Cour d'appel de Rennes, 20 septembre 2016, n° 15/04532

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 20 sept. 2016, n° 15/04532
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 15/04532

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°391/2016

R.G : 15/04532

Mme F G veuve Z

M. X Z

C/

Mme Y Z

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Xavier BEUZIT, Président,

M. Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme R-S T, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Juin 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Mme F G veuve Z

née le XXX à QUIMPER

XXX

XXX

Représentée par Me Michel LE BRAS, avocat au barreau de QUIMPER

M. X Z

né le XXX à CONCARNEAU

XXX

XXX

Représenté par Me Michel LE BRAS, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

Mme Y Z

née le XXX à CONCARNEAU

XXX

XXX

Représentée par Me Hélène DAOULAS de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCÉDURE:

M. X Z et Mme Y Z, propriétaires indivis d’un bien immobilier consistant en une maison d’habitation et une parcelle de terre situés au XXX, pour une contenance totale de 3ha 96a 92ca, qu’ils avaient recueilli pour une partie dans la succession de leur grand-père, N Z, par représentation de leur père pré-décédé, et reçu pour l’autre partie en donation-partage de leur grand-mère, Victorine Le Ster, veuve Z, ont, par un acte dressé par Me Gérard Machut, notaire à Melgven (Finistère), le 20 mars 2003, fait donation à leur mère, Mme F G, veuve Z, de l’usufruit de ce bien.

Envisageant de vendre ce bien, M. X Z et Mme F G ont, le 28 mai 2013, fait assigner Mme Y Z devant le tribunal de grande instance de Quimper aux fins d’autorisation, au visa des articles 815-5 et suivants du Code civil.

Par jugement du 7 avril 2015, le tribunal a:

— déclaré irrecevable, car prescrite, l’action en nullité de la donation opposée par Mme Y Z,

— ordonné la révocation de la donation de la moitié en usufruit du bien immobilier consentie par Mme Y Z à Mme F G selon l’acte notarié du 20 mars 2003,

— dit que le jugement sera publié au service chargé de la publicité foncière,

— débouté M. X Z et Mme F G de leur demande d’autorisation de vendre ce bien,

— dit que chaque partie conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné in solidum, M. X Z et Mme F G aux dépens.

M. X Z et Mme F G ont interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2015.

Par conclusions du 26 août 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, ils demandent à la cour:

— d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a révoqué la donation consentie par Mme Y Z à Mme F G,

— de les autoriser, en qualité de nu-propriétaire pour M. X Z, et d’usufruitière pour Mme F G, à vendre le bien immobilier,

— de dire que le prix de cession se substituera dans l’indivision au bien vendu,

— de condamner Mme Y Z à leur payer la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— de la condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Par conclusions du 26 octobre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, Mme Y Z demande à la cour:

— de prononcer la nullité de la donation dans son entier,

— à défaut, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé sa révocation,

— de dire qu’elle-même et M. X Z sont propriétaires indivis du bien immobilier en cause,

— de condamner Mme F G à payer la somme de 34 720 € au titre de loyers indûment perçus,

— de dire que 'le jugement’ sera publié au fichier immobilier,

— de condamner 'les mêmes’ à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article

700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 31 mai 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

1/: – Sur l’action en nullité de la donation:

Mme Y Z fonde son action en nullité de la donation sur le dol et, subsidiairement, le défaut de cause.

Une telle action, destinée à défendre le seul intérêt privé de Mme Y Z et ainsi susceptible d’entraîner une nullité relative de la convention, est, selon l’article 1304 du Code civil, prescrite par cinq ans au plus, le délai courant, dans le cas de dol, du jour où celui-ci a été découvert, et dans le cas du défaut de cause, à compter de la convention.

La donation litigieuse a été reçue en la forme authentique par Me Machut, notaire, le 20 mars 2003; Mme Y Z, donatrice, alors âgée de vingt deux ans et six mois, était présente et a consenti à l’acte.

Mme Y Z soutient qu’elle était alors très jeune et n’avait signé celui-ci que dans la conviction, induite par les manoeuvres de sa mère, Mme F G, que cette donation était destinée à protéger son intérêt alors qu’elle-même ignorait qu’elle était propriétaire des biens qui en faisaient l’objet, et qu’elle n’a découvert la réalité des droits dont elle disposait par la donation qu’en 2011, à l’âge de trente ans, à la suite du décès du compagnon de sa mère.

Mais l’acte mentionne bien évidemment de manière explicite que l’immeuble dont l’usufruit était donné à Mme F G appartenait indivisément pour moitié à M. X Z et Mme Y Z, lesquels y sont qualifiés de donateurs, en relatant de manière détaillée les conditions dans lesquelles ceux-ci en étaient devenus propriétaires.

Même jeune, mais majeure cependant et non soumise à une mesure de protection, Mme Y Z disposait en principe des moyens de connaître les droits qui étaient les siens et ceux dont elle faisait l’abandon par la libéralité contestée, d’autant qu’elle pouvait obtenir du notaire qui a reçu l’acte toutes informations et explications complémentaires utiles à cet égard.

Par ailleurs, les attestations produites par Mme Y Z et déclarations faites par elle aux services de police, qu’elle verse aux débats, montrent l’ampleur du conflit relationnel existant entre la mère et la fille, mais n’établissent pas à quel moment cette dernière a eu connaissance de manoeuvres dolosives de Mme F G, si tant est que de telles manoeuvres aient existé.

Ainsi, seule la date de la convention pouvant constituer le point de départ du délai de prescription quinquennale pour l’action fondée tant sur le dol que sur le défaut de cause, celle-ci était acquise lorsque Mme Y Z a, par conclusions remises au greffe du tribunal de grande instance le 25 novembre 2013, invoqué la nullité de la donation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré cette action irrecevable.

2/: – Sur l’action en révocation de la donation:

A/: – Sur la demande de révocation:

Mme Y Z fonde son action subsidiaire en révocation de la donation, au visa de l’article 953 du Code civil, sur l’inexécution de ses conditions ainsi que sur l’ingratitude.

a): – Inexécution des conditions:

Mme Y Z soutient que Mme F G a manqué aux charges lui incombant en qualité de donataire en n’assurant pas les conditions du maintien de la mise en location du bien, et en ne justifiant pas de ce qu’elle assure celui-ci comme il se doit.

Il était stipulé à l’acte de donation que celle-ci était faite sous les charges et conditions ordinaires et de droit, sans autre précision, quant aux charges, que le fait que le donataire supportera les petites et grosses réparations de quelque nature que ce soit, de manière à ce que le donateur ne soit jamais inquiété à ce sujet, et d’autre part, que le donateur fera son affaire personnelle des assurances contre l’incendie et autres risques contractées par le donateur, en en payant les primes, sans d’ailleurs que des manquements éventuels soient assortis de la sanction de révocation.

Il n’en résulte donc pas que Mme F G était obligée, à titre de cause

impulsive et déterminante de la donation dans l’esprit des parties, de mettre le bien en location et à l’y maintenir, de sorte que le défaut éventuel d’entretien du jardin qui lui est reproché comme cause du départ des locataires en place ne peut être considéré comme une cause de révocation.

S’agissant des assurances, Mme Y Z ne démontre pas que Mme F G n’a pas exécuté la charge qui était la sienne, tandis que celle-ci produit au contraire un courrier de la compagnie Generali afférent au contrat d’assurances, l’informant d’une revalorisation de cotisation au 8 novembre 2009 et du prélèvement à venir de celle-ci.

Aucune cause de révocation pour inexécution des conditions de la donation n’est ainsi établie.

b): – Ingratitude:

L’article 955 du Code civil énumère limitativement trois cas de révocation pour ingratitude, à savoir l’attentat à la vie du donateur, les sévices, délits ou injures graves, enfin le refus d’aliments au donateur.

Mme Y Z fait état d’une part, d’un refus d’aliments, d’autre part, d’injures graves proférées contre elle par Mme F G.

S’agissant du refus d’aliments, s’il est établi que Mme Y Z a adressé à sa mère, le 3 juillet 2013, un courrier lui indiquant qu’elle était 'dans une situation financière extrêmement difficile (et avait) des soucis d’argent importants’ et lui demandant de lui verser une pension alimentaire de 200 € à 300 € par mois, il ne l’est pas, en revanche, au vu d’un seul relevé de situation de Pôle emploi daté du 30 mars 2012, soit quinze mois auparavant, qu’une telle demande correspondait alors effectivement à un besoin de la donatrice dont la preuve est nécessaire pour pouvoir caractériser l’ingratitude de la donataire.

S’agissant d’autre part des injures graves, il est constant que, courant juin et octobre 2013, Mme F G a, ainsi que les a retranscrits un huissier de justice après avoir constaté qu’ils émanaient d’une femme et d’un numéro de téléphone qui est celui de l’intéressée, adressé à sa fille des messages téléphoniques contenant notamment les phrases suivantes:

'Je vais t’emmener au tribunal et bien le bonjour… je serai derrière toi pour te niquer gentiment… Je vais te saquer… je veux te niquer… toi tu es une gamine une conne… Ne me rappelle plus jamais jamais… je te connais plus…'.

Les expressions employées, émanant de la donataire à l’adresse de la donatrice, sont gravement injurieuses pour celle-ci et ne trouvent pas d’excuse dans le contexte de relations difficiles ayant existé entre l’une et l’autre, mais aussi entre Mme F G et sa propre soeur, Mme L G, laquelle témoigne elle-même de ce que Mme F G lui avait avoué un jour son intention de faire vendre le bien donné dont l’usufruit lui conférait 60 % de la valeur, et de donner partie de la somme reçue à son fils, en écartant sa fille.

C’est donc à juste raison que le tribunal a vu dans les propos relevés, prononcés moins d’une année avant que Mme Y Z ne les invoque par ses conclusions du 25 novembre 2013 pour voir révoquer la donation, des injures graves justifiant la révocation de la donation consentie par Mme Y Z à Mme F G.

B/: – Sur les effets de la révocation:

a): – Sur les droits des parties sur le bien donné:

Ainsi que l’a dit le tribunal, la révocation n’a pas d’effet sur la donation consentie par M. X Z à Mme F G.

Il s’en suit d’une part, que cette dernière demeure usufruitière de la part indivise, pour moitié, de M. X Z sur le bien de telle sorte qu’il subsiste une indivision de droits entre Mme F G et Mme Y Z qui recouvre quant à elle la pleine propriété de sa part indivise pour l’autre moitié.

Et d’autre part, subsiste également l’indivision en nu-propriété entre M. X Z et sa soeur, Mme Y Z, sur ce bien.

b): – Sur la restitution des fruits:

Mme Y Z demande, devant la cour, la restitution des loyers indûment perçus selon elle par Mme F G depuis le jour de la donation révoquée jusqu’au départ des locataires en juin 2012.

Une telle demande, qui n’avait pas été présentée au premier juge, n’est cependant que l’accessoire et la conséquence de la demande aux fins de révocation et ne se heurte donc pas à l’irrecevabilité d’office prévue par l’article 564 du Code de procédure civile.

Mais, au fond, il résulte expressément du second alinéa de l’article 958 du Code civil que, par exception au principe de rétroactivité des effets de la révocation de la donation dans les rapports entre donateur et donataire, ce dernier ne doit la restitution des fruits des biens donnés qu’à compter du jour de la demande en révocation.

Cette demande ayant été formée le 25 novembre 2013, la prétention à la restitution des loyers perçus par Mme F G jusqu’en juin 2012 sera rejetée.

4/: – Sur la demande d’autorisation de vendre:

Mme Y Z ne peut opposer à la demande d’autorisation de vendre le bien objet de la donation la clause de l’acte par laquelle 'le donateur interdit formellement au donataire, qui s’y soumet, d’aliéner', dès lors que, en dehors de la restitution des fruits expressément exclue par les dispositions légales susvisées, l’effet rétroactif de la révocation entre les parties à la donation a pour conséquence, comme l’a justement rappelé le tribunal, qu’elle n’a jamais eu qualité pour s’en prévaloir.

En revanche, la persistance d’un démembrement de la propriété du bien en cause et d’une indivision entre Mme Y Z et son frère, M. X Z, sur la nue-propriété d’une part, et entre Mme Y Z et sa mère, Mme F G, sur l’usufruit d’autre part, fait que s’appliquent les dispositions de l’article 815-5 du Code civil selon lesquelles un indivisaire peut être autorisé par

justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun.

Or Mme F G et M. X Z, qui soutiennent que le bien se dégrade, nécessite d’importants travaux et ne peut ainsi être proposé à la location, se bornent à produire un devis d’une entreprise de menuiserie pour la fourniture et la pose de fenêtres à double vitrage et encadrement PVC, de volets roulants électriques et d’une porte de garage, dans lequel la cour ne voit pas davantage que le tribunal la démonstration de ce que la conservation du bien dans le patrimoine indivis compromettrait gravement l’intérêt commun, alors qu’il résulte des attestations des locataires qui occupaient la maison jusqu’en juin 2012 que ceux-ci se sont plaints pour l’essentiel du comportement intrusif et agressif de Mme F G.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme F G et M. X Z de leur demande.

5/: – Sur les frais et dépens:

Il convient de condamner Mme F G et M. X Z, in solidum, aux dépens d’appel, ainsi en outre qu’à payer à Mme Y Z, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l’audience;

Confirme le jugement déféré;

Y ajoutant, dit que Mme Y Z est pleinement propriétaire pour moitié, indivisément avec M. X Z pour la nue-propriété, et Mme F G, veuve Z, pour l’usufruit, de l’autre moitié, d’un bien immobilier consistant en une maison d’habitation et une parcelle de terre situés au XXX, figurant au cadastre section XXX et 62 pour une contenance totale de 3ha 96a 92ca;

Condamne in solidum, M. X Z et Mme F G, veuve Z, à payer à Mme Y Z la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

Rejette toutes autres demandes;

Condamne in solidum, M. X Z et Mme F G, veuve Z, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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