Cour d'appel de Toulouse, 4 décembre 2015, n° 13/03696

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4 déc. 2015, n° 13/03696
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/03696
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 12 juin 2013, N° F11/03022

Texte intégral

04/12/2015

ARRÊT N°2015/

N° RG : 13/03696

CP/ED

Décision déférée du 13 Juin 2013 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – F11/03022

XXX

A K

JEANNEROT

C/

L M

AGS – CGEA SUD OUEST (BORDEAUX)

XXX

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTE

Maître T-A K, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACTISENS

XXX

XXX

représentée par la SCP SALLES & POIRATON ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS

INTIME

Monsieur L M

XXX

XXX

XXX

représenté par la SELEURL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE

AGS – CGEA SUD OUEST (BORDEAUX)

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP D’AVOCATS ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de:

F. GRUAS, président

C. PAGE, conseiller

F. TERRIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : H ANDUZE-ACHER

lors du prononcé : E.DUNAS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par F. GRUAS, président, et par E.DUNAS, greffier de chambre.

FAITS PROCEDURE

Monsieur L M a été embauché le 27 juillet 2010 par la société Z Media, qui est devenue la SARL ACTISENS par changement de raison sociale, en qualité de directeur commercial Web qualification cadre coefficient 220 moyennant une rémunération fixe mensuelle brute de 4500 € outre des commissions variant entre 1500 et 6500 € suivant contrat à durée indéterminée à effet 1er septembre 2010 régi par la convention collective des bureaux d’études techniques IDCC 1486.

Après avoir été convoqué par huissier le 8 juillet 2011 à un entretien préalable au licenciement fixé le 19 juillet 2011 contenant mise pied à titre conservatoire, il a été licencié par lettre du 22 juillet 2011 pour faute lourde.

Monsieur L M a saisi le conseil des prud’hommes le 19 décembre 2011 pour contester son licenciement en la forme et au fond avec ses conséquences financières, demander le paiement d’heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour harcèlement moral et rupture vexatoire.

Le conseil des prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement contradictoire du 13 juin 2013, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a considéré que Monsieur L M ne rapportait pas la preuve du harcèlement moral qu’il invoque mais que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, il a condamné la SARL ACTISENS à verser à Monsieur L M les sommes de :

28 090,39 € au titre de l’indemnité de préavis,

2340,87 € au titre des congés payés,

28 090,39 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SARL ACTISENS aux dépens de l’instance.

La SARL ACTISENS a interjeté appel de ce jugement le 25 juin 2012 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

La SARL ACTISENS a été placée en redressement judiciaire le 2 juillet 2013, un plan de cession est intervenu le 30 octobre 2013 et la société a été déclarée en liquidation judiciaire le 26 novembre 2013, Maître A K a été désignée en qualité de liquidateur.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 4 mai 2015 et développées à l’audience, Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACTISENS demande à la cour de déclarer l’appel recevable, de confirmer le jugement sur le rejet des demandes formulées par Monsieur L M et de le réformer pour le surplus, de débouter Monsieur L M de toutes ses demandes et d’ordonner le remboursement des sommes perçues entre les mains du liquidateur, subsidiairement, de dire que le licenciement est fondé sur une faute grave, de condamner Monsieur L M à payer la somme de 5000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire fait valoir que Monsieur L M avait à cette époque 6 attachés commerciaux et 2 responsables groupe vente sous sa responsabilité au sein de l’agence de Poitiers, que le 4 juillet 2011 il a refusé de se conformer aux directives de la direction pour calmer la situation et qu’à la suite d’une enquête diligentée par le gérant le 6 juillet 2012, il a été constaté de nombreux faits graves à l’encontre de l’intéressé à savoir un management générateur de risques psychosociaux, menaces, injures, chantage, la divulgation d’informations confidentielles, le dénigrement des salariés qui ont conduit à décider d’une mesure de licenciement pour faute lourde.

Elle invoque en premier lieu, le fait que le compte rendu de l’entretien préalable serait un faux au regard des notes prises pendant l’entretien et les 7 pages de compte rendu qui en résultent alors qu’il est censé décrire le déroulement de l’entretien, les faits invoqués et les explications des parties, la retranscription fidèle des propos tenus par chacune des parties en présence, qu’il ne saurait donc contenir des développements, des digressions ou commentaires du conseiller du salarié lui-même ou des propos qui n’auraient pas été tenus ou développés lors de cet entretien, elle demande que cette pièce soit écartée des débats.

Sur le licenciement, elle affirme que le management de Monsieur L M a consisté en permanence à diviser dans le seul but de démanteler les équipes commerciales, que par ses agissements répétés insidieux, il a mis en péril l’ensemble du service commercial en pratiquant une politique de la terreur consistant en des menaces de sanctions disciplinaires et de licenciements, des promesses et des chantages sur la création de postes d’agence alors que ces prérogatives appartiennent au gérant, en divulguant des informations confidentielles telles que salaires et contrat de travail constitutif d’une intention de nuire qui caractérise la faute lourde du salarié.

Elle ajoute qu’il lui est également reproché son refus de recevoir les commerciaux en entretien, l’annulation inexpliquée et tardive de la réunion commerciale mensuelle du 4 juillet 2011, un management générateur de risques psychosociaux, menaces, injures et chantages et la divulgation d’informations confidentielles, le dénigrement des salariés, provocation de conflits au sein du service commercial menacé de paralysie, faits qui ont été constatés après enquête et sont confirmés par les salariés qui travaillaient avec ce dernier qui attestent des comportements inconvenants qui étaient les siens, « enlevez-vous les doigts du derche, bougez vous le cul, vous êtes tous bons à rien, je vais te virer » et particulièrement à l’égard de Valentin G qui lui avait été imposé par la direction, qu’il n’a jamais accepté, qu’il ridiculisait et humiliait constamment allant même jusqu’à faire un doigt d’honneur dans son dos, qu’il proferrait des menaces d’avertissement ou de licenciements de nature à mettre en danger la santé économique de l’entreprise et la santé morale des salariés qui ont adressé des courriers, Mademoiselle H, Messieurs E, X et D indiquant qu’ils ne voulaient plus faire parti de son équipe commerciale et ne voulaient plus être directement ou indirectement placés sous sa hiérarchie, que Monsieur L M produit aux débats des attestations de commerciaux qui ont peu d’ancienneté au sein de la société, Monsieur C a été engagé 11 jours avant la convocation à l’entretien préalable, Monsieur Y n’a que deux mois de présence dans l’entreprise, M. I est un ami de ce dernier qui avait déjà travaillé avec lui dans une autre société, que son témoignage est peu crédible, que les arguments en défense de Monsieur L M ne sont étayés sur aucun fait concret matériellement vérifiable et aucune attestation crédible, elle ajoute enfin que Monsieur L M ne fournit aucun justificatif de son préjudice, aucun bordereau d’assurance-chômage, que d’après son profil Internet il aurait retrouvé du travail depuis le mois de décembre 2012.

*******

Monsieur L M, intimé, par conclusions déposées le 22 juillet 2015 et développées à l’audience demande à la cour de confirmer le jugement sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de l’indemnité de préavis et les congés payés, de l’infirmer pour le surplus, de dire que la responsabilité de la société est engagée pour des faits harcèlement moral, de constater les manquements à l’obligation de sécurité de résultat, de condamner la SARL ACTISENS à payer les sommes de :

9363,46 € à titre de dommages pour irrégularité de la procédure, 56 180,78 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 25 000 € à titre des dommages et intérêts au titre du harcèlement 30 000 € à titre des dommages et intérêts au titre du préjudice moral, 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Monsieur L M affirme que l’attestation et le témoignage du conseiller inscrit sur la liste qui l’assistait lors de l’entretien préalable est un élément de preuve recevable dont il appartient au juge d’apprécier la valeur et la portée, Monsieur B a seulement retranscrit l’entretien auquel il a assisté, qu’il n’a pas été déposé de plainte pour inscription de faux et que la pièce normalement communiquée ne doit pas être écarté des débats.

Il fait valoir que la procédure est irrégulière car la décision de licenciement était déjà prise dans la lettre de convocation à l’entretien préalable car d’une part, il est proscrit de mentionner les motifs du licenciement et d’autre part elle prononce le licenciement.

Sur les motifs, il indique que la société est dans l’impossibilité de rapporter la preuve aussi bien de l’existence de la faute lourde que de l’intention de nuire ou même d’une faute grave, que les attestations des salariés sont sujettes à caution du fait de l’existence d’un lien de subordination, il rappelle qu’il n’a jamais reçu de mise en garde ou de sanction, que son travail donnait entière satisfaction, que si le comportement qui lui est reproché avait été réel, les salariés n’auraient pas manqué de s’en plaindre, que la lettre de licenciement contient des affirmations éhontées alors que le compte rendu de l’entretien préalable démontre l’inverse, c’est Monsieur Z en sa qualité de gérant qui lui a ordonné de faire des photocopies du contrat de travail de Monsieur D et de l’afficher afin que tous en prennent connaissance pour faire pression sur lui car il ne voulait pas le signer. Qu’en réalité les faits invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement démontrent la volonté claire et non équivoque de l’employeur de se débarrasser de lui, qu’il a subi un préjudice démontré par la production de l’attestation Pôle Emploi et le fait qu’il a retrouvé une activité pour une rémunération mensuelle de 3189 € qui n’est en rien comparable avec la situation qui était précédemment la sienne.

Il prétend que le licenciement a un caractère abusif et vexatoire au regard de la convocation à l’entretien préalable par voie d’huissier, de la mise à pied immédiate, des griefs développés pour justifier la faute lourde, qui démontre la volonté de nuire de l’employeur et que cette façon de procéder de la société est constitutive de harcèlement moral dans la mesure où la situation qu’il a vécue était particulièrement humiliante, que de plus, Monsieur Z l’inondait de tâches administratives et dénigrait son travail, qu’il avait pour lui une absence totale de considération, remettant en cause ses propres décisions et modifiant tous les jours les consignes au vu des mails échangés.

Il affirme que compte tenu de son investissement dans le travail, il a été amené à effectuer un nombre conséquent d’heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées puisqu’il quittait son domicile de Toulouse le dimanche après-midi afin d’être présent dans l’entreprise de Poitiers le lundi en milieu de matinée et que de plus après avoir passé la semaine à l’hôtel, il ne rentrait à son domicile que le vendredi soir tard sacrifiant ainsi sa vie familiale et sa santé physique ainsi qu’en atteste le planning fourni aux débats, qu’il effectuait en moyenne 10 à 12 h de travail effectif par jour comme en témoignent les mails adressés à son directeur à des heures tardives, qu’il a, en moyenne, réalisé 3 heures supplémentaires par jour, soit 660 heures supplémentaires en 11 mois, que le planning était élaboré par Monsieur Z pour l’année complète et le logiciel étant bloqué, nul ne pouvait changer les dates, que les réunions étaient alors déplacées sans être notées sur le logiciel de gestion du temps qui ne représente pas la réalité de l’activité, que les attestations produites par l’employeur devront être écartées des débats pour émaner de salariés nouvellement embauchés tant il est manifeste qu’elles ont été dictées par l’employeur au regard de leur caractère identique et du lien de subordination.

******

L’UNEDIC AGS prise en sa délégation du CGEA de Bordeaux partie intervenante intimée, par conclusions déposées le 21 octobre 2015 et développées à l’audience demande à la cour de débouter Monsieur L M de toutes ses demandes, elle reprend l’argumentation du mandataire liquidateur sur le licenciement et précise :

Sur les heures supplémentaires, que Monsieur L M confond amplitude de travail et travail effectif, que des échanges de mails ne saurait faire la preuve des heures supplémentaires accomplies.

Sur le harcèlement, qu’il indique lui même dans ses écritures que les relations professionnelles tant avec les membres du personnel qu’avec le gérant Monsieur Z se sont toujours déroulées paisiblement et qu’il s’est vu avec stupéfaction convoqué à un entretien préalable, que les éléments produits aux débats ne sont pas susceptibles de laisser présumer l’existence d’un harcèlement.

et demande à la cour sur sa garantie de :

Vu l’article L 625- 3 et suivants du code de commerce et l’article L3253-8 du code du travail, rappeler le caractère subsidiaire de l’intervention du CGEA, dire et juger que la décision est simplement opposable au CGEA dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables.

Dire et juger que CGEA ne peut procéder à l’avance des créances que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253 ' 8 du code du travail, L3253 ' 17 et L3253 ' 19 et suivants du code du travail, que l’obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Dire et juger que CGEA ne saurait être tenu aux dommages et intérêts et au titre de l’article 700 pour frais irrépétibles et autre indemnités n’ayant pas le caractère de créances salariale.

Statuer ce que de droit sur les dépens.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l’exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond

Sur la demande relative au rejet de l’attestation de Monsieur B

Le témoignage du conseiller inscrit sur la liste qui assistait Monsieur L M lors de l’entretien préalable est un élément de preuve recevable dont il appartient au juge d’apprécier la valeur et la portée, la demande tendant au rejet de cette pièce sera écartée.

Sur la demande pour licenciement irrégulier

Monsieur L M prétend que la procédure est irrégulière car la décision de licenciement était déjà prise dans la lettre de convocation à l’entretien préalable car il est proscrit de mentionner les motifs du licenciement, elle est ainsi libellée : « j’ai constaté des faits d’une extrême gravité vous concernant. En conséquence, compte tenu des faits particulièrement graves constatés à votre encontre dont certains révèlent une intention de nuire à l’entreprise je me trouve contraint d’envisager votre licenciement pour faute lourde’ »

L’argument doit être rejeté car d’une part, une décision de licenciement déjà prise n’est pas constitutive d’une irrégularité de la procédure mais d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’autre part, il n’est pas interdit de mentionner dans la convocation les faits qui feront l’objet du débat lors de l’entretien préalable et enfin, l’employeur ne fait qu’envisager un licenciement pour faute lourde, la demande sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 22 juillet 2011 de 7 pages pour faute lourde qui fixe les limites du litige fait grief à Monsieur L M d’avoir refusé d’appliquer les consignes fixées par la gérance, refus de recevoir les commerciaux en entretien, annulation inexpliquée et tardive de la réunion commerciale mensuelle du 4 juillet 2011, d’avoir eu un management générateur de risques psychosociaux, menaces, injures, chantage, défaut de formation, de suivi, d’accompagnement de motivation de l’équipe, d’avoir divulgué des informations confidentielles relatives à la rémunération d’un supérieur hiérarchique à l’état de négociation pour avoir photocopié le contrat de travail proposé à Monsieur D pour le poste de responsable de vente et de l’avoir distribué aux attachés commerciaux, de l’avoir dénigré et ce volontairement dans le but de créer le trouble au sein des attachés commerciaux et de les diviser en les menaçant, son comportement étant de nature à mettre en péril le bon fonctionnement de la société et révèle la volonté de nuire à l’entreprise.

La faute lourde est définie comme ' celle commise par le salarié dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise '.

La faute lourde, faute d’une exceptionnelle gravité révélant l’intention de nuire à l’employeur, prive le salarié non seulement de toute indemnité attachée au congédiement mais encore le déchoit du droit à l’indemnité compensatrice de congés payés pour la période de référence en cours.

Sur le refus d’appliquer les consignes fixées par la gérance

Il lui est reproché d’avoir refusé de recevoir les commerciaux en entretien et l’annulation inexpliquée et tardive de la réunion commerciale mensuelle du 4 juillet 2011.

Il résulte des pièces produites aux débats pour la SARL ACTISENS que par 4 lettres du 4 et du 11 juillet 2011, Mademoiselle H, Messieurs X, D et E ont chacun demandé à la SARL ACTISENS de ne plus faire partie de l’équipe commerciale de Monsieur L M, dès lors, le même jour à 14 h 30 la SARL ACTISENS lui a demandé de les recevoir en entretien afin de régler pacifiquement la situation.

Il ressort du compte rendu de l’entretien préalable que Monsieur L M a accepté de le faire l’après midi même et de rencontrer R D le lendemain, et a demandé s’il était possible de reporter la réunion commerciale au mercredi 6 juillet pour lui permettre de terminer les entretiens.

L’appelante produit un mail d’annulation de la réunion commerciale mensuelle du 4 juillet 2011 émanant du gérant, ces griefs ne seront pas retenus.

Sur le management générateur de risques psychosociaux, menaces, injures et chantages

Dans sa lettre du 4 juillet 2011, Monsieur D invoque son management, ses promesses non tenues, le non respect des collègues, de la hiérarchie, des mauvaises pressions, menaces de sanctions, des harcèlements téléphoniques, des faux reporting auprès de la hiérarchie, un langage indécent.

L’appelante produit l’attestation de Monsieur E qui indique « ce qui m’a le plus choqué, c’est son comportement envers Valentin G, en effet, lors d’une pause cigarette, il m’a confié qu’il voulait le dégager avec pertes et fracas car il ne pouvait plus le « pifrer » ' je l’ai vu lui faire un doigt d’honneur lors d’une cession de phoning, ce fait m’a touché car je m’entendais bien avec Monsieur G et j’ai compris qu’il n’allait pas rester très longtemps vu la pression qu’il supportait…..lors des cessions de phoning il disait clairement des insultes « sortez vous les doigts du cul, bougez vous le cul. Auparavant, je n’ai jamais vu un directeur commercial parler de la sorte à ses vendeurs ce que je ne supporte pas ce sont les promesses non tenus… » Monsieur L M lui avait promis un poste de responsable groupe vente.

L’appelante produit l’attestation de Monsieur X qui indique que Monsieur L M n’était pas du tout présent « soit instaurait une réelle pression négative, je pense que ses méthodes de management étaient totalement obsolètes, depuis mon arrivée déjà 8 personnes sont parties » il ajoute que Monsieur L M avait photocopié le contrat de Monsieur R D et l’avait distribué et qu’il avait ajouté « R n’a pas du tout confiance en vous et en votre potentiel commercial, il dit que vous n’êtes pas capables. C’est à partir de ce moment précis qu’une division de l’équipe commerciale a eu lieu, j’ai d’ailleurs gardé une photocopie du contrat. » Monsieur X évoque également le cas de Valentin G en précisant que « Monsieur L M le critiquait ouvertement, le ridiculisait, voir l’humiliait constamment, je l’ai d’ailleurs surpris lui faire des signes par derrière, signes de folie (doigt contre la tête) insultes à voix basse, grimaces et autres injures gestuelles…. il m’avait dit qu’il allait virer R D…. »

L’appelante produit l’attestation de Madame F qui confirme les menaces de licenciement adressées aux commerciaux en ces termes « je vais te virer, tu vas avoir un avertissement »

En défense, Monsieur L M produit les attestations de Messieurs C, Y et I qui indiquent que Monsieur L M leur a assuré une formation très professionnelle, qu’il a exercé une pression très positive et motivante sur le groupe et n’a jamais tenu de propos injurieux l’attestation plus longue de Monsieur I ne peut être prise en compte car la photocopie est illisible.

Les griefs relatifs au non respect des collègues, des mauvaises pressions, menaces de sanctions, d’un langage indécent sont constitutifs d’un management générateur de risques psychosociaux qui est établi.

Sur la divulgation d’informations confidentielles

L’appelante lui reproche d’avoir photocopié le contrat de travail proposé à Monsieur D pour le poste de responsable de vente et de l’avoir distribué aux attachés commerciaux et de l’avoir dénigré, Monsieur L M prétend qu’il l’a fait sur les instructions du gérant.

Les faits en eux mêmes ne sont pas contestés et il ne démontre pas qu’il aurait agi sur ordre du gérant, Monsieur X témoigne et précise « Aussi nous pouvions voir les salaires d’autres commerciaux dans son bureau tous les mois. », le grief du chef de la divulgation d’informations confidentielles sera retenu.

Mais, l’appelante ne démontre pas l’intention de nuire de Monsieur L M. Les faits sont constitutifs d’une faute grave privative de l’indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement et de tout dommages et intérêts, le jugement doit être réformé.

Sur le harcèlement

Selon les dispositions de l’article L 1152-1 du Code du travail : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l’article L 1154-1, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152 ' 1 à L. 1152 '3 et L. 1153 ' 1 à L. 1153 ' 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur L M prétend que la convocation à l’entretien préalable par voie d’huissier, la mise à pied immédiate, les griefs développés pour justifier la faute lourde démontrent la volonté de nuire de l’employeur et que cette façon de procéder de la société est constitutive de faits de harcèlement moral dans la mesure où la situation qu’il a vécue était particulièrement humiliante, que de plus, Monsieur Z l’inondait de tâches administratives et dénigrait son travail, qu’il avait pour lui une absence totale de considération, remettant en cause ses propres décisions et modifiant tous les jours les consignes au vu des mails échangés.

La procédure de licenciement ne peut en elle même, justifiée ou pas, être constitutive de harcèlement moral sauf événement particulier qui n’est pas démontré.

Monsieur L M produit des centaines de mails échangés avec Monsieur N Z qui reflètent le quotidien de leur relation, il n’en désigne aucun en particulier qui le dénigrerai ou manifesterai pour lui une absence totale de considération, il se rengorge tout au contraire du fait qu’il n’a jamais reçu de mise en garde ou de sanction, que son travail donnait entière satisfaction et produit des mails ou Monsieur Z le félicite, il ne fait état d’aucune dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la demande sera rejetée.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L3171 ' 4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles…

Il résulte de ce texte que la preuve des heures travaillées n’incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié, il doit examiner les éléments que l’employeur est tenu de lui fournir de nature à justifier les horaires effectivement réalisés.

Monsieur L M prétend qu’il quittait son domicile de Toulouse le dimanche après-midi afin d’être présent dans l’entreprise de Poitiers le lundi en milieu de matinée et que de plus après avoir passé la semaine à l’hôtel, il ne rentrait à son domicile que le vendredi soir tard sacrifiant ainsi sa vie familiale et sa santé physique ainsi qu’en atteste le planning fourni aux débats, qu’il effectuait en moyenne 10 à 12 h de travail effectif par jour comme en témoignent les mails adressés à son directeur à des heures tardives, qu’il a, en moyenne, réalisé 3 heures supplémentaires par jour, soit 660 heures supplémentaires en 11 mois, il demandait en première instance la somme de 70 000 € à ce titre.

Les plannings fournis par Monsieur L M ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’heures supplémentaires qui se décomptent à la semaine au regard du fait que de nombreux jours de la semaine ne sont pas renseignés, pas plus que d’autre part les mails envoyés en dehors des horaires de travail qui ne peuvent faire la preuve du temps de travail effectif de Monsieur L M.

Il ressort des propres dires de Monsieur L M que celui ci n’arrivait que le lundi matin en milieu de matinée et des trois attestations produites aux débats par l’appelante, du directeur d’agence, de l’assistante de direction et d’un commercial qu’il repartait le vendredi vers 14 h, 14 h 30, que son horaire de travail était 9 h 12 h, 14 h30 18 H 30 et qu’il faisait au moins 6 pauses cigarettes café de 10 mn par jour.

Monsieur L M n’étaye pas la demande qui sera rejetée.

Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire

Monsieur L M prétend également que la convocation à l’entretien préalable par voie d’huissier, la mise à pied immédiate, les griefs développés pour justifier la faute lourde démontrent la volonté de nuire de l’employeur et présentent un caractère abusif et vexatoire.

Au regard des plaintes reçues par la SARL ACTISENS des salariés qui travaillent sous sa subordination, de l’enquête menée auprès d’eux par l’employeur, ce dernier a jugé utile de sécuriser la procédure, ce qui ne peut pas lui être reproché, les griefs contenus dans la lettre de licenciement fondent une faute grave ils n’ont pas été mis sur la place publique, Monsieur L M ne fait état d’aucun autre fait particulier qui aurait rendu le licenciement vexatoire, la demande sera rejetée.

Il convient d’ordonner le remboursement des sommes perçues par Monsieur L M entre les mains de Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACTISENS.

Sur l’art 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACTISENS les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, la cour lui alloue à ce titre la somme de 500 €.

Monsieur L M qui succombe en ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l’appel recevable.

Confirme le jugement sur le rejet des demandes relatives au harcèlement, au caractère vexatoire de la procédure, aux heures supplémentaires.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement des sommes perçues par Monsieur L M entre les mains de Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACTISENS.

Condamne Monsieur L M à payer à Maître A K es qualité de liquidateur judiciaire la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Bordeaux en sa qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites prévues aux articles L. 143-11-1 et suivants du Code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 143-11-8 et D. 143-2 du Code du travail,

Condamne Monsieur L M aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par F. GRUAS, président, et E. DUNAS, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. DUNAS F. GRUAS

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Cour d'appel de Toulouse, 4 décembre 2015, n° 13/03696