Cour d'appel de Toulouse, 27 novembre 2015, n° 13/02278

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 27 nov. 2015, n° 13/02278
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/02278
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 16 janvier 2013, N° F12/00968

Sur les parties

Texte intégral

27/11/2015

ARRÊT N°2015/

N° RG : 13/02278

XXX

Décision déférée du 17 Janvier 2013 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – F12/00968

XXX

SNC SOCIETE D’AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION 'SASCA'

C/

Y X

XXX

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTE

SNC SOCIETE D’AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION 'SASCA'

XXX

XXX

représentée par Me Michael DAHAN, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur Y X

XXX

XXX

représenté par la SCP DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de:

F. GRUAS, président

C. KHAZNADAR, conseiller

F. TERRIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER

lors du prononcé : E.DUNAS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par F. GRUAS, président, et par E.DUNAS, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE :

Le 1er avril 1990, Monsieur Y X a été engagé en qualité d’avitailleur par la société Total Raffinage Marketing. A compter du 1er janvier 2012, son contrat de travail a été transféré à la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation ( dite SASCA), société nouvellement créée par la société Total Raffinage Marketing et la société BP France.

Dans le cadre de ce transfert, la société TOTAL a mis en place un « bilan d’équivalence » prévoyant pour l’ensemble des salariés des mesures pour favoriser leur transfert aussi bien sur l''intéressement, la participation les abondements de l’entreprise à divers titres, la somme en résultant devant être multipliée par 4, le bilan d’équivalence se mesurant sur 4 ans.

Monsieur X, estimant qu’il n’avait perçu qu’une partie de cette indemnité, en raison de ses absences pour maladie, a, le 27 avril 2012, saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse d’une demande tendant à faire reconnaître qu’il a fait l’objet d’une mesure discriminatoire liée à son état de santé.

Par jugement en date du 17 janvier 2013, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

' dit que les demandes de Monsieur X sont recevables à l’encontre de la société SASCA,

' dit que Monsieur X a bien fait l’objet d’une mesure discriminatoire et que sa demande est fondée tant en son principe qu’en son quantum ;

' condamné la société SASCA à lui régler les sommes suivantes :

—  10 457, 36 € à titre de complément dû sur la prime de bilan d’équivalence,

—  2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le conseil a également condamné la société SASCA à remettre à Monsieur X le bulletin de salaire afférent au complément dû sur la prime de bilan d’équivalence ainsi qu’à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 8 avril 2013, la société SASCA a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 27 mars 2013.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Dans ses explications orales à l’audience reprenant ses conclusions écrites du 1er août 2014, la SNC SASCA demande à la Cour à titre principal de dire que les demandes de Monsieur X sont irrecevables dans sa procédure son l’encontre de la société SASCA.

Subsidiairement, elle conclut à la réformation de la décision déférée, estimant qu’en aucun cas Monsieur X n’a subi une mesure discriminatoire et qu’il doit donc être débouté de toutes ses demandes. Elle sollicite la condamnation de Monsieur X aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société SASCA explique qu’avant le transfert des salariés, la société Total Raffinage Marketing a réuni son comité central d’entreprise le 6 juillet 2011 et a prévu un bilan d’équivalence sur 4 ans, quant aux avantages existants, qui prévoyait le versement d’une somme calculée notamment en fonction des primes perçues par les salariés au titre de l’intéressement et de la participation au sein de la société Total avec pour référence les sommes allouées aux salariés au titre de l’exercice 2010.

D’une part, elle estime qu’elle n’est pas tenue par les engagements dont se prévaut Monsieur X, d’une part, elle conteste la valeur probante des pièces versées aux débats par le salarié car il s’agirait d’extraits de compte-rendus de réunion du comité d’entreprise dont on ne peut vérifier l’authenticité. Elle ajoute que, même si ces documents étaient authentiques, ils ne font en rien apparaître un quelconque engagement de l’employeur et ne concernent que la société Total Raffinage Marketting.

La société SASCA soutient donc que la demande de Monsieur X est irrecevable à son égard car les comités d’entreprise évoqués, les accords d’intéressement ou de participation du comité central d’entreprise extraordinaire du 6 juillet 2011 et l’ensemble des réunions précédentes n’ont concerné et ne concernent toujours que la société Total Raffinage Marketing.

Par ailleurs, l’appelante fait observer que la société Total Raffinage Marketing n’avait aucune obligation légale à instituer une indemnisation particulière pour le transfert des salariés et que la démarche tendant à instaurer un système d’indemnisation par une contribution volontaire pouvait tenir compte des absences pour maladie. Ainsi, elle soutient que Monsieur X semble vouloir créer l’amalgame entre la notion d’état de santé interdisant toute discrimination et une indemnisation dont le critère universel portait sur des éléments objectifs sans lien avec la maladie.

Enfin, l’appelante considère que ce n’est pas l’état de santé du salarié qui a été pris en compte mais ses primes d’intéressement et participation perçues en mai et juin 2011 au titre de l’année 2010 comme pour l’ensemble des autres salariés.

Dans ses écritures reçues au greffe le 20 janvier 2015, réitérées oralement auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé de ses moyens, Monsieur Y X demande à la Cour de confirmer sur le principe la décision attaquée et de

' dire que la société SASCA est redevable envers lui des engagements pris dans le cadre du transfert des contrats de travail,

' dire que la prise en compte de l’état de santé de Monsieur X pour la fixation de la prime qui lui était due constitue une discrimination prohibée au sens des dispositions de l’article L 1132-1 du Code du travail,

' condamner la société SASCA à lui verser les sommes suivantes :

* 10.457 € à titre de rappel de salaire,

* 3.000 € à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice né de la discrimination;

* 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

' condamner la société SASCA aux dépens.

Monsieur X estime qu’il est en droit de poursuivre la société SASCA du fait que l’engagement unilatéral de portée collective pris par la société Total est transmis au repreneur de l’activité dans le cadre d’un plan de cession.

D’autre part, Monsieur X fait valoir que le calcul mis en place par l’employeur pour l’établissement du bilan d’équivalence définitif constitue une discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du Code du travail. En effet, l’employeur a retenu comme base de calcul le temps de présence effectif de 213 jours pour l’année 2010. En ne neutralisant pas le temps d’absence pour cause de maladie de Monsieur X, il a donc tenu compte de son état de santé pour fixer sa rémunération.

Par ailleurs, le salarié soutient qu’il a subi un préjudice et qu’il est en droit de réclamer réparation pour cette discrimination liée à son état de santé. Il invoque le non respect par l’employeur des clauses du contrat de travail et la mise en place d’un mécanisme discriminatoire, le privant ainsi d’une part de sa rémunération.

SUR CE :

1°) Sur la recevabilité des demandes :

Afin de compenser le manque à gagner des salariés transférés à la société SASCA, la société Total Raffinage Marketing s’est engagée à leur verser une indemnité appelée bilan d’équivalence, calculée sur le montant des diverses primes versées par la société Total et que la SASCA dont l’activité démarrait, ne pourrait pas payer dans un premier temps.

Ce bilan d’équivalence a été établi sur les bases des négociations menées lors d’un projet précédent la création de la société SASCA. Il a été soumis au comité d’établissement extraordinaire du 25 mai 2011 de la société Total Raffinage Marketing mais n’a pas fait l’objet d’un accord.

Le paiement de cette indemnité résulte d’un engagement unilatéral de l’employeur de portée collective. Un tel engagement se transmet au nouvel employeur et s’applique au personnel transféré.

En conséquence, les demandes de Monsieur X à l’encontre de la société SASCA à qui son contrat de travail a été transféré, sont recevables.

2°) Sur la discrimination :

Monsieur X fonde sa demande en paiement de rappel d’indemnité compensatrice sur la discrimination.

Aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2088-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, (') en raison de (…) son état de santé ou de son handicap.

L’article L 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2088-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’appelant affirme que l’employeur a retenu comme base de calcul de cette indemnité le temps de présence effectif au cours de l’année 2010. Or, le salarié qui a subi un long arrêt maladie durant cette période, n’a été présent dans l’entreprise que 231 jours.

Contrairement à ce que soutient Monsieur X, le bilan d’équivalence n’a pas été calculé sur le temps de présence des salariés mais sur les diverses primes perçues par chacun au cours de l’année calendaire précédent le transfert : prime de participation, prime d’intéressement, abondements de l’employeur au titre de l’astreinte, des indemnités de transport, tickets restaurants. La somme en résultant était multipliée par quatre, le bilan d’équivalence se mesurant sur quatre ans.

Il résulte des pièces versées aux débats que les primes de participation et d’intéressement, représentant la part la plus importante des primes perçues par le salarié en 2011 (4 506,19 euros sur un montant total de 6 373,45 euros) sont réparties selon divers critères dont la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice considéré.

Cependant, une telle répartition est légale. Elle est prévue par l’article L 3324-5 du code du travail.

Les périodes d’absence d’un salarié dans l’entreprise peuvent avoir diverses causes.

L’article L 3324-6 du même code précise que sont assimilées à des périodes de présence, les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. A contrario, les périodes de suspension du contrat de travail non consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle peuvent être prises en compte pour la répartition des profits sans qu’une telle modalité de calcul ne constitue une mesure discriminatoire à l’encontre des salariés absents pour maladie non professionnelle.

Il convient d’ailleurs de relever que Monsieur X ne remet en cause ni les modalités de calcul de la prime de participation, ni celles de la prime d’intéressement.

En conséquence, l’employeur justifie que les modalités de calcul du bilan d’équivalence reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le jugement sera réformé et Monsieur X débouté de ses demandes.

Aucune circonstance particulière d’équité ne commande en l’espèce qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X qui succombe, gardera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de Monsieur Y X.

REFORME le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur Y X de ses demandes.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur Y X aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par F. GRUAS, président, et E. DUNAS, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. DUNAS F. GRUAS

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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Cour d'appel de Toulouse, 27 novembre 2015, n° 13/02278