Cour d'appel de Riom, 22 septembre 2015, n° 13/01152

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, 22 sept. 2015, n° 13/01152
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 13/01152

Sur les parties

Texte intégral

22 SEPTEMBRE 2015

Arrêt n°

XXX

XXX

F Y

/

XXX

Arrêt rendu ce VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christian PAYARD, Président

M. Jean-Luc THOMAS, Conseiller

M. François MALLET, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. F Y

XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me Guillaume BEAUGY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me Emmanuel GUENOT de la SELAS BARTHELEMY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu Monsieur THOMAS, Conseiller, en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 29 Juin 2015, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. F Y a été embauché en qualité d’agent d’atelier, à compter du 10 septembre 2001, par la XXX, suivant contrat à durée déterminée renouvelé à diverses reprises jusqu’au 31 octobre 2001. Il a été embauché par un contrat d’un contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 2006.

Le 15 septembre 2010, M Y a fait l’objet d’un avertissement.

Le 11 avril 2011, M. Y a été victime d’un accident du travail qui a donné lieu à un arrêt de travail jusqu’au 8 mai 2011. A l’issue, le 12 mai 2011, le Médecin du Travail a rendu un avis d’aptitude à un poste aménagé, précisant qu’il ne fallait pas de contraintes posturales rachidiennes en flexion/rotation du rachis lombaire, ni de manutentions supérieures à 10kg.

Le 16 mai 2011, M. Y a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Le 21 juin 2011, M. Y a saisi le Conseil de Prud’Hommes de Clermont-Ferrand afin d’entendre juger le licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d’indemnités.

Par jugement du 22 mars 2013, le Conseil a :

— condamné la XXX au paiement de la somme de 2.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante,

— a donné acte à M. Y de ce qu’il reconnaît avoir perçu les heures supplémentaires réclamées et de ce qu’il reconnaît que ses demandes relatives aux renouvellements des contrats à durée déterminée sont prescrites,

— a débouté M. Y de ses autres demandes et a condamné la XXX à lui payer la somme de 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 15 avril 2013, M. Y a relevé appel de ce jugement notifié le 26 mars 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. Y, concluant à l’infirmation du jugement, demande à la Cour de:

— à titre principal, dire le licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

— en tout état de cause, condamner la XXX au paiement des sommes suivantes :

* 50.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante,

* 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation relative aux risques électriques,

* 9.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 18.000,00 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.899,00 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 1.500,90 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 150,09 € au titre des congés payés afférents,

— annuler l’avertissement du 15 septembre 2010 et lui allouer une somme de 500,00 € pour avertissement injustifié,

— condamner l’employeur au paiement d’une somme de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Il soutient qu’il a été exposé à l’amiante notamment lors de deux incidents survenus en mai et juin 2011, tels que le démontrent les prélèvements effectués au sein de l’atelier et la fiche d’exposition.

Il reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les prescriptions visant à assurer la protection des travailleurs contre les risques dus aux courants électriques puisqu’il n’a jamais eu d’habilitation électrique ni bénéficié d’aucune formation spécifique.

Il affirme que l’employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en faisant valoir qu’il a été embauché comme agent d’atelier alors qu’il pouvait prétendre à la qualification aéronautique puisqu’il a travaillé uniquement sur des aéronefs.

Il conteste l’avertissement qui lui a été notifié le 15 septembre 2010.

A l’audience, il déclare abandonner sa demande au titre des contrats à durée déterminée.

Il fait valoir que son licenciement est nul dans la mesure où sa rechute d’accident du travail a été porté à la connaissance de son employeur avant la réception de la lettre de licenciement.

A titre subsidiaire, il expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur n’ayant pas tenu compte de l’avis du Médecin du Travail puisqu’après l’accident du 11 avril 2011 et la rechute du 16 mai, il a été affecté au même poste.

A titre infiniment subsidiaire, il estime que les griefs figurant dans la lettre de licenciement sont infondés. S’agissant spécialement de la cadence de travail, il précise que les cahiers de pointage démentent les accusations de l’employeur.

La XXX, concluant à la confirmation du jugement, demande à la Cour de débouter M. Y de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle conteste la nullité du licenciement invoquée par M. Y en faisant valoir que le contrat de travail n’était plus suspendu à partir du 12 mai 2011, date de la visite médicale de reprise à l’issue de laquelle il a été déclaré apte avec un aménagement de poste et qu’elle n’était pas informée de la rechute au moment de l’envoi de la lettre de licenciement.

Elle considère que M. Y ne peut soutenir que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif qu’elle n’aurait pas respecté l’avis du Médecin du Travail. Elle rappelle en effet que le salarié n’a pas été licencié pour inaptitude ou parce que les restrictions médicales auraient été trop restrictives pour continuer à occuper un poste au sein de l’entreprise.

Elle soutient que le licenciement de M. Y était justifié en raison de son insubordination, de son comportement irrespectueux à l’égard de son supérieur hiérarchique, du ralentissement volontaire de sa cadence de travail, de son absence injustifiée du 28 mars 2011 et la prise à partie de ses collègues de travail.

Elle affirme que les sommes dues à M. Y au titre du préavis lui ont été versées.

Elle conteste les affirmations de M. Y selon lesquelles il aurait été exposé à l’amiante dans la mesure où elle intervient en qualité de sous-traitant de l’AIA et qu’elle n’intervient pas dans les zones amiantées des aéronefs.

S’agissant des incidents évoqués par M. Y, elle explique que des salariés ont enlevé un habillage qui n’était pas en contact avec un quelconque objet amianté puisque le calorifugeage refermaient les colliers qui renfermaient à leur tour les bandelettes susceptibles de contenir de l’amiante.

Elle expose que M. Y ne peut lui reprocher de ne pas avoir bénéficié de formation relative aux risques électriques dans la mesure où il était en absence injustifiée le jour où la formation a été organisée.

Elle estime qu’elle n’a pas exécuté de manière déloyale le contrat de travail puisque M. Y ne pouvait prétendre à la qualification d’agent aéronautique.

Elle considère que l’avertissement notifié à M. Y le 15 septembre 2010 était justifié au regard des propos qu’il a tenus à l’égard de son supérieur hiérarchique.

Elle indique que M. Y ne peut solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif qu’une telle demande est prescrite, le contrat à durée déterminée ayant pris fin le 31 octobre 2001.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il convient de se référer au jugement attaqué et aux conclusions déposes, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la demande au titre de l’exposition à l’amiante

Le salarié invoque les dispositions des articles L 4121-1 et suivants du code du travail qui imposent à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il explique que la société TECHNO LOGISTIQUE est titulaire d’un marché de sous traitance relatif à a la réalisation de travaux de bourrellerie et de sellerie pour l’Atelier Industriel Aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand et il reproche à l’employeur de l’avoir exposé à l’amiante à l’occasion des travaux qui lui étaient confiés sans avoir pris les mesures de protection nécessaires.

Il verse aux débats le procès-verbal de la réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’AIA du 26 juillet 2007 où ont été présentés les résultats d’une campagne de prélèvements d’atmosphère réalisée par un organisme spécialisé faisant état d’un taux de 0,34 fibres/cm3 à partir du prélèvement réalisé sur l’opérateur et de 0,052 fibres/cm3 à partir du prélèvement réalisé en ambiance alors que la valeur moyenne d’exposition réglementaire est de 0,1 fibre/cm3.

Il justifie qu’en 2008, il a été demandé, au sein de l’AIA, de procéder à des opérations de désamiantage dans l’atelier 'Transall’ et il verse aux débats le cahier recensant les tâches qu’il a effectuées au sein de l’AIA entre 2006 et 2008 (tâches de montage et remontage au sein de l’atelier 'Transall').

Il produit l’attestation de M. E qui atteste avoir exercé la profession de bourrelier sur le site de l’AIA et avoir eu pour tâche de déposer, reposer et manipuler des habillages intérieurs dans les avions de type Transall 'dans un environnement amianté'. M. D atteste, quant à lui, avoir vu travailler M. Y 'dans des zones amiantées telles que zones chaudes, zone sous escalier et en cabine'.

Cependant, si l’employeur confirme que les tâches du salarié comprennent la pose et la dépose des habillages intérieurs des avions, il fait valoir que ces habillages ne contiennent pas d’amiante. Il justifie qu’en réponse à son interrogation sur la présence d’amiante dans les zones où ses salariés travaillent, l’AIA lui a répondu, que ceux-ci 'interviennent sur Transall après désamiantage de la zone par les personnels de l’AIA'.

Dans ces conditions, il n’est nullement démontré que M. Y aurait été personnellement exposé à l’amiante. S’il est établi qu’il effectuait des tâches sur des avions qui avaient été équipés de composants contenant de l’amiante, les éléments qu’il verse aux débats confirment seulement que de l’amiante étaient présents dans ces avions mais ils ne permettent nullement de vérifier qu’il aurait travaillé dans des zones où l’amiante n’aurait pas été préalablement retiré ou dans des zones où l’amiante aurait toujours été présent.

M. Y fait référence à deux incidents survenus en mai et juin 2010 où il aurait été exposé à l’amiante. Le contrôleur du travail a, en effet, interpellé l’employeur, le 9 juillet 2010, au sujet d’une 'exposition accidentelle à l’amiante sur le site de l’AIA', expliquant que 'lors d’une opération de déshabillage d’une zone chaude (tuyauterie), dont le calorifugeage est constitué d’amiante, le chef d’équipe et deux salariés non protégés auraient été exposés accidentellement à des poussières d’amiante'.

L’employeur justifie, cependant, avoir interrogé l’AIA au sujet de ces incidents et avoir répondu au contrôleur du travail que ses salariés 'ne déposent jamais les calorifugeages des tuyauteries 'zones chaudes', précisant qu’ils interviennent seulement sur les habillages qui sont situés devant ces calorifugeages et soulignant que, par précaution, pour parer l’éventualité où le calorifugeage serait endommagé, 'une mise en configuration de la zone est réalisée par les opérateurs de l’AIA systématiquement'. Il a reconnu que cette opération n’avait pas été faite dans les cas invoqués mais il a fait valoir que 'cette première barrière de sécurité ayant été violée, ceci ne caractérise pas pour autant une exposition éventuelle à l’amiante’ en expliquant que si les calorifugeages ont gardé leur intégrité, la contamination n’a pas lieu et il s’est référé aux conclusions de l’enquête menée par le responsable HSCT de l’AIA.

Il ressort, en effet, de ce rapport versé aux débats que la personne chargée des opérations de dépose, a réalisé la dépose d’éléments dans une zone où il est prévu que cette intervention doit être réalisée par le personnel de l’AIA après mise en configuration. L’enquêteur précise que l’opération a été arrêtée en raison de la présence possible de poussières fibreuses. Il explique avoir interrogé le chef d’équipe qui lui a assuré que les organes concernés étaient en parfait état et que la probabilité d’une dispersion de fibres lui paraissait 'extrêmement peu probable'. Il a conclu que pour vérifier si les salariés avaient pu être exposés à des poussières d’amiante, il aurait fallu réaliser des prélèvements d’atmosphère pendant l’exécution de l’opération et il a souligné qu’il n’était pas prévu que des salariés d’entreprises extérieures manipulent des organes pouvant renfermer des fibres d’amiante.

L’employeur verse, par ailleurs, aux débats un document assorti de photographies expliquant que l’amiante dans la zone chaude se trouve sous forme de bandelettes bloquées par des colliers sur les tuyaux transportant des fluides chauds, l’ensemble étant recouvert d’un calorifugeage lui-même recouvert par un habillage.

Quant à la fiche d’exposition produite par le salarié, il ne s’agit que d’un formulaire non signé par l’employeur qui ne comporte aucun visa d’un responsable ni de référence à un contrôle d’exposition.

En l’absence de tout autre élément, les pièces produites ne permettent pas d’établir que M. Y aurait été exposé à l’amiante à l’occasion des incidents litigieux.

En tout état de cause, M. Y ne justifie pas d’un préjudice qui lui aurait été causé.

Il ne peut se prévaloir d’un préjudice d’anxiété puisque la réparation d’un tel préjudice n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998. S’agissant des salariés travaillant dans un établissement ne figurant pas sur cette liste, une exposition à l’amiante ne peut donner lieu à indemnisation de la part de l’employeur qu’à la condition que soit établi le préjudice qui en est résulté. Or, en l’espèce, rien ne permet de caractériser un quelconque préjudice.

La demande de dommages-intérêts n’est, par conséquent, pas fondée et le jugement sera infirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation relative aux risques électriques

M. Y reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les dispositions fixées par le décret n°88-1956 du 14 novembre 1988 et, à compter du 1er juillet 2011, par les articles R 4226-1 à R 4226-21 du code du travail relatifs à la protection des travailleurs contre les risques dus aux courants électriques.

Il produit l’attestation de M. D qui dit avoir constaté que, depuis 2001, M. Y effectuait des poses et des déposes de capitonnage sur des avions, 'quelles que soient les conditions de mise sous tension des avions'.

M. Y ne rapporte, cependant, aucune preuve d’un comportement fautif de l’employeur alors que celui-ci justifie, par le courrier de l’AIA du 26 novembre 2009, que les salariés de l’entreprise ont suivi, en janvier 2009, une formation liée à la mise en oeuvre des énergies sur Transall et qu’il a organisé une formation complémentaire, l’AIA l’ayant informé qu’une habilitation électrique 'B0" était nécessaire.

Or, l’employeur justifie qu’à la date où cette formation était dispensée, M. Y ne s’est pas présenté.

M. Y ne rapportant la preuve d’aucune faute de l’employeur ni d’aucun préjudice, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les heures supplémentaires

M. Y reconnaissant avoir reçu paiement de la somme réclamée à ce titre, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. Y reproche à l’employeur une exécution déloyale du contrat de travail au motif qu’il a été embauché en qualité d’agent d’atelier alors qu’il a travaillé uniquement sur des aéronefs et qu’il pourrait donc prétendre à la qualification aéronautique.

L’employeur justifie avoir interrogé l’AIA sur ce point et s’être vue répondre (lettre du 26 novembre 2009) que 'les personnels ouvriers d’Etat de profession bourrelier-tapissier sont en profession commune. Cette qualification n’est pas reconnue dans les grilles d’ouvrier d’Etat'.

Alors que M. Y ne fait état que des tâches relevant du métier de bourrelier et que la société TECHNO LOGISTIQUE relève de la convention collective du textile, aucun des éléments versés aux débats ne permet de vérifier que l’exercice de telles tâches dans le domaine aéronautique requerrait une qualification particulière.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié sur ce point.

Sur l’avertissement

L’avertissement notifié le 15 septembre 2010 est ainsi motivé :

'(…) Le vendredi 20 août, votre responsable Monsieur H A, vous a demandé des explications quant au fait que pendant 20 minutes rien n’ait été fait concernant la pose des phoniques. Vous lui avez répondu 'je suis allé chier et fumer une cigarette, je n’ai pas pris de pause ce matin, tu ne vas pas me pister et m’emmerder avec les temps de travail’ et vous avez même ajouté : 'Si tu crois pouvoir le faire en 8H, fais le'.

Ce comportement et ces propos sont de façon générale inacceptable, ils le sont encore plus à l’égard de votre supérieur hiérarchique.

Vous aurez finalement mis 12h pour faire un travail nécessitant 8h.

De plus, durant votre conversation avec Monsieur H A, votre téléphone portable s’est mis à sonner alors que vous étiez au niveau de la porte de l’avion.

Au cours de notre entretien, vous avez déclaré que votre téléphone n’avait pas sonné, dans la mesure où vous l’aviez mis sur le mode vibreur.

Ainsi, vous avez parfaitement reconnu la présence et l’utilisation de votre téléphone portable aux abords des avions.

Or, vous n’êtes pas sans ignorer que l’usage du téléphone portable aux abords des avions est strictement interdit, conformément au règlement intérieur de l’AIA (…)'.

L’employeur verse aux débats le courrier que lui a envoyé M. A 20 août 2010 pour demander une sanction à l’encontre de M. Y en se plaignant de l’insolence de celui-ci. Dans cette lettre, il a expliqué qu’il s’était présenté à 10h50 pour voir l’avancée du travail, qu’ayant estimé que le travail n’avançait pas assez vite, il avait demandé à M. Y de le terminer pour 13h et qu’étant descendu de l’avion à 11h05 pour y revenir à 11h25, il avait constaté qu’aucune pièce supplémentaire n’avait été posée. Ayant alors demandé à M. Y où il était pendant ces 25 minutes, il s’était entendu faire la réponse reproduite dans la lettre d’avertissement. M. A a aussi rapporté que le téléphone portable de M. Y avait sonné et qu’il l’avait sorti sous son nez.

M. Y conteste ce témoignage en soutenant que M. A 'est juge et partie’ mais ce témoignage ne peut être écarté au seul motif qu’il émane du supérieur hiérarchique de l’intéressé alors qu’il est précis et circonstancié et que rien ne permet de le remettre en cause.

Les attestations dont se prévaut M. Y vantent son bon comportement général mais aucune ne fait état de l’incident du 20 août 2010 et aucun de leurs auteurs ne dit y avoir assister.

En outre, il convient de relever que, dans la lettre adressée à l’employeur le 16 novembre 2010 pour contester la sanction, M. Y s’emploie à minimiser l’incident et à justifier son comportement mais il ne conteste pas la matérialité des faits.

Or, s’agissant d’un comportement d’insubordination et d’irrespect manifesté à l’encontre de son supérieur hiérarchique, la sanction infligée est justifiée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande à ce titre.

Sur la demande en nullité du licenciement

En application de l’article L. 1226-9 du Code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

En revanche, ne peut pas être déclaré nul le licenciement d’un salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail dès lors qu’à la date de l’envoi de la lettre de licenciement, l’employeur ignorait l’existence d’un accident du travail.

En l’espèce, alors que la lettre de licenciement a été envoyée le 16 mai 2011 et a été reçue le 17, M. Y verse aux débats le certificat médical établi le 16 mai 2011 constatant une rechute d’un accident du travail.

M. Y soutient avoir déposé ce certificat dans la boîte aux lettres de l’entreprise dans l’après-midi du 16 mai 2011 mais rien ne permet de vérifier ses dires et il n’est nullement démontré que l’employeur aurait pu avoir connaissance de cette rechute avant l’envoi de la lettre de licenciement. Dès lors, même si cette dernière n’est parvenue au salarié qu’au cours de la période de suspension de son contrat de travail consécutive à la rechute, cette circonstance ne peut avoir pour conséquence de rendre nul le licenciement précédemment prononcé.

Sur la cause du licenciement

Aux termes de la lettre du 16 mai 2011, le licenciement est ainsi motivé :

'(…) Le 1er avril 2011, lors de la dépose des habillages pendant le démontage du Transall R201, après dépose des zones entre les cadres 31 et 36a coté gauche et droit, votre supérieur hiérarchique Monsieur A vous a demandé de démonter la partie des sanitaires (cadres 40 à 41), en priorité avant que la rampe ne soit déposée et que les collaborateurs n’aient plus d’accès à cette zone.

Vous étiez en bas de l’avion vers les caisses, quand vous avez dit avec un regard méprisant 'Te gènes pas, y a des gants derrière toi, tu peux nous aider au lieu de nous regarder'.

Monsieur A avait dans les mains le nouveau dossier pour la mise en place de la nouvelle procédure de démontage quand vous vous êtes une nouvelle fois adressé à lui, d’un ton plus agressif: 'Ce que tu fais là ça ne sert à rien, prendre des notes et colorier des pages, tu n’as qu’à monter dans l’avion voir que tous les habillages y sont et c’est fini. Ce que tu fais là n’est pas bien productif. Ce que tu fais c’est regarder le soleil, ça sert à rien'.

Ce même jour, vous avez réalisé les opérations de dépose des habillages à un rythme inférieur de 50% au temps nécessaire à une personne peu ou pas expérimentée réalisant le même travail dans les mêmes conditions.

Il est totalement inadmissible de remettre ouvertement en question l’autorité de votre supérieur hiérarchique. Ce comportement traduit votre mépris pour le fonctionnement interne de notre entreprise.

De même, la lenteur de votre travail n’est non seulement inadmissible et préjudiciable pour l’entreprise, elle a de plus déjà fait l’objet d’une notification écrite afin que vous vous ressaisissiez sur ce point. Force est de constater qu’il n’en a rien été.

Le lundi 28 mars 2011, vous étiez en absence injustifiée. Vous avez repris le travail le 29 mars 2011 sans explication. Vous n’avez pas produit de documents probants justifiant de votre absence.

Vous faites vos meilleurs efforts pour ralentir la cadence des travaux réalisés par Techno Logistique, discréditer le travail de vos collègues et de l’entreprise auprès du client tout en faisant preuve d’insubordination auprès de votre responsable quand celui-ci vous demande de faire le point sur l’étendue et la qualité de votre travail.

Lors d’une autre altercation avec votre Manager, vous avez refusé 'de colorier’ l’équivalent de votre travail avant de vous exécuter sous l’insistance de ce dernier.

Vous n’hésitez pas à prendre à partie vos collègues de travail qui ne partagent pas votre opinion sur la société et ne répondent pas à vos sollicitations de ralentir la cadence.

Ainsi, vous avez fait l’objet d’une lettre d’observation concernant les travaux que vous avez réalisés sur le Transall R91. En novembre 2010, vous avez fait pression sur vos collègues concernant le temps passé sur le Transall R91.

Vous avez tenté de les convaincre que les temps qu’ils avaient réalisé étaient sous estimé tout en expliquant que vous et Monsieur C pouvaient réaliser de bien meilleurs temps car vous connaissiez des astuces pour aller plus vite, que vous pouviez faire 'péter les temps', et qu’ainsi vous seriez bien vu par tout le monde mais que vous n’en aviez pas envie.

Vous tentez de monter vos collègues les uns contre les autres notamment en affirmant que certains 'font faire la merde aux autres'.

Vous avez également tenté de faire pression pour la rédaction d’un courrier commun visant à démentir les faits par ailleurs bien établis dans la lettre d’observation.

Au mois de janvier 2010, vous avez sciemment posé des thermiques non conformes pour discréditer le travail de Techno Logistique. Le 17 janvier, vous vous êtes permis de contredire les ordres de votre responsable après son départ et de faire un travail différent de celui qu’il vous avait demandé. Ce même jour, lors du nettoyage des habillages, après seulement 20 mn, vous êtes allé changer votre eau, puis vous êtes revenu un quart d’heure plus tard. Vous n’avez pas respecté le temps de pause ainsi que le nombre de pause. Vous n’avez pas respecté votre temps de travail en arrêtant le travail 10 mn avant.

Le 18 janvier 2011, vous vous êtes absenté de votre poste de travail pendant 1h30 sans aucun ordre de la part de votre hiérarchie. Le 11 février 2011 alors que votre responsable a dû quitter l’établissement 1 heure plus tôt, c’est alors que vous avez cessé immédiatement le travail après son départ.

L’ensemble de ces éléments démontre votre mépris pour notre entreprise et pour vos collègues de travail (…)'.

M. Y soutient que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur n’aurait pas respecté l’avis du médecin du travail du 12 mai 2011 le déclarant apte à son poste avec réserves.

Il convient, cependant, de relever que M. Y n’a pas été licencié pour des raisons tenant à son aptitude à occuper son poste mais pour des motifs tenant à son comportement et que, dès lors, même à supposer que l’avis du médecin du travail n’aurait pas été respecté, cette circonstance ne serait pas de nature à retirer au licenciement son caractère réel et sérieux.

Au demeurant, s’il est vrai que le médecin du travail a émis certaines réserves ('pas de contraintes posturales rachidiennes en flexion/rotation du rachis lombaire', 'pas de manutention de charges supérieures à 10 kgs'), M. X, responsable de production, atteste qu’au retour de M. Y, le 9 mai 2011, suite à son arrêt de travail, il lui a demandé de faire le nettoyage d’habillages et d’isolations du Transall R 201 dans la salle de nettoyage sur une table, en position assise ou debout en fonction de la position dans laquelle il se trouvait le mieux. Il précise lui avoir demandé de ne pas manipuler de caisses seul mais de se faire aider. Il ajoute que, suite à la visite médicale du 12 mai 2011, M. Y a poursuivi le nettoyage dans les mêmes conditions pour que son environnement de travail soit conforme à l’avis du médecin du travail.

Pour soutenir que l’employeur n’aurait pas respecté l’avis médical, M. Y se borne à verser aux débats l’attestation de M. Z qui affirme avoir trouvé M. Y, le 13 mai 2011 'à son poste de nettoyage comme d’habitude à traîner ses caisses et nettoyer ses habillages de Transall'. Non seulement ce témoignage est trop peu précis pour caractériser un manquement de l’employeur mais il confirme que le salarié a été affecté à un poste de nettoyage ce qui tend à corroborer les dires de M. X et à démontrer que l’avis du médecin du travail a été respecté.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié sur ce point.

S’agissant des motifs du licenciement, il ressort de la lettre du 16 mai 2011 qu’il est reproché au salarié :

— un comportement d’insubordination et d’irrespect à l’égard de son supérieur hiérarchique,

— un ralentissement volontaire de la cadence de travail,

— une absence injustifiée le 28 mars 2011,

— son comportement à l’égard de ses collègues de travail.

— Sur le premier grief :

A l’appui de ses dires, l’employeur produit le courrier que lui a adressé M. A 1er avril 2011 pour demander une nouvelle sanction à l’encontre de M. Y en se plaignant de ce que ce n’était pas la première fois que celui-ci se permettait de faire des remarques désobligeantes.

M. Y conteste ce grief en faisant valoir qu’il l’a contesté dans sa lettre à l’employeur du 1er juin 2010 mais si, dans cette lettre, il s’emploie à justifier son attitude et à critiquer les décisions de son supérieur hiérarchique, il reconnaît expressément les propos qu’il a tenus en estimant, dans le premier cas, qu’il avait répondu 'd’un air sympathique et non d’un regard méprisant', et dans le second cas, qu’il 'aurait pu s’abstenir'.

Il reste, en tout état de cause, que les propos tenus manifestent, sans ambiguïté, un comportement irrespectueux et un refus d’exécuter les ordres du supérieur hiérarchique, sans que rien ne puisse justifier un tel comportement.

— Sur le deuxième grief :

L’employeur verse aux débats le compte rendu effectué par M. X qui indique avoir, le 4 avril 2011, en l’absence de M. Y et de son collègue, avec l’aide d’une collègue, continué le travail qu’ils avaient commencé et procéder à la dépose du reste des habillages. Il a noté qu’ils avaient déposé les habillages au rythme de 23,6 habillages/heure/personne alors que M. Y et son collègue, en travaillant dans les mêmes conditions, n’en avaient déposé que 15,63 le vendredi précédent.

M. Y n’apporte aucun élément de preuve de nature à remettre en cause ce témoignage, se bornant à indiquer que son chef n’avait fait aucune remarque.

— Sur le troisième grief :

M. Y ne conteste pas qu’il ne s’est pas présenté à son poste le 28 mars 2011. Il affirme qu’il était 'fiévreux', qu’il aurait appelé sa hiérarchie en vain et qu’il aurait téléphoné à son collègue M. C pour qu’il prévienne le chef et qu’il le 'mette en RTT'.

M. C confirme avoir reçu un tel appel mais il n’en reste pas moins que l’absence du 28 mars 2011 demeure injustifiée alors que l’employeur produit la mise en demeure adressée au salarié le 31 mars 2011 pour qu’il justifie de son absence.

— Sur le quatrième grief :

L’employeur verse aux débats plusieurs courriers de Mlle B, collègue de travail de M. Y. Dans ces courriers, celle-ci se plaint d’avoir été victime de pressions de collègues, notamment de M. Y, pour rédiger un courrier de contestation, suite à une lettre d’observations sur la cadence de travail. Elle témoigne de l’attitude de M. Y qui exécute un travail différent de celui demandé, du non-respect des temps de pause et rapporte que M. Y a volontairement exécuté un travail de mauvaise qualité en sachant qu’il faudrait tout enlever pour tout refaire.

Ces courriers, précis et circonstanciés qu’aucune des attestations produites par M. Y, rédigés en termes généraux, ne permet de remettre en cause, établissent la réalité du grief invoqué par l’employeur.

L’ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement étant démontré, le licenciement se trouve fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande à ce titre.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement

Il résulte des pièces produites et, notamment du reçu pour solde de tout compte, que les sommes dues au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement ont été payées, étant observé que l’ancienneté du salarié a débuté en avril 2006.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande relative au contrat de travail à durée déterminée

Il sera donné acte à M. Y de ce qu’il ne maintient pas cette demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens.

Le jugement sera infirmé sur ce point et les parties seront déboutées de leurs demandes formées sur ce fondement en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement :

Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à l’exposition à l’amiante et à l’article 700 du code de procédure civile,

Infirmant le jugement sur ce point et statuant à nouveau,

— Déboute M. F Y de sa demande de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante,

— Déboute M. F Y de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— Dit que M. F Y doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

XXX

Le présent arrêt est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l’acte de notification de cette décision aux parties.

Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n’a pas pour but de faire rejuger l’affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.

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Cour d'appel de Riom, 22 septembre 2015, n° 13/01152