Cour d'appel de Riom, 19 octobre 2016, n° 15/00532
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Riom, 19 oct. 2016, n° 15/00532 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Riom |
Numéro(s) : | 15/00532 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Clermont, 5 février 2015, N° 2014/8992 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : SAS D c/ SAS COMPAGNIE FRANCE CHIMIE ( CFC )
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
TF
ARRET N°
DU : 19 Octobre 2016
RG N° : 15/00532
FR
Arrêt rendu le dix neuf Octobre deux mille seize
Sur APPEL d’une décision rendue le 6 février 2015 par le Tribunal de Commerce de CLERMONT
FD (R. G. N° 2014/8992)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François RIFFAUD, Président
Mme X Y, Conseillère
M. Philippe JUILLARD, Conseiller
En présence de :Mme Z A, greffière, lors de l’appel des causes et de Mme B C, greffière, lors du prononcé
ENTRE :
SAS D
XXX
XXX
Représentants : la SCP ARSAC, avocat au barreau de
CLERMONT-FERRAND – Me Alexis
ZAKARIAN, avocat au barreau de GRASSE
APPELANT
ET :
SAS COMPAGNIE FRANCE CHIMIE (CFC)
42 – 44 Rue Georges Besse
ZAC du Brézet Est
XXX
Représentant : la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉ
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 30 juin 2016, sans opposition de leur part, les avocats des parties, M. E, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 19 octobre 2016 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. François Riffaud, président, et par Mme B C, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 6 février 2015 par le tribunal de commerce de
Clermont-Ferrand qui statuant sur la demande en paiement formée par la SAS COMPAGNIE
FRANCE CHIMIE (la société FRANCE CHIMIE) contre la
SAS D à la suite de la
fourniture, restée impayée, de produits de traitement, a condamné cette dernière société au paiement
de la somme de 6 467,76 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter
du 31 mars 2014 et à supporter les dépens outre une indemnité de 300 euros au titre de l’article 700
du code de procédure civile ;
Vu l’appel formé par la société D par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 mars
2015.
Vu les dernières conclusions notifiées le 27 avril 2016 au moyen du RPVA par la société
D, tendant, au visa des articles 1604 et suivants, 1289 et suivants, 1134 et 1147 du code
civil, à voir :
— dire que la société FRANCE CHIMIE a manqué à son obligation de délivrance conforme ;
— dire que la même société a manqué à son obligation de conseil ;
— réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
subsidiairement, au visa de l’article 1641 du code sus-visé,
— dire que les produits vendus par la société
FRANCE CHIMIE sont affectés d’un vice caché ;
en toute hypothèse,
— condamner la société FRANCE CHIMIE :
* après compensation de la somme de 6 476,76 euros au paiement de la somme de 423,20 euros au
titre du préjudice matériel subi ;
* au remboursement du prix payé pour l’achat des produits litigieux ;
* au paiement de la somme de 4 000 euros au titre du préjudice commercial subi ;
* à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître ARSAC, avocat et à lui payer
une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais de procès ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 25 avril 2016 au moyen du RPVA par la société
FRANCE
CHIMIE, tendant, au visa de l’article 1650 du code civil à voir :
— dire la société D irrecevable et mal fondée en ses prétentions ;
— dire que cette société ne saurait faire état d’un défaut de conformité ou d’un vice caché sur un
produit non concerné par l’action en paiement intentée par la société FRANCE CHIMIE ;
— débouter la société D de sa demande indemnitaire ;
— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
— condamner la société D aux dépens et à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 avril 2016 ;
Sur ce,
Sur la demande principale de la société
FRANCE CHIMIE
Il est établi que suivant un bon de commande du 24 janvier 2014 la société D a
commandé à la société FRANCE CHIMIE une quantité de 150 litres de produit dénommé «
BLACKBASS », une quantité de 150 litres de produit « DORTHZ NOIR » et un pulvérisateur, le
tout représentant, après une remise de 218 euros une commande qui a été facturée le 31 janvier 2014
(facture FET545) pour la somme totale de 6 467,76 euros TTC payable en deux échéances de
3 233,88 euros chacune.
Il n’est pas contesté que la société D n’a pas honoré cette facture et qu’elle reste
redevable de la somme sus-visée, ainsi que l’a constaté la juridiction consulaire.
Sur les demandes incidentes de la société
D
Pour s’opposer à la demande en paiement de la société FRANCE CHIMIE, la société D,
expose que dans le cadre de son activité d’entreprise du bâtiment et cliente de la partie adverse
depuis 2012, elle lui a passé d’autres commandes portant sur un produit destiné à éliminer les
mousses (MOUSSTOP 4) et que l’application de cette substance s’est révélée totalement inefficace
sur les terrasses d’une superficie de 98 m² d’une villa située à Ramatuelle (83). Elle invoque, en
outre, un problème identique constaté sur un chantier à la Croix-Valmer (83).
Elle prétend que le « commercial » de la société FRANCE CHIMIE, M. F, s’est déplacé à
deux reprises, dont une fois à Ramatuelle en compagnie d’un responsable de cette société et, qu’à la
suite de ces déplacements, la partie adverse ne lui a adressé qu’un protocole d’accord lui proposant la
fourniture, à titre gracieux, des mêmes produits que ceux qui venaient de se révéler inefficaces et lui
demandant, dans le seul intérêt du fournisseur, de renoncer à tout recours et d’honorer le paiement
des factures.
La société D, entend, en conséquence, se prévaloir d’un manquement de la société
FRANCE CHIMIE à son obligation de délivrance conforme et sollicite le bénéfice d’une
compensation judiciaire entre les sommes restant dues au titre des factures de son fournisseur et sa
propre créance de dommages et intérêts qu’elle évalue à la somme de 6 890,96 euros.
Néanmoins, il n’est pas contesté que les produits commandés par la société D à la
société FRANCE CHIMIE sous les dénominations figurant à ses commandes lui ont été livrés et
qu’elle les a ensuite mis en 'uvre. Au surplus, il n’est aucunement démontré que lesdits produits
présentaient des caractéristiques chimiques différentes des spécifications des produits commandés et,
le seul fait que leur efficacité soit contestée, ne tend pas à caractériser un manquement à l’obligation
de délivrance mais l’existence d’un vice des substances vendues, impropres à la destination à laquelle
elles étaient destinées.
Dès lors, le fondement de la demande en paiement de dommages et intérêts formée par l’entrepreneur
ne peut être trouvé dans un manquement à l’obligation de délivrance conforme du vendeur mais
uniquement dans la garantie des vices cachés qui, instituée par les articles 1641 et suivants du code
civil, est invoquée à titre subsidiaire par la société D.
Contrairement à ce que soutient la société
FRANCE CHIMIE, si les deux fondements ne sont pas
susceptibles d’être invoqués cumulativement à titre principal, il n’est toutefois pas prohibé de
présenter une demande subsidiaire de sorte que la demande présentée par la société
FRANCE
CHIMIE sur le fondement de la garantie des vices est recevable.
S’il est effectif que l’inefficacité d’un produit destiné à détruire les mousses est susceptible de
provoquer la mise en 'uvre de cette garantie légale, encore est-il nécessaire d’établir que les
dysfonctionnements constatés sont effectivement imputables à une défectuosité du produit.
A cet effet, la société D produit des photographies prises le 12 mars 2015 et montrant un
dallage taché par de la mousse, ainsi que d’autres clichés qui auraient été, selon ses affirmations, pris
en janvier 2014. Son adversaire ne conteste pas que ces clichés montrent que des mousses et lichens
se sont de nouveau développés sur les terrasses où ont été réalisés les chantiers litigieux mais il fait
remarquer l’importance du délai qui s’est écoulé depuis l’application des produits.
La société D verse encore aux débats des échanges de courriels avec M. G
F, commercial de la société FRANCE CHIMIE, au sujet des deux chantiers litigieux ; est
également produite par le fournisseur une lettre de M. H D, en date du 26 avril
2014, dénonçant l’inefficacité des produits anti mousse sur deux chantiers représentant une surface
totale traitée de 428,05 m² et un projet de protocole d’accord portant sur la fourniture à titre gracieux
de produits « NETT SUPPORT, HYDROLEOSOL et MOUSSTOP 4, avec pour contrepartie le
règlement des factures et la renonciation à toutes poursuites, ce document précisant qu’il s’agissant
d’un règlement amiable et commercial et non d’une reconnaissance de responsabilité.
Il ressort des échanges de courriels que le 6 novembre 2013 le représentant de la société
FRANCE
CHIMIE a interrogé M. I
J du service technique de cette société pour savoir quelle
réponse apporter à l’entreprise D confrontée à la réapparition de mousse sur son chantier
de Ramatuelle. Le 12 novembre suivant l’intéressé lui a répondu qu’il renvoyait du produit
MOUSSTOP 4 au client en lui donnant des indications de dilution et en préconisant l’emploi d’eau
chaude. Le 9 janvier 2014, le même représentant a de nouveau interrogé le service technique en lui
signalant les difficultés dénoncées sur le chantier de la Croix-Valmer.
Le 21 février 2014, M. F a adressé un nouveau courriel à un autre personnel de la société
FRANCE CHIMIE, M. K L, responsable régional, pour lui indiquer qu’il s’était rendu avec
un autre membre de cette entreprise (Laurent M) sur le chantier de Ramatuelle où l’entreprise
D était intervenue à trois reprises et où « il est à nouveau très ennuyé avec notre ANTI
MOUSSE qui ne fonctionne toujours pas malgré nos multiples solutions ».
Le 27 février 2014, M. L a indiqué à M. D que M. M serait présent dès le
lundi 3 mars 2014 « sur votre chantier pour les tests nécessaires afin de résoudre ce problème suite à
ces résultats une solution sera apportée très rapidement ».
Il ressort de ces échanges, que la société
FRANCE CHIMIE, qui a donné de nouvelles consignes à sa
cliente pour l’application du démoussant et qui a dépêché ses personnels sur les lieux pour y
constater que ses préconisations supplémentaires n’avaient pas donné satisfaction, s’est ensuite
engagée à remédier aux difficultés, reconnaissant ainsi l’impropriété du produit qu’elle avait vendu à
sa destination.
Par ailleurs, si elle communique des résultats d’analyses du service de contrôle qualité pour
démontrer que le produit appliqué était conforme aux spécifications énoncées, il n’est pas pour autant
établi, en l’absence d’indications sur le numéro du ou des lots incriminés, que ces contrôles ont
effectivement concerné les articles vendus à la société D.
Dans ces conditions la société D est fondée à invoquer la responsabilité de la société
FRANCE CHIMIE sur le fondement de la garantie légale des vices cachés.
S’il n’est pas contesté que la société
D est intervenue de nouveau deux fois le chantier de
Ramatuelle et une nouvelle fois sur celui de la Croix-Valmer, son préjudice ne saurait, pour autant
valablement être fixé par équivalence avec le montant facturé à ses clients lors de sa première
intervention et qui, déterminé sur la base d’un prix unitaire au m² multiplié par la superficie à traiter,
intègre ses fournitures, le temps passé et sa marge.
Alors qu’elle n’a pas donné d’indication sur le volume des produits qui ont été employés en vain sur
ces chantiers de même que sur le temps qui a été consacré à les traiter, la cour observe que le
montant des fournitures que la société FRANCE
CHIMIE offrait de lui remettre dans le cadre de la
transaction représentait 200 litres de produits soit une somme de 2 449,50 euros HT.
En fonction de cet élément et d’une approximation de la marge que la société D était
susceptible de dégager sur ses chantiers, une indemnité de 3 500 euros lui sera allouée en réparation
de son préjudice.
Il en résulte qu’après compensation entre les dettes respectives des parties et le jugement déféré étant
infirmé, la société D sera condamnée à payer à la société FRANCE CHIMIE la somme
de 2 967,76 euros au titre du solde de ses fournitures augmentée, la pénalité réclamée n’étant pas
conforme aux conditions générales de vente, des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014.
La société D, qui succombe à la demande en paiement, supportera la charge des dépens
de première instance et d’appel.
Eu égard aux circonstances de la cause, l’équité ne commande pas de faire application des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à
la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Dit que la SAS D est recevable et bien fondée à invoquer la garantie légale des vices
cachés ;
Liquide la créance de la SAS COMPAGNIE FRANCE CHIMIE au titre de ses factures à la somme
de 6 467,76 euros ;
Liquide la créance de dommages et intérêts de la SAS D à la somme de 3 500 euros ;
Condamne, après compensation entre les dettes respectives des parties la SA D à payer
la SAS COMPAGNIE FRANCE CHIMIE la somme de 2 967,76 euros augmentée des intérêts au
taux légal à compter du 31 mars 2014.
Condamne la SAS D aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Le greffier Le président
M. P. C F. E
Textes cités dans la décision