Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 20 octobre 2020, n° 19/06067

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 20 oct. 2020, n° 19/06067
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/06067
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

3e Chambre Commerciale

ARRÊT N° 398

N° RG 19/06067

N° Portalis DBVL-V-B7D-QDCO

SAS SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE

C/

SA CITEO

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cressard

Me Lecomte

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Z A, lors des débats, et Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Juillet 2020

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 20 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SAS SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE (SNDA), immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 424 886 653, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno CRESSARD de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SA CITEO, anciennement dénommée ECO-EMBALLAGES SA, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 388.380.073, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Fabrice LECOMTE, postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représentée par Me Lionel KOEHLER MAGNE, plaidant, avocat au barreau de PARIS

Dans le cadre des articles L541-10 à L541-50 du code de l’environnement, les producteurs ont l’obligation légale de pourvoir ou de contribuer à la gestion des déchets d’emballages ménagers qu’ils mettent sur le marché français. Ils peuvent satisfaire à cette obligation en adhérant à un système de gestion mutualisé.

La SA CITEO, anciennement dénommée ECO EMBALLAGES, est une société privée à but non lucratif, agréée par l’Etat, qui :

• reçoit les contributions financières des producteurs qui mettent des emballages de produits consommés ou utilisés par les ménages sur le marché français et qui ont souscrit un contrat d’adhésion auprès d’elle, selon un barème dont les principes et la structure sont définis par les pouvoirs publics,

• les reverse ensuite aux collectivités locales chargées d’organiser leur collecte, leur tri et leur traitement, pour pendre en charge une partie des coûts ainsi générés.

La SAS NOUVELLE DEL ARTE (société SNDA) est une société de restauration et de vente à emporter et met sur le marché des emballages de produits consommés ou utilisés par les ménages et a conclu le 07 février 1996 avec effet au 1er janvier 1993 un contrat avec la société CITEO pour se conformer aux obligations précitées.

Le contrat est fondé sur un mécanisme déclaratif : le producteur déclare ses emballages puis sa contribution est calculée au regard de cette déclaration, selon un barème annuel dont les principes et la structure sont définis par les pouvoirs publics.

Le mécanisme de versement de sa contribution par le producteur se faisait par quart trimestriels de 2011 à 2014, avec régularisation en fin d’année, puis à compter de 2015 en trois versements de 25,

25 et 50%.

La société SNDA n’a pas réglé sa contribution des premier, deuxième et quatrième trimestre 2011 et ne transmet plus de déclaration depuis 2008 sauf une déclaration incomplète pour l’année 2010 reçue le 30 novembre 2011 et ses contributions sont calculées sur la base de sa déclaration 2007.

A ce titre, elle resterait devoir pour les années 2011 à 2015 la somme de 55.273,38 euros TTC.

Après mise en demeure restée infructueuse, la société CITEO a obtenu le 22 août 2012 une ordonnance d’injonction de payer la somme de 10.276,71 euros, à laquelle la société SNDA a fait opposition, conduisant le tribunal de commerce de Rennes à se déclarer incompétent au bénéfice de celui de Saint-Malo pour des motifs de suspicion légitime.

Par jugement du 15 novembre 2016, le tribunal de commerce de Saint-Malo a :

• déclaré l’opposition de la SNDA recevable mais mal fondée,

• reçu la société ECO EMBALLAGES dans ses demandes et les a déclarées bien fondées,

• confirmé l’ordonnance d’injonction de payer du 22 août 2012,

• condamné la société SNDA à payer à la société ECO EMBALLAGES :

la somme de 10.276,71 euros TTC en principal correspondant à l’ordonnance du 22 août 2012,

celle de 44.996,67 euros TTC à titre provisionnel au titre des factures émises pour les années 2011 à 2015 inclues avec intérêts au taux légal à compter du jour suivant la date d’échéance de chaque facture conformément à l’article L441-6 alinéa 8 du code de commerce,

• ordonné à la société SNDA de produire à la société ECO EMBALLAGES les déclarations des quantités d’emballages ménagers des produits de la vente à emporter ainsi que des emballages ménagers au titre des produits de la consommation en salle, outre des emballages non ménagers dont le conditionnement est identique à celui des produits qui sont consommés ou utilisés par les ménages, au titre des années 2001 à 2015, en vue du rapprochement avec les factures émises par la société ECO EMBALLAGES et ayant abouti à la condamnation à une provision de 44.996,67 euros, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par déclaration à compter du 30e jour suivant la signification du jugement,

• s’est réservé le droit de liquider l’astreinte,

• donner acte à la société ECO EMBALLAGES de se qu’elle se réserve le droit d’émettre des factures complémentaires en fonction des déclarations au titre des contributions qui pourraient rester dues par la société SNDA en vertu du contrat et en l’absence de justificatif probant,

• débouté la société SNDA de ses demandes reconventionnelles,

• condamné la société SNDA au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamné la société SNDA aux dépens,

• ordonné l’exécution provisoire.

La société SNDA a fait appel de cette décision.

Par ordonnance du 29 novembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l’affaire à défaut pour l’appelante d’avoir exécuté le jugement.

La réinscription de l’affaire au rôle a été autorisée le 10 juillet 2019, après exécution -au moins partielle- de la décision déférée.

Par conclusions du 04 mars 2020, la société SNDA soutient qu’elle est fondée à opposer à la société CITEO une exception d’inexécution, celle-ci n’ayant jamais cessé de se contredire sur le périmètre des emballages soumis à déclaration puis à contribution ; elle conteste aussi devoir déclarer et contribuer pour ceux de ces commerces intégrés à des centres commerciaux, le traitement des déchets étant déjà assuré par les contrats souscrits par les centres commerciaux eux-mêmes.

La société SNDA a demandé que la Cour :

• infirme le jugement déféré,

• déboute la société CITEO de ses demandes,

• procède à différentes constatations,

• la condamne à lui restituer les sommes indûment perçues au titre de l’exécution provisoire soit 41.080 euros outre intérêts de retard outre sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire et à régulariser l’ensemble de ses factures,

• subsidiairement, dans l’hypothèse où la société SNDA serait condamnée à régulariser sa situation, préciser pour chaque année quels emballages doivent être déclarés et quels emballages doivent contribuer, et qui, de la société CITEO ou de la société SNDA doit opérer le tri entre emballages déclarés et emballages qui contribuent,

• condamner la société CITEO à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

• la condamner aux dépens.

La société CITEO, par conclusions du 26 février 2020, a contesté cette analyse qu’elle estime volontairement confuse et incohérente ; elle a conclu avoir toujours envoyé des instructions claires à ses adhérents, au fil des législations applicables.

Elle a demandé que la Cour :

• confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de majoration des intérêts de retard

• condamne en conséquence la société SNDA à lui payer la somme de 55.273,38 euros TTC en principal au titre des factures de contribution émises de 2011 à 2015 assortie des intérêts au taux légal à compter de l’échéance de chaque facture et majoré selon les dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier,

• condamne la société SNDA au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

• constate que la société SNDA ne lui a réglé qu’une partie des intérêts de retard échus au 09 juillet 2019 et la condamne au paiement de la somme de 7.126,88 euros,

• la déboute de ses prétentions,

• condamne la société SNDA au paiement de la somme de 30.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

• la condamne aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l’avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la Cour précise qu’elle ne procèdera pas aux différentes constatations lui étant demandées par les parties, le code de procédure civile lui attribuant comme seul pouvoir celui de trancher des litiges.

Il est relevé que la disposition du jugement déféré ayant déclaré recevable l’opposition formée par la société SNDA à l’ordonnance d’injonction de payer du 22 août 2012 prononcée au bénéfice de la société ECO EMBALLAGES ne fait l’objet d’aucune critique.

Sur le litige :

Le contrat souscrit entre la société CITEO et la société SNDA a pour fondement les dispositions des articles R543-53 et suivants du code de l’environnement relatives aux déchets d’emballage dont les détenteurs finaux sont les ménages.

Ces dispositions ont suivi quelques évolutions au cours des années, qui s’imposent aux parties.

En sa qualité de producteur de déchets ménagers, la société SNDA a en effet le choix de les retraiter elle-même ou de souscrire un contrat avec un organisme agréé de droit privé, ce qu’elle a choisi de faire en souscrivant avec la société ECO EMBALLAGES, désormais dénommée CITEO.

Le contrat souscrit a été signé le 07 février 1996 par la société SEDRI, aux droits de laquelle vient la société SNDA, et prend effet au 1er janvier 1993 ; il vise en préambule les dispositions de la loi n°75-633 du 15 juillet 1975 et le décret n°92-377 du 1er avril 1992, en indiquant que l’adhésion du co-contractant a pour objet le respect des obligations légales résultant de ces textes en sa qualité de producteur de déchets ; pour sa part, la société ECO-EMBALLAGES, qui dispose à cette fin d’un agrément, s’engage à retraiter les déchets.

Le contrat est d’une durée de trois années, puis à son issue, renouvelable annuellement par tacite reconduction sauf préavis de six mois et prévoit pour la société SNDA 'des contributions annuelles au financement du système visant à l’élimination des déchets d’emballages mis en place par Eco Emballages'. Il est précisé que 'ces contributions sont dues pour l’ensemble des produis mis sur le marché par les cocontractants à la date de leur facturation à un tiers'.

Le mécanisme décliné dans l’article 5 'contributions au financement' est un système reposant sur les déclarations des adhérents, qui paient des acomptes durant l’année civile et dont les contributions exactes sont régularisées à réception de leur déclaration annuelle.

S’agissant des tarifs ou plus précisément du 'barème', le contrat prévoit qu’il peut être modifié avec un préavis de trois mois afin de tenir compte des objectifs économiques, écologiques et techniques imposés à la société CITEO, qui toutefois doit faire agréer son nouveau barême par les pouvoirs publics et ne dispose donc que d’une initiative limitée en ce domaine.

Le co-contractant a l’obligation de tenir une comptabilité spéciale de ses emballages, qui peut le cas échéant faire l’objet de vérifications par la société ECO EMBALLAGES.

Le contrat prévoit enfin pour le cocontractant une obligation de marquage de ses emballages avec le logo ECO EMBALLAGES afin que puisse être vérifiée son adhésion à un organisme de gestion agréé.

Parallèlement au contrat, la société ECO DIFFUSION diffuse à ses adhérents un 'guide de l’emballage mode d’emploi', qui est daté, mis à jour et qui, selon ce qui est écrit en couverture 'constitue le document de référence pour établir les déclarations des emballages mis sur le marché' pour une période donnée, les adhérents y trouvant 'les principes et la structure du barême de contribution'.

Ainsi, le mode d’emploi 2002-2004, dans sa version de 2004, contient en couverture l’avertissement suivant 'ATTENTION : modification du barème au 1er janvier 2004".

Le 27 juillet 2005 et le 17 août 2005 a été signé un avenant aux termes duquel la SNDA a repris tous les engagements souscrits par la société SEDRI dans le contrat de 1996.

Les premières difficultés entre la société SNDA et la société CITEO sont survenues à compter de l’année 2008 puisque les déclarations d’emballages pour les années 2008 et 2009 n’ont pas été effectuées par la société SNDA, sans que celle-ci ne fournisse d’explication à la société CITEO, du moins au regard des pièces versées aux débats.

Le 21 février 2011, M. X, directeur des achats du groupe LE DUFF, dont fait partie la société SNDA, va adresser par courriel la déclaration des emballages 2010 à la société CITEO avec le commentaire suivant : 'pour cette déclaration, nous sommes partis sur les volumes que nous estimons être jetés dans la poubelle de la ménagère. Il semblerait que les volumes précédemment déclarés soient les volumes de la vente à emporter dans sa totalité. Les écarts sont importants, par conséquent il nous faut rapidement nous rencontrer pour clarifier cette situation'.

M. X faisait référence dans ce courriel à différents type de déchets ménagers : soit tous les emballages distribués lors des ventes à emporter, quelque soit le lieu de consommation (chez soi mais aussi dans la rue), soit les emballages de la seule vente à emporter consommée chez soi.

Ce courriel a induit une réponse en avril 2011, contenant envoi du 'guide de la déclaration 2010" et rappelant que :

— pour toutes les déclarations relatives aux emballages distribués avant le 31 décembre 2010, doivent être déclarés tous les emballages de vente à emporter soit 'les emballages des produits vendus dans les circuits de distribution hors domicile hors salle de restauration',

et indiquant que compte tenu d’un changement de réglementation, à compter de 2011 devront être déclarés :

— tous les emballages de la vente à emporter -mais aussi, tous les emballages de produits consommés sur place 'en salle', lorsqu’il n’y a pas de service à table (et que donc les produits ne sont pas servis déballés sur une assiette par un serveur),

ce changement de réglementation expliquant le délai de réponse (deux mois) au courriel de M. X.

Cette réponse a été précisée par la société CITEO dans un courriel du 10 juin 2011, rappelant les définitions, d’une part d’un emballage ménager 'tout emballage associé à la commercialisation d’un produit et séparé d’un produit dans le but de sa consommation, peu important le mode ou le circuit de distribution du produit, le lieu d’abandon de l’emballage et le lieu de consommation ou d’utilisation du produit', d’autre part d’un ménage 'toute personne physique qui utilise pour un usage privé un produit emballé commercialisé par une entreprise'. Il était demandé à la société SNDA d’avoir à procéder à ses déclarations 2008 et 2009 et de rectifier celle de 2010 (ne contenant que les emballages jetés à la poubelle des ménages).

Le 29 novembre 2011, aura lieu une réunion entre M. X et Mme B 'responsable contrôles et contentieux adhérents chez CITEO', qui donnera lieu à un long courriel de cette dernière,

en date du 08 décembre 2011, rappelant les termes de la réunion soit :

— les différentes aides à la déclaration mises en place par CITEO (interlocuteur, guide de la déclaration, hotline),

— le périmètre déclaratif 2010 et ante, dans les mêmes termes que dans le courriel d’avril 2011, avec quelques précisions sur des produits spécifiques: serviettes de table, gobelets,

— les modalités de déclaration,

— l’obligation de déclaration modifiée à compter de 2011,

— l’envoi d’un nouveau contrat actualisé pour tenir compte de cette modification,

— la question des franchises,

— la possibilité ouverte à la société SNDA de corriger ses déclarations passées en cas d’erreur, dans la limite de la prescription, avec rappel que la société SNDA doit être capable de justifier de façon probante des chiffres fournis,

— une demande d’envoi des déclarations 2008 – 2009 – 2010.

Le 03 avril 2012, M. Y a adressé un courrier recommandé à la société CITEO faisant référence à des échanges avec Mme B et sa collaboratrice, pour reprocher 'de nombreux dysfonctionnements : pas de contrats à jour, information divergentes sur les produits à déclarer selon les interlocuteurs Eco Emballages, pas d’équité sur le périmètre de déclaration Eco Emballages entre les différentes enseignes de restauration en France, certains de nos confrères du Fast Food nous informent payer la taxe Eco Emballages avant l’année 2011 sur les produits consommés au domicile des ménages quand on nous demande de déclarer tous les produits de la vente à emporter'. Il écrivait ensuite : 'nous vous demandons par conséquent de bien vouloir nous apporter une réponse claire sur le périmètre de déclaration et en toute équité avec nos confrères de la restauration hors domicile'.

Par courriel du 23 mai 2012, Mme B a accusé réception de ce courrier, indiquant qu’il était en cours d’analyse par le service juridique et qu’une réponse y serait apportée dans les trois semaines, les contributions 2011 et 2012 étant établies sur la base de la dernière déclaration, soit celle de 2007.

Aucune pièce ne justifie de cette réponse.

Au mois d’août 2012, la société CITEO a déclenché une procédure judiciaire en obtenant une ordonnance d’injonction de payer.

Les déclarations à effectuer avant décembre 2010 :

La société SNDA reprend les échanges cités plus haut pour plaider que la société CITEO l’aurait contrainte de mettre en oeuvre une exception d’inexécution car aucune explication claire ne lui aurait jamais permis de déterminer quels emballages devaient être déclarés pour la période comprise entre 2002 et 2010.

La société SNDA est le franchiseur du réseau DEL ARTE et exploite en propre certains points de vente : ceux-ci sont des restaurants avec service en salle (restauration traditionnelle) qui disposent d’un service de vente à emporter de pizzas.

Elle prétend s’être vue imposer dès l’origine de déclarer tous ses emballages consommés sur place, en plus de ceux de la vente à emporter, et l’avoir fait, pour apprendre ensuite que seuls les emballages de la vente à emporter devaient être déclarés.

Cette argumentation est inexacte et contredite par les échanges rappelés ci-dessus.

Les courriers de contestation de M. X n’ont jamais visé la différence entre emballages de produits consommés sur place et emballages de vente à emporter, mais la différence entre les emballages de vente à emporter (au sens général) et les produits jetés à la poubelle par les ménages après avoir été emportés (ce qui est une sous-catégorie de la vente à emporter) ; les courriers contestaient le fait que la société SNDA ait à déclarer tous les emballages de la vente à emporter et pas uniquement ceux jetés à la poubelle par les ménages. Il n’a jamais été allégué par M. X qu’aient été déclarés les emballages des produits consommés sur place.

La lecture des pièces versées aux débats, qu’il s’agisse des courriers adressés par la société ECO EMBALLAGES à la société SNDA, ou des mentions figurant sur ses 'guides de la déclaration', démontre qu’ont toujours été mentionnés comme devant être déclarés les emballages de la vente à emporter.

En effet, s’il est exact que le contrat mentionne les emballages 'mis dans le commerce', les 'guide de la déclaration’ diffusés annuellement mentionnent sans ambiguïté les seuls emballages de la vente à emporter. Sur le guide 2004, il est indiqué 'les emballages concernés : tous les emballages dont les détenteurs finaux sont les ménages', 'd’une manière générale, dès qu’un produit emballé est acheté par les ménages, l’emballage est concerné' et il est précisé 'dans le cadre d’une consommation au sein (souligné par la cour) de cafés, hôtels, restaurants, les emballages des produits consommés ne sont pas concernés'. La définition est donc tout à la fois simple et claire pour la société SNDA dont les clients, soit se restaurent dans ses salles de restaurant, soit achètent des produits à emporter.

De même, les différentes réponses apportées par la société CITEO aux interrogations de la société SNDA ont toujours rappelé que devaient être déclarés les emballages de la vente à emporter.

Cette réponse est conforme aux prescriptions de l’article R543-55 dans sa version antérieure au 11 juillet 2011, selon laquelle la sous-section 'traitement des déchets ménagers' du code de l’environnement traite de 'l’abandon des emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages'.

A cet égard, si la société SNDA a affirmé que d’autres enseignes ne se voyaient réclamer de déclaration et de contribution que pour les déchets 'jetés à la poubelle des ménages’ (comme avant 2002), elle n’a jamais justifié de cette allégation.

Ensuite, il est exact que le courrier du 29 novembre 2011 apporte à la société SNDA quelques précisions qui ne tombaient pas forcément sous le sens commun pour les serviettes et les gobelets.

Pour autant, ce même courrier rappelle à la société SNDA qu’elle peut rectifier ses déclarations non atteintes par la prescription.

En d’autres termes, si des erreurs avaient été commises à son détriment, la société SNDA avait la possibilité de les corriger et donc de voir ses contributions diminuer.

Par ailleurs, cette difficulté quant aux serviettes et gobelets n’explique pas l’absence de déclaration pour les années 2008 et 2009, les premières contestations n’étant survenues qu’en 2010.

Ensuite, s’agissant d’un contrat résiliable chaque année, l’exception d’inexécution ne peut être admise plusieurs années de suite: si la société SNDA estimait que la société CITEO ne respectait pas ses obligations, il lui appartenait de ne pas laisser son contrat être renouvelé. En agissant comme elle l’a fait, elle s’est permise de bénéficier des avantages de l’adhésion (être reconnue par les services de l’Etat comme un producteur traitant ses déchets) sans en assumer les contreparties nécessaires de déclaration et contribution.

Enfin, ainsi qu’il a été rappelé, le système contributif est fondé sur les déclarations de l’adhérent, qui doit non seulement déclarer les emballages, mais en déclarer la nature et le poids pour chaque matériau utilisé, selon les prescriptions du guide de la déclaration. Le même guide contient le tarif de la contribution due par poids de matériau, ce dont il résulte qu’à l’issue d’une déclaration faite conformément aux prescriptions, le déclarant, sans même attendre la facturation lui étant faite par la société CITEO, est à même, par de simples multiplications et additions, de connaître le montant de la facturation à venir.

Dès lors, il est vain de contester ladite facturation au seul motif qu’elle n’est pas détaillée, une telle contestation ne pouvant trouver sa place que lorsque la facturation réelle diffère de la facturation attendue au regard de la déclaration effectuée -laquelle au demeurant n’était pas effectuée par la société SNDA-.

Les déclarations à effectuer après décembre 2010 :

Sont intervenus un arrêté du 12 novembre 2010 et un décret du 11 juillet 2011, qui ont conduit la société CITEO à conclure que devait être modifié le périmètre déclaratif et contributif pour y inclure les emballages provenant des ventes consommées dans les salles de restauration lorsqu’il n’y a pas de service en salle : cas des personnes allant s’asseoir pour consommer un produit acheté au comptoir, lequel est emballé.

Il doit être noté que la mesure n’a pas été mise immédiatement en application mais a été suspendue le temps que la société CITEO reçoive la confirmation de son analyse par le Directeur Général de la Prévention des Risques du Ministère de l’Ecologie et du développement durable.

La société SNDA se sert de cette période d’hésitation pour conclure que la société CITEO n’a cessé de se contredire, mais tel ne fut pas le cas: a toujours été affichée l’obligation de déclarer les déchets de la vente à emporter et a uniquement été mise en suspens durant une année l’élargissement de la déclaration aux emballages des produits consommés en salle lorsqu’il n’y a pas de service à table.

En cela, la société CITEO a eu une attitude prudente, qui ne peut lui être reprochée, et a décidé de demander à ses adhérents de déclarer les emballages des ventes consommées dans les salles de restauration sans service en salle à compter du 1er janvier 2012, sans rétroaction.

Une telle mesure n’était pas de nature à porter préjudice à la société SNDA, qui au demeurant n’était pas concernée par ce périmètre de déclaration élargi puisque son service de restauration est traditionnel, les produits étant servis aux clients après avoir été déballés en cuisine (lorsqu’un

déballage a été nécessaire).

Enfin, la version du cahier des charges annexée à l’arrêté du 12 novembre 2010 prévoit que 'Afin de permettre un suivi régulier, le titulaire demande à ses cocontractants qu’ils lui fournissent de manière annuelle leurs données de mise sur le marché d’emballages visés par l’article R543-55 du code de l’environnement. Dans le cas d’un produit où la totalité des emballages n’est pas, pour une contenance donnée, visée par l’article R543-55 du code de l’environnement, le cocontractant est tenu de déclarer l’intégralité des mises sur le marché et de produire les éléments justifiant qu’une partie de ces mises sur le marché n’est pas visée par les dispositions de l’article R543-55 du code de l’environnement. Le titulaire demande à tous ses cocontractants une attestation de véracité de leurs déclarations signée par un représentant social de leurs société dûment habilité, par leur expert comptable ou par leur commissaire aux comptes'.

Il en résulte une extension du périmètre déclaratif, pour ceux des emballages qui sont mis sur le marché sans terminer entre les mains d’un consommateur et qui pour la restauration, visent le cas où l’emballage du produit est ôté en cuisine, par le professionnel, qui le sert ensuite non emballé au client assis en salle. Ces emballages doivent donc être déclarés, mais à part, puisqu’ils ne contribuent pas, la charge de la différenciation entre emballages déclarés qui contribuent et emballages déclarés qui ne contribuent pas reposant sur le déclarant aux termes du cahier des charges.

Ainsi, la société CITEO a pu légitimement exposer dans son guide de la déclaration détaillée 2012 l’existence d’un nouveau mode de calcul et la nécessité de déclarer ce qu’elle appelle 'les emballages non ménagers’ dont elle a rappelé pour la restauration qu’il s’agit 'des emballages des produits consommés au sein d’un établissement de restauration traditionnelle (nb avec service en salle) ou au sein d’un établissement de restauration collective'.

Cette nouvelle définition n’appelait pas nécessairement la rédaction d’un avenant, dans la mesure où le contrat initial indique en préambule que l’objet du contrat est le respect par les parties des prescriptions du code de l’environnement relatives au traitement des déchets. Il s’en déduit qu’il est contractuellement acquis que les obligations des parties évoluent conformément aux dispositions du code.

La question des centres commerciaux et des franchises :

S’agissant de la question des magasins situés dans des centres commerciaux, lesquels bénéficieraient donc, selon la société SNDA, de leurs propres contrats de traitements de déchets, l’argumentation de la société SNDA ne peut être retenue à défaut d’avoir, magasin par magasin, justifié avec les contrats souscrits du respect des prescriptions des articles R543-53 et suivants du code de la consommation, sachant que quelque soit le lieu de situation des magasins, elle reste, conformément aux dispositions de l’article R543-56 du code de l’environnement, le producteur de l’emballage; au demeurant, s’agissant d’un système déclaratif, il lui appartient de déclarer ce qu’elle estime devoir déclarer.

La même remarque vaut pour les établissements qui sont des franchisés de la société SNDA, et pour lesquels la cour ne dispose ni de liste, ni d’information contractuelle lui permettant de les rattacher – ou pas – à l’obligation déclarative de la société SNDA : au sens des dispositions de l’article R543-54 du code de l’environnement, on entend par producteur 'quiconque, à titre professionnel, emballe ou fait emballer ses produits en vue de leur mise sur le marché' et ainsi, il aurait été nécessaire à la société SNDA de démontrer qu’elle n’était pas la société emballant ou faisant emballer les produits que ses franchisés mettent sur le marché.

En l’absence de ces pièces et de tout document de nature à confirmer ses assertions, elle ne peut qu’être déboutée des prétentions y afférent.

Ces différentes définitions ont conduit le premier juge à enjoindre à la société SNDA de déclarer cumulativement au titre des années 2011 à 2015 :

— les quantités d’emballages ménagers des produits de la vente à emporter,

— les emballages ménagers au titre de la consommation en salle,

— les emballages non ménagers dont le conditionnement est identique à celui des produits qui sont consommés ou utilisés par les ménages.

Ces dispositions doivent être précisées dans le sens que :

— les 'emballages ménagers au titre de la consommation en salle’ s’entendent des produits consommés en salle ne comportant pas de service,

— les 'emballages non ménagers dont le conditionnement est identique à celui des produits qui sont consommés ou utilisés par les ménages’ doivent être déclarés séparément et ne contribuent pas .

Ces précisions répondent à la demande subsidiaire de la société SNDA de savoir quels emballages doivent être déclarés et quels emballages doivent contribuer et de dire qui doit opérer le tri entre emballages déclarés et emballages qui contribuent.

Les créances de la société CITEO :

Le premier juge a condamné la société SNDA a payer :

— la somme de 10.276,71 euros TTC,

— une provision de 44.996,67 euros TTC au titre des contributions échues pour les années 2011à 2015 calculées par la société CITEO sur la base de la déclaration 2007.

La société SNDA ayant déféré à l’obligation de déclaration lui ayant été imposée avec exécution provisoire par le jugement, des régularisations ont pu être effectuées, conduisant la société CITEO à réclamer désormais en principal la somme de 55.273,38 euros TTC au titre des contributions des années 2011 à 2015 avec intérêts légaux à compter de l’échéance de chaque facture majorés selon les dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier.

A l’examen du décompte, cette somme correspond aux cotisations 2011 à 2015 et à une régularisation pour l’année 2010 (avoir de 4.977,63 euros au bénéfice de la société SNDA).

Il est fait droit à sa demande en principal.

S’agissant de la provision de 44.996,67 euros, le premier juge avait assorti la condamnation en principal d’une condamnation au paiement d’intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance de chaque facture et la société CITEO réclame désormais l’application des dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier sur la somme de 55.273,38 euros.

Elle demande toutefois la somme de 7.126,88 euros au titre du décompte des intérêts de retard calculés conformément au jugement et arrêtés au 09 juillet 2019 (date du paiement des sommes dues au titre de l’exécution provisoire), en expliquant que dans le cadre de l’exécution de la condamnation déférée, la société SNDA n’a réglé qu’une partie des intérêts.

La présente cour ne statue pas comme juge de l’exécution et dès lors, il convient uniquement de condamner la société SNDA au paiement de la somme de 55.273,38 euros TTC avec intérêts légaux à compter de la date d’échéance de chaque facture, comme le prévoient les dispositions contractuelles, en rappelant que l’application des dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier est de plein droit en cas de retard d’exécution.

S’agissant enfin de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la demande n’est pas fondée dans la mesure où n’apparaissent ni intention malicieuse ni moyens dilatoires dans les contestations soulevées par la société SNDA.

Sur les demandes reconventionnelles de la société SNDA :

Celle-ci demande la restitution des sommes versées au titre de l’exécution provisoire.

Les motifs qui précèdent confirment les condamnations prononcées et dès lors, la demande est infondée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société SNDA, qui succombe, supporter la charge des dépens d’appel et paiera à la société CITEO la somme de 15.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable l’opposition de la société SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE à l’ordonnance d’injonction de payer du 22 août 2012.

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a ordonné à la société SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE de produire à la société ECO EMBALLAGES les déclarations des quantités d’emballages ménagers des produits de la vente à emporter ainsi que des emballages ménagers au titre des produits de la consommation en salle, outre des emballages non ménagers dont le conditionnement est identique à celui des produits qui sont consommés ou utilisés par les ménages, au titre des années 2001 à 2015, en vue du rapprochement avec les factures émises par la société ECO EMBALLAGES et ayant abouti à la condamnation à une provision de 44.996,67 euros, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par déclaration à compter du 30e jour suivant la signification du jugement,

Y ajoutant :

Dit que :

— les 'emballages ménagers au titre de la consommation en salle’ s’entendent des produits consommés en salle ne comportant pas de service à table,

— les 'emballages non ménagers dont le conditionnement est identique à celui des produits qui sont consommés ou utilisés par les ménages’ doivent être déclarés séparément et ne contribuent pas.

Infirme le jugement déféré quant au quantum des condamnations prononcées et au point de départ des intérêts.

Statuant à nouveau :

Condamne la société SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE à payer à la société CITEO la somme de 55.273,38 euros TTC avec intérêts légaux à compter de la date d’échéance de chaque facture.

Rappelle que l’application des dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier est de plein droit en cas de retard dans l’exécution.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Déboute chaque partie du surplus de ses demandes.

Condamne la société SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE aux dépens d’appel.

Condamne la société SOCIETE NOUVELLE DEL ARTE à payer à la société CITEO la somme de 15 000 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 20 octobre 2020, n° 19/06067