Cour d'appel de Versailles, du 13 novembre 1998, 1996-7575

  • Responsabilité délictuelle ou quasidélictuelle·
  • Chose instrument du dommage·
  • Choses dont on à la garde·
  • Applications diverses·
  • Fait de la victime·
  • Fait de la chose·
  • Exonération·
  • Cheval·
  • Pierre·
  • Dalle

Résumé de la juridiction

Le propriétaire d’un cheval, dont l’animal s’est blessé en trébuchant sur une dalle de pierre dissimulée sous le sable de la piste d’un manège et a dû être euthanasié, est fondé à demander réparation de son dommage au gardien du manège, dès lors que la dalle de pierre, dont la présence, anormale sur la piste d’un manège, était invisible, a eu un rôle causal dans l’accident survenu à son cheval Ne constitue pas une faute le fait pour un cavalier expérimenté de faire travailler son cheval sans longe dans un manège prévu à cet effet, alors qu’il n’existait aucun avertissement particulier de la direction du manège sur les risques que présente cette pratique. Le gardien du manège est donc seul responsable des conséquences dommageables de l’accident survenu à l’animal

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13 nov. 1998, n° 96/07575
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 1996-7575
Importance : Inédit
Textes appliqués :
Code civil 1384 al. 1er
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006935240
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Texte intégral

Le 5 janvier 1996, Mademoiselle X… a fait assigner Monsieur Y… et la Compagnie d’Assurances GROUPE AZUR, devant le tribunal d’instance de GONESSE.

Mademoiselle X… a exposé que le 22 septembre 1994, à 10 heures, alors qu’elle entraînait son cheval « Mon Dada » dans le manège des ECURIES DE VITELLE à LOUVRES, propriété de Monsieur Y…, l’animal était à l’allure galop de travail sans longe, avec le cavalier au centre du manège, lorsqu’il a glissé sur une pierre de taille invisible, couverte par le sol sableux et a chuté sur une autre pierre, se brisant une jambe ; que le vétérinaire a dû prendre la décision d’euthanasier son cheval.

Elle a prétendu que la responsabilité de Monsieur Y… était

engagée à double titre, car il se devait de contrôler l’état de ses écuries et s’assurer de leur entretien et il a manqué à son obligation de conseil en n’interdisant pas aux propriétaires de faire courir leur cheval au galop de travail.

Elle a donc demandé au tribunal de condamner Monsieur Y… et la Compagnie d’Assurances GROUPE AZUR à lui payer la somme de 15.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, celle de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, celle de 5.000 Francs en réparation de son préjudice d’agrément, celle de 1.409,87 Francs à titre de remboursement de frais et celle de 8.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Y… et la Compagnie d’Assurances GROUPE AZUR ont répliqué que Mademoiselle X…, cliente des ECURIES DE VIELLE depuis février 1990, connaissait parfaitement les installations. Ils ont contesté l’existence d’une pierre de taille sous le sol sableux où évoluent les chevaux, en précisant qu’un procès-verbal de contrôle établi le 29 avril 1994 par le service régional des Haras ne comportait aucune mention à ce sujet.

Ils ont soutenu que le choix de Mademoiselle X… de faire galoper son cheval dans le manège, sans longe, est seul à l’origine de sa chute.

Il ont formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 22 mai 1996, le tribunal d’instance de GONESSE a débouté Mademoiselle X… de toutes ses demandes et Monsieur Y… de sa demande reconventionnelle et a laissé les dépens à la charge de Mademoiselle X….

Le 13 août 1996, Mademoiselle X… a interjeté appel.

Elle invoque le mauvais état du manège et son caractère dangereux qui seraient démontrés par le rapport de Monsieur Z…, expert spécialisé en matière d’installations hippiques, désigné en cette qualité par le président du tribunal de grande instance de PONTOISE et les témoignages qu’elle verse aux débats, au soutien de la mise en jeu de la responsabilité de Monsieur Y… sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil.

Concernant la responsabilité contractuelle de Monsieur Y…, elle soutient que celui-ci a manqué à ses obligations de sécurité et d’information.

Elle demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1384 alinéa 1er et subsidiairement celles de l’article 1147 du Code civil,

— déclarer Monsieur Y… entièrement responsable de l’accident dont a été victime le cheval « Mon Dada » appartenant à Mademoiselle A…

X…, le 22 septembre 1994,

En conséquence, condamner in solidum Monsieur Y… et son assureur le GROUPE AZUR à verser à Mademoiselle A…

X…, en réparation du préjudice subi par cette dernière, les sommes suivantes :

[* préjudice financier causé par la perte du cheval

15.000,00 Francs

*] préjudice moral causé par la perte du cheval

5.000,00 Francs

* frais de vétérinaire, d’autopsie, d’équarrissage

1.409,87 Francs

— les condamner sous la même solidarité aux frais de constats sur requêtes de Maître Jean-Pierre LECOCQ du 23 décembre 1997 et de Monsieur Frédéric Z… du 23 septembre 1996,

— condamner in solidum les intimés à lui payer la somme de 20.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

— les condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d’appel lesquels pourront être recouvrés par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Y… et la Compagnie d’Assurances GROUPE AZUR répliquent que la chute du cheval de Mademoiselle X… semble être la conséquence d’une mauvaise maîtrise par celle-ci d’un exercice risqué ; que Mademoiselle X… connaissait parfaitement le règlement intérieur de l’écurie et savait que le propriétaire est responsable de son cheval dès son entrée dans les lieux ; qu’elle doit donc assumer la responsabilité de l’accident, d’autant que les installations mises à sa disposition étaient conformes à la réglementation en vigueur et dépourvues de dangerosité.

Concernant la responsabilité du fait des choses, ils font valoir en effet qu’il n’existe ni trous, ni pierres, ni éléments glissants, ni aucune pierre de taille sur l’aire d’évolution des chevaux, ainsi

qu’il résulte non seulement du rapport du Service régional des Haras en date du 29 avril 1994 et du procès-verbal de constat de Maître LECOCQ, huissier de justice, mais aussi du rapport de Monsieur Z… ; que ce dernier signale la présence d’une longue dalle de pierre, mais qui est extérieure au périmètre d’évolution des chevaux ; que cette dalle n’est pas surmontée d’un pare-bottes (qui n’a pas pour finalité d’amortir la chute du cavalier ou du cheval), dans la mesure où elle se trouve à la sortie du manège ; que Mademoiselle X… n’établit pas que les installations appartenant à Monsieur Y… soient à l’origine de la chute de son cheval.

Concernant la responsabilité contractuelle, ils soulignent que les ECURIES DE VITELLE sont une pension pour chevaux, sans enseignement ni contrôle de l’utilisation des animaux ; que Monsieur Y… n’avait aucune raison d’attirer l’attention de la clientèle sur un

risque qui n’existe pas au regard de la législation.

Ils demandent à la Cour de :

— déclarer l’appel interjeté par Mademoiselle X… irrecevable, ou à tout le moins mal fondé,

En conséquence,

— la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

— condamner Mademoiselle X… à verser aux concluants la somme de 10.000 Francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

— condamner Mademoiselle X… aux entiers dépens, dont distraction

au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été signée à l’audience des plaidoiries, le 13 octobre 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que le rapport du service régional des Haras du 29 avril 1994 mentionne que le sol du manège n’est pas dangereux, ni trop profond, ni trop glissant, que des pare-botte, lices ou clôtures sont présents et que les portes et accès sont adaptés; que dans son procès-verbal de constat en date du 23 décembre 1994, Maître LECOCQ, huissier de justice, indique que la manège possède des pare-botte tout autour à l’exception d’une ouverture vers une carrière, qui est simplement fermée à l’aide d’une barre et par voie de conséquence, sans pare-bottes ; que l’huissier précise qu’il n’a constaté aucun trou ni dénivellation importante à l’intérieur du manège ;

Considérant que dans son rapport en date du 23 septembre 1996, Monsieur Z…, désigné en qualité de constatant spécialisé en matière d’installations hippiques, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de PONTOISE, n’a pas, lui non plus, constaté la présence ni de trous, ni de pierres ou éléments glissants sur la superficie utilisée avec un cheval travaillant monté ou à la longe ; que néanmoins, il a constaté, sur le côté du manège donnant sur la carrière (celui dépourvu de pare-bottes), la présence d’une longue dalle de pierre légèrement apparente et saillante sur la totalité du passage à la jonction du manège et de la carrière, située à l’intérieur du manège, à savoir sur le trajet d’un pare-botte inexistant, sans être pourtant sur le passage logique des chevaux montés ou longés dans le manège ;

Considérant que dans ses conclusions récapitulatives, Mlle X… soutient que son cheval a d’abord trébuché sur une pierre invisible sous le sablon de la piste, a ensuite glissé vers l’extérieur de celle-ci, est passé sous la barre métallique située à la jonction du manège et de la carrière et s’est fracassé la cuisse sur la longue dalle de pierre, dont Monsieur Z… a constaté la présence, qui était dissimulée par une couche de sablon au moment des faits ;

Considérant que Mademoiselle X… verse au dossier trois photographies réalisées en septembre 1994, (ainsi qu’il est indiqué sur leur verso) donc au moment des faits ; que sur deux d’entre elles, on peut voir que la longue dalle de pierre située à la limite du manège et de la carrière est recouverte d’une couche de sable qui

la rend invisible, sauf à l’endroit où ce sable est enlevé ; que sur la troisième, on peut apercevoir une masse dure, légèrement teintée, également recouverte d’une mince couche de sable ; que dans son témoignage précis et circonstancié, Monsieur B… atteste être arrivé sur les lieux de l’accident quelques minutes après qu’il fut survenu ; qu’il précise avoir remarqué les deux pierres, une jaune se trouvant vers la piste et l’autre blanche sous la barre, servant de fondation au porche ; que ces photographies et ce témoignage démontrent ainsi l’existence de ces deux pierres, recouvertes de sable et donc non visibles lors des faits ; que par la suite, la dalle se trouvant sous la barre a été dégagée, de sorte qu’elle était apparente lorsque Monsieur Z… a procédé à sa mission ; que l’autre pierre a pu être déplacée ; qu’en tout état de cause, Mademoiselle X… ayant apporté la preuve de la présence anormale, au moment des faits, d’une pierre sur la piste du manège, glissante sous le sabot du cheval et de celle d’une mince couche de sable recouvrant la dalle de seuil, qui dissimulait donc le danger sans l’annihiler, est bien fondée à invoquer le rôle causal de ces pierres, et par conséquent des installations du manège, dans l’accident survenu à son cheval ;

Considérant qu’il est constant que Mlle X…, qui est appelée à remplir les fonctions de président de jury de raids équestres d’endurance, ainsi qu’il ressort d’une attestation du 2 mai 1995, est une cavalière confirmée ; que Monsieur Y… ne prouve pas que ce soit une faute pour un cavalier expérimenté de faire travailler son cheval sans longe dans un manège prévu à cet effet et ce, alors qu’il n’existait aucun avertissement particulier de la direction du manège ; que de même, il ne peut utilement invoquer la connaissance des lieux par l’appelante, puisque la pierre à l’intérieur du manège (sur laquelle le cheval a glissé) était dissimulée sous le sable et que même la dalle de seuil était alors recouverte de sable également ; que par conséquent, Monsieur Y… en tant que gardien, doit être déclaré responsable de l’accident et de ses conséquences dommageables sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil ;

Considérant que ce n’est qu’à titre subsidiaire que Mademoiselle X… invoque la responsabilité contractuelle de Monsieur Y… ; qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner ce point ;

Considérant que dans un certificat daté du 6 décembre 1994, le Docteur C…, vétérinaire spécialiste du cheval, atteste qu’au moment de son décès, « Mon Dada », le cheval de Mademoiselle X…, valait 15.000 Francs ; que la facture du même Docteur C… correspondant à son déplacement pour l’euthanasie de « Mon Dada »,

s’est élevée à 860,69 Francs, celle des frais d’enlèvement à 237,20 Francs et celle de l’autopsie et de l’équarrissage à 632,30 Francs, soit un total de 1.750,19 Francs, sur lequel Mademoiselle X… ne réclame que 1.409,87 Francs ; que par ailleurs, celle-ci a subi un préjudice moral du fait de la perte de son cheval, que la Cour évalue à la somme de 5.000 Francs ;

Considérant que la Cour infirme le jugement déféré et condamne in solidum Monsieur Y… et son assureur le Groupe AZUR à payer à Mademoiselle X… les sommes de 15.000 Francs en réparation de son préjudice financier, 5.000 Francs en réparation de son préjudice moral et 1.409,87 Francs en remboursement des frais de vétérinaire, autopsie et équarrissage ; qu’elle les condamne également in solidum aux frais de constat de Maître LECOCQ et de Monsieur Z… ;

Considérant qu’eu égard à l’équité, il y a lieu d’allouer à Mademoiselle X… la somme de 7.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

DECLARE Monsieur Y… entièrement responsable de l’accident dont a été victime le cheval « Mon Dada » appartenant à Mademoiselle X…, survenu le 22 septembre 1994, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil ;

CONDAMNE in solidum Monsieur Y… et son assureur le Groupe AZUR à payer à Mademoiselle X…, les sommes de 15.000 Francs (QUINZE MILLE FRANCS) en réparation de son préjudice financier, 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en réparation de son préjudice moral et 1.409,87 Francs (MILLE QUATRE CENT NEUF FRANCS QUATRE VINGT SEPT CENTIMES) en remboursement des frais de vétérinaire, autopsie et équarrissage ;

LES CONDAMNE également in solidum aux frais de constat de Maître LECOCQ et de Monsieur Z… ;

DEBOUTE Monsieur Y… et la Cie d’assurances GROUPE AZUR des fins de toutes leurs demandes ;

CONDAMNE Monsieur Y… et la Cie d’assurances GROUPE AZUR in solidum à payer à Mademoiselle X… la somme de 7.000 Francs (SEPT MILLE FRANCS) sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX

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