Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 25 septembre 2012, n° 12/01110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 25 sept. 2012, n° 12/01110
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 12/01110
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Évreux, 23 janvier 2012
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 12/01110 – 12/01121

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2012

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 24 Janvier 2012

APPELANTE ET INTIMEE :

Société ECOLE DES ROCHES

XXX

XXX

représentée par Me Valérie BENCHETRIT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES ET APPELANTS :

Monsieur E A

XXX

XXX

représenté par Me François CARE, avocat au barreau de CHARTRES

Madame D A

XXX

XXX

comparante en personne,

assistée de Me François CARE, avocat au barreau de CHARTRES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Juin 2012 sans opposition des parties devant Madame PAMS-TATU, Président, magistrat chargé d’instruire seul l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président

Monsieur MASSU, Conseiller

Monsieur HAQUET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GEFFROY, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 27 Juin 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Septembre 2012

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 25 Septembre 2012, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par M. GEFFROY, Greffier présent à cette audience.

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES

Vu leur connexité, joint les numéros 1110/12 et 1121/12.

Vu les conclusions déposées les 26 et 27 juin 2012 et développées à l’audience du 27 juin 2012.

M. A a été embauché par la société ÉCOLE DES ROCHES, le 30 août 2004, en qualité de chef de maison, statut cadre. Le 4 septembre 2005, il s’est vu confier par avenant 3,5 heures de cours d’histoire-géographie dans les classes hors contrat, le temps d’enseignement ayant été porté à 7 heures par avenant du 1er septembre 2007 ; ces 7 heures d’histoire-géographie ont été maintenues par avenant du 4 septembre 2006. Par avenant du 1er septembre 2008, ce nombre a été porté à 11heures. Par avenant du 20 avril 2009, il s’est engagé à assurer un minimum de 20 heures d’enseignement dans le cadre du stage de révision de Pâques 2009.

Par ailleurs, par arrêté du recteur de l’académie de Rouen du 17 septembre 2007, il s’est vu confier 6,5 heures d’enseignement sous contrat jusqu’à la nomination d’un maître contractuel et au plus tard jusqu’au 31 août 2008, et par arrêté du 4 septembre 2008, 5,5 heures d’enseignement sous contrat jusqu’à la nomination d’un maître contractuel et au plus tard jusqu’au 31 août 2009.

Mme A a été embauchée par l’ÉCOLE DES ROCHES, en qualité de chef de maison adjointe à mi-temps, le 1er septembre 2006, et par avenant du 1er septembre 2007, en qualité de chef de maison à temps complet.

Selon l’attestation du responsable comptable de l’école des roches, M. et Mme A occupaient un logement de fonction à l’école qui constituait leur domicile légal.

Par lettre du 24 août 2009, l’école a informé M. A que les notes obtenues par ses élèves de troisième en histoire-géographie au brevet des collège étaient catastrophiques et qu’il avait pris la décision de ne lui confier qu’une seule classe de troisième à la prochaine rentrée afin qu’il concentre tous ses efforts sur celle-ci ; il lui indiquait aussi qu’il lui ferait part de problèmes très graves le concernant.

M. et Mme A ont été placés en arrêt de travail à partir du 31 août 2009, arrêt renouvelé jusqu’au 17 novembre 2009.

Le 21 septembre 2009, ils ont saisi le conseil de prud’hommes d’Évreux d’une demande de résiliation judiciaire de leur contrat de travail.

Par lettre du 24 septembre 2009, l’avocat de M. et Mme A a reproché au directeur de l’école et à son épouse de s’être présentés à leur appartement afin de leur demander de le libérer pour le confier à leurs remplaçants temporaires en avançant des arguments de nature sécuritaire et en indiquant de manière erronée qu’une centrale d’alarme serait installée dans l’appartement.

Dans une lettre du 9 novembre 2009, cet avocat indiquait que ses clients lui avaient signalé que l’eau et le chauffage avaient été coupés dans leur logement depuis le 26 octobre 2009.

M. et Mme A ont été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 17 novembre 2009 ; ils ont été convoqués à un entretien préalable à un licenciement par lettre du 30 avril 2010 et licenciés pour faute lourde par lettre du 20 mai 2010.

Par jugement du 21 septembre 2009, le conseil de prud’hommes a ainsi statué :

— ordonne la jonction des affaires n°09/00366 et n°09/00367 et dit que ces affaires ne seront plus connues que sous la référence 09/00366,

— dit que le licenciement de Monsieur A E repose sur une cause réelle et sérieuse,

— dit que le licenciement de Madame A D repose sur une cause réelle et sérieuse,

— condamne la S.A. ECOLE DES ROCHES à payer à Monsieur A E les sommes suivantes :

1 042,11 € à titre de rappel de salaire chef de maison.

104,21 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

350,00 € à titre de prime exceptionnelle en application de l’accord du 07 juin 2007.

2 329,51 € à titre de supplément familial de traitement.

222 798,03 € à titre d’heures supplémentaires

22 279,80 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires.

143 750,60 € au titre du repos compensateur au-delà d’un contingent de 90 heures supplémentaires.

14 375,06 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

6 792,40 € au titre du repos compensateur du travail de nuit.

679,24 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

139 192,62 € au titre du repos compensateur pour un travail au-delà de huit heures par jour.

13 919,26 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

17 020,08 € au titre du préavis.

1 702,00 € au titre des congés payés sur préavis.

17 748,60 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

8 372,20 € à titre de rappel de salaire professeur suite à la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

837,20 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 958,10 € à titre d’indemnité pour requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

189,55 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire.

18,95 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamne la S.A. ECOLE DES ROCHES à payer à Madame A D les sommes suivantes :

916,16 € à titre de rappel de salaire chef de maison.

91,61 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

350,00 € à titre de prime exceptionnelle en application de l’accord du 07 juin 2007.

80 430,17 € à titre d’heures supplémentaires

8 043,01 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires.

57 130,27 € au titre du repos compensateur au-delà d’un contingent de 90 heures supplémentaires.

5 713,02 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

4 061,40 € au titre du repos compensateur du travail de nuit.

406,14 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

54 556,97 € au titre du repos compensateur pour un travail au-delà de huit heures par jour.

5 455,69 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

6 889,50 € au titre du préavis.

688,95 € au titre des congés payés sur préavis.

10 371,12 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

110,36 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire.

11,03 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— ordonne à la S.A. ECOLE DES ROCHES de faire parvenir à Monsieur et Madame A, pour chacun d’entre eux, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaires rectifiés conforme à la présente décision, en particulier en ce qui concerne la régularisation des cotisations aux organismes sociaux, sous astreinte de 50,00 € par document et par jour de retard à compter du 21e jour suivant la notification du présent jugement.

— se réserve la possibilité de liquider cette astreinte.

— déboute Monsieur A du surplus de ses demandes.

— déboute Madame A du surplus de ses demandes.

— déboute la S.A. ECOLE DES ROCHES de ses demandes reconventionnelles.

— ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

— dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la S.A. ECOLE DES ROCHES en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— condamne la S.A. ECOLE DES ROCHES aux entiers dépens.

L’ÉCOLE DES ROCHES a interjeté appel et sollicite de voir :

— réformer le jugement et constater :

que les motifs invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire sont fallacieux et dénués de fondement juridique ;

que les licenciements de M. et Mme A reposent sur une faute lourde ;

l’intention de nuire des deux salariés ;

les préjudices subis par l’ECOLE DES ROCHES ;

l’absence de preuve de l’accomplissement d’heures supplémentaires ;

que les époux A n’entrent pas dans un champ d’application du travail de nuit ni légal ni conventionnel et donc n’ont pas la qualité de surveillants de nuit et de travailleurs de nuit ;

l’existence d’un repos compensateur pour chaque salarié et donc rejeter les demandes financières en ce sens ;

l’absence des éléments caractéristiques de l’infraction de travail dissimulé ;

l’impossibilité de requalification de l’engagement de M. A ès qualités de professeur à durée indéterminée et donc rejeter la sanction indemnitaire de requalification et les demandes de rappels de salaires sur le fondement d’un temps plein pour M. A ;

l’existence des visites médicales d’embauche ;

l’absence de chiffrage des heures du DIF et d’éléments de preuve du préjudice ;

— infirmer en toutes les condamnations financières afférentes à ces chefs de demandes ainsi que les dispositions du jugement ;

— et statuant à nouveau,

— dire que les comportements des époux A révélaient une intention de nuire rendant impossible leur maintien en poste et justifiant leur licenciement pour faute lourde ;

— débouter M. A et Mme A de l’intégralité de leurs demandes faute d’éléments probants versés aux débats ;

— condamner M. et Mme A in solidum au paiement de 50.000 € pour dommages-intérêts sur le fondement des différents préjudices allégués ;

— condamner in solidum M. A et Mme A à payer à la société ECOLE DES ROCHES une somme de 15.000 € au regard de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— les condamner aux entiers dépens.

Les époux A ont également interjeté appel et sollicitent de voir :

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

ordonné la jonction des instances engagées respectivement par M. A et par Mme A ;

condamné la société ECOLES DES ROCHES à payer à M. A :

1 042,11 € à titre de rappel de salaire chef de maison.

104,21 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

350,00 € à titre de prime exceptionnelle en application de l’accord du 07 juin 2007.

2 329,51 € à titre de supplément familial de traitement.

222 798,03 € à titre d’heures supplémentaires.

22 279,80 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires.

143 750,60 € au titre du repos compensateur au-delà d’un contingent de 90 heures supplémentaires.

14 375,06 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

6 792,40 € au titre du repos compensateur du travail de nuit.

679,24 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

139 192,62 € au titre du repos compensateur pour un travail au-delà de huit heures par jour.

13 919,26 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

17 020,08 € au titre du préavis.

1 702,00 € au titre des congés payés sur préavis.

17 748,60 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

8 372,20 € à titre de rappel de salaire 'professeur’ suite à la requalification d’un contrat à durée déterminée professeur en contrat à durée indéterminée.

837,20 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 958,10 € à titre d’indemnité d’un mois de salaire au titre de requalification d’un contrat à durée déterminée 'professeur’ en contrat à durée indéterminée.

189,55 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire.

18,95 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

condamné la société ECOLES DES ROCHES à payer à Mme A les sommes de :

916,16 € à titre de rappel de salaire chef de maison.

91,61 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

350,00 € à titre de prime exceptionnelle en application de l’accord du 07 juin 2007.

80 430,17 € à titre d’heures supplémentaires

8 043,01 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires.

57 130,27 € au titre du repos compensateur au-delà d’un contingent de 90 heures supplémentaires.

5 713,02 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

4 061,40 € au titre du repos compensateur du travail de nuit.

406,14 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

54 556,97 € au titre du repos compensateur pour un travail au-delà de huit heures par jour.

5 455,69 € au titre des congés payés sur repos compensateur.

6 889,50 € au titre du préavis.

688,95 € au titre des congés payés sur préavis.

10 371,12 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

110,36 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire.

11,03 € au titre des congés payés sur rappel de salaire.

2 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— ordonné à la S.A. ECOLE DES ROCHES de faire parvenir à Monsieur et Madame A, pour chacun d’entre eux, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaires rectifiés conforme à la présente décision, en particulier en ce qui concerne la régularisation des cotisations aux organismes sociaux, sous astreinte de 50,00 € par document et par jour de retard à compter du 21e jour suivant la notification du présent jugement.

— s’est réservé la possibilité de liquider cette astreinte.

— dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la S.A. ECOLE DES ROCHES en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— condamné la S.A. ECOLE DES ROCHES aux entiers dépens ;

— y ajoutant,

— condamner la société ECOLE DES ROCHES à payer à M. A :

63.825,30 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

35.497,20 € à titre d’indemnité pour licenciement vexatoire,

7.091,70 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

4.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,

2.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner la société ECOLE DES ROCHES à payer à Mme A :

34.447,50 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

20.742,24 € à titre d’indemnité pour licenciement vexatoire,

1.377,90 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

5.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,

1.500 € à titre de dommages-intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

lesdites sommes outre intérêts de droit au taux légal à compter de l’introduction de la demande ;

— faire application des mêmes dispositions que le conseil de prud’hommes en ce qui concerne le recouvrement extrajudiciaire des condamnations prononcées en cause d’appel et quant aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire chef de maison

Ce rappel est fondé sur l’avenant du 12 juin 2008 non étendu à la convention collective PSAEE-IDCC 2408 et l’accord du 29 avril 2008 relatif au salaire et à la valeur du point à compter du 1er septembre 2008.

Selon l’accord du 29 août 2008, la valeur du point a été fixée à compter du 1er septembre 2008 à 56,30 €. et portée à 56,92 € à compter du 1er septembre 2009.

Ainsi, jusqu’en août 2008 les salaires suivaient la valeur du point de la fonction publique et à partir de septembre 2008, ils ont suivi celle du point PSAEE, qui augmentait plus vite que le précédent.

Le conseil de prud’hommes a retenu à juste titre qu’il ressortait de l’examen des bulletins de salaire des époux A que cette augmentation n’avait pas été appliquée, les salaires continuant à suivre l’indice de la fonction publique et non l’indice spécifique de la convention collective PSAEE plus favorable aux salariés.

L’ÉCOLE DES ROCHES fait valoir que l’avenant du 12 juin 2008 n’a pas fait l’objet d’un arrêté d’extension et qu’elle n’est pas membre d’un des syndicats signataires.

Cependant, l’avenant du 12 juin 2008 et l’accord du 29 août 2008 mentionnent les organisations (d’employeurs et de salariés) signataires, parmi lesquelles le syndicat SNCEEL, signataire des deux textes.

Or, le règlement intérieur précise en son article un que L’ECOLE DES ROCHES est « affiliée au syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre » (SNCEEL). Elle ne peut valablement soutenir que celui-ci est entaché d’une erreur matérielle faute d’avoir été actualisé depuis le départ de l’ancienne chef d’établissement syndiquée et à la suite de la prise de fonction de Mme Y non syndiquée. En outre, cette référence au règlement intérieur figure dans le contrat de travail des époux A.

Au demeurant, L’ÉCOLE DES ROCHES produit seulement en cause d’appel une attestation datée du 14 mai 2012 selon laquelle le lycée collège n’est plus adhérent à ce jour du SNCEEL depuis septembre 2002. En tout état de cause, il résulte de l’article L. 2262 – 3 du code du travail que les paragraphes non étendus d’une convention collective s’appliquent aux employeurs signataires et aux membres d’une organisation signataires y compris en cas de démission de celle-ci.

Au surplus, les époux A font remarquer à juste titre que L’ÉCOLE DES ROCHES verse aux débats en appel :

* deux fiches syndicales SNCEEL datées d’avril 2007 et 2008

* les contrats de travail à durée indéterminée de Mlle B du 1er septembre 2003, de Mme Z du 1er septembre 2004 et de Mme X du 1er septembre 2006 qui font référence à la convention collective IDCC laquelle est également mentionnée sur les bulletins de salaire.

En tout état de cause, il résulte de la référence explicite dans le règlement intérieur de l’affiliation du SNCEEL à cette convention collective, que L’ÉCOLE DES ROCHES a entendu en faire une application volontaire ; celle-ci qui admet au demeurant cette application volontaire ne peut valablement soutenir qu’elle ne serait que partielle alors que les contrats de travail des époux A font référence à la convention collective sans aucune réserve, précisant au contraire que les parties conviennent que cette convention collective s’appliquera pour toutes les questions non évoquées au contrat, et qu’elles s’y réfèrent pour la rémunération et la grille conventionnelle.

Les avenants étaient donc applicables et les époux A auraient dû bénéficier de l’augmentation du point.

Le conseil de prud’hommes a donc accordé à juste titre un rappel de salaire de 1.042,11 € à M. A et de 916,16 € à Mme A.

Sur le supplément familial et la prime exceptionnelle

La cour ayant retenu que la convention collective IDCC était applicable en l’espèce, le supplément familial prévu par l’article 3.25.3 de cette convention, est dû à M. A et la prime exceptionnelle prévue par l’accord du 7 juin 2007 est due à M. et Mme A.

Les premiers juges ont exactement accordé à M. A 2.329,51 € au titre du supplément familial et 350 € à chacun des époux.

Sur les heures supplémentaires

Le contrat de travail de M. et Mme A concernant leurs fonctions de chef de maison prévoyait un temps de travail annualisé sur 38 semaines à raison de 42 heures par semaine, soit 1596 heures annuelles conformes au temps maximal prévu par la convention collective pour leur catégorie.

L’article 1.4 de l’accord de branche du 2 juillet 2002 prévoit que la durée maximale hebdomadaire est fixée à 40 heures. Or le contrat de travail de M. A du 30 août 2004 stipulait 42 heures par semaine au titre de ses fonctions de chef de maison auxquelles s’ajoutaient des heures d’enseignement en qualité de professeur. La durée maximale hebdomadaire du travail n’a donc pas été respectée.

La convention collective PSAEE prévoit pour le personnel d’éducation de catégorie 4, un temps de travail effectif annuel de 1546 heures déduction faite des jours fériés chômés et payés. Ce temps de travail aurait dû leur être appliqué alors qu’ils avaient un horaire théorique de travail de 1596 heures jours fériés compris.

M. A fait remarquer à juste titre qu’il effectuait, en plus de ce travail à temps complet de chef de maison, des heures d’enseignement, d’une part, sous contrat d’association avec l’État, d’autre part, hors contrat d’association, c’est-à-dire pour le seul compte de la société école des roches et qu’à elles seules ces heures d’enseignement hors contrat, effectuées à la demande de l’employeur, auraient dû donner lieu à des majorations de salaire au titre des heures supplémentaires puisqu’elles s’ajoutaient nécessairement au temps de travail à temps plein en qualité de chef de maison.

Cependant, il résulte des bulletins de salaire de M. A que pour toute sa période d’activité, de septembre 2004 à août 2009, seules 28 heures supplémentaires sont mentionnées.

M. et Mme A exerçaient les fonctions de chef de maison impliquant la surveillance des élèves y compris la nuit et chaque fois que les élèves ne sont pas en cours.

Dans ses conclusions d’appel, l’ÉCOLE DES ROCHES indique que :

— les chefs de maison doivent remplir la fiche d’internat tous les matins pour signaler « s’il est survenu un problème nécessitant qu’un enfant vienne frapper à leur porte ou qu’ils aient entendu des bruits les ayant réveillés ou un incident grave ».

— le chef de maison bénéficie d’un appartement de fonction « de manière à encadrer tel un père de famille les élèves dont il a la charge et intervenir en cas de nécessité, uniquement ».

Dans ses conclusions de première instance, l’ÉCOLE DES ROCHES soutenait « contrairement à ce qu’indique M. A, les chefs de maison, s’ils sont effectivement logés sur place de manière à exercer une surveillance et intervenir en cas de nécessité, n’exécutent pas principalement ses heures de travail en périodes nocturnes ».

Ainsi, les chefs de maison assuraient une mission de surveillance et étaient susceptibles d’être dérangés la nuit même le week-end puisque tous les enfants ne rentraient pas chez eux le week-end. Ils étaient les seuls salariés responsables de l’internat de La Guiche.

Aucun travail de nuit sous forme d’astreinte n’est prévu dans les contrats de travail des époux A ni par la convention collective.

« Tout travail entre 21:00 et 6:00 est considéré comme travail de nuit… Peuvent travailler la nuit les personnels des services d’internat…. » (article 2.24 de la convention collective IDCC 2408 PSAEE)

Le travail de nuit est rémunéré sous forme d’équivalence. L’accord de branche étendu relatif à la réduction de la durée effective et à l’aménagement du temps de travail du 15 juin 1999 prévoyait qu’un tiers de la surveillance de nuit équivaut à du temps de travail effectif pour la détermination de la rémunération et l’application de la législation sur la durée du travail. Certaines dispositions de cet accord ont été remplacées par un nouvel accord du 31 janvier 2007 rendu applicable à compter de la rentrée de septembre 2007 par l’effet combiné d’un arrêté du 27 mars 2007 portant extension d’un accord national et d’un décret du 3 août 2007 relatif aux équivalences de nuit dans l’enseignement privé sous contrat.

L’article 1 de l’accord prévoit que « 45 % de la surveillance de nuit équivaut à du temps de travail effectif pour la détermination de la rémunération et l’application de la législation française sur la durée du travail.

La surveillance de nuit s’entend de la période de veille en chambre comprise entre le coucher et le lever des élèves, son amplitude ne peut pas dépasser 7 heures. Les périodes d’interventions sont considérées comme du temps de travail effectif et rémunérées comme tel. L’organisation précise la période d’horaires concernés fixés par l’établissement ».

La convention collective PSAEE (IDCC 2408) prévoit un système d’équivalence pour les surveillants d’internat : « Compte tenu des spécificités liées aux fonctions des personnels chargés de la surveillance nocturne des internats, qui sont autorisés à dormir dans une chambre individuelle mise à leur disposition à cet effet, il est convenu d’un horaire d’équivalence défini comme suit : 1/3 de la surveillance de nuit équivaut à du temps de travail effectif pour la détermination de la rémunération et l’application de la législation sur la durée du travail. La surveillance de nuit s’entend de la période de veille en chambre, du coucher jusqu’au lever des élèves » (article 3.22.3).

L’ÉCOLE DES ROCHES ne peut opposer le fait que les époux ne dormaient pas dans une chambre individuelle mais bénéficiaient d’un appartement de fonction dans lequel ils pouvaient vaquer librement à leurs occupations.

En effet, la convention collective prévoit (article 3.25.4) que le « personnel d’éducation cadre, responsable d’un internat, avec l’obligation de loger sur place, doit disposer d’un logement de fonction compatible avec sa vie de famille ».

Ainsi, le fait que les époux A ne dormaient pas dans une chambre individuelle n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions de la convention collective relative au travail de nuit.

« Chaque salarié bénéficie, entre deux périodes journalières de travail, d’un repos d’une durée minimale de 11 heures consécutives. Après information des institutions représentatives du personnel et à défaut des intéressés, cette durée pourra être réduite à 9 heures pour les personnels affectés aux surveillances d’internat. En contrepartie, le service donné de nuit est limité à quatre nuits par semaine et donne droit à un repos hebdomadaire de 48 heures consécutives sauf demande dérogatoire du salarié. Pour les salariés à temps plein, le complément de service sera assuré dans le cadre de l’externat et prend la forme de travaux administratifs » (article 3.22.3).

Les époux A ayant une mission de surveillance d’internat et étant susceptibles d’être sollicités en leur qualité de 'substitut parental’ comme l’indique le code de fonction du chef de maison devaient bénéficier d’une équivalence de 3 heures de travail effectif chaque nuit. L’ÉCOLE DES ROCHES ne peut se prévaloir utilement de l’existence des 'capitaines’ qui ne sont que des élèves de l’école. L’attestation d’un agent de sécurité selon laquelle il assurait des rondes régulières est également inopérante.

M. A fait observer que le fait que Mme X et Mme A l’aient rejoint n’a entraîné aucune modification de ses horaires de travail ni de sa rémunération.

Les contrats de travail des époux A étaient distincts et ne faisaient pas référence à une notion de travail de couple, aucun de travail en alternance n’était stipulé ; L’ÉCOLE DES ROCHES ne justifie avoir communiqué aucune note ou planning aux époux A leur permettant de savoir à quel moment l’un ou l’autre devait travailler ou pouvait se reposer.

Les époux A peuvent donc prétendre au paiement de rappels de salaire au titre d’heures de nuit.

Par ailleurs, il résulte du code fonction de chef de maison que celui-ci avait de multiples tâches : réveiller les enfants, contrôler le rangement des chambres, la tenue vestimentaire des enfants, le bon ordre général de sa maison, accompagner les enfants au restaurant scolaire pour le petit déjeuner, le superviser et l’animer, exiger que tous les enfants partent à l’heure au bâtiment scolaire, s’assurer qu’aucun enfant ne se trouve dans les maisons entre 8:00 et 13:00 entre 14:15 et 17:00, veiller à l’interdiction absolue de fumer, suivre les études des enfants, informer la directrice de tous les appels téléphoniques graves qu’il pourrait avoir avec les parents….

Une grande partie des élèves reste à l’école le week-end. Des sorties sont organisées un week-end sur deux dont l’encadrement est confié aux chefs de maison (les programmes de 'week-end sortie’ sont versés aux débats). Les époux A étaient présents à l’arrivée du car tous les dimanches, vers 21:15, pour accueillir les enfants qui étaient rentrés chez eux, et les coucher. En outre, l’école organise de nombreuses soirées (à thèmes ou dansantes), une fête de l’école, des journées portes ouvertes, journée d’intégration, diverses sorties – dont les réservation étaient effectuées par les époux A), des sorties à la patinoire de Louviers, aux Petites Roches……

Les époux A fournissent des décomptes précis sur l’organisation de leur travail dont le conseil de prud’hommes a fait une analyse complète. La cour adopte les motifs et les calculs du conseil de prud’hommes et le jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé le paiement d’heures supplémentaires et repos compensateurs..

S’agissant des congés payés, la convention collective PSAEE prévoit pour les personnels d’éducation de catégorie 4 : 6,3 semaines (38 jours ouvrables) de congés payés et 3,7 semaines (22 jours ouvrables) à 0 heure (articles 3.23 et 3.24) soit un total de 10 semaines et non 6,3 semaines de congés payés.

Le non-paiement par l’employeur des salaires dus constitue un manquement à une de ses obligations essentielles justifiant la résiliation judiciaire des contrats de travail aux torts de celui-ci. Il n’y a donc pas lieu d’examiner les griefs invoqués à l’appui du licenciement. Le jugement sera réformé sur ce point. La date de la résiliation prend effet à la date de notification du licenciement.

Sur l’indemnité au titre du travail dissimulé

Compte tenu de l’ampleur des sommes dues, l’intention frauduleuse de l’employeur est établie. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné L’ÉCOLE DES ROCHES à une indemnité pour travail dissimulé.

Sur la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

M. A a été embauché par contrat à durée indéterminée en qualité de chef de maison.

Cependant, il ne pouvait être engagé par contrats à durée déterminée en qualité de professeur ainsi que le conseil de prud’hommes l’a retenu par des motifs que la cour adopte. Une seule indemnité de requalification est due.

Sur la demande au titre du rappel de salaire de professeur

La cour adopte les motifs du conseil de prud’hommes sauf à préciser que le paiement des salaires de professeur est dû jusqu’à la résiliation judiciaire du contrat de travail qui prend effet à la date du licenciement.

Sur les indemnités au titre de la rupture

Le jugement sera confirmé sur le montant des indemnités de préavis et de congés payés. Une indemnité au titre du travail dissimulé ayant été allouée aux époux A, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnité conventionnelle de licenciement qui ne se cumule pas avec la première indemnité.

Compte tenu de leur rémunération et des circonstances de la rupture, il convient d’accorder à Monsieur A 17.748,60 € et à Mme A 10.371,12 € à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture.

Les conditions vexatoires de la rupture ne sont pas établies. Les époux A seront déboutés de ce chef de demande.

Sur le défaut de visite médicale d’embauche

L’école verse aux débats une fiche de visite du 1er octobre 2004 concernant M. A, ce dernier ayant pris ses fonctions le 30 août 2004 et une fiche du 10 octobre 2006 concernant Mme A qui a pris ses fonctions le 1er septembre 2006 même si le motif de la visite n’est pas indiqué, il sera retenu que l’école a satisfait à son obligation.

Sur le droit individuel à la formation

Il sera accordé 150 € à chacun des époux pour manquement à l’obligation du droit individuel à la formation.

Il n’y a pas lieu d’assortir d’une astreinte la remise des bulletins de salaire et documents sociaux.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Joint les dossiers n° 1110/12 et1121/12 ;

Confirme le jugement déféré sauf à prononcer la résiliation judiciaire des époux A avec effet à la date de leur licenciement et sauf sur l’astreinte ;

Y ajoutant,

Condamne la société ECOLE DES ROCHES à payer à M. A :

17.748,60 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

150 € à titre de dommages-intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

Condamne la société ECOLE DES ROCHES à payer à Mme A :

10'371,12 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

150 € à titre de dommages-intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

Les sommes à titre de rappel de salaire, indemnités de rupture, pour travail dissimulé, de requalification portant intérêts de droit à compter de la demande et les sommes allouées à titre de dommages-intérêts à compter de l’arrêt ;

Ordonne le remboursement par la société ECOLE DES ROCHES aux organismes concernés des indemnités de chômage versées aux salariés du jour de la rupture de leur contrat de travail s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de l’arrêt dans la limite de six mois ;

Condamne la société ÉCOLE DES ROCHES aux dépens.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 25 septembre 2012, n° 12/01110