre contractuel qui n’a pas été remis en cause avant la rupture des relations commerciales entre les parties, de sorte que la réclamation tardive formée de ce chef ne peut qu’être rejetée.

Aux termes de l’article L. 3222-2 du même code, 'A défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant dans les conditions définies par l’article L. 3222-1, celles-ci sont déterminées, au jour de la commande de transport, par référence au prix du gazole publié par le Comité national routier et à la part des charges de carburant dans le prix du transport, telle qu’établie dans les indices synthétiques du Comité national routier. Le prix du transport initialement convenu est révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l’indice gazole publié par le Comité national routier sur la période allant de la date de la commande de l’opération de transport à sa date de réalisation. La facture fait apparaître les charges de carburant supportées par l’entreprise pour la réalisation de l’opération de transport.'

Il résulte de ces dispositions que 'l’indexation gazole’ ne peut pas être réclamée a posteriori sur des bases forfaitaires mais doit être précisément calculée pour chacun des transports concernés, sur la facture correspondante, en fonction de la part de la charge de carburant dans le prix du transport tel que résultant des indices synthétiques publiés par le CNR et de la variation de l’indice gazole entre la date de la commande et la date de réalisation du dit transport.

La société des Transports Rivalan, à qui incombait l’émission des factures conformes à ces dispositions, ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation. Elle ne peut dès lors reprocher à son donneur d’ordres le défaut de paiement, pour les transports zone courte, de surcoûts qu’elle ne lui avait pas facturés et exiger, plus d’un an après l’exécution des contrats, des compléments de prix calculés de manière forfaitaire et invérifiable, en contravention avec les dispositions sus-rappelées.

La demande présentée à ce titre sera dès lors rejetée.

Sur la demande d’indemnité de 41 483,50 euros

La société des Transport Rivalan réclame une indemnité au titre des prestations qu’elle a réalisées au profit d’une société tiers, la SAS TRANSENA, ces prestations lui ayant, soutient-elle, été imposées par Z A.

A l’appui de cette allégation, elle produit uniquement un relevé des prestations qu’elle a elle-même établi et une lettre du 12 mars 2009 émanant de la SAS TRANSENA de laquelle il résulte qu’une partie au moins des diligences facturées a été réalisée. Mais, selon ce courrier, un accord avait été conclu entre la société Transports Rivalan et la SAS TRANSENA, accord qui ne prévoyait pas de contrepartie financière pour les dites prestations dont le contenu est d’ailleurs discuté.

Surtout rien ne démontre que Z A avait l’obligation d’assumer ou de garantir le paiement des obligations contractées par la SAS TRANSENA, l’identité de tout ou partie des dirigeants de ces deux personnes morales étant à cet égard une circonstance inopérante.

En conséquence, la preuve de la créance alléguée n’étant pas rapportée, la demande présentée de ce chef ne peut être accueillie.

Sur l’indemnisation de la rupture des relations commerciales

Les relations entre les parties n’étant pas régies par le contrat type sous-traitance approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, il n’y a pas lieu d’écarter l’application des dispositions de l’article L.442-6 du code de commerce.

Aux termes de ce texte, 'Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers …5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale du préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.'

Ces dispositions n’ont pas pour objet de sanctionner la rupture des relations commerciales, laquelle demeure toujours possible quels qu’en soient les motifs, mais seulement d’indemniser une rupture décidée unilatéralement sans préavis écrit d’une durée en rapport avec l’importance et l’ancienneté des relations antérieures.

Aussi la demande formée par la société Transports Rivalan au titre du préjudice découlant de la sous-activité et de ses frais de licenciement de personnel ne peut qu’être rejetée, ceux-ci étant la conséquence de la rupture des relations commerciales elle-même et non de sa brutalité.

L’existence de relations commerciales stables et anciennes entre la société Transports Rivalan et la Z A n’est pas discutée, ces relations ayant duré, selon les indications non contestées du transporteur, pendant plus de vingt ans. Le chiffre d’affaires réalisé par la société Transports Rivalan au profit de la Z A représentait, selon les indications non contredites de l’intimée, un pourcentage d’environ 16 % de son chiffre d’affaires total.

La rupture des relations commerciales n’est pas davantage discutée. Elle s’est traduite par de nombreuses annulations de commandes à partir du mois de juillet 2008 et par la chute considérable du chiffre d’affaires précédemment réalisé.

Le seul fait de réclamer, dans des proportions dont le caractère excessif n’est pas démontré, une revalorisation des prix jusqu’alors fixés de manière unilatérale par le donneur d’ordres ne suffit pas à caractériser une inexécution fautive, par le cocontractant, de ses obligations justifiant la rupture unilatérale sans préavis des relations commerciales établies. Il ne s’apparente pas davantage à une rupture des dites relations.

Il appartenait dès lors à Z A, préalablement à sa décision de mettre un terme aux relations commerciales, de notifier par écrit sa décision à la société des Transports Rivalan en lui accordant un délai de préavis en rapport avec la durée des dites relations et leur intensité, ce qu’elle ne soutient pas avoir fait.

Il lui incombe en conséquence d’indemniser le préjudice résultant de la perte de marge brute dont le transporteur aurait dû bénéficier pendant le délai de préavis qui au regard de la durée et de l’intensité des relations antérieures sera fixé à trois mois.

Selon les indications non contestées de la Z A, le chiffre d’affaires réalisé par la société Transports Rivalan à son profit en 2007 s’est élevé à 1 834 071 euros, soit un chiffre d’affaires mensuel moyen de 152 915 euros. Le préjudice subi du fait de la rupture sans préavis des relations commerciales ne correspond pas à ce chiffre d’affaires, le transporteur n’ayant pas eu à supporter les frais notamment de carburant inhérents à ces transports. Au regard des éléments d’appréciation qui lui ont été soumis, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 321 121 euros l’indemnité qui sera allouée à la société Transports Rivalan, en compensation de l’absence de préavis préalable à la rupture des relations commerciales entre les parties.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société appelante l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de la présente procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 13 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Brest ;

Statuant à nouveau,

Condamne l’Union de sociétés coopératives agricoles Z A à payer à la société des Transports Rivalan une indemnité de 321 121 euros sur le fondement de l’article L. 442-6. I du code de commerce cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil ;

Condamne l’Union de sociétés coopératives agricoles Z A à payer à la société des Transports Rivalan une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes principales et reconventionnelles ;

Condamne l’Union de sociétés coopératives agricoles Z A aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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