Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 1, 30 juin 2023, n° 21/01591

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 30 juin 2023, n° 21/01591
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 21/01591
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Albi, 23 mars 2021, N° 18/00113
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 7 juillet 2023
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Sur les parties

Texte intégral

30/06/2023

ARRÊT N°2023/299

N° RG 21/01591 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OCXG

MD/LT

Décision déférée du 24 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Albi ( 18/00113)

M. CHEVALLIER-JOLIMAITRE

Section activités diverses

[EY] [A]

C/

Association CRECHE HALTE GARDERIE 'LA MAISON DES ENFANTS'

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 30 juin 2023

à Me TERRIE, Me CULIE

Ccc à Pôle Emploi

le 30 juin 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [EY] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thibault TERRIE de la SELARL TERRIE CHACON, avocat au barreau D’ALBI

INTIM''E

Association CRECHE HALTE GARDERIE 'LA MAISON DES ENFANTS'

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Fanny CULIE de la SELARL CCDA AVOCATS, avocat au barreau D’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE:

Mme [EY] [A] a été embauchée le 2 novembre 2006 par l’association Crèche Halte Garderie 'La maison des enfants’ en qualité de directrice de crèche suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des centres sociaux et sociaux culturels du 4 juin 1983.

Madame [A] a fait l’objet d’un arrêt de travail relatif à une maternité du 19 mai 2017 au 21 septembre 2017.

A sa reprise, elle a sollicité un temps partiel à hauteur de 80 %, qui a été accepté par l’employeur.

Madame [A] a été placée en arrêt maladie à compter du 6 septembre 2018.

Par courrier du 11 septembre 2018, Mme [A] a été convoquée à un entretien.

Par courrier du 1er octobre 2018, une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée avec convocation à entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 12 octobre 2018.

Par courrier du 19 octobre 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

Mme [A] a saisi le conseil de prud’hommes d’Albi le 21 novembre 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes d’Albi, section activités diverses, par jugement du 24 mars 2021, a :

— dit que la procédure de licenciement est régulière,

— dit que le licenciement de Mme [A] pour faute grave est fondé et justifié,

— dit que les griefs retenus à l’encontre de Mme [A] ne présentent pas de caractère injurieux et infamant,

— débouté Mme [A] de l’ensemble de ses demandes,

— condamné Mme [A] à verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’association La maison des enfants,

— condamné Mme [A] aux entiers dépens.

Par déclaration du 8 avril 2021, Mme [A] [EY] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 mars 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 août 2021, Mme [A] [EY] demande à la cour de :

— infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que :

* la procédure de licenciement est régulière,

* le licenciement repose sur une faute grave,

* les griefs retenus à l’encontre de Mme [A] ne représentent pas de caractère injurieux et infamant,

* condamné Mme [A] à payer à l’association La maison des enfants la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

En conséquence :

— juger que la procédure de licenciement est irrégulière et condamner à ce titre l’association La maison des enfants à lui payer la somme de 2.080 euros à titre de dommages et intérêts,

— juger que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et condamner l’association La maison des enfants à lui payer :

l’indemnité correspondant à la mise à pied à titre conservatoire : 1 599,86 euros

L’indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied à titre conservatoire : 159,98 euros

L’indemnité compensatrice de préavis : 4 160,50 euros

L’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 416,05 euros

L’indemnité conventionnelle de licenciement : 12 480 euros

L’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 22 882 euros

— juger que les griefs mentionnés à son endroit au terme de la lettre de licenciement sont injurieux et infamants et condamner l’association La Maison des Enfants à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner l’association La maison des enfants à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’association La maison des enfants aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 23 juillet 2021, l’association La Maison des Enfants demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit que la procédure de licenciement est régulière ;

* dit que le licenciement de Mme [A] pour faute grave est fondé et justifié ;

* dit que les griefs retenus à l’encontre de Mme [A] ne présentent pas de caractère injurieux et infamant ;

— débouté Mme [A] de l’ensemble de ses demandes.

Y ajoutant

— condamner Mme [A] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme [A] aux entiers dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 5 mai 2023.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION:

Sur le licenciement :

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Le courrier de licenciement est ainsi rédigé :

« Conformément aux dispositions légales, nous vous informons que cette mesure se justifie en raison :

— d’une violation grave, délibérée, caractérisée et réitérée de vos obligations contractuelles ;

— de propos insultants et d’un comportement totalement inadapté vis-à-vis de certains

de vos collègues de travail ;

— de propos insultants et d’un comportement totalement inadapté vis-à-vis de certains

enfants ;

— d’un manque de rigueur et de sérieux dans l’exercice de vos fonctions de Directrice.

En effet, à la suite de deux démissions de salariées et d’un abandon de poste temporellement proches, nous avons été amenés à nous interroger sur les raisons ayant poussé ces salariées à agir ainsi.

Nous avons donc procédé à une enquête en proposant à chaque salarié de l’Association de participer à un échange avec les membres du bureau.

Au cours de ces échanges, plusieurs salariés nous ont informé avoir pu constater divers manquements à votre égard, sans que cette liste ne soit malheureusement limitative ni exhaustive, tels que :

— faire peur volontairement aux enfants [S] [TW] et [H] [M] avec un déguisement de renne, voyant pourtant que ces derniers étaient terrorisés par ce déguisement ;

— raconter votre vie privée et intime à vos collègues de travail en présence d’enfants ;

— surnommer les enfants [O] [R] et [XI] [ZU] de « petites trisomiques»

— adopter un langage grossier et insultant envers les enfants. Vous avez ainsi dit « Ta gueule » ou encore « elle arrête de jacasser celle-là, on ne s’entend pas parler » à l’enfant [IY] [UJ]. Vous avez également dit « va plus loin, tu pues » ;

— adopter un comportement déplacé et vulgaire en présence des enfants : doigt d’honneur, langage grossier et expressions vulgaires telles que « dans ton cul » ou encore « regardez comment il est habillé » ;

— jeter une peluche de rongeur sur l’une de vos collègues de travail en sachant pertinemment que cette dernière a la phobie des rongeurs et déclenchant, par voie de conséquence des hurlements de votre collègue et, par voie de conséquence, des cris et des pleurs des enfants présents, apeurés par la réaction de cette collègue ;

— dire à l’enfant [XI] [MY] que vous alliez la « virer » de la crèche car elle « pue » et parce que ses parents avaient un retard de paiement à hauteur de 60 euros

— décrocher les mains de l’enfant [G] [FZ], handicapée physique, lorsqu’elle s’agrippe à vous pour tenter de se maintenir debout, ce qui la déséquilibre et la fait tomber, au risque de se blesser gravement ;

— utiliser le terme « cas sociaux » à propos de la s’ur cadette de l’enfant [G] [FZ]

— refuser que des salariés passent de la crème sur l’enfant [MK] [SL] alors que ce dernier présentait une inflammation cutanée (eczema), ce qui constitue un mauvais traitement ;

— forcer les enfants [H] [M], [GM] [OW], [XI] [ZU] et [V] [UJ] à manger au-delà de leur faim, parfois jusqu’au vomissement, ce qui constitue des mauvais traitements pour lesquels des sanctions pénales sont envisageables ;

— chanter des chansons paillardes devant les enfants ;

— hurler sur les enfants de manière récurrente ;

— manger dans les plats des enfants avec les doigts, au mépris des règles d’hygiène et

d’éducation que vous êtes chargée de faire respecter ;

— empoigner brutalement l’enfant [E] [T] par le bras pour lui faire quitter violemment la table, en lui hurlant dessus, ce qui constitue un mauvais traitement ;

— pincer les tétons de l’enfant [UX] [PX], que sa maman avait était contrainte de déposer en couche à la crèche, en disant « pouet pouet » et en ajoutant « va montrer tes nénés ».

Nous avons également pu constater, suite à l’enquête qui a été menée, que vous ne remplissiez pas un certain nombre de tâches inhérentes aux fonctions de Directrice d’une Association telle que la nôtre, telles que, par exemple :

— vous ne tenez plus à jour le registre d’entrée et sortie du personnel depuis 2016 ;

— vous n’avez mis en place aucun document unique de sécurité, ce qui aurait pu engager

la responsabilité de l’Association. Le bureau a dû pallier à ce manquement dans

l’urgence au mois de septembre 2018 ;

— vous n’avez pas affiché les consignes qui doivent être suivies en cas d’incendie

(notamment), ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques ;

— vous ne tenez plus à jour le registre de la médecine du travail depuis janvier 2018 ;

— les dossiers de certains enfants sont incomplets (des documents et autorisations sont

notamment manquants).

Vos agissements, de par leur particulièrement gravité, notamment ceux dirigés directement envers des enfants et envers vos collègues de travail, ne sauraient en aucun cas être tolérés au sein de notre Association, soucieuse du bien-être de tous.

Après réflexion, et compte tenu de votre absence totale d’explication satisfaisante sur votre comportement, nous considérons que les faits exposés ci-dessus sont constitutifs d’une faute grave et rendent incompatible toute poursuite de votre contrat de travail dès ce jour.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous notifions votre licenciement pour faute grave».

Sur le contexte précédant la découverte des faits par l’Association, celle-ci explique que suite à la démission au mois de mai et juin 2018 de deux assistantes d’animation disposant d’une importante ancienneté, Madame [YX] [C] et Madame [D] [N] ([NZ]), cette dernière a précisé que son départ était lié à une mauvaise ambiance, des remises en question des compétences et des différences de traitement de la part de la Directrice, Madame [A] .

Madame [CM] [BN], également éducatrice petite enfance depuis 2008 ne s’est plus présentée à son poste de travail, invoquant les mêmes raisons outre l’existence de cas de mauvais traitements récurrents sur certains enfants.

Le 4 septembre 2018, le Conseil d’administration de l’Association a voté la mise en oeuvre d’une enquête sur les faits révélés par des entretiens individuels des salariées afin de recueillir leur opinion quant aux conditions d’exercice de leur travail ainsi qu’à la qualité de l’accueil des enfants.

Par courrier du 11 septembre 2018, Mme [A] était invitée à un entretien avec un membre du bureau et un élu de la communauté des communes fixé le 21 septembre 2018 pour échanger sur 'les conditions d’exercice de votre travail et la qualité de l’accueil des enfants'.

A l’issue des entretiens révélant que certains salariés, dont Madame [A], avaient commis des mauvais traitements sur certains enfants de la crèche, par courrier du 1er octobre 2018, elle a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable fixé au 12 octobre 2018.

Mme [A] conteste les griefs reprochés et remet en cause les attestations versées par l’employeur.

***

A la lecture des comptes-rendus d’entretiens signés de 4 salariées: Mesdames [N], [BN], [RY] et [B], selon un support de questions identiques, il ressort que celles-ci soulignent des conditions de travail difficiles en lien avec le comportement de la directrice (Mme [EY] [A]) et d’autres salariés comme '[Y]' ( Mme [Y] [AE]) dues à du dénigrement, du favoritisme, un manque de communication et des comportements inappropriés envers les enfants ( moqueries – insultes – prise en charge inadéquate – actes de maltraitance).

L’association verse des attestations rédigées dans la même période de temps en septembre 2018 par ces salariées que l’appelante remet en cause:

— Mme [C]:

« J’ai démissionné de la crèche « la maison des enfants » à [Adresse 5] pour les raisons suivantes : mal être au sein de l’équipe et non accord avec ce qu’il s’y passait.

Faits lors de la prise de repas :

[EY] [WL]/[A] la Directrice, [P] [M] pouvaient pousser les enfants jusqu’à la limite du vomissement sur les enfants [GM] [OW], [V] [UJ], [H] [M] et [XI] [ZU]. (..)

[E] [T] a été contrainte de quitter la table pour changer de pièce par [EY] [A] qui lui hurla dessus que ça suffisait. Une maman est entrée à l’accueil récupérer sa fille qui partait à midi, [UX] [VK]. Sa maman resta choquée de l’intervention violente et dès le lendemain matin en a demandé des explications. Par la suite la petite [E] [T] se tenait à distance de [EY] [A]. Rien ne fût relaté à ses parents. (..)

Au début de repas, [EY] [A] se servait dans les plats, toujours avec la même cuillère et pouvait même manger avec les doigts, alors que les enfants n’avaient pas fini leurs repas (..).

Sur les moqueries:

[EY] [A] surnommait [XI] [ZU] de « trisomique », terme qui a été repris par Mme [AE] (..).

Sur la peur des rongeurs:

[HA] [YJ], animatrice de qui j’étais proche, a la phobie des rongeurs. Un parent nous ayant donné des peluches, [HA] a eu une espèce de loutre en horreur. Cette peluche la terrifiait et elle ne pouvait pas la toucher. Cette peluche était rangée dans le bureau de la Directrice. Lors d’un repas, [EY] [A] a jeté la peluche sur [HA]. Celle-ci a pris peur et s’est mise à hurler en faisant des grands gestes. La petite [W] [FL] a pris peur et s’est mise à pleurer.(..) '.

Madame [BN] ( ancienne salariée ayant signé une rupture conventionnelle) :

« (..) [EY] [WL]/[A], [Y] [AE], [P] [M] et [K] [TI] critiquent les enfants, contredisent les docteurs, contredisent les autres employés, critiquent les parents. Racontent leur vie privée et intime.Disent les noms des enfants qu’elles « n’aiment pas », citent des enfants disant « qu’ils puent ». Donnent des surnoms, exemple : [XI] [ZU] « la petite trisomique », [O] [R] est également citée comme trisomique car elle ressemblerait à [XI] [ZU]. Toutes ces choses sont dites devant les enfants en question et les autres enfants.

[EY] [WL] et [Y] [AE] disent « ta gueule » aux enfants qui parlent en même temps qu’elles. Ceci s’est souvent produit sur [IY] [UJ]. Elles disent des gros mots, des expressions vulgaires comme « dans ton cul » et font des doigts d’honneur.(..)

[EY] [WL] contredit tous les jours [Z] [RY] sans fondement, elle lui dit qu’elle « ne fera plus les repas » ou n’accueillera plus les familles si elle ne dit pas ou ne fait pas ce que cette dernière souhaite. [Z] [RY] est toujours rabaissée jusqu’à ce qu’elle soit rouge, gênée, ne dise plus rien et ne sache pas quoi faire. (..)

[EY] [WL] et [Y] [AE] me disent souvent « ne t’assois pas là, avec ton gros cul tu ne rentreras jamais » et grands nombres d’autres points sur mon physique comme ce soir où je suis rentrée dans la structure avec une serre-tête à n’uds dans les cheveux, j’ai été la risée de [EY] [WL] avant même qu’on m’ait dit bonjour, celle-ci a appelé « [Y] »(..).

[EY] [WL] est venue me voir dans la salle « piscine à balles » me disant « je veux virer [XI] ([MY]) car elle put et les parents nous doivent dans les 60 euros ». Je lui ai répondu « les parents d'[U] ([J]) nous doivent 760 euros », information qu’elle nous avait donné antérieurement. Elle m’a répondu « ouais mais eux c’est pas pareil ». (..)

[G] [FZ] une enfant handicapée physique se tenait à nos jambes pour se lever et se maintenir debout. [EY] [WL] lui décrochait les mains, ce qui la déséquilibrait et la faisait tomber. La maman de cet enfant a voulu inscrire son enfant plus jeune à la crèche mais sa requête est restée vaine car [EY] [WL] ne voulait pas de « cas sociaux en plus », pour la citer. (..)

( Sur la demande des parents de [MK] [SL] de mettre de la pommade pour l’eczéma), [DN] [WL] nous a dit de ne pas le faire. 'Les parents n’ont qu’à se démerder avec leur gosse, s’ils ne sont pas capables de s’en occuper il ne fallait pas le faire aussi jeune '(..).

[EY] [WL] mange dans les plats des enfants avant qu’ils soient servis, avec une cuillère à même le plat. Nous ne pouvons pas toujours resservir les enfants. Elle a interdit à [Z] [RY] de resservir les enfants et les autres collègues ont le droit en petite quantité. Ce n’est parfois pas possible si elle a trop mangé.

Certains enfants doivent manger en quantité jusqu’au haut-le-c’ur et doivent goûter à tout, même les aliments qui sont au menu très régulièrement. Ces derniers pleurent. Cette situation s’est souvent produite sur [H] [M], [GM] [OW], [V] [UJ] et d’autres enfants dont [EY] [WL] et [P] [M] s’occupaient. (..)

Sa fille, [L] [A], présente à ce jour, a un lit seule alors que d’autres enfants partagent leur lit avec d’autres en fonction de leur planning, mais a également un dortoir seule et des couvertures lui sont réservées afin de lui faire un lit douillé. (..)'

— Madame [Z] [RY], éducatrice, écrit :

« J’ai été témoin, à l’intérieur de la crèche, de gros mots de la part de [EY] [WL] et [Y] [AE]. Elles s’insultaient devant les enfants avec en prime des doigts d’honneur en présence des enfants (..).

Durant la période 2017-2018, Madame [WL] [EY] a mangé dans les plats des enfants, avec les doigts, pendant que nous les servions.

Je l’ai entendu crier cette phrase sur l’enfant [IY] [UJ]: « elle arrête de jacasser celle-là, on ne s’entend pas parler ». L’enfant est restée pétrifiée sur place, mars 2018, elle s’est mise à pleurer, tellement le ton était d’une telle force, que même moi j’en étais abasourdie (..)

Et je ne parle pas des moqueries sur le physique de certaines collègues, les grosses fesses de [CM], de [YX], sur mes chansons mimes, que je suis restée un moment sans chanter, je recommence depuis la nouvelle équipe. '

Mme [B], engagée en contrat CAE de 24 H/ semaine de juin 2016 à juin 2017, fait part de l’existence de clans et de difficultés à trouver sa place, face au 'trio directoire’ ([EY] [WL], [Y] [AE], [P] [RK]) la rabaissant, voire l’ignorant. Elle indique qu’elle a constaté des manques professionnels: le trio hurlait très souvent sur les enfants, leur langage en présence des enfants était très familier, voire vulgaire et elle a entendu la direction ou [Y] dire 'ta gueule’ à un enfant.

Elle confirme également des paroles blessantes envers les enfants (' va plus loin, tu pus’ ou 'regardez comme il est mal habillé'), du favoritisme pour les enfants du bureau, un manque d’hygiène ( Mme [WL] goûtant les plats des enfants).

S’il s’évince des attestations l’existence d’un clivage au sein du personnel, les témoignages des salariées ou anciennes salariées sont circonstanciés et concordants sur les comportements de Mme [A] à l’égard des enfants ou de leurs collègues. Ils corroborent les griefs formulés par l’employeur (à l’exception de l’évocation de la vie privée et des chansons paillardes) et le départ de 2 des salariées de la crèche ne remet pas en cause la crédibilité des attestations rédigées en la forme légale. Pas plus le fait que Mme [B] soit revenue faire un remplacement pour la période du 17 au 21 septembre 2018, durant laquelle Mme [A] était en arrêt-maladie.

Sont également communiqués des témoignages de parents, ainsi:

— Madame [PX] (mère des enfants [UX] et [NL] [VK] ) explique que:

. au cours de l’année 2013, alors qu’elle venait chercher sa fille [UX] vers 12H30, [EY] [WL] avait empoigné brutalement une petite fille nommée [E] par un bras après lui avoir parlé de manière très forte et l’a amenée vers la baie vitrée de façon soudaine en tenant fermement la fillette par le bras droit tout en lui hurlant dessus,

. au mois de juillet 2018, du fait des fortes chaleur, elle a amené sa fille [NL] en couches dès le matin et elle indique: « [EY] [WL] qui sortait de son bureau, passe à côté de nous et pince des deux mains les deux tétons de ma fille en disant « pouet pouet » puis a dit 'vas montrer tes nénés’ et [P] [RK] a ajouté: ' venez voir les nénés de [NL]'.

— Madame [BZ] (mère des enfants [XW] et [E]) reproche à la Directrice de crier beaucoup sur [XW] et que sur les photos de groupe on voyait toujours les mêmes enfants, mais jamais [XW].

A la suite d’un différend sur l’alimentation concernant sa fille présente à la crèche de novembre 2017 à août 2018, elle a changé de crèche.

— Madame [X] (grand-mère de [IY] [UJ]) atteste :

« [IY] commençait à parler dans son langage et chaque fois qu’elle revenait de la crèche, elle jouait en criant, brandissant son doigt et disant à un moment très clairement « ta gueule » (son premier mot). (..) Son comportement a changé depuis le renvoi de ces deux dames. Un changement radical a été ressenti ».

— Madame [JL] (mère de l’enfant [MK] [SL]) témoigne :

« A ce jour, mon enfant m’a fait part de mauvais traitements à son égard. [EY] [A] aurait mis ses doigts dans la bouche de [MK] au moment des repas pour le forcer à l’ouvrir et à manger. (..)

Par la suite, cela a été difficile pour [MK] de manger correctement, il refusait la nourriture ou mangeait peu. Il s’est mis à cracher dans son assiette en disant « je vais vomir » et à avoir des hauts le c’ur avec un total refus d’avaler ce qu’il avait dans la bouche ». (..)

[MK] m’a également cité des réflexions (« tu n’es pas beau »), des injures (« ta gueule ») et a parlé de scotch ».

Ce qui m’a marqué est le fait qu’il dise être content de ne plus aller à la crèche mais surtout sa demande après m’avoir raconté ce qu’on lui faisait ou disait à la crèche, je cite « tu le dis à personne, hein maman ». Il dit également que ça lui faisait de la peine et que ce qu’on lui faisait lui faisait mal, notamment au moment des repas ».

— Madame [PJ] (mère de [H] et [IK] [M] ) fait le constat suivant: « Constats à la maison concernant [H] (ayant fréquenté la crèche de janvier 2015 à décembre 2017): difficultés à s’alimenter avec des haut-le-c’ur pouvant aller jusqu’au vomissement, sans comprendre pourquoi, de 1 à 4 fois par semaine. Très nette amélioration à partir du moment où il est rentré à l’école (réflexe qui a disparu aujourd’hui) et [H] commence à presque 5 ans à goûter sans crainte. »

Les témoignages des parents sur des faits précis constatés par eux (concernant les enfants [E] et [NL]) confortent les dénonciations des salariées.

Si les propos et ressentis exprimés par les enfants en bas âge auprès de leur famille doivent être accueillis avec prudence, ils peuvent être mis en lien avec des situations décrites par les salariées s’agissant des agissements inadaptés de la directrice à l’égard des enfants (injures et repas).

Mme [A] produit à son tour des attestations:

. de parents ne formulant pas de critiques et évoquant son professionnalisme, dont l’intimée souligne qu’un certain nombre ont fait garder leurs enfants avant 2015,

. de 2 salariées: Mme [TI], animatrice, engagée en 2013 faisant état d’une bonne ambiance, de même Mme [I] ayant travaillé 19 jours avec Mme [A] entre juillet et septembre 2018,

. de 4 membres du bureau du conseil d’administration n’ayant pas relevé de difficulté.

Ainsi M. [F], Président de l’association de 2017 à mai 2018 évoque 'un fonctionnement globalement satisfaisant dans la vie de la crèche, avec une ambiance apparemment conviviale et chaleureuse au sein du personnel et envers les enfants'. Il indique n’avoir reçu aucune information directe ou indirecte de salariés ou parents sur des dysfonctionnements éventuels.

Au contraire Mme [LX] (mère des enfants [XI] et [UX] [KM]), également membre du bureau comme vice-trésorière depuis 2016, puis trésorière depuis 2018, énonce que Mme [A] adoptait une posture de toute puissance à l’égard des salariés et sollicitait peu le Bureau qui, n’étant pas au sein de la structure, lui faisait confiance; qu’elle a identifié une affinité particulière entre Mme [A] et Mme [AE] que la directrice mettait en avant; que Mme [WL] n’adhérait pas à la manière de travailler de Mme [RY].

Au regard de l’ensemble des éléments versés, les témoignages favorables à Mme [A] ne remettent pas en cause le caractère circonstancié et concordant des attestations versées par l’employeur sur des faits graves seulement révélés en septembre 2018, contraires à la vocation de la crèche d’assurer une prise en charge en toute sérénité et confiance des enfants.

Au surplus, sur les manquements de Mme [A] quant à la gestion administrative, l’employeur rappelle que la fiche de poste de « coordinatrice » de Mme [A] prévoyait la mise à jour des documents nécessaires au fonctionnement de la structure et la gestion et la responsabilité administrative de l’établissement, missions reprises par Madame [JZ] [LJ], directrice remplaçante.

Celle-ci atteste qu’à son arrivée, en décembre 2018, elle a « dû affronter un chaos administratif »: pas de protocole de conduite à tenir , pas d’affichage obligatoire; pas d’accès aux rapports d’activité devant obligatoirement être transmis à la PMI ; pas de classement des déclarations CAF ; dossiers d’inscription d’enfants incomplets, voire erronés.

S’il est objecté que le rapport de la CAF intervenu suite à un contrôle en février 2017, il se rapportait à l’année 2015, soit antérieure de plus de 2 ans au départ de l’appelante et ne concernait pas la gestion administrative de la crèche.

L’association produit en outre la déclaration des effectifs pour l’année 2018 établie le 15 janvier 2018 par Madame [A] et adressée au service de santé au travail (SPSTT) et souligne des erreurs quant aux dates d’entrée et sortie et nature de contrat de 4 salariées.

La gravité des divers manquements de Mme [A], ayant la responsabilité de faire appliquer des règles identiques et pédagogiques de prise en charge des enfants et de respect et de dignité des personnes (enfants et personnel) outre celle de la gestion du suivi administratif, justifie le licenciement pour faute grave de la directrice, laquelle ne pouvait être maintenue dans l’association.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé sur ce chef, de même sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour caractère injurieux des griefs invoqués, puisque le licenciement pour faute grave est fondé.

Mme [A] soulève en outre l’irrégularité de la procédure de licenciement en ce que lors de l’entretien préalable, tous les motifs du licenciement n’ont pas été évoqués.

Une éventuelle irrégularité ne pourrait donner lieu à indemnité pour vice de forme que dans le cas d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse. La demande est rejetée.

V/ Sur les demandes annexes:

Mme [A], partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute l’association Crèche Halte Garderie 'La maison des enfants’ de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [EY] [A] aux dépens d’appel .

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR''SIDENTE

C. DELVER S. BLUM''

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Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 1, 30 juin 2023, n° 21/01591