Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 7 octobre 2020, n° 19/00072

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 7 oct. 2020, n° 19/00072
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/00072
Décision précédente : Tribunal d'instance de Clermont-Ferrand, 12 novembre 2018, N° 11-17-636
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 07 Octobre 2020

N° RG 19/00072 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FEI3

FK

Arrêt rendu le sept Octobre deux mille vingt

Sur APPEL d’une décision rendue le 13 novembre 2018 par le Tribunal d’instance de CLERMONT-FERRAND (RG n° 11-17-636)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

Mme Y X

Le Puy Besson

[…]

R e p r é s e n t a n t : M e M a r i e – J o s é R O D R I G U E Z – J A F F E U X , a v o c a t a u b a r r e a u d e CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/000116 du 22/02/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTE

ET :

La société FORPRODIS sous l’enseigne ECOLE FRANCAISE DE COMPTABILITE – PARIS FORMATION

SAS à associ2 unique immatriculée au RCS de Lyon sous le […]

[…]

[…]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et SCP LIGIER DE MAUROY & LIGIER, avocats au barreau de LYON(plaidant)

INTIMÉE

DÉBATS :

L’affaire a été retenue sans audience conformément à l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties étant informées de la date de mise en délibéré au 07 Octobre 2020, par avis en date du 9 juin 2020.

ARRET :

Prononcé publiquement le 07 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Suivant un acte sous seing privé du 15 avril 2015, Mme Y X a conclu, avec la SAS FORPRODIS – Ecole Française de Comptabilité (la SAS FORPRODIS), société d’enseignement à distance, un contrat de formation d’une durée prévue de 36 mois, pour le prix de 6 540 euros.

Le paiement de ce prix était financé principalement au moyen d’un contrat de crédit, conclu le même jour entre les mêmes parties, sur un capital de 6 394 euros, à rembourser en 48 mensualités, avec les intérêts au taux nominal de 4,57 %.

Mme X n’ayant pas payé les mensualités, la SAS FORPRODIS, après l’avoir mise en demeure, a obtenu du tribunal d’instance de Clermont-Ferrand le prononcé, le 6 avril 2017, d’une ordonnance faisant injonction à Mme X de payer à cette société une somme de 6 400 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l’ordonnance.

Le 19 mai 2017, Mme X a formé opposition à cette ordonnance.

Le tribunal d’instance, par un premier jugement prononcé le 29 mars 2018, a :

— déclaré Mme X recevable en son opposition ;

— dit que la clause contenue dans l’article 10 des Conditions générales du contrat était réputée non écrite ;

— ordonné la réouverture des débats, sur l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts pour la SAS FORPRODIS, au vu de moyens soulevés d’office par le tribunal ;

— sursis à statuer sur les demandes des parties.

Le tribunal, suivant un second jugement du 13 novembre 2018, a :

— prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;

— condamné Mme X à payer à la SAS FORPRODIS une somme de 5 786 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2017 ;

— dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

— autorisé Mme X à s’acquitter de sa dette par versements de 150 euros par mois ;

— dit n’y avoir lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné Mme X aux dépens.

Par une déclaration faite par voie électronique le 8 août 2019, Mme X a interjeté appel de ce second jugement, dans ses dispositions l’ayant condamnée à payer la somme de 5 786 euros, et les dépens.

Mme X demande à la cour de la déclarer recevable et fondée en son appel, et de rejeter les demandes de la SAS FORPRODIS. Elle fait valoir que l’article 10 des Conditions générales du contrat d’enseignement stipulait que le prix de la formation était du dans son intégralité, de manière ferme et définitive, y compris en cas de suspension des études, par le fait de l’élève ; que le tribunal, après avoir dit que cette clause était réputée non écrite, en raison de son caractère abusif au regard de l’article R. 132-2 du code de la consommation, l’a invitée à s’expliquer sur le motif légitime et impérieux qui l’aurait conduite à suspendre sa formation, et qui justifierait, selon la jurisprudence de la cour de cassation, que le contrat soit résilié ; et qu’elle estime rapporter la preuve d’un tel motif : alors qu’elle espérait exercer pendant sa formation des emplois lui permettant de subvenir à ses besoins à ceux de ses enfants, et de payer les sommes dues à la SAS FORPRODIS, elle n’a pu cependant accéder qu’à des emplois très précaires, qui ne lui ont pas permis de continuer à payer les frais de l’enseignement à distance tout en supportant les dépenses nécessaires, de sorte qu’elle a dû renoncer à poursuivre la formation qu’elle avait débutée.

À titre subsidiaire, Mme X conclut à la confirmation du jugement.

La SAS FORPRODIS demande elle aussi la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il a refusé la capitalisation des intérêts, et accordé des délais de paiement à Mme X. Elle expose que celle-ci ne justifie pas d’un cas de force majeure : la situation de chômage dont elle fait état n’était ni imprévisible, ni insurmontable puisqu’elle a retrouvé après quelques mois une activité salariée, qui lui permettait de payer sa formation ; que Mme X avait d’ailleurs déclaré, au moment de son inscription, qu’elle était salariée ; qu’elle avait au surplus la possibilité contractuelle de reporter la période de formation.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 19 mai et le 28 novembre 2019.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2019, et l’affaire a été retenue selon la procédure sans audience prévue par l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

Motifs de la décision :

En l’état du premier jugement du 29 mars 2018, ayant acquis autorité de chose jugée, l’article 10 des Conditions générales, qui oblige l’élève à payer la totalité du prix de la formation, même en cas de suspension des études de son fait, est réputé non écrit ; et comme en conviennent les parties, Mme X peut être dispensée de payer la totalité de ce prix, si elle établit un motif légitime et impérieux, qui justifierait une résiliation du contrat (en ce sens Cass. Civ. 1re 13 décembre 2012,

pourvoi n° 11-27.766).

Mme X, selon les mentions figurant sur le contrat d’enseignement et le contrat de crédit accessoire qu’elle a signés le 15 avril 2015, exerçait une profession salariée ; elle avait déclaré, dans une fiche d’orientation du 23 mars 2015, qu’elle travaillait en qualité d’aide-comptable. Elle a connu des difficultés de paiement dès la troisième mensualité ' celle de juillet 2015-, et n’a plus effectué aucun versement à partir de février 2016. Elle n’a d’ailleurs renvoyé à la société d’enseignement que deux devoirs écrits, en juin 2015. Selon des attestations de personnes proches qu’elle verse aux débats (ses père et mère, le père de ses enfants), Mme X a été contrainte, au cours de l’année 2015, de solliciter leur aide pour des besoins essentiels, pour elle-même et ses deux jeunes enfants. Elle a perçu des allocations de Pôle Emploi à partir de juin 2015, puis a retrouvé le 12 février 2016 un emploi d’agent administratif à temps partiel, qu’elle a occupé jusqu’en juin 2016 selon les bulletins de paie qu’elle présente (pièce n°3) ; elle a ensuite occupé à partir d’août 2016 un autre emploi d’abord à temps partiel, puis à temps complet depuis janvier 2017 (cf. les bulletins de paie que présente la SAS FORPRODIS en pièce n° 14).

La SAS FORPRODIS a envoyé à Mme X une première mise en demeure par lettre recommandée du 25 janvier 2016, qu’elle a reçue le 29 du même mois ; à la suite de démarches d’un huissier désigné par la SAS FORPRODIS, Mme X lui a déclaré, dans une lettre du 27 juin 2016 qu’elle produit en copie (pièce n° 2), qu’elle se trouvait en difficulté, étant au chômage depuis le 4 avril 2015, et qu’elle demandait à ne pas payer la totalité des sommes dues pour les trois années de scolarité. Cependant, selon une lettre de l’huissier du 28 septembre 2016, Mme X est convenue avec lui d’un échéancier prévoyant le paiement de sa dette par mensualités d’abord de 50 euros, puis de 250 euros à compter de janvier 2017, sans qu’il soit fait mention d’une remise partielle de la dette (pièce n° 6 de la SAS FORPRODIS).

Il ressort de ces éléments de fait que Mme X, à la date où elle a souscrit le contrat d’enseignement et le contrat de crédit, le 15 avril 2015, se trouvait déjà au chômage depuis le 4 avril 2015, selon les termes de sa lettre susdite : elle ne pouvait donc ignorer la précarité de sa situation, et les difficultés qui pouvaient en résulter, notamment pour s’acquitter des frais de scolarité. Mme X, qui a connu rapidement des retard de paiement des mensualités, avait d’ailleurs la possibilité de résilier sans motif le contrat dans un délai de trois mois à compter de la date de son entrée en vigueur, conformément à l’article L. 444-8 du code de l’éducation, dont les termes étaient dûment rappelés, de manière apparente, en première page du contrat d’enseignement.

Mme X avait aussi la possibilité, comme l’indique la SAS FORPRODIS, de demander à voir reporter la période de sa scolarité, pour qu’elle soit suspendue pendant le temps de ses difficultés, et reprise par la suite : la scolarité elle-même devait s’étendre sur une période prévisible de trente-six mois, mais l’élève avait le choix du rythme de sa formation, dans la limite des quatre années (article 2 du contrat d’enseignement) ; la SAS FORPRODIS expose qu’elle n’a jamais refusé de tenir compte des situations particulières, et des empêchements rencontrés par les élèves ; or il apparaît que Mme X n’a demandé à aucun moment une telle suspension ; elle n’a pas non plus, malgré son engagement, respecté l’échéancier indiqué dans la lettre de l’huissier du 28 septembre 2016.

Il en résulte que Mme X, qui s’est engagée en connaissance de sa situation financière difficile, qui a ensuite négligé d’exercer la faculté de résiliation qui lui était offerte, et qui s’est abstenue de demander la suspension des effets du contrat, comme elle pouvait le faire, ne justifie ni d’un motif légitime et impérieux qui aurait fondé la résiliation de ce contrat, ni à plus forte raison d’un cas de force majeure, irrésistible et imprévisible, qui l’aurait empêchée d’en poursuivre l’exécution, avec le cas échéant la suspension qu’il prévoyait. C’est à bon droit que le tribunal l’a condamnée à payer la somme restant due, au titre des frais de scolarité, et dont le montant n’est pas discuté.

Le jugement sera encore confirmé, en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts

(inapplicable en matière de crédits relevant du code de la consommation : en ce sens Cass. Civ. 1re, 9 février 2012, pourvoi n° 11 ' 14.605), et en ce qu’il a accordé des délais de paiement, justifiés au vu de la situation de Mme X.

PAR CES MOTIFS :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe ;

Confirme le jugement déféré ;

Condamne Mme Y X à payer à la SAS FORPRODIS une somme de 1 000 euros par

application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute les autres demandes des parties ;

Condamne Mme X aux dépens d’appel, et accorde à Me LACQUIT, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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