Cour d'appel de Toulouse, 22 mai 2015, n° 13/02581

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 22 mai 2015, n° 13/02581
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/02581
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 13 mars 2013, N° F10/02837

Sur les parties

Texte intégral

22/05/2015

ARRÊT N°

N° RG : 13/02581

XXX

Décision déférée du 14 Mars 2013 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – F10/02837

Mme Y

Société ARIAL INDUSTRIES

C/

Z X

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT DEUX MAI DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANT(S)

Société ARIAL INDUSTRIES

XXX

XXX

représentée par Me CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME(S)

Monsieur Z X

XXX

XXX

représenté par Me Gregory VEIGA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

F. GRUAS, président

C. KHAZNADAR, conseiller

S. HYLAIRE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par F. GRUAS, président, et par H. ANDUZE-ACHER, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Z X a été embauché par la SAS ARIAL INDUSTRIES suivant contrat de travail à durée indéterminée du 17 janvier 2005 en qualité de technicien d’études. En dernier lieu, la rémunération moyenne (sur les 3 derniers mois) de ce salarié a été de 1.816 € bruts.

La convention collective nationale dite SYNTEC est applicable à la relation de travail.

L’employeur a placé plusieurs salariés qui étaient alors en période d’inter-contrat, dont M. X, en congés payés en janvier 2010 pendant 27 jours, d’office, c’est à dire sans demande préalable du salarié à cet effet.

Par courrier du 22 juin 2010 adressé à l’employeur, M. X a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et a exécuté le préavis.

Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 29 septembre 2010 aux fins de qualification de la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités et dommages et intérêts de rupture, rappel frais professionnels, rappel de prime d’horaires décalés, rappel d’heures supplémentaires, paiement d’une indemnité au titre des jours de récupération, notamment.

Par jugement du 14 mars 2013, le conseil, statuant en formation de départition, a :

— dit que la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné employeur à payer :

—  30 € à titre de remboursement de frais professionnels,

—  98 € à titre de rappel de salaire pour horaires décalés, outre les congés payés afférents,

—  134,33 € à titre de rappel de salaire résultant des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

—  2.724 € au titre de l’indemnité de licenciement,

—  11.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le jugement a également :

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

— fixé la moyenne des trois derniers mois à 1.815,33 €,

— débouté M. X de ses plus amples demandes,

— condamné l’employeur aux dépens.

Par lettre RAR du 22 avril 2013 adressée au greffe de la cour, la société ARIAL INDUSTRIES a relevé appel de cette décision dans des conditions qui n’apparaissent pas critiquables.

Par conclusions du 25 février 2015, reprises oralement lors de l’audience auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé détaillé de moyens, la SAS ARIAL INDUSTRIES demande à la cour de réformer le jugement et de :

— dire que la rupture du contrat de travail doit être qualifiée en démission,

— dire que M. X a été rempli de ses droits à salaires et à primes,

En conséquence,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ARIAL INDUSTRIES fait valoir que les manquements invoqués par le salarié sont des griefs très minimes et insuffisants pour justifier la prise d’acte.

Les frais de passeport constituent une dépense personnelle et aucun justificatif n’a été produit.

Les justificatifs de frais de taxi ont été transmis trop tardivement, l’exercice étant clôturé. De plus certains justificatifs ne mentionnent aucune précision de date ou de trajet.

Le salarié a été rempli de ses droits au titre de la prime en horaire décalé. Il sollicite paiement de cette prime sur des jours non travaillés.

Le salarié a été rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires, les 5,45 heures supplémentaires réclamées ne sont pas justifiées.

La demande de jours de récupération est formée sans aucun justificatif.

S’agissant des congés payés de janvier 2010, l’employeur a pris la décision de placer certains salariés en inter-contrat sous le régime des congés payés plutôt que procéder au pire à un licenciement économique et au mieux à une mesure de chômage partiel.

C’est pourquoi il a placé les salariés en congés payés sans recueillir leur accord formel en prenant en compte leur intérêt.

La SA ARIAL INDUSTRIES considère que la date de prise des congés peut être déterminée par l’employeur, en dehors de la période prévue par l’article L3141-13 du code du travail, ce, en application de la convention collective SYNTEC.

De plus, en cas de circonstances exceptionnelles, l’article L3141-16 du code du travail permet de modifier la période des congés payés.

Subsidiairement, le manquement n’est pas suffisamment grave pour justifier une rupture aux torts de l’employeur.

La prise des congés payés en janvier 2010 n’a pas empêché M. X de continuer sa mission contractuelle pendant plus de 9 mois, en ce compris le préavis.

Monsieur X n’a subi aucun préjudice car il n’a eu aucune perte de salaire.

Par conclusions du 3 mars 2015, reprises et rectifiées oralement lors de l’audience, auxquelles il est fait expressément référence pour l’exposé détaillé des moyens, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et porter ceux-ci à 18.160 €.

Y ajoutant,

— condamner l’employeur à payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. X expose que la prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des graves manquements de l’employeur.

La mise d’office en congés payés en janvier 2010 est le plus grave manquement : cette décision a été prise par l’employeur en violation des dispositions d’ordre public et a porté atteinte gravement à sa vie privée et familiale. En effet, fin janvier 2010, compte tenu du décompte, M. X s’est vu priver de ses droits à congés payés jusqu’en 2012.

En outre, c’est l’accumulation des manquements de l’employeur qui a conduit à la prise d’acte. L’employeur a refusé de rembourser des frais professionnels frais de passeport et frais de taxi pour un total de 122 €. Il n’a pas versé la totalité de la prime pour horaires décalés. Des heures supplémentaires ont été effectuées lesquelles n’ont pas été réglées.

Monsieur X a accepté d’effectuer le préavis pour ne pas placer le client de son employeur en difficulté. Cette période de préavis ne remettait pas en cause le fait que la prise d’acte était effective. La condition de gravité est parfaitement remplie dès lors que M. X a rapidement rompu le contrat de travail.

SUR CE :

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur.

Il appartient ensuite au salarié de saisir la justice pour faire requalifier cette rupture.

Il appartient alors aux juges de se prononcer sur les effets de la prise d’acte après avoir restitué leur exacte qualification aux faits et actes litigieux.

Si les griefs du salarié sont fondés, la prise d’acte est requalifiée en licenciement aux torts de l’employeur et les effets sont ceux du licenciement sans réelle et sérieuse, à défaut, elle est requalifiée en démission.

' Sur le grief relatif aux conditions de fixation des congés payés de janvier 2010.

En application de l’article L3141-13 du code du travail, la période de congés payés est fixée par les conventions collectives ou accords collectifs de travail. Elle comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.

A défaut de convention ou accord collectif de travail, cette période est fixée par l’employeur en se référant aux usages et après consultation des délégués du personnel et du comité d’entreprise.

La convention collective SYNTEC prévoit dans ses articles 25 et 26 que :

— la période de prise des congés, dans tous les cas, est de 13 mois au maximum,

— l’employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l’entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement après consultation du comité d’entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative,

— les dates individuelles des congés seront fixées par l’employeur après consultation des intéressés et en fonction des nécessités de service. La liste de principe des tours de départ sera portée à la connaissance des intéressés deux mois avant le départ.

En l’espèce, l’employeur ne justifie pas de :

— la consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel,

— de la consultation préalable de l’intéressé, M. X,

— des nécessités de service lesquelles ne se confondent pas avec de prétendues difficultés financières, étant observé que le résultat net de l’entreprise de l’exercice clos en août 2010 a été en progression,

— d’avoir porté la liste de principe des tours de départ à la connaissance des intéressés deux mois avant le départ.

Par ailleurs, en janvier 2010, M. X avait 23,68 jours de congés payés acquis et 16,64 jours en cours d’acquisition. Le placement en congés payés en janvier 2010 pendant 27 jours de M. X a rendu négatif son décompte de congés payés à hauteur de -13,32 jours, c’est à dire que partie des congés payés de la période en cours d’acquisition du 1er juin 2009 au 31 mai 2010 a été anticipée, sans l’accord du salarié.

Compte tenu de son placement d’office en congés payés en janvier 2010, M. X n’avait donc plus aucun droit à congés pour la période à venir de l’été 2010.

Les dispositions de l’article L3141-16 du code du travail, lesquelles disposent que sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’ordre et les dates de départ fixés par l’employeur ne peuvent être modifiés dans le délai d’un mois avant la date prévue du départ, n’autorisent pas l’employeur à imposer au salarié des congés payés sans aucune consultation et de façon anticipée.

Cette situation n’a été régularisée qu’à la suite de la rupture du contrat de travail car l’employeur a finalement payé une indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés imposés en janvier 2010. Cette régularisation a posteriori ne fait pas disparaître le manquement.

Le manquement de l’employeur est donc établi. Il a porté gravement atteinte à la vie privée et familiale de M. X. Il s’agit d’un manquement grave et non mineur comme affirmé par l’employeur.

' Sur le grief tiré du non-remboursement des frais.

Compte tenu de la demande de confirmation du jugement par M. X celui-ci ne soutient plus utilement partie des demandes de remboursement de frais, à l’exception des frais de taxi à hauteur de 30 €.

Il résulte des justificatifs produits par le salarié qu’une des factures produites relative à des frais de taxi à hauteur de 30 € datée du 9 février 2008 à destination de l’aéroport de BLAGNAC correspondant à un voyage professionnel aux États Unis n’a pas été remboursée par l’employeur.

La transmission tardive du justificatifs n’autorise pas l’employeur à refuser le paiement.

Le manquement est donc établi.

' Sur le grief tiré du non-paiement de la prime pour horaires décalés.

Sur ce point, le salarié produit un décompte faisant apparaître les primes réclamées et celles qui ont été réglées par l’employeur. La vérification de ce décompte fait apparaître des discordances au titre des mois de novembre 2006 et mars 2007, critiquées par l’employeur. Toutefois, après déduction de 14 jours litigieux, il reste dû au titre de la prime pour horaires décalés la somme de 98 €, outre les congés payés afférents.

Le manquement est donc établi.

' Sur le grief tiré du non-paiement d’heures supplémentaires.

La confrontation des fiches d’activité et des bulletins de salaire permet de constater qu’il subsiste des heures supplémentaires impayées à hauteur de 134,33 € bruts, outre les congés payés afférents.

Le manquement est donc établi.

' Sur le grief tiré des jours de récupération non octroyés.

En cause d’appel, M. X qui sollicite la confirmation du jugement, n’articule pas précisément cette demande. Ce grief n’est pas établi.

' Sur les conséquences des manquements sur la qualification de la prise d’acte

Le manquement relatif aux congés payés en janvier 2010 a été dénoncé en juin 2010 par le salarié. Ce délai s’explique parfaitement par la contestation collective et individuelle de cette situation auprès de l’employeur avec une proposition de compromis, faite par le salarié. Il résulte des justificatifs produits que cette discussion a duré au moins jusqu’en avril 2010, l’employeur maintenant alors sa position.

Par ailleurs, il ne peut être sérieusement reproché au salarié après le refus de l’employeur de rectifier le décompte de congés payés d’avoir recherché un emploi alternatif.

Si la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail et que le salarié n’est pas tenu d’exécuter le préavis, la circonstance que M. X a spontanément accompli le préavis est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte.

Le manquement relatif aux congés payés imposés sans l’accord du salarié est le plus grave, toutefois les autres manquements établis par le salarié, sont certes mineurs, mais constituent un effet d’accumulation de violations par l’employeur de ses obligations nées du contrat de travail et s 'ajoutent au manquement principal.

En l’espèce, les manquements commis par l’employeur sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Les premiers juges ont donc justement considéré que la prise d’acte aux torts de l’employeur doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

La demande formée au titre de l’irrégularité de la procédure n’est pas maintenue en cause d’appel.

M. X est fondé à obtenir paiement de l’indemnité de licenciement dont le montant n’est pas critiqué.

L’ancienneté de M. X dans l’entreprise, dont l’effectif est supérieur à 11 salariés, était de plus de cinq années. Son salaire moyen mensuel brut s’est élevé à 1.830,40 € (sur 12 mois, prime comprise). M. X a retrouvé un emploi équivalent très rapidement après la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé sur ces points.

sur les autres demandes

L’employeur succombe en appel, il doit en conséquence supporter les dépens et indemniser M. X de ses frais non compris dans les dépens, lesquels seront fixés à la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de TOULOUSE du 14 mars 2013 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS ARIAL INDUSTRIES à payer à M. Z X la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS ARIAL INDUSTRIES aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par F. GRUAS, président et par H. ANDUZE-ACHER, greffier.

Le Greffier, Le Président,

H.ANDUZE-ACHER F.GRUAS

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