Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 19 novembre 2021, n° 19/05311

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 19 nov. 2021, n° 19/05311
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/05311
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 5 novembre 2019, N° F18/00737
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

19/11/2021

ARRÊT N° 2021/631

N° RG 19/05311 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NLC7

APB/VM

Décision déférée du 06 Novembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/00737)

[…]

Association ASSOCIATION GROUPE EDENIS

C/

L X

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée le 19/11/2021

à :

— Me JOLIBERT

— Me CANTALOUBE-FERRIEU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANTE

ASSOCIATION GROUPE EDENIS

3, rue Claude-K Perroud

[…]

[…]

Représentée par Me Patrick JOLIBERT de la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame L X

[…]

[…]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Muriel A, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme A. Q-R, Mme F. CROISILLE-CABROL, conseillères chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. Q-R, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame L X a été embauchée à compter du 2 janvier 2014 par l’association Edenis, exploitant plusieurs EHPAD, en qualité d’aide-soignante, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Le 28 août 2017, Mme X a constaté un hématome sur le visage d’une résidente.

Le 4 septembre 2017, Mme X a adressé, sur les conseils de la gendarmerie de Muret selon ses écrits, un courrier au directeur d’exploitation, M. Y, pour lui faire part de ses constatations et de ses doutes sur 'l’accident’ dont aurait été victime la résidente selon ses collègues affirmant qu’un lève-malade s’était cassé et que la patiente avait chuté.

Le 7 septembre 2017, le directeur d’exploitation a reçu Mme X afin d’obtenir des explications sur le courrier reçu.

Mme X a informé la famille de la résidente des doutes qu’elle avait sur cet incident.

Le 19 septembre 2017, Mme X a adressé un courrier recommandé à l’association Edenis pour dénoncer des faits de harcèlement moral dont elle se disait être victime.

Le 23 septembre, Mme X a déposé plainte à la gendarmerie pour des faits de

harcèlement et de dénonciations calomnieuses concernant des attouchements sexuels qu’elle aurait commis sur des patients.

Le 27 septembre, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, entretien fixé au 6 octobre.

Le 7 octobre, la salariée a adressé un courrier à l’association Edenis dans lequel elle a contesté les faits qui lui sont reprochés.

Le 16 octobre 2017 , l’Association Edenis a notifié à Mme X une mise à pied disciplinaire d’une journée prévue le 19 octobre.

Le 17 octobre, Mme X a contesté cette mise à pied, confirmée par l’association Edenis par courrier en date du 30 octobre.

Le 5 décembre 2017, par courrier remis en main propre, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 13 décembre, accompagné d’une mise à pied à titre conservatoire.

Mme X a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 5 décembre.

Elle a été licenciée pour faute grave le 22 décembre 2017.

Mme X a contesté son licenciement par courrier du 30 décembre 2017, et l’association Edenis a confirmé la mesure de licenciement par courrier du 10 janvier 2018.

Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 17 mai 2018 afin, au principal, de dire et juger son licenciement nul, constater que sa mise à pied disciplinaire est injustifiée, qu’elle a été victime d’harcèlement moral, que l’association Edenis a manqué à son obligation de sécurité, et condamner l’association Edenis à lui verser différentes sommes.

Par jugement du 6 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

— jugé que le licenciement pour faute grave de Mme X est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

— condamné l’association Edenis, prise en la personne de son représentant légal, à régler à Mme X les sommes suivantes :

* 1971,75 ' à titre d’indemnité de licenciement,

* 3971,86 ' à titre d’indemnité de préavis,

* 397,19 ' à titre de congés payés afférents,

* 1047,62 ' à titre de rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire du 5 au 31 décembre 2017,

* 104,76 ' à titre de congés payés afférents,

— ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés,

— débouté Mme X de ses autres demandes,

— condamné l’association Edenis à verser à Mme X la somme de 2000 'au titre de l’article 700

du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de droit,

— condamné l’association Edenis aux dépens de l’instance.

L’association Edenis a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, l’association Edenis demande à la cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* jugé que le licenciement pour faute grave de Mme X est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

* condamné l’Association Edenis à régler à Mme X les sommes suivantes :

—  1971,75 ' à titre d’indemnité de licenciement ;

—  3971,86 ' à titre d’indemnité de préavis ;

—  397,19 ' à titre de congés payés afférents ;

—  1047,62 ' à titre de rappels de salaire pour la mise à pied conservatoire du 5 au 31 décembre 2017 ;

—  104,76 ' à titre de congés payés afférents ;

* ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés,

* condamné l’Association Edenis à verser à Mme X la somme de 2.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné l’association Edenis aux dépens de l’instance,

En conséquence, et réformant la décision déférée,

— dire et juger que le licenciement de Mme X repose sur une faute grave,

— débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, y compris celles formulées dans le cadre de l’appel incident,

En toute hypothèse,

— condamner Mme X au paiement de la somme de 2 500 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme X aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2021 auxquelles il est expressément fait référence, Mme X demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association Edenis au paiement des sommes suivantes :

* 1 971,75 ' à titre d’indemnité de licenciement,

* 3 971,86 ' à titre d’indemnité de préavis,

* 397,19 ' à titre de congés payés afférents,

* 1 047,62 ' à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

du 5 au 31 décembre 2017,

* 104,76 ' à titre de congés payés afférents,

* 2 000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de ses autres demandes,

— dire et juger que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner l’Association Edenis à payer à Mme X la somme de 7 943,72 ' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la même au paiement de la somme de 6 000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité,

— annuler la mise à pied disciplinaire en date du 19 octobre 2017,

— condamner l’association Edenis au paiement de la somme de 74,83' correspondant au salaire non versé,

— condamner l’Association Edenis au paiement d’une somme supplémentaire de 3 000' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la mise à pied disciplinaire du 19 octobre 2017 :

En l’espèce, la salariée a été sanctionnée d’une mise à pied d’une journée pour les faits suivants :

— le signalement le 7 septembre 2017 qu’elle a adressé à M. Y, responsable d’exploitation, à propos de l’incident survenu le 28 août 2017 sur lequel elle a porté une appréciation personnelle, il s’agissait de l’hématome constaté sur l’une des résidentes, et le fait d’avoir signalé les faits en parallèle à la gendarmerie de Muret et adressé la copie de la correspondance de signalement au fils de la résidente, alors même qu’elle était absente lors de l’incident du 28 août 2017 ;

— il lui est également reproché d’avoir, le 3 septembre 2017, mentionné sur le logiciel Netsoins : ' valeur N3: fécalome’ ce qui laisse supposer selon l’employeur soit qu’elle aurait extrait un fécalome sur une résidente, ce qui ne relève pas de ses compétences, soit qu’elle aurait indiqué une mention 'fécalome normal’ sans avoir fait un tel constat ce qui remettait en cause la fiabilité des renseignements portés sur le logiciel par la salariée ;

— il lui est reproché d’avoir refusé de distribuer tout ou partie des plateaux de repas en chambre les 18 et 21septembre 2017, estimant subir une surcharge de travail, mais sans en alerter la hiérarchie ;

— Il lui est encore reproché de ne pas avoir procédé à la pesée des résidents au mois d’août 2017.

Mme X conteste ces griefs de manière circonstanciée et demande l’annulation de la sanction et le rappel de salaire correspondant à la journée de mise à pied.

En l’espèce, s’agissant du premier grief, il est constant que Mme X était absente lors de l’incident du 28 août 2017 au cours duquel une résidente aurait chuté au cours d’un transfert avec un

lève personne.

Pourtant il résulte des pièces produites que la salariée, émettant des doutes sur la version de l’incident fournie par ses collègues, a pris l’initiative – sur des suppositions de maltraitance mais sans élément concret – d’écrire directement au responsable d’exploitation M. Y, de se rendre à la gendarmerie de Muret et d’adresser copie de son courrier au fils de la résidente, sans permettre à sa hiérarchie directe de gérer cet incident avec les salariés en cause et la famille de la résidente après investigations.

Or Mme X ne peut s’exonérer de son devoir de loyauté vis-à-vis de l’employeur et de la réserve qui sied à ses fonctions en invoquant la protection du « lanceur d’alerte» issue des dispositions de la loi du 9 décembre 2016 alors que celles-ci prévoient expressément que l’alerte doit être signalée en premier lieu au supérieur hiérarchique ou au référent désigné par lui, et que ce n’est que lorsqu’aucune suite n’est donnée par celui-ci dans un délai raisonnable qu’il est permis au lanceur d’alerte de saisir l’autorité judiciaire ou administrative ou les ordres professionnels, puis enfin de rendre publique cette alerte.

Ce comportement de nature à porter atteinte à la crédibilité de l’établissement dans lequel travaillait Mme X justifiait à lui seul la mise à pied disciplinaire intervenue, de sorte que cette mesure sera confirmée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués à l’appui de celle-ci.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire et les demandes en paiement y afférentes.

Sur le licenciement pour faute grave :

Il appartient à l’association Edenis qui a procédé au licenciement pour faute grave de Mme X de rapporter la preuve de la faute grave qu’elle a invoquée à l’encontre de sa salariée, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Mme X a été licenciée pour faute grave par courrier du 22 décembre 2017, pour plusieurs motifs qu’il convient d’examiner successivement.

En premier lieu, il lui est reproché d’avoir, le 21 novembre 2017, manqué à ses obligations professionnelles en posant de façon incorrecte sur un résident un modèle de protection 'XL violette’ au lieu du modèle 'complète L', et ce malgré les directives de l’infirmière référente, Mme Z, et d’être sortie de la chambre d’un résident avec une protection souillée à la main au lieu de la poser dans les bacs sanitaires dédiés à cet effet.

A ce titre, l’employeur produit l’attestation de Mme Z expliquant de manière circonstanciée les conditions dans lesquelles Mme A, conseillère technique chez Hartmann, fournisseur de protections individuelles pour les résidents, avait expliqué à la salariée dans le cadre d’une formation la façon dont les changes devaient être choisis quand à la taille, et la façon dont il convenait de les poser sur les résidents ; le témoin explique qu’une semaine après la formation il était procédé à une évaluation pratique des différentes aides-soignantes dont Mme X, et il avait été constaté malgré les instructions de l’infirmière référente que cette dernière n’avait pas posé le change adéquat sur l’un des résidents. Mme Z indique que la salariée avait refusé de mettre la taille L au résident et qu’elle avait dû répéter cinq fois les consignes que la salariée refusait d’exécuter, y compris devant le psychologue témoin de l’incident, ce qui relevait de l’insubordination.

Mme X ne conteste pas avoir posé de protection XL sur le résident, en indiquant simplement avoir respecté les prescriptions du plan de soins, ce dont elle ne justifie pas. Le fait que sa collègue qui l’accompagnait ce jour-là n’ait pas eu de remarque sur la taille du change posé est sans incidence ; il appartenait à Mme X de respecter les consignes verbales que lui fournissait l’infirmière référente.

Quant à l’incident relatif à la protection souillée que la salarié n’aurait pas jetée correctement, aucun

élément concret n’est produit aux débats pour établir la réalité du grief alors que Mme X explique avoir respecté le protocole.

Il est également reproché à Mme X dans la lettre de licenciement des difficultés relationnelles avec les résidents, notamment un retard dans la prise en charge d’une résidente (Mme B) le 21 novembre 2017, en se présentant pour lui faire sa toilette à 10h30 au lieu de 9 heures, et les diverses réflexions adressées à cette résidente.

L’association Edenis produit l’attestation de cette résidente, que la salariée demande d’écarter des débats car non accompagnée de la pièce d’identité et non rédigée de la main de celle-ci, cependant la cour a la faculté de retenir à titre d’information les éléments contenus dans cette attestation manuscrite, dans laquelle il est indiqué que Mme B, née en 1927, dont l’identité et la signature figurent sur l’attestation, a demandé à Mmes Z et C de rédiger pour elle.

Il est fait état dans ce témoignage de certaines réflexions que fait la salariée à la résidente lorsque celle-ci s’impatiente et qu’elle attend sa toilette qui n’intervient qu’à 10h30 au lieu de 9h ('eh alors, vous avait fini de sonner '' ; ' Il y a des lourds, ils passent avant’ ; ' vous n’êtes pas dans la pisse et dans la merde de comme les autres, vous pouvez attendre’ ) ; Mme B explique que Mme X la presse pour l’habillage ('vite, vite !') et ne l’aide pas pour la toilette en se contentant de lui tendre le pommeau de douche pour qu’elle se débrouille seule pendant qu’elle va faire un lit ; la résidente explique également être très stressée depuis que cette salariée s’occupe d’elle (' je ne dors plus les nuits où je sais que le lendemain c’est elle').

Par ailleurs Mme X ne conteste pas que les soins d’hygiène et de confort débutent à 9h mais indique que la patiente en question est en quatrième position ce qui engendre du retard dont elle avait averti l’infirmière référente dès le 17 septembre 2017 , en particulier sur l’insuffisance des délais impartis pour réaliser les toilettes du secteur 5.

Pour autant, si la cour peut entendre que des difficultés d’organisation ne permettent pas aux aides-soignantes de satisfaire tous les résidents sur des horaires très précis, il n’en demeure pas moins que cela n’autorisait pas Mme X à manifester son agacement et son impatience auprès d’une résidente par l’emploi de propos et de comportements inappropriés, générateurs de stress pour cette personne âgée.

Au demeurant, il est produit l’attestation de Mme D, aide-soignante et collègue de Mme X travaillant également sur le secteur 5, indiquant qu’il est possible de satisfaire le souhait de cette résidente d’avoir sa toilette entre 8h45 et 9 h avec une bonne organisation, et que le plan de soins avec les horaires indiqués est parfaitement réalisable.

Il est également reproché à la salariée des relations difficiles avec la direction et ses collègues de travail, et un mode de communication trop abrupt et non approprié.

Ainsi l’employeur lui reproche en particulier d’avoir répondu le 4 novembre 2017 à la fille d’une résidente sur la présence de vêtements seuls dans sa chambre que « c’était le Petit Poucet qui les avait déposés» ; l’association Edenis admet une erreur matérielle dans la lettre de licenciement et précise qu’il s’agit de faits du 3 novembre 2017.

Il est produit aux débats un courrier du 4 novembre 2017 par lequel Mme E, fille d’une résidente, se plaint effectivement du comportement à son égard de Mme X, et des propos qui lui ont été tenus la veille de manière arrogante ; elle ajoute que Mme X ne faisait aucun cas de sa présence et de son attente dans le couloir, et ne lui répondait même pas. Elle termine son courrier en indiquant qu’elle tenait à 'dénoncer l’incompétence, la désinvolture et l’impolitesse de Madame X'.

Les faits sont donc établis.

Il est encore reproché à la salariée d’avoir le 10 octobre 2017, dans une transmission, accusé une infirmière, Mme F, d’avoir injecté à un patient de l’insuline «au pif » ; et d’avoir adressé un mail du 12 novembre 2017 à l’infirmière référente pour signaler un incident constaté dans la prise en

charge d’un résident par une autre salariée, sa collègue Mme G ayant refusé de laisser la personne en position assise pour manger.

Au soutien de ces griefs, il est effectivement produit le cahier de transmissions sur lequel la salariée a apposé la mention relative à l’injection qu’elle critiquait alors qu’elle n’a pas de compétence en ce domaine ; l’association Edenis produit également le mail de Mme F du 10 octobre 2017, se plaignant du comportement de Mme X à son égard et indiquant qu’elle est poussée ' à bout tous les jours un peu plus'.

Ces éléments démontrent la réalité du comportement inadapté, adopté par Mme X à l’égard de résidents mais également de certaines collègues, de nature à dégrader leurs conditions de travail.

La cour estime qu’ils ne sont pas utilement contredits par les quelques attestations de collègues aides-soignantes témoignant de la rigueur de Mme X et de la qualité de son travail.

En conséquence, les multiples faits fautifs figurant à la lettre de licenciement sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail pour faute grave.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement n’était pas justifié par une faute grave mais par une cause réelle et sérieuse et alloué à Mme X des indemnités de rupture et un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, et il sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme X sera déboutée de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture, ainsi que de rappel de salaire et de congés payés sur la période de mise à pied conservatoire.

Sur le harcèlement moral :

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié présente, conformément à l’article L 1154 – 1 du code du travail, des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ;

au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme X soutient qu’elle a été victime d’un harcèlement moral à compter du moment où elle a signalé à l’employeur ses doutes s’agissant de l’accident d’une résidente du 28 août 2017.

Elle indique avoir signalé cette situation de harcèlement par courrier à la direction du 19 septembre 2017.

Ce courrier est précis sur la dégradation de ses conditions de travail à raison d’une modification des tâches qui lui incombaient.

Elle soutient :

— que de nouvelles tâches lui ont été attribuées en représailles après son courrier du 4 septembre 2017,en particulier la prise en charge de personnes à mobilité extrêmement réduite nécessitant une application beaucoup plus lourde,

— que le téléphone ne fonctionnait pas pour les transmissions,

— qu’elle ne bénéficiait pas de l’aide des aides-soignantes qui avaient fini leur service,

— qu’elle devait prendre sur son temps de pause pour vérifier les plateaux et l’aide aux repas,

— que les infirmières lui parlaient méchamment et ne lui répondaient pas,

— que personne ne l’aidait lorsqu’elle sollicitait de l’assistance pour coucher une résidente particulièrement lourde, notamment le week-end,

— que l’infirmière référente et le psychologue allaient jusqu’à questionner les résidents pour savoir s’ils avaient eu des relations sexuelles avec elle, de sorte qu’elle a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse le 23 septembre 2017,

— que son planning a été modifié juste après ce dépôt de plainte, avec une charge anormale du plan de soins,

— qu’elle était surveillée par un agent de service qui rentrait dans les chambres sans frapper lorsqu’elle effectuait la toilette des résidents,

— qu’elle a été retirée du groupe de réunions « bien traitance » de l’établissement,

— qu’elle a subi un arrêt de travail à la suite de ces faits, à compter du 5 décembre 2017.

A l’appui de ces affirmations, Mme X produit son propre courrier de doléances du 19 septembre 2017, ce qui ne saurait établir l’existence des faits qu’il contient, et l’audition de sa collègue Mme N-O intervenue le 20 février 2018 dans le cadre de l’enquête pour dénonciation calomnieuse et harcèlement suite à la plainte déposée par Mme X.

Cette collègue indique que Mme X ' est comme elle est mais elle est très professionnelle. Elle fait son travail très convenablement, s’occupe bien des résidents et est très altruiste. Après elle a tendance à être franche et directe, ce qui ne plaît pas à tout le monde'.

Ce témoin ne mentionne pas les tâches supplémentaires prétendument attribuées à la salariée, ni le dysfonctionnement du téléphone, ni encore le fait que le personnel lui parlait méchamment ou ne lui répondait pas. Elle indique de manière générale que cette salariée avait une grosse charge de travail, mais que cela « a toujours été comme ça », et qu’elle « n’avait clairement pas le droit à l’erreur, elle était surveillée constamment ». Elle évoque également le fait que Mme X avait été soupçonné à tort d’avoir couché avec deux patients, sans autre précision.

La cour estime que ce témoignage n’établit pas suffisamment l’existence des faits invoqués par Mme X comme constitutifs d’agissements harcelants.

Mme X évoque le cas d’une autre salariée, Madame H, ayant également déposé plainte contre l’infirmière référente Mme Z le 26 février 2018 pour harcèlement moral, et ayant démissionné de ses fonctions.

Il est produit son audition lors de son dépôt de plainte le 26 février 2018, relatant le départ d’une autre aide-soignante et sa mésentente avec l’infirmière référente ; il ressort de ce témoignage qu’il existait une mésentente entre plusieurs personnels soignants, mais Mme X n’est nullement évoquée à quelque titre que ce soit.

Cet élément ne permet pas davantage d’établir les faits dénoncés par Mme X et contestés par l’association Edenis.

Mme H a par ailleurs témoigné au profit de Mme X, elle se contente d’indiquer dans son attestation qu’il s’agit d’une bonne professionnelle, tout comme Mmes I et J et M. K, autres collègues de Mme X. Aucun d’entre eux n’évoque les faits dénoncés par la salariée.

Dans ces conditions, la cour constate l’absence d’éléments concrets laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de Mme X, étant précisé que le certificat médical d’arrêt de travail de Mme X ne permet pas de faire le lien entre l’état de santé de la salariée et ses conditions de travail.

La cour confirmera donc le jugement entrepris ayant débouté Mme X de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral.

Elle le confirmera de manière subséquente en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, dans la mesure où la salariée reproche à l’association Edenis de n’avoir pris aucune mesure à la suite du harcèlement dénoncé, harcèlement jugé non constitué.

Sur le surplus des demandes :

Mme X, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu’aux dépens d’appel.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’association Edenis à payer à Mme X la somme de 2000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes présentées sur ce fondement seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire, des demandes en paiement y afférentes, de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement moral et pour manquement à l’obligation de sécurité,

L’infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme X repose sur une faute grave,

Déboute Mme X de l’ensemble de ses demandes afférentes au licenciement et à la mise à pied conservatoire, et de sa demande de délivrance de documents sociaux rectifiés,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

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