Cour d'appel de Versailles, du 17 décembre 1999, 1996-1976

  • Révélation par le rapport d'expertise·
  • Connaissance de l'acquéreur·
  • Vices cachés·
  • Garantie·
  • Vice caché·
  • Véhicule·
  • Réparation·
  • Expertise·
  • Préjudice·
  • Intervention

Résumé de la juridiction

Le point de départ du bref délai pour agir en garantie des vices cachés de la chose vendue, tel que prévu par l’article 1648 du Code civil, ne court que du jour de la découverte du vice par l’acheteur. En l’occurrence, lorsque le moteur d’un véhicule a fait l’objet, à plusieurs reprises, d’interventions sur des pièces maîtresses dans le cadre de la garantie et qu’à aucun moment le réparateur n’a émis l’hypothèse d’un vice caché d’une ou des pièces livrées par le constructeur, le client n’a pu avoir une connaissance certaine de l’existence et de la consistance d’un vice caché du véhicule qu’au jour de la notification du rapport de l’expertise qui en fait état. L’expertise ayant été diligentée dans le cadre de l’instance d’appel, il ne peut être soutenu que le bref délai de l’article 1648 précité n’a pas été respecté. Il suit de là que l’action introduite au titre de la garantie des vices cachés est recevable

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www.argusdelassurance.com · 7 février 2018
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17 déc. 1999, n° 96/01976
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 1996-1976
Importance : Inédit
Textes appliqués :
Code civil, article 1648
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006936136
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE,

Le 14 octobre 1992, Monsieur X… a acheté une motocyclette de marque SUZUKI, modèle GN 250 n° série NJ A 122038, moyennant le prix de 20.000 Francs ; l’acheteur bénéficiait d’une garantie contractuelle d’un an, pièces et main d’oeuvre, à compter de la date d’acquisition.

Le 29 mai 1995, Monsieur X… a fait assigner la Société SUZUKI FRANCE devant le tribunal d’instance de VERSAILLES.

Monsieur X… a exposé que ce véhicule s’est avéré défectueux et a nécessité d’importantes réparations pendant la période de garantie, puis hors période de garantie ; que ces réparations ont toujours été prises en charge par le fabricant en raison des défectuosités qui entachaient ce type de véhicule et qui résultaient d’un défaut d’usinage des pièces entraînant l’usure prématurée du vilebrequin, de l’axe de piston et des roulements ; que cependant, au mois de janvier 1995, la SA SUZUKI FRANCE a refusé de prendre en charge la réparation d’incidents identiques aux précédents, au motif que Monsieur X… n’aurait pas justifié d’un entretien régulier de son véhicule, ce qu’il a contesté. Il a précisé que la prise en charge des réparations au titre de la garantie contractuelle et au-delà, supposait que le véhicule avait été contrôlé par la SA SUZUKI FRANCE,

ainsi qu’il est spécifié dans le carnet de garantie ; qu’il n’avait jamais occulté le fait qu’il faisait un usage professionnel de son véhicule.

Il a donc demandé au tribunal de condamner la SA SUZUKI FRANCE à lui payer la somme de 30.000 Francs, correspondant au montant des réparations à hauteur de 6.000 Francs et aux préjudices liés à la privation de jouissance à hauteur de 24.000 Francs, ainsi que la somme de 800 Francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; il a également sollicité que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SA SUZUKI FRANCE a répliqué que Monsieur X… n’a jamais été en mesure de justifier de l’entretien et des révisions régulières sur son véhicule ; que si elle a accepté, dans un premier temps, d’étendre sa garantie, c’est dans un but purement commercial ; que d’ailleurs, les interventions effectuées sur la moto sont pour cinq d’entre elles mineures et ont pu être effectuées dans un délai n’excédant pas 2 heures 30 minutes ; que les deux interventions les plus importantes ont nécessité une journée d’immobilisation ; que ces interventions ne justifient donc nullement le préjudice allégué par Monsieur X…. Elle a ajouté que la moto a été accidentée en avril 1994 ; que Monsieur X… n’a pas contesté utiliser sa motocyclette à des fins professionnelles, notamment pour effectuer

des livraisons ; qu’elle a pu constater des casses au niveau des rayons et des bruits au niveau du vilebrequin, sur les véhicules que leurs utilisateurs chargeaient trop lourdement, sans effectuer le minimum d’entretien par rapport au kilométrage effectué.

Elle a donc conclu au débouté des demandes de Monsieur X…. A titre reconventionnel, elle a sollicité le paiement de la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 11 janvier 1996, le tribunal d’instance de VERSAILLES a débouté Monsieur Eric X… de ses prétentions, ainsi que la SA SUZUKI FRANCE de sa demande reconventionnelle et a laissé les dépens à la charge du demandeur. Par jugement du 26 février 1996, le tribunal a ordonné la rectification matérielle contenue au dispositif du jugement du 11 janvier et dit que celui-ci était rendu en premier ressort.

Le 28 février 1996, Monsieur X… a interjeté appel.

Par arrêt contradictoire en date du 27 juin 1997, la Cour de céans a

rendu la décision suivante :

— Avant dire droit, tous droits et moyens des parties réservés,

— ordonne une expertise confiée à Monsieur Robert Y… demeurant 1 rue Lavoisier 92002 Nanterre CEDEX avec pour mission :

* de convoquer les parties et leurs conseils, de les entendre ainsi que tous sachants, de se faire communiquer tous documents utiles,

* d’examiner le véhicule litigieux, au besoin en procédant au démontage du moteur,

* de déterminer les causes techniques des incidents ayant donné lieu à réparation au cours des années 1993, 1994 et 1995 et en particulier au changement du vilebrequin,

* de fournir à la Cour tous éléments techniques sur la modification apportée par le fabricant à cette pièce ou à certains des éléments du moteur,

* de fournir à la Cour tous éléments techniques lui permettant d’apprécier si les désordres invoqués ont eu pour origine un ou des

vices cachés ou un défaut de conformité d’une ou plusieurs pièces du véhicule ou sinon, d’indiquer quelles ont pu être les causes de ces désordres,

[* de donner son avis sur la date à laquelle ce ou ces vices ou ce défaut de conformité ont été révélés à l’acheteur,

*] de décrire les désordres et les préjudices éventuels qui en sont résultés,

— dit que les frais d’expertise seront avancés par le Trésor public conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle,

— impartit à l’expert un délai de trois mois pour déposer son rapport au greffe des expertises à compter de l’acceptation de sa mission,

— désigne Madame METADIEU, conseiller, pour suivre lesdites opérations,

— sursoit à statuer sur toutes les autres demandes,

— réserve les dépens.

Le 25 novembre 1998, Monsieur Y…, expert judiciaire, a déposé son rapport daté du 27 octobre 1998.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur X… demande à la Cour de : – déclarer l’appel interjeté par Monsieur X… tant recevable que bien fondé, En conséquence, Vu le rapport d’expertise déposé par Monsieur Y… en date du 4 novembre 1998 : – infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, A principal, constater la non-tardiveté de l’action en garantie des vices cachés intentée par Monsieur X… et, en conséquence, sa recevabilité, – constater l’existence d’un vice caché affectant le véhicule de Monsieur X… et son antériorité par rapport à la vente, comme en témoigne le rapport déposé par Monsieur Y…, – dire et juger que la SA SUZUKI FRANCE, constructeur du véhicule, est tenue de la garantie légale contractuelle à raison du vice caché affectant le véhicule de Monsieur X…, conformément aux dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, Subsidiairement, constater le manquement de la SA SUZUKI FRANCE à son obligation de délivrance en vertu des articles 1603 et suivants du code civil, En conséquence, que la Cour retienne l’action en garantie des vices cachés ou le défaut de délivrance, dire et juger que Monsieur X… a droit à réparation de son entier préjudice, En conséquence, – condamner la SA SUZUKI FRANCE à payer à Monsieur

X… la somme de 60.000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice, Très subsidiairement, si la Cour ne s’estimait pas suffisamment informée sur l’existence d’un troisième changement de vilebrequin, sur le défaut de délivrance du maneton bénéficiant des améliorations techniques, et sur le délai d’immobilisation du véhicule, ordonner une expertise complémentaire sur ces trois points litigieux, – condamner la SA SUZUKI FRANCE à verser à Monsieur X… la somme de 5.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, – débouter la SA SUZUKI de toutes ses demandes, fins et conclusions, – condamner la SA SUZUKI FRANCE aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, conformément aux dispositions de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Quant à la société SUZUKI, elle prie la Cour de : – dire et juger que l’action en garantie des vices cachés intentée par Monsieur X… est manifestement tardive, – dire et juger que Monsieur X… ne rapporte pas la preuve d’un manquement de la SA SUZUKI FRANCE à son obligation de délivrance, – confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, – débouter Monsieur X… de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, – condamner Monsieur X… à verser à la SA SUZUKI FRANCE la somme de 20.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été signée le 9 septembre 1999 et l’affaire plaidée à l’audience du 12 novembre 1999.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu’il ressort des termes du rapport d’expertise, dont le contenu et les conclusions ne sont d’ailleurs pas critiqués par les parties, que Monsieur Y… a procédé à sa mission avec compétence et impartialité ;

Considérant que dans ses conclusions, page 44 de son rapport, l’expert indique que la moto vendue à Monsieur X… présentait au moment de la vente une anomalie métallurgique au niveau du maneton du vilebrequin ; qu’il s’agit d’un défaut de cémentation constituant un vice caché. L’expert précise que les interventions relatives au vilebrequin ont été effectuées avec des pièces ne bénéficiant pas des améliorations ;

Considérant que la SA SUZUKI FRANCE ne conteste pas l’existence de ce vice caché qui existait lors de la vente et lui est donc antérieur, mais conclut à la tardiveté de l’action engagée par Monsieur X… à ce titre ;

Considérant qu’il est de droit constant que le point de départ du bref délai pour agir en garantie des vices cachés de la chose vendue, tel que prévu par l’article 1648 du code civil, ne court que du jour de la découverte du vice par l’acheteur ;

Considérant qu’en l’espèce, la moto achetée par Monsieur X… a fait l’objet de réparations au niveau du vilebrequin, lequel notamment a été remplacé par la SA SUZUKI FRANCE dans le cadre de sa garantie, le 16 septembre 1993 et le 21 juillet 1994 et a fait l’objet d’une nouvelle intervention en septembre 1994, avec alors à tout le moins changement du cylindre complet avec piston segment; que lors de ces différentes interventions, Monsieur Z…, le réparateur qui est intervenu au titre de la garantie et a été entendu comme sachant par l’expert judiciaire, n’a pas émis l’hypothèse d’un vice caché du vilebrequin livré par la SA SUZUKI FRANCE, laquelle a fourni la même pièce défectueuse à deux reprises et les éléments essentiels de cette même pièce la troisième fois ; que par conséquent, Monsieur X… n’a pu avoir conscience de l’existence d’un vice, sans

cependant en avoir la certitude, qu’en janvier 1995 lorsque les incidents se sont répétés au début de l’année 1995 nécessitant une nouvelle réparation ; que Monsieur X… a, dès le 29 mai 1995, engagé une action devant le tribunal d’instance de VERSAILLES, sans en préciser le fondement; que néanmoins, le premier juge a exactement qualifié sa prétention « d’allégation d’un vice caché »; que le premier juge a fait mention du bref délai en se référant à la date de la vente ;

Considérant qu’en réalité, Monsieur X… n’a eu la connaissance certaine de l’existence et de la consistance du vice caché présenté par la moto qu’au jour de la notification du rapport d’expertise à son avoué le 4 novembre 1998; que par conséquent, le bref délai de l’article 1648 du code civil ayant été respecté par l’appelant, son action au titre de la garantie des vices cachés est recevable ;

Considérant que Monsieur X… est donc fondé en sa demande en réparation de son préjudice par la SA SUZUKI FRANCE, constructeur de la moto; que ce préjudice consiste dans le montant des réparations de la moto, tel qu’évalué par l’expert, soit 6.229,59 Francs ; qu’il consiste également en la privation de son véhicule pendant les immobilisations dues aux diverses réparations et ce, pendant 37 jours ; que l’expert indique qu’en outre, le véhicule est immobilisé dans les ateliers du garage Bontemps depuis le 26 mars 1997 ;

Considérant que Monsieur X…, qui n’indique pas sa profession dans ses conclusions, produit néanmoins une attestation de la société LABOTHEATRE en date du 28 février 1995, qui déclare qu’il n’a pu effectuer des missions du fait des pannes répétées et prolongées de son véhicule, ce qui a entraîné une perte de salaire de 24.000 Francs ; que cependant, cette attestation est imprécise sur les conditions des « missions » confiées à Monsieur X… et de sa rémunération ; que l’appelant ne produit aucune fiche de salaire ou déclaration de revenus, pour justifier de l’exercice habituel de la profession de coursier ;

Considérant que dans ces conditions, et compte tenu du prix d’achat de la moto, soit 20.000 Francs, il convient d’évaluer à la somme de 10.000 Francs le montant du préjudice ayant résulté pour Monsieur X… de l’immobilisation de son véhicule; que la cour, infirmant le jugement déféré, condamne la SA SUZUKI FRANCE à lui payer la somme totale de 16.229,59 Francs ;

Considérant que Monsieur X… bénéficie de l’aide juridictionnelle totale ; que par conséquent, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

VU l’arrêt de la cour de céans en date du 27 juin 1997 ;

VU le rapport d’expertise de Monsieur Y… en date du 27 octobre 1998 ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

CONSTATE l’existence d’un vice caché affectant le véhicule SUZUKI acquis par Monsieur X… ;

DIT que la SA SUZUKI FRANCE, constructeur du véhicule, est tenue de garantir ce vice caché, conformément aux dispositions des articles 1641 et suivants du code civil ;

CONDAMNE la SA SUZUKI FRANCE à payer à Monsieur X… la somme totale de 16.229,59 Francs (SEIZE MILLE DEUX CENT VINGT NEUF FRANCS CINQUANTE NEUF CENTIMES) en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA SUZUKI FRANCE à tous les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP MERLE CARENA DORON, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile et de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président,

B. TANGUY

Alban CHAIX

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