Cour d'appel de Versailles, du 20 novembre 1997, 1995-9054

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  • Agence·
  • Budget publicitaire·
  • Mission·
  • Reproductions illicites·
  • Distinctif·
  • Publicité·
  • Droit de reproduction

Résumé de la juridiction

Une agence de publicité peut prétendre à un préavis en cas de rupture de ses relations avec un annonceur lorsque celui-ci lui a confié, pour une durée indéterminée, une mission générale de gestion de l’intégralité d’un budget publicitaire. Il n’est pas nécessaire, à cet égard, que la mission se rapporte à l’ensemble des actions publicitaires de l’annonceur, pourvu qu’elle concerne un secteur entier dudit budget et implique une stratégie publicitaire. En revanche, une agence de publicité ne saurait prétendre à un préavis lorsqu’elle n’est chargée, même par des contrats successifs, que de missions ponctuelles La cession du droit d’utilisation des pictogrammes constituant des signes distinctifs d’identification de produits est présumée, du fait de la nature et de l’objet de ces créations, résulter de leur seule fourniture au client lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une réserve expresse et précise permettant au dit client de connaître l’exacte consistance de ce qui lui est fourni

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 20 nov. 1997, n° 95/09054
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 1995-9054
Importance : Inédit
Textes appliqués :
Code de la propriété intellectuelle L132, L131

Nouveau code de procédure civile 700, 699

Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006934660
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Sur les parties

Texte intégral

La société DOME, agence de publicité, a réalisé pendant de nombreuses années divers documents publicitaires pour le compte de la société SAINT-GOBAIN VITRAGE, afin de promouvoir les produits fabriqués par cette dernière auprès du grand public et des professionnels.

Courant février 1993, la société SAINT-GOBAIN VITRAGE a cessé de confier sa publicité à la société DOME, mais a continué d’exploiter les pictogrammes réalisés par cette agence publicitaire.

Dans ces conditions, la société DOME a assigné la société SAINT-GOBAIN VITRAGE devant le tribunal de commerce de NANTERRE pour rupture abusive et reproduction illicite et contrefaçon de ses oeuvres. *

Par un jugement en date du 13 juin 1995, le tribunal de commerce de NANTERRE a rejeté les demandes formulées par la société DOME aux motifs qu’il ne pouvait y avoir abus dans la rupture de relations ponctuelles liées à des contrats distincts. Par ailleurs, il a considéré que les droits de reproduction des pictogrammes en cause qui ont fait l’objet d’une cession qui n’a pas été constatée dans un écrit, ont été cédés dans la mesure de la destination de cette oeuvre et que celle-ci constituait un signe distinctif susceptible d’être apposable sur les produits. *

Appelante de cette décision, la société DOME fait valoir que les relations contractuelles, contrairement à ce qu’affirme le juge, ont été durables et constantes et qu’il en est résulté une oeuvre de création par la réalisation de dessins originaux et des commandes renouvelées dont elle a eu l’exclusivité de la réalisation durant de nombreuses années. En outre, elle estime que la rupture des relations s’est faite de manière abusive et préjudiciable à la société DOME, d’autant qu’un document établit que la société SAINT-GOBAIN VITRAGE envisageait de poursuivre les relations avec des concurrents. D’autre part, elle souligne que les correspondances qu’elle verse aux débats, démontrent la volonté de la société SAINT-GOBAIN VITRAGE d’éviter le litige, reconnaissant les circonstances de la rupture ; elle considère qu’un délai de préavis de six mois aurait dû être respecté. En ce qui concerne la reproduction illicite des créations publicitaires, la société DOME invoque la protection légale des oeuvres de l’esprit revêtant un caractère personnel et original, ce que ne conteste plus la société SAINT-GOBAIN VITRAGE. En outre, elle invoque le statut protecteur relatif à la cession des droits d’exploitation des oeuvres, qui impose un écrit mentionnant chaque droit cédé. A défaut, la portée est limitée aux modes d’exploitation prévus au contrat (lorsque l’un des deux modes est cédé, représentation ou reproduction) et les droits restent la propriété de l’agence. En l’espèce, aucune facture ne comportait une quelconque mention, concernant les droits de reproduction des créations litigieuses.

En conséquence, la société DOME demande l’infirmation du jugement et la condamnation de la société SAINT-GOBAIN VITRAGE à lui payer 800.000 francs de dommages et intérêts pour rupture abusive ; elle demande par ailleurs à la cour de juger les reproductions illicites et contrefaisantes et de condamner la société SAINT-GOBAIN VITRAGE à 800.000 francs, de dommages et intérêts ou subsidiairement, à 300.000 francs à titre de provision.

Elle demande alors la désignation d’un expert. Elle sollicite enfin la condamnation de la société SAINT-GOBAIN VITRAGE à lui payer 50.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société SAINT-GOBAIN VITRAGE relève, dans un premier temps que les relations entre l’agence et elle étaient ponctuelles. L’agence n’était pas chargée de la gestion intégrale du budget publicitaire. D’autres agences de publicité ont, en effet, travaillé pour son compte. Par conséquent, elle était libre de se dégager des relations et l’agence ne pouvait prétendre à un préavis, ce qu’elle a d’ailleurs admis.

D’autre part, elle fait valoir qu’elle avait acquis les droits de reproduire les pictogrammes sur les produits dont ils ont pour objet de symboliser les fonctions, et indissociablement la reproduction sur les documents publicitaires. Par ailleurs, elle souligne que les pictogrammes sont avant tout un instrument de communication. Ils revêtent une nature particulière puisqu’il s’agit de signes distinctifs, ce qui influe directement sur la cession des droits dont ils font l’objet. Elle conclut à inapplicabilité de l’article L.132.31 du code de la propriété intellectuelle. Elle estime que la société DOME ne peut, par ailleurs, invoquer l’article L.131.3 du code de la propriété intellectuelle puisqu’elle a admis avoir cédé les droits de reproduction alors même qu’aucun écrit n’a été constaté. Dans cette situation, les droits sur l’oeuvre commandée sont cédés dans la mesure de la destination de celle-ci. Ainsi celui qui commande une oeuvre constituant un signe distinctif, acquiert à la fois le droit de l’apposer sur ces produits et de les reproduire dans des documents publicitaires consacrés aux produits en cause.

En conséquence, elle demande la confirmation du jugement et 50.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

. Sur le caractère de la rupture

Attendu qu’une agence de publicité peut prétendre à un préavis en cas de rupture de ses relations avec un annonceur lorsque celui-ci lui a confié, pour une durée indéterminée, une mission générale de gestion de l’intégralité d’un budget publicitaire ; qu’il n’est pas nécessaire à cet égard que la mission se rapporte à l’ensemble des actions publicitaires de l’annonceur, pourvu qu’elle concerne un secteur entier dudit budget et implique une stratégie publicitaire ; qu’en revanche, une agence ne saurait prétendre à un tel préavis lorsqu’elle n’est chargée, même par des contrats successifs, que de missions ponctuelles ;

Attendu qu’il est constant que depuis 1985, la société SAINT GOBAIN VITRAGE a conclu avec la société DOME des contrats publicitaires ponctuels nombreux, relatifs à des missions variées ;

Attendu par ailleurs que depuis janvier 1989, elle lui a, outre la poursuite de telles missions ponctuelles, confié de façon suivie, l’étude et la réalisation des pictogrammes-fonctions, destinés à symboliser plusieurs aspects de ses productions ;

Attendu que cette mission, qui concerne une branche spécifique de la publicité de la société SAINT GOBAIN VITRAGE nécessite, pour sa mise en oeuvre, une stratégie publicitaire déterminée et spécifique ;

Attendu qu’il résulte des contrats produits, que cette mission confiée à la société DOME s’est poursuivie de façon continue (avril 1989, mai 1989, juillet 1989, août 1989, septembre 1989, novembre 1989, janvier 1990, février 1990, juillet 1990, septembre 1990, février 1991, janvier 1992, juillet 1992, août 1992) ;

Attendu que les factures d’autres agences de publicité versées aux débats par la société SAINT GOBAIN VITRAGE, pour paiement de prestations effectuées en 1990, 1991 et 1992, montrent que, durant ces années, aucune autre agence que l’agence DOME n’a effectué la réalisation de pictogrammes ; qu’il résulte de cet élément et du nombre de réalisation de pictogrammes-fonctions effectués par cette agence que celle-ci s’était vue, durant cette période, confier l’intégralité du budget pictogrammes-fonctions ;

Attendu dès lors que la société SAINT GOBAIN VITRAGES aurait dû respecter un préavis pour rompre la mission de gestion de son budget publicitaire des pictogrammes-fonctions qu’elle avait confié à la société DOME; que compte tenu du fait que la société DOME s’était vue confiée le budget publicitaire des pictogrammes-fonctions depuis quatre années, ce préavis aurait dû être de six mois et prendre en considération ce seul budget, à l’exclusion des missions ponctuelles concernant d’autres domaines qui s’étaient par ailleurs poursuivies; Attendu qu’en considération du budget publicitaire afférent aux pictogrammes-fonctions, à l’exclusion des autres missions ponctuellement confiées par ailleurs à la SARL DOME, il y a lieu de condamner SAINT GOBAIN VITRAGE à payer à celle-ci la somme de 150.000 francs d’indemnité compensatrice de résiliation ;

. Sur la reproduction des pictogrammes postérieurement à la rupture des relations contractuelles

Attendu que la cession du droit d’utilisation des pictogrammes constituant des signes distinctifs d’identification de produits est présumée, du fait de la nature et de l’objet de ces créations, résulter de leur seule fourniture au client lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une réserve expresse et précise permettant audit client de connaître l’exacte consistance de ce qui lui est fourni ;

Attendu qu’en l’espèce, à défaut d’une telle réserve expresse, la société DOME ne saurait prétendre qu’en continuant à utiliser, notamment sur des documents publicitaires, les pictogrammes qu’elle lui a cédés, la société SAINT GOBAIN VITRAGE aurait contrefait ces créations ; qu’elle doit, dès lors, être déboutée de ses demandes de ce chef ;

Attendu que l’équité conduit à condamnation de la société SAINT GOBAIN VITRAGE à payer à la société DOME la somme de 15.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

— Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau,

— Condamne la société anonyme SAINT GOBAIN VITRAGE à payer à la SARL DOME la somme de 150.000 francs d’indemnité compensatrice de résiliation ;

— Déboute la SARL DOME du surplus de ses demandes ;

— Condamne la société anonyme SAINT GOBAIN VITRAGE à lui payer 15.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

— Condamne la société anonyme SAINT GOBAIN VITRAGE aux dépens,

— Admet la SCP KEIME GUTTIN au bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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