Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 9 avril 2015, n° 14/00193

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 9 avr. 2015, n° 14/00193
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 14/00193
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évreux, 9 décembre 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/00193

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 09 AVRIL 2015

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVREUX du 10 Décembre 2013

APPELANTE :

Madame A X

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Virginie DONNET de la SCP DONNET BOUDARA FRANCOIS VATINEL, avocat au barreau d’Eure

INTIMÉ :

Monsieur C Y

résidence de l’abbaye -

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l’Eure

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Mme BRYLINSKI, Président

Madame LABAYE, Conseiller

Madame POITOU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Février 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Avril 2015

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 09 Avril 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Mme BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

Suivant offre préalable acceptée le 14 mai 2003, la société Compagnie Générale de Location a consenti à M. C Y, emprunteur, et à Mme A X, co-emprunteur, tous deux agissant solidairement, un prêt personnel de 33.840 € remboursable en 84 échéances mensuelles.

Dans le cadre de leur convention de divorce, il avait été prévu que le crédit souscrit auprès de la société Compagnie Générale de Location serait remboursé par M. Y et Mme X, chacun pour moitié.

Mme X et M. Y ont été condamnés par ordonnance de référé en date du 2 août 2006, solidairement, payer à la CGL une somme de 33 839,07 €, outre les intérêts au taux contractuel à compter du 20 avril 2006 sur les sommes de 1.714,60 € et 29.120,35 €, ainsi que celle de 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Compagnie Générale de Location a initié une procédure de saisie des rémunérations de Mme X, à l’occasion de laquelle une négociation est intervenue.

Selon protocole de transaction en date du 09 décembre 2009, il a été convenu entre la société Compagnie Générale de Location et Mme X que celle-ci verserait une somme de 20.000 € à titre de solde de tout compte. Mme X a souscrit un emprunt auprès de sa banque pour payer cette somme.

Estimant que M. Y, son coobligé solidaire, devait lui rembourser la moitié de la somme qu’elle avait réglée à la société Compagnie Générale de Location, Mme A X a fait assigner son ex-conjoint, M. C Y, selon acte en date du 23 septembre 2012, devant le tribunal de grande instance d’Evreux afin notamment, de le voir condamner à lui régler, sur le fondement de l’article 1214 du code civil, la somme 10.000 € soit la moitié de la somme versée à la société Compagnie Générale de Location, ainsi que la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Y s’est opposé à la demande en invoquant la procédure de rétablissement personnel dont il avait bénéficié et subsidiairement, son insolvabilité.

Par jugement du 10 décembre 2013, le tribunal de grande instance d’Evreux a :

— débouté Mme A X de ses demandes

— condamné Mme A X à payer à M. C Y la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné Mme A X aux dépens.

**$$**

Mme A X a interjeté appel du jugement par déclaration au reffe en date du 14 janvier 2014.

Dans ses dernières écritures en date du 26 janvier 2015, Mme A X née Hue demande à la cour de :

Sur le fondement des dispositions des articles 1214 et 1251 du code civil :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Evreux le 10 décembre 2013

— condamner M. C Y à lui verser une somme de 10 000 €

— condamner M. C Y à lui verser une somme de 700 € pour les frais irrépétibles de première instance et une somme de 2500 € pour les frais irrépétibles de la procédure devant la Cour.

— condamner M. C Y entiers dépens de première instance et d’appel.

**$$**

Par conclusions en date du 24 novembre 2014, M. C Y demande à la cour de :

Vu les articles 1214 et suivant du code civil

Vu les articles L.332-5 du code de la consommation

— débouter Mme X de toutes ses demandes, fins et prétentions

— le recevoir en son appel incident

En conséquence :

— réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande fondée sur l’exception tirée de la clôture de la procédure de rétablissement personnel, au visa de l’article L.332-5 du code de consommation

Statuant de nouveau :

— le recevoir en son exception tirée de la clôture de sa procédure de rétablissement personnel et le déclarer bien fondé

En conséquence :

— dire que l’action récursoire de Mme A X ne peut prospérer sur le fondement de l’article 1214 du code civil

En tout état de cause :

— constater son état d’insolvabilité

— condamner Mme A X au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner Mme A X au paiement des dépens de la première instance et d’appel, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme X soutient que, si M. Y a bénéficié d’une procédure de rétablissement personnel, il n’est pas fondé à lui opposer la clôture de la procédure avec effacement de ses dettes en application dispositions de l’article L. 332-5 du code de la consommation.

L’argument concernant l’inopposabilité à M. Y de ses négociations avec B n’a pas davantage de portée selon l’appelante puisque lesdites négociations ont permis de réduire la dette dans des proportions importantes et la dette de M. Y sera moindre.

M. Y affirme qu’il est parfaitement fondé à opposer à Mme X l’exception tirée de la clôture de sa procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif.

Selon lui

— cette procédure a éteint ses dettes et notamment la créance CGL (venant aux droits de B) pour 33.839,07 €

— il n’a jamais participé aux négociations ni à l’élaboration du protocole, de sorte que ce qui a été décidé entre Mme X et la société CGL lui est inopposable.

— la B a accepté l’effacement de sa dette, il ne lui doit plus rien et les exceptions opposables au créancier le sont également à l’encontre des codébiteurs solvables, dans le cadre de l’action récursoire postérieure au règlement de la dette.

**

Selon L. 332-5 du code de la consommation, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge entraîne l’effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur à l’exception de (…) des dettes dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par le coobligé.

Par jugement du 10 avril 2009, le tribunal d’instance d’Evreux a prononcé la clôture, pour insuffisance d’actifs, de la procédure de rétablissement personnel ouverte au bénéfice de M. C Y, avec effacement de ses dettes y compris la dette de la société B -CGL. Cette société ne pourra plus agir contre lui en paiement toutefois, le fondement de l’action engagée par Mme X n’est pas une action subrogatoire mais l’action personnelle qu’elle tient de l’article 1214 du code civil et, par application de l’article L.332-5 visé ci-dessus, la dette payée par Mme X à la société CGL en sa qualité de co-emprunteur solidaire ne peut faire l’objet d’un effacement, étant précisé que, même si M. Y n’a pas participé aux pourparlers ayant abouti au protocole signé en décembre 2009, il a été conclu par son co-emprunteur solidaire, il lui bénéficie puisqu’il a permis de réduire la dette et doit être considéré comme lui étant opposable.

**

Mme X soutient que c’est à tort que le tribunal de grande instance d’Evreux a considéré que M. Y était insolvable. Elle considère qu’il s’est volontairement abstenu de produire les éléments actualisés de sa situation financière devant le tribunal, il ne peut être statué sur des éléments anciens datant de 2011.

Elle souligne que M. Y a dupé la religion du tribunal en prétendant percevoir une pension de retraite mensuelle de 965,18 € de la CNRACL. Le montant en avril 2012 était de 1486,20 €. Si le montant qui lui a été effectivement versé est moindre, c’est en raison du fait que la pension alimentaire dont il est redevable pour l’entretien et l’éducation de sa fille Z est prélevée directement sur sa retraite, dans la mesure où il refusait de s’en acquitter spontanément. Il ne peut déduire cette pension une seconde fois en décomptant dans ses charges mensuelles.

Mme X fait valoir que M. Y ne justifie pas :

— de ses pensions de retraite en 2014 alors que leur montant augmente chaque année en avril, il aurait placé des sommes pour plus de 12.000 €

— de ses charges actuelles : il produit des quittances de loyer et diverses factures correspondant aux deux logements dans lesquels il vivait avant de prendre à bail l’appartement qu’il occupe aujourd’hui, ses charges sont moindres aujourd’hui

— des avantages non négligeables dont il bénéficie de par sa qualité d’ancien sapeur-pompier (allocations de sommes).

Z devrait pouvoir avoir un emploi au cours du premier semestre 2015. M. Y disposera alors d’une somme supplémentaire de 314.96 € par mois, portant son disponible mensuel global à la somme de 1315,10 € par mois.

Mme X affirme que son ex-conjoint, bien que retraité peut travailler et l’a d’ailleurs fait ce qui lui a procuré des revenus qu’il a cachés au juge du surendettement, ses problèmes de santé sont aggravés par sa vie festive et nocturne, son abus d’alcool, s’il se soignait, il pourrait envisager de reprendre une activité complémentaire à sa retraite. Il n’y a aucune raison de constater son insolvabilité, ses ressources lui permettant largement de faire face à ses dépenses et de rembourser à Mme X, la somme qu’elle a réglé en ses lieu et place.

M. Y affirme être dans une situation d’insolvabilité avérée. Agé de 64 ans, il se dit de santé particulièrement fragile sans que la dégradation de son état de santé ne soit liée à l’alcoolisme. Il a fait l’objet d’une hospitalisation pendant le mois de mars 2013, à la suite d’un infarctus. Son médecin atteste de ce qu’il ne peut absolument pas se livrer à une activité professionnelle.

Il indique percevoir une somme de 1.424 € par mois et assumer des charges à hauteur de 1.050 €. Il disposait, lors de la décision du premier juge, d’un solde disponible de 374 € pour s’alimenter, s’habiller, se chausser, assurer les frais de carburant. En 2014, le total mensuel de ses revenus s’élève à 1.455,05 € pour des charges évaluées à 1.099,90 €. Le changement de logement était lié état de santé, ses autres charges comme le coût de la mutuelle ont augmenté. Il estime avoir un disponible de 355,15 € par mois. Il prétend que l’état d’insolvabilité constaté par les premiers juges demeure : la cour d’appel devra donc constater à son tour cet état d’insolvabilité.

Il rappelle que l’enfant issu couple sera certes bientôt majeure mais elle ne travaille pas, ni ne poursuit des études.

La somme de 12.000 € est un placement prévoyance auprès de GMPA en capital décès constitué par son employeur qui sera versée à ses enfants à son décès.

**

Selon l’article 1214, le codébiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que le part et portion de chacun d’eux.

Si l’un d’eux se trouve insolvable, la perte qu’occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement.

M. Y se dit insolvable ce qui est contesté par Mme X. Il convient d’examiner la situation actuelle de M. Y sans s’attacher à la situation décrite dans le jugement d’avril 2009 ayant prononcé le rétablissement personnel.

Il est justifié de ce que M. Y est en retraite, il a des problèmes de santé, fréquemment hospitalisé, son médecin atteste qu’il ne peut exercer une activité professionnelle.

M. Y a actualisé ses revenus et charges, il perçoit plusieurs pensions de retraite :

— CNRACL : 1.394,12 €

— Abelio-Humanis : 202,47 €

— Carsat : 261,66 €

total : 1.858,25 €

selon les avis d’imposition, les revenus de 2011, 2012 et 2013 étaient respectivement de 1.701,58 €, 1.733,08 € et 1.925,17 € par mois.

Les charges peuvent être ainsi évaluées au vu des pièces produites :

— pension alimentaire : 314,96 €

— loyer : 436,26 €

— taxe d’habitation : 751 € : 12 = 62,58 €

— IRPP : 1.035 € : 12 = 86,25 €

— Assurances automobile, habitation

protection juridique : 415,06 € : 12 = 34,60 €

— mutuelle : 93,90 €

— gaz : 620 € : 12 = 51,67 €

— téléphone : 44,90 €

— assurance décès, invalidité : 59,39 € : 3 = 19,80 €

total : 1.144,92 €

soit une différence de 713,33 €. M. Y ne peut soutenir être insolvable, il dispose d’un disponible supérieur à ce qui est par exemple retenu par la Commission de surendettement au titre des frais mensuels d’hygiène, habillement, alimentation pour une personne (400 € environ). M. Y aura un revenu supplémentaire dès que l’enfant du couple aura un emploi, ce dont il n’est pas justifié à aujourd’hui, il ne peut donc être tenu compte dans le disponible du montant de la pension versée.

Mme X justifie avoir versé une somme de 20.000 € à la société CGL, elle est fondée à demander à M. Y, co-emprunteur solidaire, de lui payer la moitié de la somme qu’elle a versée soit 10.000 €. Le jugement sera infirmé et M. C Y sera condamné à payer la somme de 10.000 € à Mme A X.

**

Le jugement entrepris sera également infirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance. M. Y supportera les dépens des procédures de première instance et d’appel, il devra verser à Mme X une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2013 par le tribunal de grande instance d’Evreux en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne M. C Y à payer à Mme A X :

— la somme de 10.000 € à titre principal

— la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. C Y aux entiers dépens des procédures de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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