Cour d'appel de Toulouse, 3 février 2016, n° 15/00004

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3 févr. 2016, n° 15/00004
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/00004
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, EXPRO, 27 avril 2015, N° 14/00025

Texte intégral

03/02/2016

ARRÊT N°

N° RG : 15/00004

XXX

Décision déférée du 28 Avril 2015 – Juge de l’expropriation de TOULOUSE – 14/00025

A X

C/

PREFECTURE DE LA HAUTE-GARONNE

D E

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU TROIS FEVRIER DEUX MILLE SEIZE

***

APPELANT

Monsieur A X

XXX

XXX

Représenté par Me Antoine MANELFE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

PREFECTURE DE LA HAUTE-GARONNE

XXX

XXX

Représentée par Me Marc JUSTICE-ESPENAN de la SCP CABINET MERCIE – SCP D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur D E

Direction générale de la comptabilité publique

XXX

XXX

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : J.M. BAÏSSUS,

Assesseurs : C. DUCHAC

Assesseurs : C. DECHAUX

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement

— signé par J.M. BAÏSSUS, président, et par M. L. C, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. Y X est propriétaire d’une parcelle cadastrée section XXX et XXX, située XXX, sur le territoire de la commune de Donneville (31430), sur laquelle se trouve sa maison d’habitation et un terrain attenant. Cette parcelle est située en XXX, affluent de l’Hers-Mort, et se trouve en zone constructible du plan local d’urbanisme.

Un bassin de rétention est aménagé pour recueillir les eaux de pluie d’un lotissement situé en amont de la propriété de M. X.

Par arrêté préfectoral du 21 janvier 2014, un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRI) a été approuvé sur la commune de Donneville, pour le risque inondation. Du fait des prescriptions de ce plan, toute construction future est interdite sur la parcelle de M. X.

Considérant que son terrain est grevé de servitudes publiques ouvrant droit à indemnisation, et faute d’accord amiable avec l’administration, M. X a saisi le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Toulouse d’une demande d’indemnité. Ce dernier a rendu le 28 avril 2015 un jugement déboutant M. X de l’ensemble de ses chefs de demande.

Le 19 mai 2015, M. X a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Dans son mémoire enregistré le 12 juin 2015, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. X demande à la cour de :

— réformer le jugement du 28 avril 2015,

— fixer l’indemnité lui revenant à la somme de 68.000 €,

— à titre subsidiaire, constater qu’il n’a pas été statué par le premier juge sur la demande de communication de pièces, et statuer sur cette demande, en enjoignant à la Préfecture de la Haute-Garonne ou toute autre personne habilitée à produire l’arrêté préfectoral instituant un type de servitude particulière grevant la zone ou tout autre document de même nature ou à défaut de justifier de son absence,

— condamner la Préfecture de la Haute-Garonne à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X fait notamment valoir que :

— sur le fondement de l’article L.212-12-VIII du code de l’environnement, il subit l’existence d’une servitude d’utilité publique du fait de l’existence du bassin de rétention, ouvrage public communal ; que ce bassin, situé sur le fonds supérieur face à la propriété de M. X, comprend nécessairement dans son périmètre la parcelle de l’appelant ; que cette servitude crée un préjudice matériel, direct et certain dans la mesure où le bassin n’a bénéficié d’aucun entretien depuis de nombreuses années ; que les conditions d’indemnisation posées par l’article L.211-12 du code de l’environnement sont bien réunies,

— la parcelle A 52 est devenue inconstructible par l’effet du PPRI en janvier 2014 ; qu’il est fait exception à l’interdiction de toute indemnisation posée par les articles L.160-1 à L.160-5 et L.562-1 et suivant du code de l’environnement, lorsque le propriétaire subit une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ; qu’en l’espèce le PPRI n’est nullement justifié de par l’existence du bassin de rétention préalablement construit ; qu’en effet le risque d’inondation a vocation à disparaître dès lors qu’il existe des aménagements pour stocker l’eau et réduire les ruissellements dans le secteur,

— l’indemnité doit être calculée sur la base d’un prix de 95 €/m², par comparaison avec des ventes de terrains à bâtir,

— à titre subsidiaire, que le premier juge n’a pas statué sur sa demande de communication de pièce.

La Préfecture de la Haute-Garonne conclut par un mémoire du 10 juillet 2015 auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, à la confirmation du jugement frappé d’appel, à la constatation de ce que la demande relèverait de la compétence du tribunal administratif de Toulouse, et à la condamnation de l’appelant à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Préfecture de la Haute-Garonne expose notamment que':

— M. X demande l’indemnisation du préjudice résultant de l’approbation d’un PPRI établi sur le fondement de l’article L.562-1 du code de l’environnement ; qu’il s’agit d’une servitude ne pouvant donner lieu à indemnisation, sauf pour le cas où il en résulterait pour la personne concernée une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi, au titre de la rupture avec le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ; qu’en l’espèce il y a d’autant moins charge anormale et spéciale dans la mesure où la construction implantée sur le terrain de M. X n’est pas remise en cause

le plan de prévention des risques relève du code de l’environnement et non du code de l’urbanisme ; l’indemnisation ne peut donc être recherchée sur le fondement de l’article L.160-5 du code de l’urbanisme,

— la demande de M. X ne peut relever que des juridictions administratives en ce qu’il critique le caractère disproportionné du PPRI,

— l’article L.212-12-VIII du code de l’environnement n’est pas applicable, faute d’un acte de l’autorité publique visant ce texte qui puisse être considéré comme ayant créé une servitude d’utilité publique en incluant la parcelle concernée dans un périmètre relevant de cette législation distincte; que l’appelant renverse la charge de la preuve en réclamant la production d’un tel document,

même si le bassin de rétention vaut servitude d’utilité publique, ce qui n’est pas démontré, l’Etat n’est pas concerné car c’est un ouvrage communal; que l’Etat n’est pas davantage concerné par le défaut d’entretien allégué; que le bassin n’est nullement lié au PPRI en ce qu’il est antérieur à ce plan, qu’il a été créé par la commune pour les eaux pluviales du lotissement voisin, et qu’il n’a aucune influence sur le classement de la parcelle de M. X en zone d’aléa fort.

D E conclut par un mémoire du 4 août 2015 auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, à la confirmation du jugement frappé d’appel

D E expose notamment que':

— le juge de l’expropriation est incompétent pour statuer sur une indemnité destinée à réparer le préjudice allégué du fait de l’adoption du PPRI, seul le juge administratif étant compétent,

— il est exact que la servitude instaurée par le PPRI a pour conséquence de rendre la parcelle de M. X inconstructible et de porter atteinte à ses droits acquis; que les servitudes résultant d’un tel plan sont établies en vertu du code de l’environnement et ne rentrent donc pas dans le champ de l’article L.160-5 du code de l’urbanisme ; qu’elles ne peuvent donner lieu à indemnisation que s’il en résulte pour le propriétaire une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’intérêt général poursuivi et en rupture avec le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ; que la perte éventuelle du droit à construire sur la partie aval du terrain ne modifie pas l’objet initial de l’acquisition du terrain bâti, à savoir son usage normal d’habitation

— M. X n’allègue l’existence d’une charge spéciale et exorbitante qu’en raison du caractère prétendument disproportionné du PPRI par rapport au bassin de rétention construit antérieurement à proximité ; que les mesures prises dans le cadre du PPRI l’ont été sur la base de l’arrêté préfectoral du 21 janvier 2014, aujourd’hui définitif,

— l’argumentaire développé sur le fondement de l’article L. 212-12-VIII du code de l’environnement doit être rejeté, en ce que la servitude dont se prévaut M. X est une servitude de rétention temporaire des eaux ou de mobilité d’un cours d’eau ; qu’elle n’est en rien liée directement au PPRI mis en oeuvre par l’Etat, lequel est à l’origine du préjudice allégué; qu’en effet le bassin de rétention est antérieur à la création du PPRI et est destiné à recueillir les eaux pluviales du lotissement 'Arnoult', et la présence de ce bassin n’a aucune influence sur le classement de la parcelle AD n° 59 (sic) en zone d’aléa fort et en zone violette du PPRI; que ce sont les dispositions de l’article L 562-1 du code de l’environnement qui trouvent à s’appliquer en raison du PPRI.

SUR QUOI, LA COUR

M. X a interjeté appel du jugement du 28 avril 2015 le 22 mai 2015. L’appel est donc régulier et recevable.

1. Sur la compétence :

Il résulte de l’article 74 du code de procédure civile que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

En l’occurrence, la Préfecture de la Haute Garonne est irrecevable en cause d’appel à conclure à la compétence de la juridiction administrative, dans la mesure où elle a conclu au fond devant le premier juge. Ce moyen sera donc écarté.

2. Sur la demande d’indemnisation formée sur le fondement de l’article L. 212-12-VIII du code de l’environnement :

M. X fonde sa demande d’indemnisation sur l’article L. 212-12-VIII du code de l’environnement dans la mesure où il allègue subir l’existence d’une servitude d’utilité publique du fait de l’existence du bassin de rétention destiné à recueillir les eaux pluviales du lotissement 'Arnoult', situé sur un fonds supérieur au sien. Il soutient que ce bassin de rétention a un objet identique à celui de la servitude de prévention des inondations définie à l’article L.211-12 II 1 du même code, à savoir de créer des zones de rétention temporaire des eaux de ruissellement par des aménagements destinés à réduire le ruissellement dans les secteurs situés en aval.

Mais les parties intimées font justement observer que le bassin en question est un ouvrage communal, au titre duquel la demande d’indemnisation dirigée à l’encontre de l’Etat s’avère irrecevable, faute d’intérêt à agir. Il en est a fortiori de même s’agissant des allégations de mauvais entretien du bassin, dans la mesure où cet entretien ne relève pas des obligations de l’Etat. Qui plus est, le bassin de rétention a été créé en 1989, alors que M. X n’a acquis sa parcelle qu’en 1995, et que le PPRI n’a été instauré qu’en 2014.

Par ailleurs, la demande de M. X s’analyse en une contestation du bien-fondé de l’existence du PPRI en ce que les prescriptions de cet acte seraient inutiles du fait de l’existence du bassin de rétention, dont il soutient que le périmètre inclut forcément sa parcelle.

Mais il appartenait dès lors à M. X de contester l’acte instaurant le PPRI dans le délai qui lui était ouvert pour le faire. Or, l’arrêté créant le PPRI est désormais définitif.

Enfin, M. X, sur qui pèse la charge de la preuve, est mal fondé à exiger la démonstration par la Préfecture de la Haute-Garonne d’établir l’inexistence d’une action de l’autorité publique lui ouvrant droit à indemnisation. En effet, cette exigence revient à inverser la charge de la preuve.

3. Sur la demande d’indemnisation formée sur le fondement de l’article L. 562-1 du code de l’environnement :

M. X se base sur les dispositions de l’article L. 562-1 du code de l’environnement en soutenant qu’il supporterait, du fait de l’inconstructibilité frappant désormais sa parcelle à la suite du PPRI, une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.

En premier lieu, M. X ne justifie en rien de ce qu’il aurait un projet de construction d’un local professionnel sur la parcelle considérée.

En second lieu, la loi pose le principe que la servitude d’utilité publique instaurée sur le fondement de l’article L.562-1 précité ne donne pas lieu à indemnisation, la loi ayant entendu faire supporter aux propriétaires concernés l’intégralité du préjudice d’inconstructibilité résultant des risques naturels qui le menacent. Il incombe dès lors à M. X de faire la preuve de ce que son terrain supporte une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi, seul cas d’exception au principe de non-indemnisation.

Il soutient surtout que l’existence du bassin de rétention située sur le fonds supérieur rend les prescriptions d’inconstructibilité du PPRI injustifiées à son égard. Il fait valoir que le risque d’inondation a vocation à disparaître dès lors que le bassin est susceptible de stocker les eaux de ruissellement dans les secteurs situés en aval.

Mais rien ne permet de s’assurer que le bassin de rétention en question serait suffisant pour prévenir le risque d’inondation, qui ne se résume pas à la prévention des eaux de ruissellement en provenance du fonds supérieur à lui de l’appelant.

En outre, comme le fait observer justement le premier juge, l’inconstructibilité qui frappe désormais la partie aval de la parcelle de M. X maintient néanmoins l’objet principal qui avait motivé l’achat du terrain, à savoir son usage d’habitation, et ne crée donc à ce titre aucune charge spéciale. La partie aval, acquise postérieurement à l’achat du terrain bâti, était au moment de l’achat à usage de jardin, et ne voit donc sa destination d’origine nullement affectée par l’instauration de la servitude. Enfin, M. X ne conteste en rien que cette partie aval de son terrain soit classée par le PPRI en zone dite 'violette inondation', qui se caractérise par un aléa fort d’inondation.

Il faut en conclure que M. X échoue à faire la démonstration de l’existence d’une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.

4. Sur la demande subsidiaire de communication de pièces :

M. X formule à titre subsidiaire, une demande tendant à enjoindre à la Préfecture de la Haute-Garonne ou toute autre personne habilitée à produire l’arrêté préfectoral instituant un type de servitude particulière grevant la zone ou tout autre document de même nature ou à défaut de justifier de son absence.

Cette demande est mal fondée, dans la mesure où elle conduit à inverser la charge de la preuve pour suppléer la carence de l’appelant dans la démonstration de sa thèse.

5. Sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que M. X a interjeté appel de la décision de première instance. Il n’apparaît pas équitable de laisser supporter à l’intimée, et donc au contribuable, les frais non répétibles engagés pour une procédure de longue haleine.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel formé par M. A X,

Dit irrecevable le moyen d’incompétence d’attribution au profit de la juridiction administrative soulevé par la Préfecture de la Haute-Garonne,

Déboute M. A X de l’ensemble de ses chefs de demande,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Toulouse,

Condamne M. A X aux entiers dépens,

Condamne M. A X à verser à la Préfecture de la Haute-Garonne la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M-L C J.M BAISSUS .

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