Cour d'appel de Riom, 13 janvier 2015, n° 12/00954

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, 13 janv. 2015, n° 12/00954
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 12/00954

Texte intégral

13 JANVIER 2015

Arrêt n°

XXX

XXX

B Y

/

D X, Société MANPOWER, CPAM ALLIER,

.M. F G H I J K

Arrêt rendu ce TREIZE JANVIER DEUX MILLE QUINZE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christian PAYARD, Président

M. Jean-Luc THOMAS, Conseiller

M. François MALLET, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. B Y

XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me OLLIER, avocat suppléant Me Gérard LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

APPELANT

ET :

M. D X

Unson

XXX

Représenté et plaidant par Me LAURENT, avocat suppléant Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON

Société MANPOWER

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me Laurence FOURNIER-GATIER, avocat au barreau de PARIS

CPAM ALLIER

XXX

XXX

Représentée par Mme Elodie CRAVERO, responsable service contentieux général muni d’un pouvoir de représentation en date du 08 décembre 2014

M. F G H I J K

XXX

XXX

Non comparant ni représenté – Convoqué par lettre recommandée en date du 07 novembre 2013 – Accusé de réception signé le 12 novembre 2013

INTIMES

Après avoir entendu Monsieur THOMAS, Conseiller, en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 08 Décembre 2014, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. B Y a été embauché par la Société MANPOWER afin d’effectuer une mission pour le compte de l’entreprise de montage sur charpentes métalliques de M. D X, du 15 mai 2008 au 30 juin 2008.

Le 5 juin 2008, M. Y a été victime d’un accident de travail. Alors qu’il travaillait sur le toit d’un bâtiment agricole, il a fait une chute de plus de trois mètres et a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance et une excoriation du bras droit, du genou gauche et du dos.

Saisi par M. Y pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de la société MANPOWER et de l’entreprise de M. X, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l’Allier, par jugement du 13 avril 2012, a débouté M. Y de son recours.

Sur appel de M. Y, par arrêt du 18 mars 2014, la Cour d’Appel de Riom a :

— dit que l’accident du travail dont a été victime M. Y est imputable à la faute inexcusable de l’employeur, la société MANPOWER,

— fixé au maximum la majoration de la rente à laquelle M. Y peut prétendre,

— ordonné une expertise médicale,

— fixé à 2.000,00 € le montant de la provision recevant à M. Y et dit que la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Allier devra faire l’avance de cette somme,

— dit que la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Allier pourra récupérer auprès de la Société MANPOWER les sommes dont elle est tenue de faire l’avance,

— dit que le capital représentatif de la rente servie à M. Y pouvant être mis à la charge de la Société MANPOWER sera calculée sur la base d’un taux d’IPP de 15 %,

— dit que M. X doit garantir la Société MANPOWER de toutes les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,

— condamné solidairement M. X et la Société MANPOWER à payer à M. Y la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’expert a déposé son rapport le 13 octobre 2014.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. Y demande à la Cour de fixer comme suit les indemnités à lui revenir:

* 2.239,05 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 15.000,00 € au titre des souffrances physiques et morales,

* 15.000,00 € au titre du préjudice d’agrément,

* 5.000,00 € au titre du préjudice sexuel,

* 30.000,00 € au titre du préjudice d’établissement,

* 30.000,00 € au titre du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

Il demande de dire que la caisse fera l’avance et réglera ces sommes en deniers ou quittances valables pour tenir compte de la provision versée et de condamner solidairement M. X et la Société MANPOWER au paiement de la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Il expose que son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la base de 23,00 € par jour.

Il fait valoir que les souffrances physiques et morales qu’il a subies sont constituées par les douleurs consécutives à une chute de plusieurs mètres de hauteur avec traumatisme crânien et une perte de connaissance initiale, des fractures dentaires, une perte auditive bilatérale accompagnée d’acouphènes à l’oreille droite, un syndrome des traumatisés crâniens avec syndrome anxio dépressif réactionnel (pour lequel il a bénéficié d’un suivi psychologique et d’un traitement médicamenteux), associé à des troubles cognitifs (troubles de la mémoire de travail, de l’attention et la concentration et des troubles caractériels ainsi que des douleurs cervicales ayant justifié 27 séances de kinésithérapie.

Il soutient qu’il a subi un préjudice d’agrément puisque depuis son accident, il a dû arrêter la plongée sous-marine et en apnée et qu’il a arrêté de pratiquer toutes les activités sportives qui étaient les siennes, à savoir, le vélo, la moto, la course à pied et la musculation.

Sur le préjudice d’établissement, il expose que compte-tenu de ses troubles cognitifs et caractériels, il s’est séparé de sa femme alors qu’ils envisageaient de se marier et d’avoir un autre enfant, et qu’il a été incapable de continuer de s’occuper de sa mère âgée et de l’entretien de la maison familiale.

Il affirme que depuis son accident de travail, il ne peut plus exercer sa formation de charpentier, et que sans diplôme ni formation qualifiante et compte-tenu des restrictions médicales liées à son état de santé, il lui sera difficile de retrouver un travail.

M. X demande à la Cour de :

— réduire les sommes sollicitées en réparation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances physiques et morales,

— débouter M. Y de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice sexuel, du préjudice d’agrément et du préjudice d’établissement et de la perte des possibilités de promotion professionnelle,

— déduire la provision d’un montant de 2.000,00 € déjà allouée à M. Y.

Il offre une indemnisation du préjudice fonctionnel temporaire sur la base de 20,00 € par jour et propose 3.000,00 € au titre des souffrances endurées.

Il conteste l’existence d’un préjudice d’agrément en faisant valoir que l’expert ne relève pas d’impossibilité de pratiquer des activités sportives et que M. Y ne verse aucune pièce justifiant d’une activité sportive ou de loisir régulière avant l’accident.

Il conteste le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement allégué, en l’absence de preuve de l’existence objective de tels préjudices et de leur lien avec l’accident.

S’agissant de la demande au titre de la perte de possibilité de promotions professionnelles, il fait valoir qu’il n’est pas établi que M. Y pouvait prétendre à une promotion.

La SAS MANPOWER demande à la Cour de :

— réduire les sommes sollicitées par M. Y en réparation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances physiques et morales et du préjudice d’établissement,

— débouter M. Y de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice sexuel et de la perte des possibilités de promotion professionnelle,

— déduire la provision d’un montant de 2.000,00 € déjà allouée à M. Y,

— dire et juger que la somme allouée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile doit être mise à la charge de M. X, auteur de la faute inexcusable.

Elle expose que les sommes sollicitées par M. Y au titre du déficit fonctionnel, des souffrances physiques et morales et du préjudice d’établissement doivent être réduites conformément à la jurisprudence de la Cour.

Elle conteste l’existence d’un préjudice d’agrément dans la mesure où M. Y n’a versé aux débats aucune pièce attestant de la pratique régulière d’une activité sportive ou de loisirs antérieurement à l’accident.

Elle considère que la demande d’indemnisation au titre du préjudice sexuel n’est pas fondée puisque l’expert a relevé que M. Y n’avait aucun problème somatique sexuel ni aucune atteinte à la fonction de reproduction.

Elle fait valoir que M. Y, salarié intérimaire au moment de l’accident, n’apporte pas la preuve qu’il aurait pu prétendre à une promotion professionnelle dont il aurait été privé du fait de la survenance de l’accident.

La caisse primaire d’assurance maladie de l’ALLIER déclare s’en remettre à droit.

F G inter-régionale Rhône-J K de la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale ne comparait pas ni personne pour lui ; comme il a été régulièrement convoqué par la notification de l’arrêt du 18 mars 2014 (lettre recommandée dont l’avis de réception a été signé le 24 mars 2014), le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens antérieurs des parties, il convient de se référer au jugement attaqué et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire que la date de consolidation de l’état de la victime a été fixée au 31 août 2010.

L’expert a déterminé un déficit fonctionnel temporaire total du 05 juin 2008 au 06 juin 2008, un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 07 juin 2008 au 07 septembre 2008 et un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10% du 08 septembre 2008 au 30 août 2010.

Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, ce préjudice sera réparé en allouant à la victime les sommes de :

— au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 23,00€ x 2 jours = 46,00 €,

— au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25%, 23,00 € x 93 jours x 25% = 534,75 €,

— au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 10%, 23,00 € x 721 jours x 10% = 1.658,30 €,

soit au total, 2.239,05 €.

Sur les souffrances physiques et morales

L’expert a estimé les douleurs physiques, psychiques ou morales endurées avant consolidation à 2,5/7.

Il ressort des pièces produites qu’à la suite de l’accident, M. Y a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance, un traumatisme du bras droit, un traumatisme du genou gauche et de la colonne dorsale. Par la suite, il a présenté des troubles cognitifs et dépressifs réactionnels majeurs (syndrome anxio-dépressif, troubles de la mémoire et de l’attention), des troubles caractériels, des acouphènes droits invalidants, un déficit auditif modéré.

Ces éléments d’appréciation justifient, compte tenu des circonstances de l’accident, de l’âge de la victime et des soins dont il a dû faire l’objet, indemnisation à hauteur de la somme de 5.000,00 €.

Sur le préjudice d’agrément

En application de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d’un accident consécutif à la faute inexcusable de l’employeur a le droit de demander la réparation d’un certain nombre de préjudice dont le préjudice d’agrément.

Est indemnisable en application de ce texte, le préjudice d’agrément constitué, non pas par les troubles dans les conditions d’existence et la perte de la qualité de vie, un tel préjudice étant déjà réparé dans le cadre du déficit fonctionnel permanent par la rente majorée, mais par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. Y fait valoir qu’avant l’accident, il pratiquait la plongée sous-marine, le vélo, la moto, la course à pied et la musculation.

Il produit des photographies (représentant notamment des scènes liées à la plongée sous-marine) et un ami atteste qu’il aimait le sport, qu’il a changé depuis son accident, qu’il fatigue vite et qu’il ne veut plus faire de vélo à cause de nausées et de maux de tête.

Selon l’expert judiciaire, la plongée en apnée n’est pas médicalement recommandée. Il n’y a pas de contre-indication médicale à la pratique du vélo, de la moto, de la course à pied ou de la musculation. L’expert a relevé que M. Y, du fait de ses problèmes de concentration, est gêné pour conduire un véhicule automobile au-delà d'1h30 et de pratiquer la course à pied au-delà d'1h.

Il ressort ainsi des pièces produites que M. Y pratiquait des activités sportives diverses avant son accident, dont seule la plongée en apnée est médicalement contre indiquée.

Ces éléments d’appréciation justifie indemnisation à hauteur de 3.000,00 €.

Sur le préjudice sexuel

L’expert explique qu’il n’y a aucun problème somatique sexuel, aucune atteinte de la fonction de reproduction. Il précise que M. Y décrit des difficultés liées à sa libido.

Le Dr LESTURGEON, psychiatre, décrit, dans un rapport, le syndrome anxio-dépressif dont M. Y est atteint et précise qu’il s’est séparé de sa compagne à la suite de l’accident. Il rapporte que M. Y lui a décrit une sensation de vide et un manque de goût et que sa vie affective et sexuelle est devenue un 'désert'.

Ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 2.000,00 €.

Sur le préjudice d’établissement

Il résulte des éléments versés aux débats que M. Y vivait avec sa compagne depuis plusieurs années, qu’ils avaient eu ensemble deux enfants et qu’à la suite de l’accident, le couple s’est séparé.

Mme Z A confirme, dans une attestation, que les troubles et problèmes de M. Y liés à l’accident 'ont causé des séquelles à notre couple et que de ce fait nous nous sommes séparés'.

Il est ainsi justifié que M. Y a perdu une chance de réaliser un projet de vie familiale en raison des séquelles de l’accident.

Ce préjudice sera réparé en lui allouant la somme de 3.000,00 €.

Sur la perte de possibilités de promotion professionnelle

En application de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d’une maladie professionnelle consécutive de la faute inexcusable de l’employeur, a le droit de demander la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

En revanche, elle ne peut demander, sur ce fondement, la réparation de l’incidence professionnelle de l’accident, celle-ci étant indemnisée par la rente.

Dans son rapport, l’expert explique que M. Y ne pourra pas reprendre sa profession de charpentier qu’il exerçait par l’intermédiaire d’une agence de travail temporaire.

M. Y fait valoir qu’il lui sera très difficile de retrouver un travail, se trouvant sans diplôme, ni formation qualifiante et compte tenu de ses restrictions médicales. Cependant, il ne fait ainsi état que de l’incidence professionnelle de l’accident. Dans la mesure où il ne démontre pas et ne soutient même pas qu’il avait, avant l’accident, des chances sérieuses de promotion professionnelle, sa demande ne peut être accueillie.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En application de l’article 700 du code de procédure civile, M. X et la société MANPOWER doivent payer, solidairement, à M. Y la somme de 1.000,00 € au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d’appel, M. X devant garantir la société MANPOWER de la condamnation prononcée à son encontre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, et par arrêt réputé contradictoire :

Fixe les indemnités devant revenir à M. B Y aux sommes de :

* 2.239,05 € (DEUX MILLE DEUX CENT TRENTE NEUF EUROS CINQ CENTIMES) au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 5.000,00 € (CINQ MILLE EUROS) au titre des souffrances physiques et morales,

* 3.000,00 € (TROIS MILLE EUROS) au titre du préjudice d’agrément,

* 2.000,00 € (DEUX MILLE EUROS) au titre du préjudice sexuel,

* 3.000,00 € (TROIS MILLE EUROS) au titre du préjudice d’établissement,

Dit que ces sommes seront avancées par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Allier et ce, en deniers ou quittance pour tenir compte de la provision versée,

Déboute M. B Y de sa demande au titre de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

Condamne la Société MANPOWER et M. D X, solidairement, à payer à M. B Y la somme de 1.000,00 € (MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et dit que M. D X doit garantir la Société MANPOWER de cette condamnation,

Dit n’y avoir lieu à paiement de droits prévus à l’article R.144-10 du Code de la Sécurité Sociale.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

XXX

Dans les deux mois de la réception de la notification, chacune des parties intéressées peut se pourvoir en cassation contre cette décision.

Pour être recevable, le pourvoi doit être formé par le ministère d’un Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.

Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n’a pas pour but de faire rejuger l’affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.

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