Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 7 mai 2021, n° 19/02711

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 7 mai 2021, n° 19/02711
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/02711
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 15 mai 2019, N° F18/00763
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

07/05/2021

ARRÊT N° 2021/383

N° RG 19/02711 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NAZK

CAPA/VM

Décision déférée du 16 Mai 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F18/00763)

C D

E X

C/

SASU AIRBUS OPERATIONS

SAS PORTAGEO

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée le 07/05/2021

à :

— Me RAVINA

— Me LEPLAIDEUR

— Me DUBOURDIEU

— Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANT

Monsieur E X

[…]

[…]

Représenté par Me Jean-françois RAVINA de la SELARL RAVINA-THULLIEZ-RAVINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

SAS AIRBUS OPERATIONS

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS PORTAGEO

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Benoît DUBOURDIEU de la SELARL LEGAL WORKSHOP, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mmes C. M, présidente, Mme F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. M, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : A. K

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. M, présidente, et par A. K, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

La société Airbus a eu recours aux services proposés par la société G H, spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques. La société G H est une entreprise cliente de la société ESR et de la société de portage salarial Portageo.

M. X, alors salarié de la société ESR, a été mis à la disposition de la société G H aux fins de travailler pour le compte de la société Airbus Opérations dans le cadre d’un ordre de mission du 1er septembre 2006 aux fins d’assurer la conception, la validation et le déploiement d’architectures impliquant des serveurs.

La société de portage salarial Portageo a poursuivi la mission initialement confiée par la société ESR à la société G H au sein de la société Airbus Opérations suivant contrat du 16 avril 2013.

M. X a été embauché par la société Portageo suivant contrat à durée indéterminée, dit de chantier ou de mission, du 3 juin 2013 s’inscrivant dans le cadre du portage salarial défini par l’article L. 1251-64 du code du travail dont la nature juridique est discutée entre les parties (qui serait de droit commun selon M. X et de portage salarial selon la société Portageo ). Il était régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, dite Syntec.

A compter du 3 juin 2013, M. X a exécuté plusieurs missions successives au bénéfice de l’entreprise cliente G H en qualité de consultant senior en stockage de données.

La société Airbus a mis fin au contrat conclu avec la société G H par courrier du 30 avril 2015, avec préavis de 6 mois.

Parallèlement, la société G H a formalisé auprès de la société Portageo un bon de commande du 18 août 2015 pour la période du 1er août 2015 au 30 avril 2016 destiné à compléter le contrat commercial conclu entre ces deux sociétés le 16 avril 2013.

A compter du mois de septembre 2015, des difficultés sont survenues entre la société G H et M. X.

Après mise en demeure, par courrier du 29 octobre 2015, la société G H a notifié à la société Portageo la fin de la prestation de portage salarial.

M. X n’a plus travaillé pour la société G H à compter du 2 novembre 2015, date à compter de laquelle il n’a plus exercé d’activité de portage salarial.

Des échanges sont alors intervenus entre la société Portageo et M. X, chacun reprochant à l’autre des manquements, la première dans le démarchage de clients commerciaux, le second dans le paiement de ses salaires.

Par lettre du 28 juin 2016, la société Portageo a notifié à M. X son licenciement pour insuffisance professionnelle en portage salarial.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse en référé afin de solliciter notamment la condamnation de la société Portageo à reprendre le paiement de ses salaires jusqu’à la fin de sa mission auprès de l’entreprise G H, soit jusqu’au 30 avril 2016.

Par ordonnance du 4 avril 2016, le conseil de prud’hommes a débouté M. X de ses demandes.

M. X a relevé appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 13 juillet 2016, cette cour a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de rappel de salaire.

Le salarié a également saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse au fond le 25 mars 2016 afin qu’il prononce la requalification de la relation contractuelle l’unissant à la société Airbus en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, qu’il prononce également la requalification du contrat le liant à la société Portageo en contrat de droit commun, qu’il constate une situation de co-emploi à l’égard des sociétés Airbus et Portageo. M. X contestait, en outre, son

licenciement et sollicitait le versement de diverses sommes.

Par jugement du 16 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse :

— s’est déclaré compétent,

— a jugé que lien de subordination avec la société Airbus n’était pas établi,

— a jugé que le contrat de travail entre M. X et la société Portageo relève bien du portage salarial,

— a jugé que la rupture du contrat de travail de portage repose sur une cause réelle et sérieuse,

— a débouté M. X de ses demandes,

— dit qu’il n’y avait pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux dépens.

Par déclaration du 12 juin 2019, parvenue au greffe de cette cour, M. X a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M. X demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

— dire et juger que la relation de travail au sein de la société Airbus Opérations s’inscrivait dans le cadre d’un lien de subordination,

— prononcer en conséquence, la requalification de la relation contractuelle dans les termes d’un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 18 septembre 2006,

— dire et juger que la société Portageo a violé les dispositions relatives au portage salarial,

— dire et juger en conséquence que son contrat le liant à la société Portageo revêtait la qualification de contrat de travail de droit commun,

— dire et juger constitué le co-emploi de M. X à l’égard des sociétés Portageo et Airbus Opérations,

— dire et juger qu’il a été privé de manière abusive de travail sur la période courant du mois de novembre 2015 jusqu’à la notification de son licenciement à la fin du mois de juin 2016 et, à tout le moins, jusqu’à la date d’expiration programmée de l’intervention au sein de la société Airbus Opérations soit le 30 avril 2016,

— dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de surcroît assorti de conditions vexatoires,

— condamner en conséquence solidairement les sociétés Airbus Opérations et Portageo à lui payer les sommes suivantes:

* à titre principal, 87 264 € bruts à titre de rappels de salaire outre 8 726 € bruts au titre des congés payés y afférents,

* à titre subsidiaire, 65 448 € bruts à titre de rappels de salaire outre 6 545 € bruts au titre des congés payés y afférents,

* à titre principal, 43 632 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre

4 363 € au titre des congés payés y afférents, en application des dispositions conventionnelles de branche,

* à titre subsidiaire, 32 724 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre

3 272 € au titre des congés payés y afférents, en application des dispositions conventionnelles de branche,

*à titre principal, 50 724,38 € à titre d’indemnité de licenciement en application des dispositions conventionnelles de branche,

* à titre subsidiaire, 30 540,22 € à titre d’indemnité de licenciement en application des dispositions conventionnelles de branche,

* 196 350 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire, outre préjudice consécutif aux délits de prêt de main d’oeuvre illicite et de marchandage,

— dire et juger que la société Airbus Opérations a intentionnellement dissimulé un emploi salarié en ayant recours à une fausse sous-traitance dans des conditions dont elle connaissait le caractère illicite,

— la condamner en conséquence au paiement de l’indemnité forfaitaire de 65 448 €,

— condamner la société Airbus Opérations et la société Portageo aux dépens et au versement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter les sociétés Airbus Opérations et Portageo de leurs demandes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 juin 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la société Airbus Opérations demande à la cour de la mettre hors de cause,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. X aux entiers dépens,

— condamner M. X au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la société Portageo demande à la cour de confirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. X aux entiers dépens,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de requalification de la relation contractuelle entre M. X et la société Airbus Opérations en contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 18 septembre 2006

M. X prétend qu’il est salarié de la société Airbus Opérations depuis le 18 septembre 2006, date à laquelle il a été intégré au sein du service Airbus OIN A 5 dans un cadre organisé et défini dont il respectait les directives ; il a travaillé en qualité de d’architecte Airbus, concourant, comme les autres salariés Airbus, à l’accomplissement de la mission du service dans lequel il était intégré sans attribution particulière. Il verse aux débats une attestation de M. Y qui décrit leurs

conditions de travail au sein de ce service, de très nombreux mails qui établissent les directives, tâches et conditions de travail, de remplacement et de déplacement, le lien de subordination étant exclusivement assumé par Airbus qui assurait et finançait ses formations sans qu’il dispose d’une quelconque autonomie dans l’exécution de son travail.

Il conteste l’analyse de la société Airbus Opérations et notamment la prétendue sous-traitance, la seule production de bons de commande étant insuffisante à en faire la preuve, stigmatisant le paiement de ses jours de travail par la société Airbus Opérations pendant 9 ans.

La société Airbus Opérations conteste tout lien de subordination : M. X a travaillé en qualité d’architecte informatique pour apporter un soutien technique aux équipes d’Airbus Opérations en charge de la mise en place du nouveau système informatique. Elle explique avoir conclu avec la société G H des contrats successifs de prestations de services qui prévoient les conditions générales de la prestation, les cahiers des charges définissant précisément les prestations, les conditions d’exécution, les dates butoir et autres obligations ; ces contrats ne mentionnaient pas le nom de M. X ; cette mise à disposition de salarié est licite car elle n’a pas pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre et l’opération de portage salarial lui est inopposable ; les pièces versées aux débats n’établissent nullement la réalité d’un lien de subordination mais celles d’une prestation de services de longue durée, comme la convention collective Syntec l’autorise, et elle conteste l’intégration de M. X au sein d’un service organisé.

Il est rappelé que le contrat de travail se définit comme une convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant rémunération.

Il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, il est constant qu’aucun contrat de travail écrit n’a été conclu entre M. X et la société Airbus Opérations.

M. X ne produit pas le contrat le liant à la société ERT et ne donne aucune explication précise sur les liens contractuels l’unissant à cette société ; il se contente d’affirmer et de produire dans ses conclusions un schéma aux termes duquel, alors qu’il était salarié de la société ESR, spécialisée en prestations informatiques, il a été mis à la disposition de la société Airbus Opérations à compter du 18 septembre 2006 dans le cadre d’un ordre de mission de 3 mois renouvelable qu’il verse aux débats, le projet consistant à assurer la conception, la validation et le déploiement d’architectures impliquant des serveurs et les technologies NAS et SAN. Cet ordre de mission renvoie à l’accord collectif en vigueur au sein de la société ESR, à l’autorité hiérarchique et disciplinaire de cette dernière et prévoit que les frais seront remboursés par elle.

Il est acquis aux débats que cette société ESR n’a pas conclu de contrat commercial avec la société Airbus Opérations mais que la société ESR a mis à disposition de la société G H M. X aux fins qu’il exécute la prestation de services commandée par la société Airbus Opérations auprès de la société G H suivant bons de commande successifs d’une durée d’un an versés aux débats par la société Airbus Opérations, la dernière commande du mois d’avril 2015 étant conclue pour se terminer le 30 avril 2015.

La cour ignore les conditions exactes du ou des contrats conclus entre la société ESR, premier employeur de M. X et la société G H, M. X n’ayant pas plus produit de pièces relatives aux relations contractuelles unissant ESR à la société G H qu’il n’a produit le contrat de travail le liant à la société ESR et qu’il n’a mis en cause ces deux sociétés dans le cadre du présent litige qu’il a introduit contre la société Portageo et la société Airbus Opérations.

A compter du 16 avril 2013, la société G H a confié à la société Portageo une mission d’assistance technique.

La société Portageo a missionné son salarié, M. X, au sein de la société G H qui poursuivait l’exécution des contrats conclus avec la société Airbus Opérations depuis 2006.

Il appartient à M. X de démontrer qu’il a en réalité exécuté les missions à lui confiées par les sociétés ERT puis Portageo, ses deux employeurs successifs, au sein de la société G H sous la subordination de la société Airbus Opérations avec laquelle la société G H avait conclu des contrats d’assistance technique d’architecture informatique.

M. Y, autre salarié prestataire de services au sein du même service informatique de la société Airbus Opérations, atteste que, comme lui, M. X a travaillé pendant plusieurs années successives au sein de l’équipe Oinas du service informatique de la société Airbus Opérations ; il explique que, comme à M. X, il lui a été fourni un bureau, un badge, une ligne téléphonique et une adresse mail ainsi qu’un accès à l’intranet d’Airbus ; il décrit leurs tâches de traitement et d’analyse des besoins et leur intégration dans les infrastructures existantes ; il atteste que les directives de travail leur venaient d’Airbus sous la direction opérationnelle de M. Z puis de M. A et de Mme B ; il explique que M. X a remplacé pendant plusieurs mois un des salariés d’Airbus ; il ajoute que, pendant 7 ans, lui et M. X ont occupé des postes identiques exclusivement pour Airbus, sous son autorité, leurs employeurs ne faisant que facturer du temps de travail à Airbus qui déterminait les plannings, les tâches, les délais, validait leurs déplacements et finançait leurs formations.

M. X produit également de très nombreux mails permettant de confirmer qu’il exécutait les consignes techniques des salariés de l’équipe d’Airbus, toujours au sein de l’équipe Oinas à laquelle il était intégré en qualité de d’architecte informatique ; qu’il était identifié comme contact technique au sein de cette équipe et qu’épisodiquement, il remplaçait les salariés d’Airbus pendant leurs congés ; que les tâches étaient confiées par les salariés Airbus en charge de la direction de cette équipe sans qu’il dispose d’autonomie ; que des appréciations étaient portées par Airbus sur la qualité de son travail ; qu’il participait aux formations organisées par la société Airbus Opérations et qu’il se déplaçait pour les besoins du service au sein duquel il travaillait les déplacements étant validés par la hiérarchie du service Airbus.

La cour constate que M. X fait ainsi la démonstration de l’exécution pendant 9 ans d’une mission d’assistance en architecture informatique au sein de l’équipe Oinas du service informatique de la société Airbus Opérations ; qu’il disposait d’un bureau et recevait des consignes techniques des chefs successifs de ce service Oinas, travaillant à la fois avec des salariés Airbus et d’autres prestataires de services comme M. Y .

Sa parfaite connaissance de la mission exécutée pendant 9 ans lui a permis de remplacer des salariés pendant leurs congés et il a participé à des formations organisées par la société Airbus Opérations et à des déplacements validés par cette dernière.

Pour autant, comme le soutient à bon droit la société Airbus Opérations, M. X ne démontre pas que la société Airbus Opérations lui ait imposé le respect d’horaires de travail et ait organisé ses périodes de congés payés ; il ne prouve pas plus que la société Airbus Opérations ait organisé ses entretiens de notation ou d’évaluation professionnelle ; qu’elle lui ait demandé de rendre compte de ses interventions autrement que sur le plan technique; s’il disposait d’une adresse mail, cette adresse mail était libellée comme suit : ' X E (G H) et il n’est pas justifié que son ordinateur lui ait été fourni par la société Airbus Opérations ; si les déplacements de M. X étaient validés par la société Airbus Opérations, pour autant, M. X ne verse aucune facture de déplacement ou de formation acquittée par cette dernière.

La société Airbus Opérations justifie des accords commerciaux conclus avec la société G H aux fins de mettre en place l’architecture informatique de ses services et il est constant que M. X n’a pas été recruté par la société Airbus Opérations mais par deux sociétés de prestations de service successives qui l’ont missionné au sein de la société G H, elle-même, cocontractante de la société Airbus Opérations dans le cadre de bons de commande et de cahiers des charges détaillant la nature des prestations et leur coût.

M. X ne justifie d’aucun ordre ou d’aucune consigne autre que technique émanant de la société

Airbus Opérations pas plus que du paiement par la société Airbus Opérations à l’appelant d’une rémunération de ses services, de sa formation ou de ses déplacements.

La cour estime en conséquence que n’est pas caractérisée entre M. X et la société Airbus Opérations la réalité d’un lien de subordination, faute que soit établie celle d’un pouvoir de direction et de sanction à l’égard de M. X.

M. X a exécuté sa longue mission au sein de ce service d’Airbus dans le cadre d’une prestation de services d’architecte en informatique conformément aux accords commerciaux passés entre la société Airbus Opérations et la société G H, laquelle a sollicité successivement les services des sociétés ERT et Portageo aux fins qu’elle mettent à sa disposition leur salarié M. X. La durée de la prestation de services exécutée au sein d’Airbus Opérations est sans conséquence sur la qualification de la prestation exécutée par lui, la convention collective Syntec prévoyant expressément dans son préambule que les interventions d’études dans le domaine de l’ingénierie peuvent être exécutées entre quelques jours et plusieurs années.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification de la relation unissant M. X à la société Airbus Opérations en contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 18 septembre 2006.

Sur la demande de qualification du contrat de travail liant M. X à la société Portageo en contrat de travail de droit commun

M. X prétend que le contrat de travail signé le 3 juin 2013 avec la société Portageo est un contrat de travail de droit commun et non un contrat de portage salarial dans la mesure où il ne respecte pas l’accord du 24 juin 2010 réglementant le portage salarial, notamment sur le descriptif de la mission à réaliser, la durée prévisible de la prestation, le coût de réalisation de la prestation, le nom du garant financier de l’entreprise de portage salarial ainsi que les modalités de facturation de la prestation.

Il ajoute qu’en tout état de cause, le contrat de travail ne remplissait pas les critères lui permettant de relever du portage salarial.

Comme le soutient justement la société Portageo, l’accord cadre du 24 juin 2010 réglementant le portage salarial n’était pas en vigueur lors de la conclusion du contrat de travail du 3 juin 2013 entre M. X et la société Portageo dans la mesure où il n’était applicable qu’à compter du lendemain du jour de sa publication au Journal Officiel du 8 juin 2013 de sorte que M. X est mal fondé à invoquer au soutien de sa demande de requalification de ce contrat en contrat de travail de droit commun la non conformité de ce contrat aux dispositions de cet accord.

S’agissant du respect des critères permettant à ce contrat de relever de la réglementation du portage salarial, à la date de sa conclusion, le contrat du 3 juin 2013 relevait de la loi du 25 juin 2008 alors codifiée à l’article L. 1251-64 du code du travail qui disposait : ' Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle.'

Le contrat de travail conclu entre M. X et la société Portageo mentionne dans son préambule que le contrat s’inscrit dans le cadre du portage salarial défini par l’article L. 1251-64 susvisé. Il comprend la qualification de consultant senior en stockage de données de M. X et renvoie expressément aux dispositions de la convention du portage et au guide du salarié Portageo annexé au contrat dont M. X a paraphé toutes les pages et qu’il a signé.

Ce guide précise les missions de prospection commerciale du salarié porté qui négocie avec l’entreprise cliente tous les éléments de la commande de prestation ; le salarié doit établir avec l’entreprise cliente un bon de commande ou un contrat commercial ; ce bon de commande est envoyé à la société Portageo qui le valide , le renvoie au salarié et en adresse un exemplaire au client, une convention de formation professionnelle devant être établie avec l’entreprise cliente. Dès la fin de la

mission, le salarié indique à Portageo les éléments nécessaires à la facturation de la mission et à réception du rapport d’activité, Portageo procède à la facturation de l’entreprise cliente. Les frais de mission sont remboursés par Portageo. La société Portageo apporte le soutien juridique et administratif au salarié porté pour l’exercice de sa mission. Le salaire est payé par la société Portageo sur la base du chiffre d’affaires hors taxes du mois du salarié porté.

La cour constate que ce contrat remplit les conditions alors prévues par l’article L. 1251-64 du code du travail : Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle.

M. X est le salarié porté, l’entreprise cliente avec laquelle un contrat cadre d’assistante technique a été conclu le 16 avril 2013 est la société G H France l’entreprise de portage salarial est la société Portageo qui rémunère les prestations réalisées par le salarié porté M. X chez le client, la société G H.

Le préambule du contrat qui renvoie à la définition légale du portage salarial applicable à la date de conclusion du contrat de travail est dénué d’ambiguïté sur la qualification du contrat, à savoir un contrat de portage salarial, et l’annexe du contrat confirme que telle est bien la qualification du contrat conclu le 3 juin 2013 avec la société Portageo.

La cour rejettera en conséquence la demande de requalification du contrat de travail liant M. X à la société Portageo en contrat de travail de droit commun, par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de dire et juger le co-emploi constitué entre la société Portageo et la société Airbus Opérations

M. X ne développe aucun autre moyen au soutien de sa demande de déclaration d’un co-emploi constitué entre la société Portageo et la société Airbus Opérations que le fait qu’il a travaillé en même temps pour deux employeurs, la société Portageo et la société Airbus Opérations.

La cour vient d’indiquer que la société Airbus Opérations n’a pas été l’employeur de M. X de sorte qu’elle rejettera les demandes formées par l’appelant contre la société Airbus Opérations en sa qualité de co-employeur.

Sur la demande en paiement de rappels de salaire

Il résulte de la chronologie des relations contractuelles que, par courrier du 2 octobre 2015, la société G H a mis en demeure la société Portageo de respecter les termes du contrat commercial liant les parties sur la fourniture des livrables ARD et la remise des compte-rendus d’activité, ces inexécutions la mettant en difficulté vis à vis du client et le 2 novembre suivant, la société G H a résilié le contrat commercial la liant à la société Portageo avec suspension à effet au lendemain des accès de M. X chez le client, demandant d’informer le salarié de l’organisation de la restitution du badge et de l’ordinateur portable.

M. X demande à la cour de condamner la société Portageo au paiement des salaires jusqu’à la date de rupture du contrat de travail, la société Portageo s’y opposant en exécution de la législation sur le portage salarial.

Il résulte de l’article L. 1254-2 III du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 2 avril 2015, applicable à compter la date d’application de cette ordonnance aux relations de travail entre M. X et la société Portageo, que, contrairement au droit commun du contrat de travail, l’entreprise de portage salarial n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté.

M. X ne discute pas le fait qu’il ait cessé de travailler à compter du 2 novembre 2015, date de la rupture du contrat commercial liant la société G H à la société Portageo ; il fonde sa demande de rappel de salaire sur la qualification de contrat de travail de droit commun du contrat de

travail le liant à la société Portageo, qualification que la cour a écartée dans le paragraphe précédent.

Il en résulte qu’en l’absence de travail et qu’en l’absence d’obligation de la société Portageo de fournir du travail, M. X est mal fondé à solliciter paiement d’un salaire à compter du 2 novembre 2015 et de congés payés y afférents ; il sera débouté de ces demandes par confirmation du jugement dont appel.

Sur la rupture du contrat de travail liant M. X à la société Portageo

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail.

L’insuffisance professionnelle consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle, sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence d’une négligence ou d’une mauvaise volonté de sa part.

Pour caractériser une cause de licenciement, l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur doit reposer sur des éléments concrets et avoir des répercussions négatives sur la bonne marche de l’entreprise.

En l’espèce, la société Portageo a licencié M. X par lettre du 28 juin 2016 à laquelle il est expressément fait référence pour 'insuffisance professionnelle en portage salarial’ ; elle l’estime insuffisant dans ses missions de prospection et de négociation commerciale de ses prestations de portage salarial ; elle lui rappelle qu’en sa qualité de salarié porté, il lui appartient de réaliser lui-même la prospection, la négociation et la définition des prestations de portage salarial effectuées par lui auprès d’entreprises clientes.

La société Portageo rappelle que la mission qui devait s’arrêter le 30 avril 2016 a cessé le 2 novembre 2015 et que, depuis, M. X est sans activité de prestations de portage salarial et qu’il ne lui a transmis aucun élément commercial de ses futures prestations malgré 3 mises en demeure.

La société Portageo verse aux débats les pièces établissant la cessation du contrat commercial la liant à la société G H au 2 novembre 2015 et ses demandes infructueuses adressées à M. X les 27 janvier et 20 mai 2016 aux fins de négocier un nouveau contrat avec un client.

M. X ne conteste pas cette absence de prospection commerciale, se contentant de renvoyer au terme théorique du contrat commercial du 30 avril 2016 avec la société G H et il prétend avoir été licencié non pas pour insuffisance professionnelle mais pour un motif disciplinaire.

La cour estime que la société Portageo était parfaitement en droit conformément à l’article L. 1254-2 I° du code du travail qui disposait dans sa rédaction applicable : ' Le salarié porté justifie d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permet de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix’ de demander à M. X de rechercher de nouveaux clients à la suite de l’arrêt prématuré du contrat conclu avec la société G H, la société G H ayant décidé de rompre avant terme ledit contrat sans faute démontrée de sa part.

L’article 2 du contrat de travail liant les parties rappelle également cette obligation pour M. X d’assurer des missions de développement professionnel de son activité et des missions techniques relatives à son domaine d’expertise.

La cour estime qu’il est ainsi démontré que M. X n’a pas exécuté son obligation de rechercher du travail malgré les deux mises en demeure de son employeur de sorte qu’il ne s’agit pas d’une insuffisance professionnelle mais bien d’une négligence fautive relevant de la matière disciplinaire ce qui justifie que le licenciement de M. X soit jugé sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement déféré.

M. X peut prétendre en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement au bénéfice d’une indemnité de préavis conventionnelle de 3 mois conformément à la convention collective Syntec applicable à la relation de travail et non de la convention collective de la métallurgie revendiquée par M. X applicable aux salariée d’Airbus Opérations. Elle sera fixée sur la base de la moyenne des 3 derniers mois de salaire effectivement payés plus favorable à la moyenne des 12 derniers mois effectivement payés, soit 5 747,35 € à la somme de 17 242,05 €.

L’indemnité de licenciement sera également calculée sur la base de l’ancienneté réelle de M. X au sein de la société Portageo soit, avec les 3 mois de préavis, 3 ans, 3 mois et 25 jours.

La convention collective Syntec prévoit une indemnité de licenciement calculée à hauteur d’un tiers de mois par année d’ancienneté, soit 6 359,33 €.

M. X peut également prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans que ne soient justifiées des circonstances particulièrement vexatoires alléguées.

A l’exception de sa situation personnelle liée à son divorce entamé en 2015 et à ses difficultés financières, il ne fournit aucune pièce sur sa situation relative à l’emploi, étant précisé qu’il a formé une demande d’indemnisation par Pôle Emploi dès janvier 2016 avant d’avoir été licencié, prétextant une prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Il fonde sa demande de dommages et intérêts sur l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable sans préciser le nombre de salariés dans l’entreprise, étant rappelé qu’aucun salaire ne lui a été versé pendant les 6 derniers mois de la relation de travail de sorte que l’indemnité minimale prévue par la loi est équivalente à 0.

La cour retiendra un effectif de plus de 10 salariés à l’époque du licenciement en l’absence de critique de la société Portageo à cet égard de sorte que la demande de dommages et intérêts est justement fondée sur l’article L. 1235-3 du code du travail eu égard à l’ancienneté supérieure à deux ans de M. X .

La cour lui allouera en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonnera à la société Portageo de rembourser à Pôle Emploi en application de l’article L. 1235-4 du code du travail les indemnités de chômage versées à M. X dans la limite de 3 mois d’indemnités.

Il n’y a pas lieu d’ajouter à ces dommages et intérêts une quelconque somme en réparation d’un préjudice consécutif à des prétendus délits de prêts de main d’oeuvre illicite et de marchandage, la cour ayant indiqué dans les paragraphes précédents que M. X avait travaillé au sein de la société Airbus Opérations dans le cadre de contrats de prestation de services adossés à des contrats commerciaux dont le caractère illicite n’est pas démontré.

Sur le surplus des demandes

Aucune indemnité de travail dissimulé ne sera allouée à M. X qui ne justifie nullement de la réalité d’un montage frauduleux opéré par la société Airbus Opérations avec la complicité de la société Portageo mais de l’exécution d’une prestation de services au sein de la société Airbus Opérations parallèlement à la signature d’un contrat de travail de portage salarial.

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

La société Portageo qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens et à payer à M. X la somme de 2 000 € en remboursement des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant infirmé sur les dépens et confirmé sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, à l’exception de ses dispositions sur la cause réelle et sérieuse du

licenciement et sur les indemnités et dommages et intérêts alloués au titre du licenciement et des dépens,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. I X ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Portageo à payer à M. X les sommes suivantes :

—  10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  17 242,05 € à titre d’indemnité de préavis et 1 724,20 € au titre des congés payés y afférents,

—  6 359,33 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société Portageo de rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à M. X du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 3 mois d’indemnités,

Déboute M. X du surplus de ses demandes,

Condamne la société Portageo aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par L M, présidente, et par J K, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

J K L M

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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 7 mai 2021, n° 19/02711