Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 26 janvier 2021, n° 20/02024

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 26 janv. 2021, n° 20/02024
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/02024
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°40/2021

N° RG 20/02024 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QSPZ

S.A.R.L. MENANTEAU

C/

Le Directeur interrégional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, rédactrice

GREFFIER :

Madame X-Y Z, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2020, tenue en double rapporteur sans opposition des parties, par Mme Aline DELIÈRE, présidente, et Mme Brigitte ANDRÉ, conseillère,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Janvier 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A.R.L. MENANTEAU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Tangi NOEL, avocat au barreau de RENNES, représentée par Me Jérôme MAUDET de la SAS SEBAN ATLANTIQUE, avocat au barreau de NANTES,

INTIMÉ :

Monsieur le Directeur interrégional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilié au siège

[…]

[…]

Représenté par Me Nolwenn TROADEC, avocat au barreau de LORIENT, représenté par Me Dan HAZAN du cabinet ASTORIA Avocats, avocat au barreau de PARIS

La SARL Menanteau dispose de tracteurs de type agricole ou forestier pour les besoins de son activité agricole. Le 14 septembre 2015, elle a été contrôlée par les agents de la brigade des douanes des Sables d’Olonne. Les douaniers ont dressé un procès-verbal de constat pour fonctionnement du véhicule au gazole non routier (GNR) dans le cadre d’une activité de travaux publics. A compter du 10 novembre 2015, les agents de la brigade des Sables d’Olonne ont procédé à un contrôle de l’utilisation de gazole non routier à la carburation des tracteurs agricoles de la SARL Menanteau, sur les périodes du 10 octobre 2010 au 31 décembre 2012 et du 15 avril 2013 au 30 juin 2013.

Le 10 mars 2016, la direction des douanes et droits indirects des Pays de la Loire a émis un avis de recouvrement d’un montant de 35 834 €. Le 17 mars 2016, elle a adressé à la SARL Menanteau un projet de règlement transactionnel consistant en l’acquittement des droits et d’une amende de 3 500 €. Le 18 mars 2016, la SARL Menanteau a sollicité la remise gracieuse du paiement des droits en arguant de sa bonne foi. Cette contestation a été rejetée le 26 août 2016 par la direction régionale des douanes et droits indirects des Pays de la Loire. Elle a néanmoins réduit le montant de l’amende à la somme de 1 500 €.

Par acte du 24 octobre 2016, la SARL Menanteau a assigné la direction régionale des douanes et des droits indirects des Pays de la Loire devant le tribunal de grande instance de Nantes en annulation de l’avis de mise en recouvrement du 10 mars 2016.

Par jugement du 13 février 2020, le tribunal judiciaire a :

— validé l’avis de mise en recouvrement n° 941/2016/DNA/28 du 10 mars 2016 pour un montant de 35 834 € ;

— condamné en tant que de besoin la SARL Menanteau au paiement de cette somme en exécution de l’avis de mise en recouvrement ;

— débouté la SARL Menanteau de l’intégralité de ses demandes ;

— rappelé qu’il n’y a pas lieu à dépens par application de l’article 367 du code des douanes ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La SARL Menanteau a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 avril 2020.

Vu les conclusions du 7 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la SARL Menanteau qui demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris ;

— annuler la mise en recouvrement du 10 mars 2016 comme étant infondée ;

— ordonner la décharge de la société Menanteau des droits, amendes et taxes ;

— condamner l’Etat à régler à la SARL Menanteau la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Vu les conclusions du 3 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments du directeur interrégional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris ;

— confirmer l’avis de mise en recouvrement n° 941/2016/DNA/28 pour un montant de 35834 € ;

— ordonner le paiement par la SARL Menanteau de la somme de 35 834 € qui correspond au montant du différentiel de taxation entre le gazole «'blanc'» et le GNR ;

— condamner la SARL Menanteau à verser à la direction régionale des douanes et droits indirects des Pays de la Loire la somme de 3 200 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel ;

— dire n’y avoir lieu à dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’infraction douanière :

Aux termes de l’article 427 du code des douanes : «'Sont réputés importations sans déclaration de marchandises prohibées :

(…)

6° le détournement de produits énergétiques mentionnés aux articles 265,266 quinquies ou 266 quinquies B d’une destination privilégiée au point de vue fiscal et notamment l’utilisation de carburants agricoles à des usages autres que ceux qui sont fixés par la loi ;

(…)

Aux termes de l’article 345 bis du même code, dans sa version issue de l’ordonnance du 7 décembre 2005 : «'I-Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations constituant le fait générateur, elle ne peut constater par voie d’avis de mise en recouvrement et recouvrer les droits et taxes perçus selon les modalités du présent code, en soutenant une interprétation différente.

II.-Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal, elle ne peut constater par voie d’avis de mise en recouvrement et recouvrer les droits et taxes perçus selon les modalités du présent code en prenant une position différente.(…)

L’article 265 du code des douanes, dans sa version en vigueur à la date des faits (années 2012 et 2013), établit dans un «'tableau B'» une nomenclature des produits pétroliers, identifiés par un indice, auquel correspond un tarif douanier. Le gazole destiné à être utilisé comme carburant sous condition d’emploi est identifié par l’indice 20.

Aux termes de l’article 265 B du même code, dans sa version en vigueur à la date des faits : «'1. Si les produits visés au tableau B annexé à l’article 265c ci-dessus bénéficient d’un régime fiscal privilégié sous conditions d’emploi, les usages autorisés sont fixés par des arrêtés du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’industrie.

Ces arrêtés peuvent prescrire l’adjonction auxdits produits de colorants et d’agents traceurs pour en permettre l’identification.

(…)

2. Les importateurs, les fabricants, les distributeurs et les utilisateurs de produits bénéficiant d’un régime fiscal privilégié, ainsi que les opérateurs introduisant ces produits sur le territoire national, doivent se conformer aux mesures prescrites par arrêté du ministre chargé du budget en vue de contrôler la vente, la détention, le transport et l’utilisation desdits produits. A la première réquisition du service des douanes, les distributeurs doivent notamment pouvoir lui communiquer les noms de leurs acheteurs ainsi que les volumes de produits cédés.

3. L’utilisation de produits pétroliers à des usages ou dans des conditions n’ouvrant plus droit au régime privilégié dont ils ont bénéficié ainsi que l’absence de justification de la destination donnée à ces produits, donnent lieu à l’exigibilité du supplément des taxes applicables.

En cas de détournement des produits de leur destination privilégiée ou d’absence de justification par les distributeurs de la destination donnée aux produits, le supplément de taxes est exigible sur les quantités détournées ou non justifiées, sans préjudice des pénalités encourues.'»

Aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 10 novembre 2011,fixant pour le gazole, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d’eau dans du gazole, des conditions d’emploi ouvrant droit à l’application du régime fiscal privilégié institué par l’article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation :' «'Pour l’application du tableau B figurant au 1 de l’article 265 du code des douanes et sous réserve des dispositions de l’article 3 ci-après, le gazole sous condition d’emploi dénommé « gazole non routier » (gazole visé à l’indice 20 de ce tableau et classé aux positions tarifaires 27 10 19 41 21, 27 10 19 41 29, 27 10 19 41 30 et 27 10 19 41 90 du tarif douanier) est admis au bénéfice du taux réduit de taxe intérieure de consommation s’il est utilisé à titre exclusif comme carburant pour l’alimentation des moteurs à allumage par compression désignés ci-après : (')

(L’utilisation de carburant dans)Les moteurs de propulsion :

(…)

De tracteurs de type agricole ou forestier entendus comme tout véhicule à moteur, à roues ou à chenilles, ayant au moins deux essieux, dont la fonction réside essentiellement dans sa puissance de traction et qui est spécialement conçu pour tirer, pousser, porter ou actionner certains outils, machines ou remorques destinés à l’emploi dans l’exploitation agricole ou forestière pour des travaux agricoles et forestiers. Il peut être aménagé pour transporter une charge et des convoyeurs ;

De tracteurs de type agricole ou forestier entendus comme tout véhicule à moteur, à roues ou à chenilles, ayant au moins deux essieux, utilisés par des collectivités territoriales pour des usages autres qu’agricoles ou forestiers ; (…)'»

La circulaire 12-005, du 15 novembre 2011, publiée au bulletin officiel des douanes du 26 janvier 2012, précise que : «'Tout tracteur de type agricole ou forestier utilisé à des fins autres qu’agricole ou forestière ne peut prétendre à un taux réduit de taxe intérieure de consommation (') Ce nouvel arrêté élargit le champ d’application du taux réduit de TIC à tous les tracteurs agricoles ou forestiers (') quelque soit leur classement tarifaire et quel que soit leur vitesse. ('.) ces tracteurs pourront être utilisés sur la voie publique à condition que leur usage principal soit forestier ou agricole ('.)'Ces tracteurs sont pour la plupart immatriculés; leur immatriculation étant requise par le code de la route pour emprunter la voie publique. Ces tracteurs de type agricole ou forestier doivent être destinés à être utilisés dans l’exploitation agricole ou forestière pour des travaux agricole ou forestiers, que ce soit à titre industriel, commercial mais également privé'»

La circulaire 13-027 du 13 juillet 2013 publiée au bulletin officiel des douanes du 17 juillet 2013 est venue préciser que «'Ces tracteurs pourront être exceptionnellement utilisés sur la voie publique pour rejoindre une exploitation agricole ou forestière à condition que leur usage soit agricole et forestier.(…) Sont entendus comme travaux agricoles ou forestiers les travaux définis par l’article L722-2 du code rural ('.) Les tracteurs agricoles ou forestiers ne peuvent prétendre à l’usage de gazole sous conditions d’emploi pour les usages dans le BTP (travaux publics) (') Les travaux de BTP n’entrent en aucune façon dans la définition des travaux agricoles proposés par le code rural (').Une dérogation est spécialement prévue pour les collectivités territoriales (…)

Contrairement à ce que soutient la société Menanteau, les termes de la seconde circulaire ne sont pas venus modifier une prise de position antérieure de l’administration ou une interprétation de l’arrêté du 10 novembre 2011 comme autorisant la possibilité d’utiliser du gazole non routier dans le moteurs d’un tracteur de type agricole ou forestier à des fins de travaux publics. Il ressort sans équivoque de la circulaire du 15 novembre 2011 que le gazole non routier ne peut être utilisé qu’à la condition que l’utilisation du tracteur se fasse dans l’exploitation agricole, et qu’il ne soit utilisé sur la voie publique que si son usage principal est forestier ou agricole, ce qui s’entend comme l’utilisation pour rejoindre une exploitation. Il ne peut être déduit de cette circulaire que l’usage de ce type de tracteur à des fins de travaux publics est autorisé, même à titre accessoire.

L’interprétation extensive de la première des deux circulaires par certains utilisateurs de tracteurs agricoles ou forestiers, qui a donné lieu à des questions parlementaires, n’est pas une position de l’administration qui lui soit opposable. La double circonstance que l’administration des douanes, prenant acte de ces observations, ait suspendu ses contrôles du 19 octobre 2012 au 31 décembre 2012 puis du 15 avril 2013 au 30 juin 2013, période durant laquelle elle a procédé à la réécriture de la circulaire, et que par mesure de bienveillance, elle n’ait pas repris dans son redressement les volumes de gazole non routier consommés par la SARL Menanteau durant ces périodes, n’équivaut pas davantage à une interprétation de l’administration qui lui soit opposable.

Il résulte de tout ce qui précède, qu’en utilisant du gazole non routier dans un moteur de tracteur agricole ou forestier pour effectuer des travaux publics en 2012 et 2013, la SARL Menanteau a commis l’infraction visée à l’article 427 précité du code des douanes.

Sur le redressement :

Le directeur interrégional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire expose que pour procéder à un redressement de 35 834 € (29 862 € de TICPE et 5 972 € de TVA) l’administration des douanes a :

— obtenu de la SARL Menanteau les informations suivantes :

*Ses engins ont passé à effectuer des tâches de travaux publics, n’ouvrant pas droit à l’utilisation de GNR, 5 781 heures en 2012 et 3 746 heures en 2013,

*en 2012, la totalité des tâches de travaux publics a été effectuée avec du GNR,

*en 2013, elle a utilisé du GNR et du gazole «'blanc'»,

— reconstitué le volume de carburant nécessaire aux activités de travaux publics : 52 029 litres en 2012 et 33 714 litres en 2013,

— récapitulé les achats de gazole «'blanc'» en 2013, calculé la consommation des autres véhicules de la société ayant utilisé ce produit, reconstitué la consommation théorique de gazole et l’a comparée aux volumes réellement achetés par la société Menanteau,

— retenu en consommation de GNR, les volumes non justifiés par un achat de gazole «'blanc'»,

— déterminé que les quantités de GNR détournées de leur usage autorisé sont de 52 029 litres en 2012 et 27 964 litres en 2013, soit un total de 79 993 litres,

— calculé sur ce volume l’écart entre la fiscalité applicable au GNR et celle applicable au gazole.

La SARL Menanteau se borne à alléguer que les chiffres servant au calcul ne sont pas compréhensibles, sans apporter d’élément de nature à contredire les explications claires et cohérentes de l’administration sur sa méthode de calcul et les chiffres qu’elle a retenus.

Par ailleurs, elle reproche à l’administration des douanes de ne pas avoir fait procéder à des analyses en laboratoire aux fins de distinguer une véritable utilisation de GNR de simples traces de GNR dans un gazole «'blanc'». Mais dès lors que l’infraction relevée n’est pas celle d’un mélange entre les produits mais l’utilisation du GNR pour effectuer des missions de travaux publics, les services des douanes ont pu, sans porter préjudice à la société Menanteau, se dispenser de telles analyses.

Il résulte de tout ceci que le rappel de droits est justifié. Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à dépens par application de l’article 367 du code des douanes ;

Condamne la SARL Menanteau à payer au directeur interrégional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire, es qualités, la somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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  2. Code des douanes
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