Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 8 mars 2022, n° 21/05280

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 3e ch. com., 8 mars 2022, n° 21/05280
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 21/05280
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°154


N° RG 21/05280 – N° Portalis DBVL-V-B7F-R6C2

M. B X

[…]

C/

I J & K


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


Me MERCIER


Me DEBROISE


Copie délivrée

le :

à :


PG

M. X


EARL MILLERIES


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 MARS 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,


Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,


Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER : Mme C D, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

M. Laurent FICHOT, Avocat Général, à qui l’affaire a été régulièrement communiquée, entendu en ses observations;

DÉBATS :


A l’audience publique du 24 Janvier 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Mars 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur B X

né le […] à […]


LES MILLERIES


MELESSE


Représenté par Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

[…], immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 512 325 689 représentée par Monsieur B X, en sa qualité de gérant et d’unique associé exploitant


LES MILLERIES


MELESSE


Représentée par Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. I J & K, prise en la personne de Maître F Y, ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective de Monsieur X et de l’EARL LES MILLERIES

[…]

[…]


Représentée par Me Mathieu DEBROISE de la SELARL CABINET MATHIEU DEBROISE,
Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE :


L’Earl Les Milleries est une exploitation agricole.


Par jugement en date du 27 juillet 2020, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au


K, prise en la personne de M. Y (la société J) a été désignée mandataire et l’état de la cessation des paiements fixé au 19 août 2019. L’ouverture d’une période d’observation courant jusqu’au 27 janvier 2021 a été ordonnée.


Par jugement du 1er février 2021, la période d’observation a été renouvelée pour une durée de 3 mois, soit jusqu’au 27 avril 2021. Le 3 mai 2021, cette période a, de nouveau, été renouvelée pour trois mois, soit jusqu’au 13 juillet 2021.


Par requête du 7 juillet 2021, M. X et l’Earl Les Milleries, ont demandé au ministère public de requérir le prolongement exceptionnel de la période d’observation pour une nouvelle période de six mois.


Par requête en date du 8 juillet 2021, la société J a demandé la conversion du redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire.


Par jugement du 2 août 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :


- Constaté que M. X et l’Earl Milleries, déclarés en état de cessation des paiements au 19 août 2019 par jugement du 27 juillet 2020, sont à ce jour dans1'incapacité de présenter un plan,


- Converti par conséquent la procédure du redressement judiciaire prononcé le 27 juillet 2020 en procédure de liquidation judiciaire,


- Mis fin aux opérations de la société J en qualité de mandataire judiciaire,


- Désigné M. Le Mercier vice président, en qualité de juge commissaire et M. A, magistrat audit tribunal, comme son suppléant,


- Désigné la société J, prise en la personne de M. Y, en qualité de liquidateur judiciaire,


- Autorisé le maintien exceptionnel de l’activité sous administration exclusive du liquidateur, pendant une période maximale de 45 jours à compter du jugement, pour les seuls besoins de la liquidation et l’achèvement des opérations antérieurement conclues, à l’exception de toute activité nouvelle,


- Dit que le liquidateur, s’il ne l’a déjà fait, devra adresser au juge-commissaire la liste des créances déclarées dans un délai maximum de 4 mois,


- Dit que les créanciers postérieurs au jugement déclaratif doivent déclarer leurs créances dans les 2 mois suivant leur exigibilité,


- Fixé le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra étre examinée par le tribunal à 2 ans,


- Dit que le jugement recevra les publications prescrites par la loi,


- Rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit,
- Ordonné l’emploi des dépens en frais privilegiés de la liquidation judiciaire.

M. X et l’Earl Milleries ont interjeté appel de cette décision le 13 août 2021.

M. X et l’Earl Milleries ont deposé leurs dernières conclusions le 25 octobre 2021. L’avis du ministère public date du 18 novembre 2021. La société J a déposé ses dernières conclusions le 25 novembre 2021.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. X et l’Earl Milleries demandent à la cour de :


- Réformer le jugement en ce qu’il a :


- Constaté que M. X et l’Earl Milleries, déclarés en etat de cessation des paiements au 19 août 2019 par jugement du 27 juillet 2020, sont à ce jour dans1'incapacité de présenter un plan,


- Converti par conséquent la procédure du redressement judiciaire prononcé le 27 juillet 2020 en procédure de liquidation judiciaire,


- Mis fin aux opérations de la société J en qualité de mandataire judiciaire,


- Désigné M. Le Mercier vice président, en qualité dejuge commissaire et M. A, magistrat audit tribunal, comme son suppléant,


- Désigné la société J, prise en la personne de M. Y, en qualité de liquidateur judiciaire,


-Autorisé le maintien exceptionnel de l’activité sous administration exclusive du liquidateur, pendant une période maximale de 45 jours à compter du présent jugement, pour les seuls besoins de la liquidation et l’achèvement des opérations antérieurement conclues, à l’exception de toute activité nouvelle,


- Dit que le liquidateur, s’i1 ne l’a déjà fait, devra adresser au juge-commissaire la liste des créances déclarées dans un délai maximum de 4 mois,


- Dit que les créanciers postérieurs au jugement déclaratif doivent déclarer leurs créances dans les 2 mois suivant leur exigibilité,


- Fixé le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée par le tribunal à 2 ans,


- Dit que le présent jugement recevra les publications prescrites par la loi,


- Rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit,


-Ordonné l’emploi des dépens en frais privilégié de la liquidation judiciaire.


Statuant à nouveau :


- Ordonner la poursuite exceptionnelle de la période d’observation de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de M. X et de l’Earl Milleries suivant jugement du 27 juillet 2020, et ce pour une durée supplémentaire de 6 mois,
- Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.


La société J demande à la cour de :


- Recevoir M. X et l’Earl Milleries en leur appel mais les y dire mal fondés,


En conséquence,


- Débouter M. X et l’Earl Milleries de leur demande de réformation du jugement et plus généralement de toutes leurs demandes fins et prétentions,


-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,


Y additant,


- Condamner M. X à payer à la société J, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’Earl Milleries la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,


- Condamner le même aux entiers dépens.


Le ministère public est d’avis de confirmer en toutes ses dispositions le jugement de conversion en liquidation.


Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la demande de prolongation exceptionnelle :


La période d’observation peut être prolongée une fois pour une durée de six mois. Elle peut, à nouveau, être prolonger exceptionnellement pour une durée de six mois mais uniquement sur demande du ministère public.

Article L621-3 du code de commerce (dans sa rédaction en vigueur du 20 novembre 2016 au 1er octobre

2021 et applicable à l’espèce) :

Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de six mois qui peut être renouvelée une fois, pour une durée maximale de six mois, par décision motivée à la demande de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public. Elle peut en outre être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur de la République par décision motivée du tribunal pour une durée maximale de six mois.

Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut proroger la durée de la période d’observation en fonction de l’année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de l’exploitation.

Article L631-7 alinéa 1er du code de commerce (dans sa rédaction en vigueur du 24 mai 2019 au 1er octobre 2021 et applicable en l’espèce) :

Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-3 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire.

Article R 621-9 du code de commerce (dans sa rédaction en vigueur du 2 juillet 2014 au 1er octobre 2021 et applicable en l’espèce) :

La période d’observation ouverte par le jugement peut être exceptionnellement prolongée, en application de l’article L. 621-3, pour une durée maximale de six mois.

Le président fixe l’affaire au rôle du tribunal au plus tard dix jours avant l’expiration de chaque période

d’observation. Le greffier convoque à cette audience le débiteur, les mandataires de justice, les contrôleurs et en avise le ministère public.

Le tribunal statue sur la prolongation de la période d’observation après avis du ministère public. Il recueille préalablement les observations du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire et des contrôleurs.

La décision prolongeant la période d’observation est communiquée aux personnes mentionnées à l’article R.

621-7 et aux contrôleurs. Elle est mentionnée aux registres ou répertoires prévus aux trois premiers alinéas de l’article R. 621-8.


En l’espèce, M. X et l’Earl Les Milleries estiment que le jugement doit être réformé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de prolongation exceptionnelle. En effet, les appelants font valoir qu’en dépit du refus du ministère public de faire droit à leur demande, le juge conserverait la possibilité d’apprécier le bien fondé de la demande de prolongation exceptionnelle de la période d’observation. En ne statuant pas sur cette demande, le juge aurait statué infra petita.


Il est vrai que dans son dispositif, le jugement n’a pas statué sur la demande de prolongation de la période d’observation.


Il apparaît que seul le ministère public a la faculté de formuler une demande de prolongation exceptionnelle au tribunal. Une telle demande n’a pas été formulée par le ministère public et le tribunal n’a donc pas été régulièrement saisi sur ce point.


Il y aura lieu de déclarer irrecevable la demande de prolongation de la période d’observation.

Sur les perspectives de redressement :


Au surplus, les appelants font valoir qu’il existerait de sérieuses perspectives de redressement et qu’il n’y aurait donc pas eu lieu de convertir la procédure en liquidation judiciaire.


Toutefois, à la demande du mandataire judiciaire, si le tribunal constate que le redressement est manifestement impossible, il peut convertir la procédure ouverte en liquidation judiciaire.

Article L631-15, II. du code de commerce :

II. ' A tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l’avis du ministère public.

Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d’observation et, sous réserve des dispositions de l’article L. 641-10, à la mission de l’administrateur


En effet, deux conditions doivent être satisfaites pour convertir une procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire : le débiteur doit être en cessation des paiements et son redressement s’avèrer manifestement impossible.

Article L640-1 du code de commerce : Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.


La cessation des paiements ayant déjà été constatée lors de l’ouverture du redressement judiciaire, il y a uniquement lieu de caractériser l’impossibilité manifeste du redressement de M. X et de l’Earl Les Milleries.


Le passif antérieur au jugement d’ouverture s’élève à 690.368,27 euros tel que déclaré à la procédure collective. Le passif postérieur s’élèvait, quant à lui au 12 novembre 2021, à 16.851,86 euros.

M. X et l’Earl Les Milleries font valoir qu’un certain nombre de démarches ont été effectuées pour permettre d’y faire face, notamment :


- Des actions publicitaires menées pour développer l’accueil de public à la ferme (visites de l’exploitation à des groupes scolaires et périscolaires et activité de camping),


- Une formation auprès de la chambre de l’agriculture ayant pour thème le développement de la vente des caissettes de viandes bovines, un partaneriat avec une association d’agriculteurs et plusieurs structures pour l’abbattage de ses bêtes, des actions publicitaires promouvant la vente directe de viande bovine et porcine.


Par ailleurs, M. X estime que la créance d’un montant de 446.678 euros déclarée par la Banque Populaire du Grand Ouest est litigieuse. En effet, il souhaite engager la responsabilité de l’établissement pour manquement à son devoir de mise en garde et de conseil. Toutefois, cette poursuite n’étant pas encore engagée, son issue favorable pour M. X et l’Earl Les Milleries demeure hypothétique de sorte que cet argument n’est pas pertinent et ne saurait représenter une perspective sérieuse de redressement.


Il fait également valoir qu’il envisage de céder certains de ses immeubles pour faire face à son passif. Aucune vente ne semble être intervenue et aucun élément en ce sens n’est produit devant la cour de sorte qu’il y a, là aussi, lieu de considérer qu’il ne s’agit pas d’une perspective sérieuse de redressement.


Enfin, un prévisionnel établi par l’expert comptable des appelants est produit devant la cour faisant apparaître qu’une somme de 609.750 euros pourrait être dégagée sur 15 ans. Dans ses écritures, M. X précise que le prévisonnel ne prend pas en compte les primes 'politique agricole commune’ qui pourraient lui être versées. Néanmois, il s’agit de projections incertaines. En tout état de cause, le prévisionnel établi mentionne une somme qui ne saurait combler le passif déclaré. En effet, celui-ci chiffre un montant inférieur au passif déclaré de sorte que la différence s’élève à environ 77.000 euros. Il convient d’ajouter qu’un nouveau passif à hauteur de 16.851,86 euros a été généré pendant la période d’obervation.


Il est vrai que M. X et l’Earl Milleries ont engagé de réelles démarches pour tenter de redresser leur situation. Il n’en demeure pas moins qu’il existe une telle disproportion entre le passif déclaré et les perspectives de remboursement alléguées et chiffrées que tout redressement apparait manifestement impossible. Partant, c’est à bon droit que le tribunal judiciaire a ordonné la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.


L’ordonnance sera confirmée.

Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :


La cour :


- Confirme le jugement,


Y ajoutant :


- Déclare irrecevable la demande de l’Earl Milleries et de M. X de prolongation exceptionnelle de la période d’observation,


- Rejette les autres demandes des parties,


-Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le greffier Le Président
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Textes cités dans la décision

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