Cour d'appel de Rennes, 3 octobre 2016, n° 15/04731

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3 oct. 2016, n° 15/04731
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 15/04731

Sur les parties

Texte intégral

6e Chambre A

ARRÊT N° 511

R.G : 15/04731

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE
NANTES

C/

M. X Y

Mme Z A épouse Y

M. B Y

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU
DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Claude CALOT,
Président,

Madame Aurélie GUEROULT, Conseiller,

Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame C D, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur E, substitut général, qui a pris des réquisitions écrites après communication de l’affaire et représenté aux débats par Monsieur F, substitut général.

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Juin 2016

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 03 Octobre 2016 par mise à disposition au greffe

comme indiqué à l’issue des débats.

****

APPELANT :

LE MINISTÈRE PUBLIC en la personne du PROCUREUR DE LA
RÉPUBLIQUE DE
NANTES représenté par le PROCUREUR GÉNÉRAL
PRÈS LA COUR D’APPEL DE
RENNES

Place du Parlement de Bretagne – CS 66423

XXX

représenté à l’audience par Monsieur F, substitut général.

INTIMÉS :

Monsieur X Y

né le XXX à XXX

XXX Leclerc

XXX

représenté par Monsieur B Y, ès qualités de tuteur de M. X
Y,

domicilié XXX

2e étage – porte 7 et actuellement

XXX

XXX

n’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignés.

Madame Z A

née le XXX à XXX

XXX

0800 CHARLEVILLE MEZIERES

Représentée par Me Gaëlle BERGER-LUCAS,
Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/010374 du 16/10/2015 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

RAPPEL DES FAITS ET DE LA
PROCÉDURE

Statuant sur l’appel interjeté le 17 juin 2016 par le procureur de la République près le tribunal

de grande instance de Nantes contre le jugement réputé contradictoire rendu le 28 mai 2015par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a :

— débouté le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes de sa demande tendant à l’annulation du mariage de M. X Y, né le
XXX à
XXXG de nationalité française et de Mme Z A, née le
XXX à
XXX Irathen (Algérie), de nationalité algérienne, célébré le 9 août 2006 à Tizi Rached (Algérie)

— dit en conséquence, que la transcription de l’acte de mariage produira son plein et entier effet et que l’acte sera normalement exploité sous les références (CSL) Alger. 2006. T.
06562

— laissé les dépens à la charge du Trésor
Public.

**

M. X Y, né le XXX à XXX Gde nationalité française, sous tutelle de M. B Y en vertu d’un jugement prononcé par le juge des tutelles de
Narbonne en date du 27 juin 1995, et Mme Z A, née le
XXX à XXX
Irathen (Algérie), de nationalité algérienne, se sont mariés le 9 août 2006 à Tizi Rached (Algérie) sans avoir recueilli le consentement préalable du juge des tutelles.

Ce mariage a été transcrit le 10 novembre 2006 par le Consulat de France à Alger sous les références (CSL) Alger. 2006. T. 06562 à la demande de l’époux.

Par jugement en date du 2 juillet 2009, le juge des tutelles de Vanves 2 juillet 2009 a maintenu la mesure de tutelle, fixé la durée de la mesure à 60 mois et a ordonné la suppression du droit de vote du majeur protégé.

Le divorce des époux a été prononcé par jugement en date du 25 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Nanterre, les effets du divorce étant fixés au 31 octobre 2007.

Par lettre en date du 11 juin 2013, le procureur de la
République de Nantes a demandé au service central d’état civil de maintenir le sursis à l’exploitation de l’acte de mariage jusqu’au prononcé de la décision à intervenir.

Le procureur de la République de Nantes a fait assigner le mari et son tuteur ainsi que son épouse par actes du 30 juillet et 12 août 2013 aux fins d’annulation du mariage par application des articles 146, 184 et 190 du code civil et 1056-1 du code de procédure civile.

Les trois défendeurs étaient défaillants en première instance.

***

Vu les conclusions du MINISTÈRE PUBLIC en date du 24 juillet 2015 tendant à l’infirmation du jugement ;

Vu les conclusions en date du 26 novembre 2015 de Mme Z A tendant à la confirmation du jugement ;

Le ministère public a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à M. X
Y et à M. B Y par actes des 3 et 7 août 2015, intimés défaillants.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 mai 2016.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur la demande d’annulation de l’acte de mariage dressé à l’étranger

Considérant que l’article 180 du code civil dispose que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre de deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre ou par le ministère public.
L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérentielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ;

Que l’article 460 alinéa 2 du code civil énonce que le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage ;

Considérant en l’espèce, que le ministère public rappelle que l’absence d’autorisation s’analyse de jurisprudence constante, comme un défaut de consentement pour le majeur protégé, que tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191 peut être attaqué dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public, que la dissolution du mariage ne fait pas obstacle à l’action en annulation du mariage intentée par le ministère public ;

Qu’il invoque également l’absence d’intention matrimoniale de l’épouse au regard de la rapidité de la séparation du couple, que le faisceau d’indices apparaît suffisant pour déduire que Z A a poursuivi un but contraire à l’essence même du mariage, à savoir l’avantage migratoire procuré par le statut de conjoint d’un ressortissant français sans intention de créer une famille ou d’en assumer les charges ;

Que le ministère public conclut donc à l’annulation du mariage pour absence de consentement des deux époux, d’une part, concernant l’époux, au regard de l’absence d’autorisation préalable du juge ou du conseil de famille, d’autre part, concernant l’épouse, pour absence d’intention matrimoniale ;

Considérant que Mme Z
A qui conclut à la confirmation du jugement, réplique qu’après plusieurs mois de cohabitation avec son époux, elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal sous la pression de sa belle-famille, qu’elle s’est réfugiée dans les
Ardennes auprès de certains membres de sa famille, que lors de la transcription de l’acte de mariage, il n’existait pas d’indices sérieux laissant présumer la nullité du mariage, qu’elle ignorait que son époux était placé sous tutelle, objecte que le ministère public ne démontre pas son absence d’intention matrimoniale, qu’elle verse des pièces relatives à l’existence d’un différend familial avec sa belle-famille ;

Qu’elle conclut que le ministère public ne rapporte pas la preuve d’indices sérieux laissant présumer que le mariage était simulé et totalement dépourvu d’intention matrimoniale concernant l’épouse ;

Considérant que les premiers juges pour débouter le ministère public de sa demande d’annulation du mariage, ont dit que le non-respect des formalités de l’article 506 ancien (460 du code civil) ne peut suffire par lui-même à établir un défaut d’intention matrimoniale au sens de l’article 146 du code civil, constitutif d’une cause de nullité du mariage que le ministère public est fondé à poursuivre par application de dispositions des articles 184 et 190 du code civil, que le mariage ne peut plus être attaqué par application de l’article 183 du code civil en ce que plus de cinq ans se sont écoulés depuis la célébration, que les éléments recueillis pas le ministère public sont insuffisants à faire la preuve d’un consentement au mariage détourné de son objet et qui ne saurait se déduire de la seule présence en France de membres de la famille de Mme A ;

Considérant que les intimés ne peuvent justifier de l’autorisation préalable et nécessaire du juge ou du conseil de famille, pour s’assurer du consentement libre et éclairé du majeur protégé ;

Que le mariage litigieux contracté sans le consentement préalable juge ou du conseil de famille, implique que M. Y, bénéficiaire d’un régime de protection, n’a pas donné un consentement libre et éclairé à son mariage avec Mme Z A du fait de l’altération de ses facultés mentales, l’empêchant d’exprimer sa volonté, alors que le mariage qui est un contrat au sens de l’article 1108 du code civil, exige outre le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, ce qui est rappelé aux articles 1123 et 1124 du code civil ;

Qu’il découle nécessairement de la règle édictée à l’article 180 du code civil, que ce texte protège non seulement l’intérêt particulier des cocontractants, mais aussi instaure un ordre public de protection confié au ministère public, qui est habilité spécialement par ce texte au sens des articles 422 et 423 du code de procédure civile, à contester la validité d’un mariage contracté sans le consentement libre de l’un des époux ;

Que le mariage d’une personne sous tutelle sans le consentement préalable du juge ou du conseil de famille (article 460 du code civil ) correspond à un mariage sans consentement, contracté en contravention aux dispositions de l’article 146 du code civil qui énonce qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement, qui fonde une nullité absolue et qui peut être attaqué par le ministère public conformément aux dispositions des articles 184 et 190 du code civil ;

Considérant que l’action du ministère public n’est pas prescrite, puisque moins de trente ans se sont écoulés depuis la célébration du mariage qui a eu lieu le 9 août 2006 ;

Qu’en conséquence, le mariage litigieux est dépourvu de validité, faute de consentement valablement exprimé par l’époux, majeur protégé, par application des dispositions des articles 146, 180 et 460 alinéa 1er du code civil en l’absence d’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

Que les formalités de l’article 460 du code civil n’ayant pas été accomplies, le consentement de M. X Y fait défaut et la célébration du mariage célébré le 9 août 2006 encourt la nullité, étant ajouté que selon l’audition du tuteur en 2011 diligentée par le commissariat de police de Chatenay-Malabry, celui-ci a voulu faire annuler le mariage de son frère en 2008, précisant que depuis le printemps 2007, celui-ci vivait chez sa mère ;

Que toutefois, l’absence d’intention matrimoniale de l’épouse invoquée par le ministère public n’est pas démontrée eu égard aux pièces produites qui établissement que Mme A a été mise à la porte par son époux ;

Qu’en conséquence, le jugement déféré qui a débouté le procureur de la République du

tribunal de grande instance de Nantes de sa demande tendant à l’annulation du mariage de M. X Y et de Mme Z A sera infirmé en toutes ses dispositions ;

— Sur les dépens

Considérant que les dépens seront mis à la charge des intimés ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT que l’action en annulation du ministère public n’est pas prescrite

ORDONNE la nullité du mariage célébré le 9 août 2006 à Tizi Rached (Algérie) entre M. X Y, né le XXX à XXXG de nationalité française et de Mme Z A, née le XXX à XXX Irathen (Algérie), de nationalité algérienne, pour défaut de consentement au regard de l’absence d’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille concernant M. X Y

CONDAMNE M. X Y et son tuteur, M. B Y ainsi que Mme Z A aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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