Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 1er décembre 2016, n° 15/02792

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 1er déc. 2016, n° 15/02792
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/02792
Sur renvoi de : Cour de cassation de Paris, 26 mai 2015, N° 14-14540
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/02792

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 1er DECEMBRE 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

14-14540

COUR DE CASSATION DE PARIS du 27 Mai 2015

APPELANT :

Monsieur X Y

défendeur à la saisine ayant qualité d’appelant

né le XXX à XXX

Le Prieuré

Route de Rouen

XXX

représenté par Me Luc MASSON, avocat au barreau de
ROUEN,

assisté de Me Isabelle LUCAS-BALOUP, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SELARL Z venant aux droits de la SELARL DATABIO demandeur à la saisine ayant qualité d’intimée

XXX

XXX

représentée par Me Caroline SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN

assistée de Me Anne-Carine ROPARS-FURET, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

A JEHASSE,
Greffier

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Septembre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 17
Novembre 2016 date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 1ER décembre 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par
A JEHASSE,
Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La Selarl Databio avait pour objet l’exploitation de deux laboratoires d’analyses de biologie médicale situés l’un à DEAUVILLE et l’autre à
TROUVILLE.

Le capital social de la Selarl Databio était réparti de la façon suivante:

— MM. Y et B, associés majoritaires, titulaires chacun de 2.850 parts sociales, cogérants de la Selalr Databio, et directeurs, le premier du laboratoire de DEAUVILLE, le second de celui de TROUVILLE,

— MM. C, et D et A D, respectivement titulaires de 950, 475 et 475 parts sociales, ces trois associés exerçant leur activité professionnelle au sein de la société
Z, qui exploitait un laboratoire d’analyse de biologie médicale à
LISIEUX.

Après avoir débattu lors de l’assemblée des associés du 13 mars 2009 des reproches adressés à M. Y, les associés de la société Databio, une nouvelle fois réunis le 17 avril 2009 en assemblée générale ordinaire et extraordinaire, ont adopté deux résolutions, aux termes desquelles ils ont décidé, d’une part, de révoquer M. Y de ses fonctions de cogérant, et, d’autre part, de prononcer son exclusion en tant qu’associé de la société Databio.

Faisant valoir que ces deux décisions étaient fautives et constitutives d’abus de droit, M. Y a, par acte extra-judiciaire du 20 août 2009, fait assigner la Selarl Databio devant le tribunal de grande instance de LISIEUX, aux d’indemnisation de son préjudice subi.

En cours d’instance, la Selarl Z est venue aux droits de la société
Databio, à la suite d’une opération de fusion absorption.

Par jugement du 13 juillet 2011, le tribunal de grande instance a :

— rejeté les demandes formulées par M. Y à l’encontre de la Selalr Z (venant aux droits de la Selarl Databio), relatives à la révocation de son mandat de cogérant et à son exclusion en tant qu’associé, décidées le 17 avril 2009,

— condamné M. Y à verser à la Selarl Z la somme de 8.000 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— mis les dépens à la charge de M. Y.

Par déclaration au greffe en date du 28 septembre 2011, M. Y a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 18 mars 2014, la cour d’appel de
CAEN a :

— infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de LISIEUX,

Statuant à nouveau,

— dit sans motif légitime la révocation de M. Y par la Selarl Databio aux droits de laquelle vient la Selarl Z, de ses fonctions de cogérant et son exclusion en qualité d’associé,

— condamné la Selarl Z à payer à M. Y les sommes suivantes :

* 162.000 brut au titre de sa révocation de ses fonctions de cogérant,

* 120.000 à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus, au titre de son exclusion en qualité d’associé,

Lesquelles sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

— condamné la Selarl Z à payer à M. Y la somme de 20.000 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la Selarl Loxobio aux dépens de première instance et d’appel.

Statuant sur le pourvoi formé par la société
Z, la Cour de cassation a, par arrêt rendu en date du 27 mai 2015 :

— CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il dit sans motif légitime l’exclusion de M. Y en qualité d’associé de la société Databio, aux droits de laquelle se trouve la société Z, et condamné celle-ci à lui payer, à ce titre la somme de 120.000 , l’arrêt rendu entre les parties, par la cour d’appel de CAEN;

— remis, en conséquence, sur les autres motifs, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé les parties devant la cour d’appel de ROUEN;

— condamné M. Y à payer la somme de 3.000 à la société Z; rejeté sa demande.

Pour un exposé exhaustif des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions du 15 février 2016 pour l’appelant, et du 31 décembre 2015 pour l’intimée.

M. X Y demande à la cour de :

Vu, notamment l’adage fraus omnia corrumpit,

sur la révocation du mandat de cogérant du Dr
Y par Databio :

·

' Dire et juger que les deux cogérants de la SELARL
Databio présentaient chacun un compte courant d’associé débiteur, en total accord entre les parties, de 2000 à 2008 dans des conditions sensiblement identiques.

·

' Dire et juger que c’est à tort qu’a été qualifié « avertissement » l’email de M. B du 18 décembre 2008, qui se contente de rectifier le montant du compte courant de M. Y.

' Dire et juger qu’il est établi par le Docteur
Y que c’est après lui avoir annoncé une distribution de dividendes le 8 août 2008, que M. B, cogérant chargé de la comptabilité, a lui-même et contrairement à son habitude, corrigé en novembre 2008 le solde débiteur de son propre compte courant, et fait droit à une demande d’un associé minoritaire, M. C, du 23 décembre 2008, de ne pas distribuer de dividendes pour la première fois depuis 8 ans, lettre envoyée par email à tous les associés sauf au Dr Y tenu dans l’ignorance de ce changement de politique interne au sein de la
SELARL décidé sans l’en informer

' Dire et juger que le seul document pouvant être considéré comme un 'avertissement’ est la lettre de M. C aux deux cogérants du 5 janvier 2009, à compter de laquelle le
Docteur Y a immédiatement pris toutes dispositions pour trouver, en l’absence de la traditionnelle distribution de dividendes pratiquée chaque année depuis huit ans, les fonds nécessaires pour rendre son compte courant créditeur.

·

·

' Dire et juger que le Docteur Y a informé, par un email du 26 février 2009, ses associés qu’il rendait créditeur son compte courant d’associé par un virement de 50 000 confirmé par son notaire, ce qui n’a pas empêché M. B de lancer une convocation aux fins de révocation de gérant et exclusion d’associé à l’encontre de son confrère.

' Dire et juger que le compte courant de M. Y était créditeur avant la fin de l’exercice de la SELARL Databio, clos le 31 mars 2009 et avant la première réunion de l’assemblée générale du 13 mars 2009, réunie par M. B cogérant au compte courant chroniquement débiteur à l’instar de M. Y, comme à celle du 27 mars 2009 et enfin du 17 avril 2009 pendant laquelle il a été révoqué et exclu.

' Dire et juger que si la violation de l’article L.223-21 du code de commerce peut constituer un motif légitime de révocation du mandat de gérant d’une SELARL, les circonstances de l’espèce et la fraude qui corrompt tout, dûment établie à l’encontre de MM. B et
C, conduisent à déclarer abusive la révocation du mandat de cogérant du Docteur
Y telle que prononcée le 17 avril 2009.

' Infirmer le jugement entrepris, déclarer sans motif légitime et abusive la révocation de la qualité de cogérant du Docteur Y, et condamner Z à lui payer :

' 162 000 au titre de l’indemnité prévue à l’article 15 des statuts,

' 50 000 en réparation du préjudice moral subi par le Docteur Y, en raison de la brutalité de son éviction d’un laboratoire dont il était co-fondateur,

' 30 000 HT au titre de l’article 700 du
CPC,

' Et en tous les dépens de première instance et d’appel.

sur l’exclusion du Dr Y en sa qualité d’associé par Databio :

' Dire et juger irrecevable Z en ce chef de demande, définitivement tranché par l’arrêt de la Cour d’appel de Caen du 18 mars 2014, non cassé par l’arrêt du 25 mai 2015 de la chambre commerciale de la Cour de cassation sur ce point.

' Condamner Z au paiement de 20 000 HT au titre de l’article 700 du CPC et en tous les dépens dont distraction au profit de l’avocat postulant.

La Selarl Z demande à la cour de :

— DIRE ET JUGER que la révocation de Monsieur X Y de son mandat de cogérant de la SELARL Databio, lors de l’assemblée générale ordinaire des associés qui s’est tenue le 17 avril 2009, est valable et fondée sur un juste motif de révocation,

·

— DIRE ET JUGER que la révocation de Monsieur X Y de son mandat de cogérant de la SELARL Databio, lors de l’assemblée générale ordinaire des associés qui s’est tenue le 17 avril 2009, entraînait nécessairement ipso facto son exclusion en qualité d’associé, compte tenu des dispositions légales et réglementaires impératives applicables aux SELARL,

En conséquence :

— DIRE ET JUGER que la révocation de Monsieur X Y de son mandat de cogérant de la SELARL Databio ne donne lieu à aucune indemnisation au profit du demandeur,

— DIRE ET JUGER que l’exclusion de Monsieur X Y en qualité d’associé de la
SELARL Databio ne donne lieu à aucune indemnisation au profit du demandeur,

— CONDAMNER en conséquence Monsieur X Y à rembourser à la société Z (venant aux droits de la société Databio) la somme de 120.000 euros à laquelle cette dernière a été condamnée, faute d’ exclusion indemnisable, avec intérêt au taux légal à compter de la date de paiement de cette somme par l’appelante,

Statuant à nouveau :

— CONDAMNER Monsieur X
Y à verser à la société Z (venant aux droits de la société Databio) la somme de 20.000 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— CONDAMNER Monsieur X
Y aux entiers dépens de première instance et d’appel exposés tant devant la Cour d’appel de Caen que devant la Cour d’appel de
Céans dont recouvrement au profit de la SELARL GRAY SCOLAN,
Avocats associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

·

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2016.

SUR CE

Au soutien de son appel, M. Y expose, en résumé, que:

— Au regard des écritures de Z, celle-ci ne lui reproche plus que l’existence d’un compte-courant débiteur, à l’exclusion des autres chefs invoqués lors de l’assemblée générale

du 17 avril 2019 (attitude de nature à nuire à l’intérêt social de la société et la mésentente grave entre les cogérants) qui ont successivement été écartés par le tribunal de grande instance de Lisieux puis par la cour d’appel de Caen; ils ne sont plus évoqués dans les conclusions de saisine de la cour d’appel de Rouen du 31 décembre 2015;

— Le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux rappelle que si l’article L.223-21 du code de commerce prévoit qu’un associé ou gérant d’une SARL ne peut avoir un compte-courant débiteur à l’égard de la société, le non-respect de cette interdiction constitue en lui-même une faute de gestion de la part du gérant, mais il convient toutefois de déterminer si cette faute constitue bien un motif légitime de révocation du mandat de gestion au regard de l’éventuelle pratique antérieure au sein de la société, des conséquences effectives de ce compte débiteur pour le fonctionnement de la société et des diligences accomplies par le fautif pour régulariser sa situation;

— Le tribunal a fondé le rejet de l’action de M. Y entièrement sur l’argument suivant : 'A compter de septembre 2008, M. Y ne peut plus invoquer une tolérance au sein de la société en raison des divers avertissements qui lui ont été adressés et alors que l’autre co-gérant M. B a quant à lui, dès novembre 2008, réduit et maintenu son propre débit de compte courant à un montant négligeable';

— Or, le visa de cette date de septembre 2008 constituait une erreur que la cour de Caen n’a pas renouvelé;

— la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel de
Caen n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations quant à l’existence d’un compte-courant d’associé débiteur cependant elle n’a pas affirmé que l’existence même d’un compte-courant débiteur constituait un motif légitime de révocation;

— Il entend démontrer devant cette cour que :

* le compte-courant de M. B était chroniquement autant débiteur que celui de M. Y;

* il n’a reçu que le 18 décembre 2008 un email de M. B qui ne constituait pas une demande de le créditer encore moins une mise en demeure, sachant qu’une distribution devait avoir lieu avant la fin de l’exercice, le 31 mars, comme chaque année;

* M. Y n’a été informé qu’en janvier d’un changement de politique interne de la Selarl
Databio, décidé sans concertation avec lui, mais entre ses coassociés sur initiative d’un associé minoritaire, M. C, lesquels lui demandent par une simple lettre du 05 janvier 2009 de combler son solde débiteur;

* il s’est livré immédiatement à cette démarche ce qui lui permettra de créditer le compte en notifiant à ses associés qu’il avait trouvé les fonds par e-mail du 26 février 2009 à 11:10, son associé s’empressant de lancer immédiatement des convocations aux fins d’une assemblée générale ayant pour ordre du jour l’exclusion de docteur
Y sur ce fondement;

* le compte courant débiteur de M. Y n’a pas lui-même causé le solde débiteur EEE à la
BNP, et, malgré la lettre de la BNP invoquée par Databio aujourd’hui, aucun des établissements bancaires partenaires E n’a perdu confiance dans la SEL puisqu’ils ont prêté des sommes importantes alors même que des indicateurs du bilan de mars 2010 se seront dégradés par rapport à ceux de mars 2009;

— s’agissant du compte-courant de M. B :

* pendant les 8 dernières années, de 2000 à 2008, le compte-courant d’associés de M. B, auteur du rapport à l’assemblée générale du 17 avril 2009 invoquant comme grief principal à l’encontre du Dr Y pour obtenir sa révocation comme cogérant l’existence en janvier d’un compte-courant débiteur dans les comptes Databio, s’est révélé débiteur pendant 69 mois sur 96, soit pendant plus de 72% du temps;

* M. B était le gérant chargé d’assumer la comptabilité de la société; il lui appartenait par voie de conséquence d’informer de l’état des comptes les associés présentant un solde débiteur, de ne pas lui-même donner l’exemple de ce qu’il n’a pas hésité ensuite à invoquer la faute à l’encontre de son cogérant qui, lui ne suivait pas mensuellement les comptes courants de la société;

* pour l’exercice du 01er avril 2007 au 31 mars 2008, le compte courant de M. B a été débiteur pendant 10 mois, celui de M. Y pendant 11 mois, soit un seul mois de différence entre les deux cogérants mais seul le Dr
Y a été révoqué de sa qualité de gérant de ce chef à la requête et au vote de l’autre;

* pour l’exercice social clos le 31 mars 2008 avant l’assemblée générale réunie extraordinairement par M. B, le 13 mars 2009, pour révoquer M. Y comme gérant et l’exclure comme associé, sur ce fondement de compte courant débiteur, à un mois près, M. B a été dans la même situation de compte courant débiteur, jamais ce dernier, pourtant chargé de la comptabilité, n’a alerté son confrère qui ne tient pas la comptabilité et ne peut avoir dès lors conscience des mouvements de soldes de compte, sur la nécessité de revenir à un solde créditeur;

* l’e-mail du 08 août 2008 de M. B à M. Y, période à laquelle le compte d’associé de M. B est également débiteur ne constitue par l’avertissement de 2008 du cogérant visé dans l’arrêt de la Cour de cassation, puisqu’au contraire l’expert-comptable et le cogérant, M. B, annoncent le 08 août 2008 une distribution de résultat qui couvrira les comptes courants, à l’identique de ce qui est pratiqué chaque année, en décembre; M. B écrit 'au vu des comptes courants', le sien compris;

* Chaque année, les associés ont voté le quitus aux cogérants, ce qui empêche les associés d’utiliser des faits relevant des années pour lesquelles ils ont donné quitus au Dr Y pour décider de sa révocation (cass.com, 12 février 2013);

* Le seul procès-verbal d’assemblée générale ordinaire approuvant les comptes faisant apparaître une réserve sur les comptes courants d’associés figurant à la clôture de l’exercice est le procès-verbal du 09 décembre 2009 d’une assemblée réunie 8 mois après l’assemblée générale extraordinaire ayant exclu le Dr Y, et postérieure à l’assignation en date du 29 mai 2009 lancée par le Dr Y;

* L’exercice concerné est celui du 01er avril 2008 au 31 mars 2009; au 31 mars 2009, le compte courant d’associé de M. Y n’était plus débiteur mais créditeur de 19.645,82 ;

* Ceci prive de toute pertinence le grief invoqué à l’encontre de M. Y pour tenter d’asseoir sa révocation de ses fonctions de cogérant et à plus forte raison son exclusion comme associé;

* Le tableau récapitulatif des mois où le compte de M. B était débiteur montre qu’à 2 exceptions près M. B était toujours débiteur en décembre et janvier de chaque année depuis 2000; exceptionnellement et parce qu’il organisait certainement le 'putsch’ prévu pour mars 2009, M. B n’a présenté un compte débiteur en décembre 2008, contrairement à M. Y qui ne savait pas ce qu’il attendait;

* La première alerte relative à la modification des pratiques prise au sein E ne lui a pas été donné en septembre 2008 comme l’a retenu à XXX; la première alerte au regard de son compte-courant débiteur est un simple email du 18 décembre 2008, entre associés, de M. B à M. Y mais qui est loin d’être une mise en demeure;

* cet email est à rapprocher de la démarche en novembre 2008 conduite par M. B pour apurer brutalement son compte-courant sans en informer pour autant M. Y;

* La coïncidence entre la brutale chasse aux comptes courants débiteurs, l’apurement secret du sien par M. B dont il n’a eu connaissance que grâce à la présente procédure, la non distribution concomitante des dividendes décidée par M. C, associé minoritaire, dont il n’a eu connaissance également que dans le cadre de la présente procédure, qui permettait habituellement le retour à un solde débiteur, interpelle;

* M. Y s’attendait donc à recevoir des dividendes comme le lui annonce son cogérant qui lui-même a chroniquement un compte courant tout aussi débiteur que celui de M. Y, lequel n’a en conséquence aucune raison, au dernier trimestre 2008, faisant encore confiance à son associé, de combler son compte courant débiteur et immédiatement en trouvant, fin décembre puisqu’il a été prévenu le 18 décembre, des ressources personnelles pour le faire, comme il le fera en urgence en janvier 2009 quand il pressentira que, sur l’instigation de M. C, son cogérant a discrètement remboursé le sien, ne distribue aucune rémunération complémentaire aux associés actifs contrairement à ce qu’il avait annoncé, et qu’il formalisera par écrit une demande d’apurement du compte courant débiteur de son associé, provoquant à ce moment là la recherche active par le Dr
Y des fonds permettant de rendre son compte courant créditeur, ce qui sera fait dans le mois suivant et en tout état de cause avant la clôture de l’exercice le 30 mars 2009;

* c’est pour la première fois à l’assemblée générale du 29 octobre 2008 qu’il n’est pas distribué de dividendes, malgré un bénéfice de 102 939,89 affectés en réserves ordinaires;

* à l’assemblée générale suivante du 09 décembre 2009 statuant sur les comptes de l’exercice clos le 31 mars 2009, les associés ne distribueront ni dividendes ni prime de bilan alors qu’ils décideront concomitamment de mettre en réserve 182.682,51 de bénéfices, prouvant ainsi que la société Databio se portait bien à la date de révocation du Dr Y;

* C’est M. C, associé minoritaire passif (c’est-à-dire n’exerçant pas la biologie médicale dans le laboratoire Databio mais dans son propre Z à Lisieux), ayant fomenté le projet de se débarrasser du Dr Y pour devenir le maître E et absorber ce laboratoire par sa propre société Z, qui a déclenché cette réforme des pratiques habituelles qui consistait à distribuer aux deux associés actifs une rémunération complémentaire permettant de couvrir approximativement leurs comptes courants débiteurs à cette époque de l’année, en écrivant, le 23 décembre 2008, aux autres associés que le Dr Y, savoir M. B et les époux D un email ne ce sens, ce qui montre le caractère pernicieux de la démarche 'secrète’ de cet associé minoritaire; cet email lui a été remis par M. B;

* cet associé minoritaire extérieur dans Databio en 2009, à l’issue de l’opération de fusion, sans débourser un seul euro à titre personnel, devient titulaire alors de 13.458 parts de
Z sur 26.274, après la fusion-absorption réalisée dès l’exclusion de M. Y;

* le 05 janvier 2009, les associés complices (C, les époux D) vont écrire aux co-gérants évoquant l’existence d’un compte courant débiteur à régulariser dans les plus brefs délais;

* le 07 janvier 2009, M. C a adressé un email aux deux cogérants dans lequel il exprime

clairement son opposition aux agissements actuels, ainsi qu’en copie aux époux D; ce mail constitue le premier élément à partir duquel le
Dr Y va comprendre la détermination de son collègue à se saisir d’une pratique constante au sein de la société chez les deux cogérants, pour en faire un argument d’éviction de M. Y qui a développé le cabinet de
Deauville avant tous les autres et qui a manifesté son désaccord au moment où M. C, minoritaire à 17,5% dans le capital E, biologiste à Lisieux extérieur à Databio, a tenté de lui faire signer un pacte d’associés donnant en résumé tout pouvoir de contrôle de ce dernier sur les laboratoires de Deauville et de Trouville, ce qu’absolument rien d’autre ne justifiait à l’époque que la volonté d’hégémonie de M. C qui arrivera à ses fins en 2010 par l’exclusion de M. Y, en absorbant
Databio,

* le 09 janvier 2009 M. Y répondra par email à la lettre simple des associés du 05 janvier 2009 et au mail de M. C, où il reconnaît être en tort et qu’il va remédier à cette situation en raison de la modification de la politique arrêtée par ses associés en catimini;

* A partir de cette lettre du 05 janvier 2009 qui n’est pas une mise en demeure, M. Y va mettre en oeuvre les dispositions nécessaires à rendre son compte courant créditeur, ce qui prouve sa bonne foi d’associé et l’absence de faute commise en qualité tant de gérant que d’associé, dans ce contexte démontré;

* Pour ce faire, le 07 janvier 2009, il a sollicité un emprunt bancaire;

* Dès le 26 février 2009 par un email envoyé à 11:10 il a informé ses associés de l’apurement du solde débiteur de son compte courant d’associé, situation que n’a pas pris en compte la
Cour de cassation;

* L’exercice social E étant du 01er avril au 31 mars 2009, la situation des deux cogérants était totalement identique : ils ont eu tous les deux rendu créditeur le compte courant d’associé avant la clôture de l’exercice le 31 mars 2009;

— s’agissant du prétendu malaise avec la BNP et la perte de confiance :

* Z affirme que la BNP a adressé à la société, le 21 janvier 2009, une lettre RAR lui demandant de combler un découvert non autorisé avant le 28 janvier 2009, ayant pour origine le compte courant débiteur de M. Y;

* cette affirmation est fausse; aucun des chèques qu’a reçu M. Y n’a été tiré, pendant la période de septembre 2008 à mars 2009, sur le compte BNP
E, à l’exception d’un chèque de 3.000 le 07 novembre 2008 correspondant à sa rémunération; le seul autre règlement intervenu à son profit est un chèque de 12.000 en date du 17 mars 2009, rédigé et signé par son associé cogérant et ne peut être imputé à faute de M. Y;

* L’atteinte à l’image de marque du laboratoire auprès de la BNP n’est pas un élément contenu dans le rapport de gérance présenté par M. B à l’assemblée générale du 13 mars 2009; cet argument ne pourrait en conséquence être retenu pour justifier la révocation de M. Y;

* M. Y n’a obtenu communication de cette lettre par remise en mains propres le 03 mars 2009; il s’est heurté à un refus de communication des documents, notamment bancaires et comptables détenus par Databio, fondant les griefs pour l’exclusion; il n’a obtenu la communication de la copie du relevé bancaire de la BNP pour février et mars 2009, utile à M. Y, que dans le cadre de la présente procédure d’appel, ordonnée par le conseiller de la mise en état; le solde était créditeur mensuellement pendant tout le premier trimestre 2009, ce qui prouve que Databio a trompé le tribunal et que les associés n’ont pas été loyalement

informés pendant l’assemblée générale du 13 mars 2009;

* Il est établi que le Dr Y a été confronté à ses confrères, sans pouvoir leur démontrer la manipulation dont le principal d’entre eux, M. B, était l’objet, émanant de M. C, il suffit de relire les débats ayant eu lieu pendant l’assemblée générale du 13 mars 2009 pour s’en convaincre;

* L’argument relatif à la BNP a été présenté à charge contre M. Y d’une manière volontairement excessive et opaque, Databio refusant la production des comptes, que ce soit pour l’assemblée générale du 13 mars 2009, pendant la procédure de première instance;

— La Cour de cassation tient compte de la régularisation des opérations pour décider qu’il ne s’agit pas alors d’une cause de révocation (cass.com. 10 juillet 2007);

— Dans son arrêt du 27 mai 2015, la Cour de cassation ne prive pas la cour de renvoi de dire et juger que le Dr Y a violé l’article L.223-21 du code de commerce et de juger que compte tenu des circonstances, cette violation ne constitue pas à elle seule un motif suffisamment grave pour justifier la révocation du mandat de gérant du Dr Y qui a été victime d’une véritable conspiration, d’une mise en scène; sa révocation doit être jugée abusive et vexatoire et donner lieu à réparation du préjudice;

— sur son exclusion en qualité d’associé :

* Z est totalement irrecevable et mal fondée en ses demandes; la Cour de cassation a clairement cassé l’arrêt en toutes ses dispositions non relatives à l’exclusion en qualité d’associé et à la condamnation à réparation du préjudice de ce chef, mettant définitivement fin au litige du chef de la condamnation de Z à payer au Dr Y la somme de 120.000 en réparation de cette exclusion, limitant ainsi la saisine possible que sur l’autre point, la révocation du mandat de gérant, puisque les parties sont remises en l’état du jugement rendu le 13 juillet 2011, qui n’a tranché que deux points : la révocation du mandat de gérant et l’exclusion du Docteur Y en qualité d’associé;

* L’article 638 du code de procédure civil s’oppose au succès des conclusions de Z, s’agissant de l’autre point, à savoir l’exclusion de M. Y en qualité d’associé, puisque l’affaire ne peut être à nouveau jugée en fait et en droit par la cour de renvoi qu’à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

La Selarl Z venant aux droits de la société Databio, fait valoir, pour l’essentiel, que :

— Par assemblée générale ordinaire et extraordinaire E du 17 avril 2009, il a été décidé d’une mesure de révocation des fonctions de cogérant E, et d’une mesure d’exclusion sanction de l’associé professionnel, M. Y, conformément aux dispositions statutaires;

— Cette assemblée a fait suite à une assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 13 mars 2009, au cours de laquelle, ont été débattus, en présence d’un huissier, entre les associés EEE et M. Y, assisté de son avocat, des griefs qui lui étaient opposés :

* un compte courant d’associé débiteur de plus de 40.000 au jour de la convocation de l’assemblée et le maintien de surcroît de ce compte courant d’associé en position débitrice pendant plusieurs mois, malgré les avertissements de ses coassociés, ce qui est interdit par l’article L.223-21 du code de commerce;

* des prises de rémunérations discrétionnaires et à géométrie variable;

* d’importantes décisions de gestion prises en contradiction avec l’intérêt social E;

* plus généralement un climat de mésentente durable entre gérants et entre M. Y et ses autres associés à l’unanimité, concernant la conduite des affaires de la société;

— Aucune issue amiable n’ayant été trouvée, le 13 mars 2009, une nouvelle assemblée générale a été convoquée pour le 17 avril 2009;

— Le tribunal, en se fondant sur le caractère fautif de la pratique du compte courant débiteur reprochée à M. Y, et la violation des règles de fonctionnement de la société
Databio qui en résultait, a débouté ce dernier de l’ensemble de ses demandes, la révocation se fondant sur un motif légitime;

— La cour d’appel de CAEN a considéré que la révocation de M. Y de ses fonctions de cogérant et son exclusion en qualité d’associé étaient sans motif légitime et a infirmé le jugement;

— La Cour de cassation a, au contraire, retenu que cette faute constituait un juste motif de révocation de nature à exclure la condamnation de
Z au titre d’une prétendue révocation abusive;

— La pratique consistant à maintenir son compte courant débiteur en position débitrice, constitue une contravention pure et simple à l’interdiction d’ordre public édictée par l’article
L.223-21 du code de commerce, de sorte que la révocation prononcée sur le fondement de ce seul grief doit être considérée comme fondée sur un juste motif, au sens de l’article L.223-25 du code précité;

— Z a soutenu non seulement que l’exclusion de M. Y reposait sur un motif légitime mais encore que la révocation de M. Y avait pour effet nécessaire d’entraîner ipso facto son exclusion en qualité d’associé, compte tenu des dispositions réglementaires particulières applicables à la société Z, en sa qualité de Selarl de laboratoire de biologie médicale, à défaut de quoi cela n’aurait pu conduire qu’au blocage de la vie sociale au regard des articles
R.6212-74 et R.6212-85 du code de la santé publique;

— Cette seconde partie de l’argumentation de Z n’a pas été examinée par la cour d’appel de Caen et, ce faisant, par la Cour de cassation, cette dernière s’étant ainsi contentée, concernant la question de l’exclusion de M. Y en qualité d’associé, de vérifier si oui ou non celle-ci reposait sur un motif légitime et si oui ou non celle-ci donnait lieu à indemnisation au profit de M. Y, ce à quoi il a été répondu affirmativement;

— La Cour de cassation n’a donc à aucun moment remis en cause le raisonnement juridique soulevé par la société Z relativement aux effets nécessaires de la révocation de M. Y, de sorte que la cour de renvoi est saisie de cette question;

— sur le juste motif principal de révocation :
l’existence et le maintien par M. Y d’un compte courant d’associé :

* La révocation peut être décidée par les organes sociaux, elle est qualifiée de 'contrôlée', comme celle de l’espèce, parce qu’elle suppose de reposer sur un 'juste motif’ et son exercice peut être soumis a posteriori au contrôle du juge afin de vérifier si la décision de révocation prise par les organes sociaux a effectivement été prise sur le fondement d’un juste motif, si le dirigeant révoqué, sur lequel pèse la preuve de l’absence de juste motif de la décision de

révocation prise contre lui, a droit, sauf stipulation contraire, à être indemnisé;

* la Cour de cassation considère que le juste motif de révocation visé par l’article L.223-25 du code de commerce, constitue, au premier chef, la commission d’une faute par le dirigeant, par action ou par omission, dans l’exercice de son mandat, sans qu’il y ait lieu d’établir, de surcroît, que l’acte fautif était de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société;

* A cet égard, l’article L.223-21 du code de commerce interdit, à peine de nullité, au gérant personne physique d’une SARL de se faire consentir par la société un découvert en compte courant. Le maintien et l’aggravation du découvert du compte sont constitutifs d’une faute de gestion (CA Versailles 13 janvier 2011); cette pratique revient à faire un usage purement privatif de la trésorerie sociale;

* de plus, la Cour de cassation considère, pour sanctionner une telle pratique, que l’interdiction édictée par cet article est d’ordre public, et sanctionnée par une nullité absolue;

* dans le prolongement de cette jurisprudence, la Cour de cassation a dans le présent cas d’espèce jugé que la révocation de M. Y qui avait contrevenu à l’interdiction édictée par l’article L.223-21 du code de commerce, était fondée sur un juste motif;

* Selon l’article 15 alinéa 9 des statuts de la société Databio, le juste motif ne sera établi qu’en cas de faute du gérant se rattachant à l’exercice de ses fonctions;

* en l’espèce, la faute de gestion de M. Y est avérée et constituée par la violation pure et simple des dispositions d’ordre public de l’article L. 223-21 du code de commerce prohibant les comptes courant d’associés débiteurs;

* Outre le fait que son compte courant a présenté un solde débiteur à la clôture de plusieurs exercices, son compte courant sur l’exercice 2008 a atteint jusqu’à – 41.470,02 ;

* Bien plus, il a fait fonctionner son compte courant en position débitrice alors que les associés et le co-gérant ont à plusieurs reprises attiré son attention sur cette situation (emails de M. B à M. Y du 18 décembre 2008 et du 23 janvier 2009); les autres associés l’ont mis en demeure le 05 janvier 2009 d’avoir à régulariser son compte courant;

* les avertissements sont restés sans réponse, il n’a pas répondu au courrier des associés;

* M. Y avait de surcroît conscience de ce que ses agissements étaient contraires à l’intérêt social et que ses associés se lassaient sérieusement de cette situation, puisqu’il écrivait début janvier 2009 à M. C 'je suis en effet en tort et dans la merde'; pourtant, il procédait à un nouveau prélèvement supplémentaire de 3.000 euros sur les comptes de la société, le 11 janvier 2009;

* Il faisait ainsi ouvertement fi de la lettre de mise en demeure de ses associés reçue quelques jours à peine avant, leur démontrant ainsi l’absence totale de cas qu’il faisait de leur avis;

* La BNP a adressé à la société, le 21 janvier 2009, une lettre RAR lui demandant de combler un découvert non autorisé avant le 28 janvier 2009. Ce découvert non autorisé avait notamment pour origine le compte courant débiteur de M. Y;

* Ce n’est que suite à la convocation de l’assemblée générale du 13 mars 2009, que M. Y a daigné créditer son compte courant d’associé, soit le 10 mars 2009;

* En faisant fonctionner son compte courant d’associé en position débitrice pendant plusieurs mois, jusqu’au 09 mars 2009, M. Y a violé les dispositions d’ordre public de l’article L.
223-21
 du code de commerce, et ce faisant, a commis une faute de gestion d’autant plus caractérisée par le fait qu’il a maintenu cette situation malgré les injonctions répétées de ses coassociés et du cogérant E;

* La réalité du comportement fautif de M. Y a été dûment constatée tant par le tribunal de grande instance de Lisieux et par la Cour de cassation, que par la cour d’appel de CAEN qui a pourtant considéré la révocation de M. Y comme abusive;

* M. Y reconnaît également, lui-même, dans le rapport d’huissier transposant les débats de l’assemblée générale du 13 mars 2009, les différentes interpellations de M. B sur son compte débiteur, appuyées par l’ensemble de ses associés, concernant son compte courant débiteur;

* En conséquence, la Cour de céans ne pourra que :
- constater la véracité et le bien fondé du grief exposé par la société Z à l’encontre de M. Y, reposant sur le fait d’avoir fait fonctionner son compte courant d’associé en position débitrice pendant plusieurs mois, jusqu’au 09 mars 2009; et considérer que ce grief constitue un juste motif de révocation au sens de l’article L.223-21 du code de commerce, justifiant à lui seul de considérer que la révocation de M. Y ne doit donner lieu à aucune indemnisation;

— sur la conséquence nécessaire de la révocation de M. Y en qualité de cogérant de la société Databio : son exclusion en qualité d’associé, compte tenu des exigences légales et réglementaires particulières aux Selarl :

* Les articles R. 6212-74, R.6212-85 du code de la santé publique et 5, alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1990 modifiée dont il ressort que les associés professionnels exerçant doivent détenir 51% des droits de vote de la Selarl, conduisent, en l’espèce, à considérer que la révocation de M. Y, en qualité de cogérant de la société Databio entraînait nécessairement l’exclusion de celui-ci en qualité d’associé;

* la cour d’appel de CAEN ne s’est toutefois pas prononcée sur cette question, alors qu’elle y était invitée par la concluante, dans la mesure où elle a considéré que la révocation de M. Y en qualité de cogérant
E ne reposait sur aucun juste motif, de sorte qu’en excluant la légitimité de la révocation, elle n’a pas recherché si la révocation du demandeur ne rendait pas nécessaire son exclusion en qualité d’associé;

* Or, en l’espèce, la révocation de M. Y de sa qualité de cogérant entraînait ipso facto sa révocation en qualité de directeur du laboratoire de
Deauville, lequel ne pouvait rester sans directeur, associé exerçant et participant effectivement à la gestion, à sa tête sous peine de fermeture;

* M. Y détenant 38% des droits de vote en qualité d’associé exerçant, il devenait suite à sa révocation un associé non exerçant;

* de sorte que suite à la révocation de M. Y en qualité de cogérant, le capital social EEE aurait été composé de la façon suivante :

M. B, associé exerçant, 2.850 parts, soit 37,50%

M. Y, associé professionnel non exerçant, 2.850 parts

M. C, associé professionnel extérieur, 950 parts

M. D, associé professionnel extérieur, 475 parts

Mmze D, associé professionnel extérieur, 475 parts

soit un total de 4.750 parts, soit 62,50%,

* Ainsi une fois la décision de révocation prise, le seul associé exerçant, M. B n’aurait détenu que 37,50%, soit moins de 51 % des droits de vote, et ce, en violation des dispositions légales précitées;

* Il n’y avait donc d’autres possibilité que d’exclure M. Y de sa qualité d’associé. Seule cette exclusion pouvait permettre l’agrément d’un nouvel associé, la nomination d’un nouveau cogérant et d’un directeur de laboratoire;

* Si M. Y avait conservé sa qualité d’associé suite à sa révocation, ce dernier aurait pu valablement s’opposer à l’agrément d’un nouvel associé professionnel et à sa nomination en qualité de cogérant et de directeur du laboratoire de
Deauville;

* Il n’y a pas lieu de douter de ce qu’il se serait opposé à l’agrément de A F en qualité d’associé et à sa nomination en qualité de cogérante et directrice de laboratoire de
Deauville, puisqu’en pensant pouvoir conserver son droit de vote malgré son exclusion, c’est ce qu’il s’est empressé de faire ne pensant qu’à son intérêt personnel et sa capacité de nuire ainsi à Databio, sans aucun souci de l’intérêt social de la société;

* Databio aurait ainsi été dans l’obligation de procéder à la fermeture du laboratoire de
Deauville faute de directeur cogérant, ce qui aurait eu des conséquences désastreuses tant sur la situation des patients compte tenu de la rupture de l’offre de soins fournie par le laboratoire de Deauville que sur la situation des salariés dudit laboratoire;

* c’est d’ailleurs précisément ce type d’agissements qui a motivé la décision de révocation de ses fonctions de cogérant et d’exclusion de sa qualité d’associé E;

* Dans ces conditions, si la cour admet la légitimité de la révocation de M. Y en qualité de cogérant de la société Databio, elle ne pourra que retenir que cette révocation entraînait ipso facto l’exclusion de M. Y en qualité d’associé, à défaut de quoi cela n’aurait ou conduire qu’au blocage de la vie sociale si sa qualité d’associé avait été maintenue, au regard des dispositions réglementaires et légales applicables;

* en conséquence, la cour ne pourra que considérer que l’exclusion de M. Y ne peut donner lieu à indemnisation.

CECI EXPOSE

— sur la révocation de M. Y en qualité de cogérant de la société Databio

Dans son arrêt de cassation du 27 mai 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de CAEN du 18 mars 2014, selon les attendus suivants :

'Attendu que pour accueillir la demande de M. Y tendant à l’allocation de dommages-intérêts au titre de sa révocation sans juste motif de son mandat social, l’arrêt, après avoir retenu que si, en vertu des dispositions de l’article L.223-21 du code de commerce, aucun associé ou gérant ne peut avoir, à quelque moment que ce soit, un compte courant débiteur à l’égard de la société, ajoute qu’il convient de déterminer si, au regard de

la pratique existant au sein de la société, cette faute constitue un motif légitime de révocation; qu’il déduit ensuite de son analyse des circonstances de la cause que c’est à tort que le premier juge a considéré que la révocation de M. Y se fondait sur un motif légitime;

Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que M. Y faisait fonctionner son compte courant d’associé en position débitrice et avait maintenu cette situation jusqu’au 09 mars 2009, malgré les avertissements reçus, de la part du cogérant en 2008 et de ses coassociés le 05 janvier 2009, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la révocation de M. Y qui avait contrevenu à l’interdiction édictée à l’article L.223-21 du code de commerce, était fondée sur un juste motif, a violé le texte susvisé.'

Selon l’article L.223-21 du code de commerce 'A peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants ou associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement.'

L’article L.223-25 du même code édicte que 'le gérant peut être révoqué par des décisions des associés dans les conditions de l’article L.223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.'

Le compte courant d’associé débiteur constitue techniquement un prêt consenti par la société à ses associés, il est donc nul en application de l’article L. 223-21 du code de commerce.

La nullité résultant de la violation de l’interdiction faite aux gérants et associés d’une société de se faire consentir par elle un découvert en compte courant, prévue par l’article L.223-21 du code de commerce est d’ordre public et sanctionnée par une nullité absolue (cass.com.25 avril 2006 n°05-12.734), elle ne peut donc être couverte par une quelconque pratique antérieure propre au gérant et cogérants.

En l’espèce, il est reproché à M. Y l’existence d’un compte courant d’associé débiteur et son maintien malgré avertissements au cours de l’exercice clos le 31 mars 2009.

L’interdiction d’ordre public pour un gérant et associé de détenir un compte courant débiteur étant sanctionnée par une nullité absolue, l’existence d’une tolérance d’une telle pratique au cours des exercices sociaux précédents comme celle d’un compte courant débiteur détenu par l’autre cogérant, M. B, importent peu .

De même l’existence chez l’associé minoritaire, M. C, instigateur, selon M. Y, de la réforme de la pratique au sein de la société qui consistait à permettre aux cogérants de disposer d’un compte courant débiteur qui se trouvait apurer en fin d’année par la distribution de dividendes servant à renflouer le compte courant, est sans incidence sur les faits reprochés à M. Y comme servant de motif à la révocation du cogérant dans la mesure où il ne peut être reproché aux autres associés d’avoir voulu rompre avec une pratique illégale.

Il est établi et non contesté par le tableau établi par M. Y lui-même, qu’il détenait un compte courant d’associé au sein de la Selarl Databio qui a présenté un solde constamment débiteur sur l’exercice 2008 d’avril 2008 à décembre 2008 où il atteignait un débit de – 41.470,02 ainsi qu’il résulte d’une attestation de l’expert-comptable de la société.

Il est, par ailleurs, versé aux débats un email de M. B à M. Y en date du 08 août 2008 rédigé ainsi qu’il suit :

'…/… Pierre m’a demandé de faire un budget pas pour faire joli mais dans le but de retrouver du résultat (et accessoirement distribuer un peu ce qui au vu des comptes courant n’est pas superflu)…/…'

Cet email ne contient effectivement aucune mise en demeure de remédier à l’existence d’un compte-courant d’associé débiteur. Il fait référence à la pratique mise en oeuvre dans cette société permettant d’apurer les comptes courant d’associé avec la distribution de dividendes.
Les termes employés 'n’est pas superflu’ permettent de penser que les soldes débiteurs sont d’importance.

En revanche, la société Z justifie des avertissements donnés à M. Y sur la nécessité de remédier à l’existence de son compte-courant d’associé débiteur par la production des documents suivants :

— un email de M. B à M. Y en date du 18 décembre 2008 rédigé ainsi qu’il suit :

' …/…

Tu me permettras une remarque sur ton compte courant : les 30.000 euros de débit n’incluent pas le chèque de 13.500 déposé le 29.11 décaissé sur le relevé cin le 1.12 et compensés par l’attribution des remus le 1.12, le solde est donc bien de – 30.000 euros je compatis à tes problèmes et j’espère que tu vas les résoudre assez vite car en dehors des aspects légaux sociaux et fiscaux évoqués par Pierre au central fin septembre (non négligeables) ce compte courant te fragilise vis-à-vis des tiers (banques associés présents et à venir) et c’est elle qui va servir de base de négociation. J’ajouterai que dans la mesure où je suis censé surveiller les comptes je risque aussi d’être fragilisé car on peut me reprocher d’avoir fermé les yeux.'

Même si ce message ne contient pas une mise en demeure de créditer son compte courant d 'associé, qu’en tout état de cause, aucun texte n’exige comme préalable à la mise en conformité d’un compte courant d’associé avec l’interdiction légale d’un découvert en compte, il s’agit d’une demande de remédier à cette anomalie au vu de ses conséquences sur la vie de la société mais également sur ses associés.

— une lettre des trois associés minoritaires à la société Databio et à ses cogérants en date du 05 janvier 2009 selon laquelle :

' Merci de nous avoir transmis la situation de la SEL
Databio.

Nous nous permettons d’attirer votre attention sur un compte courant débiteur qui est à régulariser dans les plus brefs délais car comme vous le savez ceci étant répréhensible;

Il n’est pas question pour nous d’accepter une régularisation de compte courant débiteur par une décision d’assemblée augmentant les rémunérations de gérance.'

Force est de constater que cette lettre contient une mise en demeure de régulariser le compte courant débiteur qui émane non seulement de M. C à qui il est reproché par M. Y des manoeuvres destinées à l’évincer, mais également des deux autres associés. Il ne peut être reproché à ces derniers, quand bien même auraient ils toléré cette pratique lors des exercices précédents de vouloir respecter l’interdiction légale, et ce d’autant plus qu’un projet de fusion
Databio Z Les Carmes était en discussion.

De plus, si M. Y n’était pas le cogérant en charge de la comptabilité, sa qualité de cogérant lui permettait d’y avoir accès.

Quand bien même M. B aurait il régularisé son compte en catimini en octobre, ceci n’exonère pas M. Y de sa faute, et au vu des bonnes relations entretenues avec M. B, selon M. Y, rien ne l’empêchait de s’enquérir auprès de son confrère de savoir si de son côté il avait remédier au problème et s’il pouvait compter sur la distribution de dividendes pour l’apurer.

A cet égard, il ressort des écritures de M. Y que lors de l’assemblée générale du 29 octobre 2008, présidée par M. Y que 'sur proposition de la gérance’ le résultat de l’exercice du 01er avril au 31 mars 2008 soit un bénéfice de 102.939,89 a été affecté en réserves ordinaires, aucun dividende n’a été distribué.

Ce précédent connu de M. Y pouvait se reproduire.

Enfin, lors de l’assemblée générale qui s’est tenue le 13 mars 2009, M. Y a reconnu qu’il avait été prévenu par son associé avant sa convocation à ladite assemblée où devait être abordée notamment la question du compte courant débiteur d’associé et son exclusion.

Dès lors, le fait pour M. Y d’avoir fait fonctionner son compte courant d’associé en position débitrice en violation des dispositions de l’article
L.223-21 du code de commerce et d’avoir, de surcroît, maintenu cette situation jusqu’au 09 mars 2009, malgré les avertissements reçus, de la part du cogérant, en décembre 2008, et de ses coassociés, le 05 janvier 2009, constitue une faute de gestion, qui justifie sa révocation des fonctions de cogérant de la Selarl Databio, et ce sans qu’il soit besoin de justifier des conséquences néfastes du compte courant d’associé débiteur de M. Y sur le fonctionnement de la
Selarl
Databio, et malgré la régularisation effectuée en concomitance à la convocation à l’assemblée générale concrétisant la menace de révocation, comme l’a souligné à juste titre le tribunal, puisqu’il s’agit d’une interdiction d’ordre public.

La révocation de M. Y de ses fonctions de cogérant de la Selarl Databio reposant sur un juste motif, c’est par conséquent à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice en résultant.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement sur ce point.

— sur l’exclusion de M. Y en qualité d’associé de la Selarl
Databio

Selon l’article 638 du code de procédure civile, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En l’espèce, le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation de M. Y au titre de son exclusion en qualité d’associé retenant que ' Pour les mêmes motifs déjà évoqués ci-dessus, ce maintien pendant cinq mois d’un important débit de compte courant malgré les avertissements des autres associés constitue une violation des règles de fonctionnement de la société (règles incluant le respect des dispositions légales et réglementaires) justifiant l’exclusion de l’associé malgré la régularisation effectuée en concomitance à la convocation à l’assemblée générale.'

Dans son arrêt du 18 mars 2014, la cour d’appel de CAEN a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de LISIEUX et, en conséquence, fait droit à la demande d’indemnisation de ce chef. Elle rappelle que, pour justifier de l’exclusion de M. Y en qualité d’associé, la
Selarl Z a invoqué : 'le maintien, malgré les instructions de ses coassociés d’un compte courant débiteur,

la prise de décision de nature à nuire à l’intérêt général,

la création de dissensions au sein des associés de la Selarl Databio.'

Elle précise ensuite qu’ 'il a déjà été statué sur les deux premiers griefs qui ont été écartés par la Cour.'

S’agissant du dernier grief , la cour d’appel, tout comme le tribunal, l’a écarté.

Dans son arrêt du 27 mai 2015, la Cour de cassation :
'CASSE ET ANNULE,sauf en ce qu’il dit sans motif légitime l’exclusion de M. Y en qualité d’associé de la société Databio, aux droits de laquelle se trouve la société Z, et condamné celle-ci à lui payer, à ce titre la somme de 120.000 , l’arrêt rendu entre les parties, par la cour d’appel de CAEN; remet, en conséquence, sur les autres motifs, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé les parties devant la cour d’appel de
ROUEN.

Compte tenu des termes employés par la Cour de cassation, il est définitivement jugé que l’exclusion de M. Y en qualité d’associé est sans motif légitime et qu’elle justifie le paiement d’une indemnité de 120.000 .

— sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel; en revanche, les dispositions du jugement entrepris seront confirmées concernant l’indemnité de procédure allouée.

PAR CES MOTIFS

Vu l’arrêt de la cour d’appel de CAEN du 18 mars 2014,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2015 dont il résulte que l’exclusion de M. Y en qualité d’associé ne repose sur aucun motif légitime;

et statuant à nouveau, dans les limites du renvoi,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande d’indemnisation de son préjudice résultant de sa révocation en qualité de cogérant de la société Databio aux droits de laquelle vient la société Z, sur l’indemnité de procédure et les dépens;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

Condamne M. X Y aux dépens d’appel exposés devant la cour d’appel de CAEN et devant la présente cour qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 1er décembre 2016, n° 15/02792