Cour d'appel de Versailles, 14ème chambre, 17 décembre 2010, n° 10/08610

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 17 déc. 2010, n° 10/08610
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/08610
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nanterre, BAT, 9 novembre 2010
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97Z

14e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 17 DECEMBRE 2010

R.G. N° 10/08610

AFFAIRE :

Z X

C/

B C

Décision déférée à la cour : Décision rendue en référé le 10 Novembre 2010 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de NANTERRE

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

— aux parties et à leurs conseils par Y

— à M. le Bâtonnier de l’ordre des avocat de NANTERRE par Y

— à M. Le procureur général de la cour d’appel de Versailles par courrier interne

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Z X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

comparant, assisté de Me Philippe RAVISY (avocat au barreau de PARIS)

APPELANT

****************

B C

XXX

XXX

représenté par Me Bernard ALEXANDRE (avocat au barreau de STRASBOURG) substitué par Me Alain BOULARD (avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE)

INTIME

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Décembre 2010 en application de l’article 152 du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 relatif à l’a profession d’avocat, Monsieur Jean-François FEDOU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François FEDOU, président,

Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,

Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI

FAITS ET PROCÉDURE,

Monsieur Z X est avocat associé au sein de la SELAFA C et directeur du département droit social de ce B.

Au mois de mai 2010, il a saisi Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats des Hauts de Seine d’une demande d’arbitrage aux fins :

— d’une part, de paiement de rappels de salaires pour un montant supérieur à 480.000 €,

— d’autre part, de désignation d’un expert afin de vérifier l’éventualité d’une discrimination salariale.

Par décision du 6 septembre 2010, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats des Hauts de Seine a ordonné au B C de régler à Monsieur Z X une somme égale à 62.286 € au titre d’un rappel de rémunération pour l’exercice 2008-2009, et débouté le demandeur de toutes ses autres prétentions.

Le B C a pris l’initiative d’une procédure de licenciement à l’encontre de Monsieur Z X, qui a été convoqué à un entretien préalable qui s’est déroulé le 30 septembre 2010, puis licencié par courrier du 5 octobre 2010 avec un préavis de trois mois qu’il a été dispensé d’exécuter.

Auparavant, Monsieur Z X avait, le 4 octobre 2010, saisi à nouveau Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats des Hauts de Seine, sur le fondement de l’article 148 du décret du 27 novembre 1991, sollicitant :

— au cas où son licenciement ne serait pas encore prononcé au moment où la décision interviendra, la suspension de la procédure de licenciement,

— au cas où le licenciement est déjà prononcé, sa réintégration,

— y ajoutant, une demande d’exécution du préavis.

Par décision du 10 novembre 2010, Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats des Hauts de Seine :

— a décidé que l’ensemble des demandes de Monsieur Z X excédait les pouvoirs du juge des référés tels qu’ils découlent de l’article 148 du décret du 27 novembre 1991,

— s’est déclaré incompétent,

— a renvoyé le demandeur à se pourvoir devant le juge du fond,

— a débouté ce dernier de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration écrite du 16 novembre 2010, reçue au Greffe de la cour d’appel de Versailles le 18 novembre 2010, Monsieur Z X a interjeté appel de cette décision.

Il fait valoir que son licenciement est nul et de nul effet, comme étant intervenu dans la précipitation aussitôt après que le B C eut été condamné à payer un rappel de salaire de plus de 64.000 €, et alors que l’introduction d’une action au fond sur le fondement des dispositions prohibant et réprimant le harcèlement moral avait été annoncée et confirmée.

Il relève que son employeur n’a pas rapporté la preuve que ses décisions étaient fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il explique que, lorsque, le 11 octobre 2010, il s’est rendu sur son lieu de travail, il a constaté que son badge d’accès était désactivé et qu’il n’était plus connecté au réseau informatique du B.

Il invoque les dispositions de l’article 65 du règlement intérieur du barreau des Hauts de Seine en vertu duquel la dispense d’exécution du préavis ne peut intervenir que de l’accord commun des parties.

Il soutient que la circonstance qu’il soit passé dans son bureau pour y prendre des documents ou des affaires personnelles ne saurait être analysée sans ambiguïté comme un accord tacite à la dispense de préavis qui lui a été notifiée.

Il considère que la dispense de préavis litigieuse constitue un trouble manifestement illicite justifiant une réintégration pendant la durée restant à courir du préavis.

Il demande donc à la cour d’infirmer la décision de Monsieur le Bâtonnier du barreau des Hauts de Seine en date du 10 novembre 2010, et, statuant à nouveau, vu l’urgence et le trouble manifestement illicite, et vu les articles L 1152-1 et suivants et l’article L 1154 du code du travail, de :

— à titre principal, ordonner la réintégration de Monsieur X dans son poste et ses attributions, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard si la réintégration n’est pas intervenue cinq jours après la notification de l’arrêt à intervenir,

— à titre subsidiaire, vu l’article 65 du règlement intérieur du barreau des Hauts de Seine, ordonner la réintégration de Monsieur X à partir du lendemain de la notification de la décision à intervenir et pendant toute la durée de l’exécution de son préavis, ce sous astreinte de 10.000 € par jour de retard que la Cour se réservera la faculté de liquider.

Il sollicite, en outre, la condamnation du B C au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

A l’audience du 15 décembre 2010 à laquelle l’affaire appelée une première fois le 8 décembre a été renvoyée, la SELAFA C oppose par conclusions développées oralement que Monsieur X ne démontre ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent pouvant justifier la nullité du licenciement et sa réintégration.

Elle dénie que les motifs du licenciement énoncés dans la lettre qui fixe les limites du litige soient en lien avec son allégation de harcèlement moral et que dès lors les dispositions des articles L 1152-2 à L1152-4 du code du travail soient applicables.

Elle soutient sur la dispense d’exécution du préavis que l’application de l’article 65 du Règlement intérieur pose deux difficultés constituant une contestation sérieuse .

En premier lieu, elle relève que de façon constante la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la convention collective prime sur les usages locaux, même si ceux-ci sont plus favorables au salarié et qu’en l’espèce les dispositions de l’article 65 du Règlement intérieur du Barreau des Hauts de Seine, sont contraires à celles de l’article 9.1 de la convention collective nationale des avocats salariés.

En second lieu, elle soutient que Monsieur X a acquiescé à cette dispense en adressant le 11 octobre 2010 un courriel demandant à être autorisé à récupérer sa documentation technique et ses effets personnels.

Elle conclut au débouté de Monsieur X de toutes ses demandes et à la confirmation de la décision entreprise.

MOTIFS DE L’ARRÊT,

Sur la demande de réintégration en raison de la nullité du licenciement :

Considérant que le législateur a instauré au profit des salariés dénonciateurs de faits de mauvais traitements (article L313-24 du code de l’action sociale et des familles), de discrimination illicite (article L1132-3 du code du travail) et d’actes de harcèlement moral (article L1152-2 du code du travail) ou sexuel (article L1153-3 du code du travail) des immunités qui emportent nullité des licenciements fondés sur la relation des faits couverts par ces immunités ;

Considérant que la cour d’appel statuant par application des dispositions des article 148 et 152 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, doit, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu’en l’espèce, Monsieur X, a reçu, le 23 septembre 2010, après une première tentative totalement irrégulière, une convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 septembre 2010, puis la notification de son licenciement le 5 octobre 2010 ;

Que s’il est rappelé par le salarié, que la convocation à l’entretien préalable fait suite à la notification d’une décision rendue le 6 septembre 2010 condamnant le B C, employeur à payer à Monsieur X un rappel de rémunération pour l’exercice 2008-2009 ; les dispositions de l’article L1134-4 du code du travail relatif au licenciement d’un salarié faisant suite à une action en justice engagée par le salarié ou en sa faveur sur la base des dispositions relatives aux discriminations, ne sont pas invoquées, seule la dénonciation de faits constitutifs d’un harcèlement moral, l’étant ;

Considérant que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu’en l’espèce, Monsieur X soutient être victime de tels agissements depuis l’année 2008, ce dont son supérieur hiérarchique a été avisé à la fin de l’année 2009, ainsi que l’établit la lettre du 16 décembre 2009 ;

Considérant que selon la lettre de licenciement du 5 octobre 2010 adressée à Monsieur X, de sept pages, la rupture du contrat de travail est motivée essentiellement par quatre griefs résumés dans les conclusions de la société C comme étant le refus d’exécuter un certain nombre de missions, une opposition aux modalités d’organisation de la direction à laquelle il est rattaché, le refus de participer à l’animation et à la création de coopérations avec des partenaires étrangers et une attitude de refus systématique de communication avec son environnement professionnel et sa hiérarchie ;

Que, quelle que soit la pertinence des griefs énoncés, cette lettre de licenciement n’énonce aucun reproche lié, avec l’évidence requise en référé, à la dénonciation ou relation de faits de harcèlement ou de discrimination et que ceux-ci n’étant évoqués et rappelés que dans le courrier circonstancié adressé le 11 octobre 2010 par le salarié pour contester le bien fondé du licenciement ;

Que dès lors, en l’espèce, le constat d’un trouble manifestement illicite auquel la mesure de réintégration serait de nature à mettre un terme, suppose, en l’absence de l’évidence de la nullité du licenciement, que les motifs allégués dans la lettre de licenciement soient préalablement reconnus comme fallacieux, ce qui nécessite une discussion et une appréciation par le juge du fond ;

Qu’il y a lieu de renvoyer les parties à se pourvoir et de confirmer de ce chef l’ordonnance entreprise.

Sur la demande de réintégration pendant la durée restant à courir du préavis :

Considérant qu’aux termes de l’article 1.2 du Règlement intérieur national, repris in extenso par l’article 1 du Règlement intérieur du barreau des Hauts de Seine adopté par le conseil de l’Ordre le jeudi 3 décembre 2009 dans sa version de mai 2010, relatif aux principes essentiels de la profession d’avocat, l’avocat "fait partie d’un barreau administré par un conseil de l’ordre’ ;

Que l’article 65 dudit Règlement intérieur du barreau des Hauts de Seine, dispose que "La dispense d’exécution du préavis ou du délai de prévenance nécessite l’accord des parties’ ;

Que l’employeur objecte que les dispositions de la convention collective nationale qui dispose en son article 9.1 que "la partie qui n’observerait pas le délai de préavis doit à l’autre une indemnité égale à la rémunération correspondant à la durée du préavis restant à courir', priment sur les usages locaux contraires ;

Considérant, d’une part, que la dispense de l’exécution du préavis et la rémunération du préavis non exécuté sont deux notions distinctes qui ne peuvent être contraires ; que, d’autre part, le droit du travail est régi par le principe fondamental selon lequel, en cas de conflit de normes, c’est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application ;

Que la disposition figurant au Règlement intérieur du Barreau des Hauts de Seine, qui ne peut être réduit à un simple usage local, est plus favorable que les dispositions conventionnelles ou légales dès lors que celles-ci ne subordonnent la dispense de préavis, décidée par l’employeur qu’au paiement de la rémunération et non pas à l’accord du salarié ;

Que la renonciation du salarié à une disposition qui lui est favorable suppose qu’il en connaisse la teneur, et son consentement à la dispense de préavis, lorsqu’il est prévu, nécessite une volonté non équivoque manifestée de façon éclairée, antérieure à la date à laquelle la dispense est notifiée ;

Que la simple exigence d’une autorisation de pénétrer pour reprendre des effets personnels déposés dans les locaux de l’employeur, la reprise de ces effets, comme l’indication donnée à un client d’être en situation de 'préavis non exécuté', ne sauraient laisser présumer le consentement tacite du salarié à être dispensé de l’exécution de son préavis ;

Que la violation de la disposition figurant à l’article 65 du Règlement intérieur du Barreau des Hauts de Seine qui s’applique à l’avocat collaborateur salarié, privant celui-ci de la possibilité d’exercer son activité jusqu’au terme du préavis, lui occasionne un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin en ordonnant à la société C, sous astreinte dont la cour d’appel se réserve la liquidation, de 10 000 € par jour de retard à compter du lendemain de la signification du présent arrêt, de permettre à Monsieur X l’exécution du préavis dont il a été privé sans son consentement.

Sur les autres demandes :

Considérant que la société C succombant en ses prétentions doit être tenue aux dépens de l’appel ;

Considérant que Monsieur X a exposé des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; qu’il y a lieu de condamner la société C à lui verser la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme partiellement l’ordonnance rendue entre les parties, le 10 novembre 2010, par le Bâtonnier des Hauts de Seine, en sa disposition déboutant Monsieur Z X de sa demande de réintégration pendant la durée du préavis ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur la disposition infirmée,

Ordonne à la société C de réintégrer Monsieur Z X dans son emploi pendant la durée du préavis restant à courir ;

Assortit cette réintégration d’une astreinte de 10 000 € (dix mille euros) par jour de retard courant dès le lendemain de la signification du présent arrêt ;

Se réserve la liquidation de l’astreinte ainsi fixée ;

Y ajoutant :

Condamne la société C à verser à Monsieur Z X la somme de 3 500 € (trois mille cinq cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société C aux entiers dépens de l’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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