Cour d'appel de Toulouse, 6 septembre 2013, n° 11/05061

  • Harcèlement moral·
  • Marches·
  • Magasin·
  • Travail·
  • Salariée·
  • Employeur·
  • Licenciement nul·
  • Attestation·
  • Responsable·
  • Titre

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 6 sept. 2013, n° 11/05061
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 11/05061
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 9 octobre 2011, N° F09/2887

Sur les parties

Texte intégral

06/09/2013

ARRÊT N°

N° RG : 11/05061

XXX

Décision déférée du 10 Octobre 2011 – Conseil de prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE – F09/2887

Mme C

SARL ALDI MARCHE TOULOUSE

C/

F D

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE

***

APPELANT

SARL ALDI MARCHE TOULOUSE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Alain MARGUERIT de la SCP MARGUERIT BAYSSET RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Madame F D

XXX

XXX

représenté par Me Christophe NEROT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de:

C. K, président

L.-A. MICHEL, conseiller

C. KHAZNADAR, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. I

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. K, président, et par C. I, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Madame F D a été embauchée par la SARL ALDI MARCHE TOULOUSE en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en date du 8 août 2008, en qualité d’employée commerciale, niveau 2-1 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

La salariée était affectée au magasin de RIEUMES, comprenant quatre salariés.

Lors du dernier mois travaillé, elle a perçu une rémunération de 1030€ pour 104 heures mensuelles travaillées.

A compter du 7 février 2009, Mme D a été en arrêt de travail, deux certificats médicaux ont été délivrés à cette date l’un par le Dr X dans le cadre d’une maladie non-professionnelle, l’autre par le Dr Y sur un imprimé cerfa accident du travail/maladie professionnelle mentionnant « dépression réactionnelle avec une situation conflictuelle sur les lieux du travail. Déclaration faite suite à un contact avec la CPAM. ». Mme D n’a pas repris le travail jusqu’à la rupture du contrat.

Convoquée à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2009 et reporté au 10 août 2009, Mme D a été licenciée par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 septembre 2009, au motif que son absence pour maladie désorganisait l’activité et imposait son remplacement.

Par acte du 9 octobre 2009, Mme D a saisi le conseil de prud’hommes de TOULOUSE en contestation de son licenciement.

Par jugement du 10 octobre 2011, le conseil, statuant en la formation de départition a :

Dit que le licenciement de Mme D est nul comme résultant d’un harcèlement moral commis à son encontre de la part de l’employeur,

Condamné la SARL ALDI MARCHE TOULOUSE à payer à Mme F D

. 6500€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

. 1030€ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

. 103€ bruts au titre des congés payés afférents au préavis

. 4000€ nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés

Condamné la SARL ALDI MARCHE TOULOUSE à payer à Mme D la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné l’employeur aux dépens

Par déclaration au greffe de la cour, le 24 octobre 2011, la société ALDI MARCHE TOULOUSE a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 25 mars 2013, reprises oralement lors de l’audience, auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé des moyens, la société ALDI MARCHE sollicite de la cour la réformation du jugement et de dire que :

Le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

Débouter Mme D de l’ensemble de ses demandes

La condamner à rembourser les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement

La condamner au paiement de la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

A l’appui de ses prétentions, la société ALDI MARCHE invoque :

— l’état de santé antérieur de Mme D à son entrée en poste chez ALDI MARCHE. Elle n’a pas su s’adapter à son nouveau travail, ce qui a généré pour elle une situation de stress et de tension qu’elle n’a pas su maîtriser. Cette situation de stress au travail ne peut caractériser en elle-même une situation de harcèlement moral

— Mme D est défaillante à rapporter la preuve des faits de harcèlement. Les attestations produites par la salariée sont contestables sur la forme et sur le fond, alors que les témoignages des salariés ayant travaillé avec Mme D démontrent que les faits reprochés à sa responsable Mme Z sont parfaitement faux, étant précisé que ces témoins ne sont plus dans l’entreprise.

— l’analyse de l’accord transactionnel passé entre la responsable du magasin Mme Z et la société ALDI MARCHE fait apparaître qu’en réalité c’est à la suite du harcèlement du père de Mme D qu’elle a été contrainte de quitter son poste en jetant les clefs du magasin. La synthèse contenue dans le jugement est inexacte.

Par conclusions du 10 avril 2013, reprises oralement lors de l’audience, auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé des moyens, Mme D demande :

Confirmer la décision en ce qu’elle a prononcé la nullité du licenciement et condamné la société ALDI MARCHE

Ordonner la requalification du licenciement en licenciement abusif

Constater l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de Mme D

Condamner la société ALDI MARCHE à payer

. 11160€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

. 11160€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

. 11160€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement

. 2790€ au titre de l’indemnité de préavis, outre 279€ au titre des congés payés afférents

. 2500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

A l’appui de ses demandes, Mme D invoque les éléments suivants :

Dès décembre 2008, le harcèlement moral été dénoncé auprès de l’employeur, celui-ci n’a pris aucune mesure. Des plaintes ont été déposées auprès du procureur de la République et auprès de l’inspection du travail, lesquelles suivent leur cours.

Le harcèlement moral exercé par la responsable du magasin Mme Z est attesté par les témoins et par les documents médicaux versés aux débats

Les documents médicaux démontrent que son état de santé s’est aggravé à compter de février 2009

L’employeur ne justifie pas le licenciement de la salariée par des éléments objectifs ni de la nécessité de son remplacement définitif

SUR CE :

Sur le harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

Lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme D verse aux débats un courrier recommandé AR du 13 janvier 2009 adressé à l’employeur dénonçant de façon détaillée le harcèlement moral dont elle fait l’objet, depuis plusieurs semaines, de la part de sa responsable, Mme Z. Il est établi que l’employeur a alors proposé à Mme D une mutation.

La salariée produit également plusieurs attestations relatives à des remarques et critiques à son égard de la part de Mme Z sur le lieu de travail et notamment :

l’attestation de Mme E, cliente du magasin, laquelle a constaté à plusieurs reprises une mauvaise ambiance dans le magasin et qu’il lui est arrivé de demander à Mme D certaines informations quant aux produits vendus et a trouvé à ce moment-là Mme Z en train de prendre à partie Mme D en la surveillant sans aucune raison particulière.

L’attestation de M. A, client du magasin, ayant constaté que Mme Z refusait sans raison à Melle D de lui ouvrir la porte pour aller aux toilettes et lui demandant de rester en caisse alors que d’autres employées se trouvaient en pause à l’extérieur pour fumer

L’attestation de Mme B M N O, cliente du magasin, laquelle indique avoir constaté, le mardi 27 janvier 2010, que Mme Z s’en prenait verbalement à Mme D au motif que cette dernière avait échangé un moment de sympathie avec des clients.

Elle produit en outre le courrier de la société ALDI MARCHE TOULOUSE adressé à M. A le 20 janvier 2009, par lequel le responsable des ventes de la société adresse ses excuses à ce client pour le comportement désagréable de leur collaboratrice.

Les éléments médicaux produits aux débats démontrent que l’état de santé de Mme D s’est aggravé à compter de février 2009, au regard des faits subis sur le lieu de travail.

L’ensemble des éléments produits par la salariée laisse présumer l’existence d’un harcèlement moral.

La société ALDI MARCHE TOULOUSE produit les attestations de responsables de la société et d’anciennes salariées du magasin de RIEUMES lesquelles indiquent qu’il n’y a pas eu de harcèlement moral de la part de Mme Z à l’égard de Mme D et que la prestation de travail de Mme D n’était pas satisfaisante.

Il indique par ailleurs que Mme Z aurait été fondée à formuler une remontrance à Mme D alors qu’elle avait quitté la caisse, ce qui est contraire au règlement.

L’employeur critique les attestations de Mme B M N O et de M. A, ces témoins ne résidant pas dans la région du magasin de RIEUMES et souligne plus particulièrement la date de constatation des faits par Mme B, postérieure à la date du licenciement.

Toutefois, le fait que certains témoins ne résident pas de façon habituelle dans la région de RIEUMES n’est pas de nature à permettre d’écarter d’emblée leurs attestations.

S’agissant des faits relatés par Mme E, témoin résidant dans la région, l’employeur ne produit aucun justificatif permettant d’établir l’existence de consignes interdisant aux employés affectés à la caisse de quitter ponctuellement ce poste. Or, il apparaît que c’est bien « la prise à partie » de Mme D par sa responsable, Mme Z, en présence de la cliente qui a choqué cette dernière.

S’agissant des faits relatés par M. A, particulièrement significatifs en ce qu’ils portent atteinte à la dignité de Mme D par le refus de l’accès aux toilettes, l’employeur a reconnu la réalité de ces faits dans le courrier d’excuse adressé au client.

Un doute peut subsister sur le témoignage de Mme B compte tenu de la date des faits mentionnée dans l’attestation, laquelle est postérieure au licenciement. Il apparait toutefois que le 27 janvier 2009 était effectivement un mardi comme mentionné dans l’attestation alors que le 27 janvier 2010 était un mercredi, de sorte qu’une erreur sur la date est possible.

Les éléments produits par l’employeur, ne permettent pas de justifier les faits relatés par Mme E et M. A.

S’agissant de l’accord transactionnel passé entre Mme Z, ancienne responsable hiérarchique de Mme D, et la société ALDI MARCHE TOULOUSE, cet élément ne peut en aucun cas justifier les faits de prise à partie et de refus de l’accès aux toilettes à Mme D. Par contre cet accord démontre parfaitement que Mme Z a été dépassée dans son rôle de responsable de magasin et a eu un comportement irrationnel et brutal en jetant les clés du magasin, ce qui est parfaitement compatible avec le profil type du harceleur.

La fragilité psychologique préexistante de Mme D n’exonère pas l’employeur de son obligation de résultat de sécurité alors qu’il est parfaitement établi que la société ALDI MARCHE avait été informée officiellement du harcèlement à la mi-janvier 2009 et que l’état de santé de la salariée s’est dégradé à compter de février 2009 précisément en lien avec ses conditions de travail au magasin ALDI de RIEUMES.

Il est donc établi que l’employeur est l’auteur de harcèlement moral à l’égard de Madame D. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Le harcèlement moral étant constitué, il entraîne la nullité du licenciement prononcé à raison de l’absence pour maladie de la salariée. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement étant annulé, il est de nul effet.

Le licenciement nul ne peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette demande sera rejetée, ainsi que la demande de réparation du préjudice liée.

Sur les conséquences financières du licenciement nul et du harcèlement moral :

Mme D ne demande pas sa réintégration de sorte qu’elle a droit à être indemnisée du licenciement nul comme en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée avait acquis un an d’ancienneté lors de la rupture du contrat de travail. Compte tenu de l’ancienneté et du montant mensuel de son salaire, les premiers juges ont justement fixé la réparation de ce préjudice à la somme de 6500€.

Au regard de la nullité, Mme D doit bénéficier de l’indemnité compensatrice de préavis, fixée à 1 mois par la convention collective applicable. La décision des premiers juges sera donc confirmée sur ce point.

Le harcèlement moral a causé un préjudice à Mme D distinct de celui causé par la rupture du contrat de travail. Les premiers juges ont justement évalué la réparation de ce préjudice à la somme de 4000€.

La partie qui succombe doit supporter les dépens et indemniser Mme D de ses frais non compris dans les dépens lesquels seront fixés à la somme de 1500€.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 10 octobre 2011 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme D de sa demande au titre de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’indemnisation de ce chef,

Condamne la SARL ALDI MARCHE TOULOUSE à payer à Mme F D la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL ALDI MARCHE aux dépens d 'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. K, président et par Mme I, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

H I J K

.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Toulouse, 6 septembre 2013, n° 11/05061