Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 1, 9 décembre 2010, n° 09/09655

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 9 déc. 2010, n° 09/09655
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 09/09655
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 29 novembre 2009, N° 2008F3954
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

CT

Code nac : 30Z

12e chambre section 1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 DECEMBRE 2010

R.G. N° 09/09655

AFFAIRE :

A Y

C/

Société X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Novembre 2009 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 4

N° Section :

N° RG : 2008F3954

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

Me Jean-Pierre BINOCHE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A Y

demeurant XXX

XXX

Concluant par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER – N° du dossier 20091384

Plaidant par Me Claire ROSSIGNOL – avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

Société X

ayant son siège XXX agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Concluant par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 183/10

Plaidant par Me Lucie GAYOT (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Novembre 2010 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant M. Claude TESTUT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique ROSENTHAL, présidente,

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, conseiller,

Monsieur Claude TESTUT, conseiller,

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Stéphanie MIRA

Par un jugement du 30 novembre 2009 le tribunal de commerce de Nanterre:

*a débouté M. Y de toutes ses demandes,

*l’a condamné à payer à la société X la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Y a interjeté appel le 16 décembre 2009.

Dans ses dernières écritures en date du 22 juin 2010, M. Y demande à la cour de :

* confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société X a rompu de manière fautive les pourparlers pour la prise à bail de ses locaux,

* confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la société X lui devait réparation des préjudices éventuels subis par ce derniers du fait de la rupture fautive initiée par la société X,

* infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

* juger que la rupture fautive de la société X lui a causé un préjudice,

* fixer ce préjudice à la somme de 120.026,67 euros,

* condamner en conséquence la société X à lui verser la somme de 120.026,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2008, date de la mise en demeure,

* condamner la société X à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction.

Dans ses dernières écritures en date du 23 septembre 2010 la société X demande à la cour de :

* infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a jugée responsable d’une rupture fautive des pourparlers,

* débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes,

* confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté l’absence de préjudice subi par M. Y et l’a débouté de ses demandes,

* condamner M. Y à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction.

SUR CE,

Considérant qu’il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties , pour un exposé complet des faits et de la procédure;

qu’il convient toutefois de rappeler que :

* courant février 2008, la société X, société de conseil et d’ingénierie en systèmes d’information, intéressée par la location de locaux appartenant à M. Y, lui a adressé une offre de prise à bail stipulant notamment, outre l’objet du bail, sa durée et son loyer, la possibilité de sous-louer les locaux,

* par courrier du 28 avril 2008, la société X a indiqué qu’elle devait mettre un terme aux pourparlers en cours, au regard du désistement d’un sous-locataire potentiel et de la date butoir du 25 avril fixée par le propriétaire,

* M. Y a mis en demeure le 17 juillet 2008 la société X de régler la somme de 120.026,67 euros en réparation du préjudice subi du fait d’un manque à gagner d’un mois sur les loyers escomptés,

*cette mise en demeure est restée infructueuse, et M. Y a fait assigner la société X en paiement;

Considérant que M. Y excipe du caractère fautif de la rupture initiée par la société X et uniquement fondée sur le désistement d’un sous-locataire potentiel,

qu’il se prévaut de l’accord des parties sur l’ensemble des conditions du bail, au jour de la rupture des pourparlers par la société X,

qu’il relève que les parties avaient d’ailleurs organisé la signature du bail,

qu’il conteste le caractère butoir de la date du 25 avril 2008 fixée d’un commun accord,

qu’il demande le rejet du courrier de la société X, en contradiction avec les échanges de l’époque et du non respect des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile;

Considérant qu’il soutient que l’intention de nuire ou la mauvaise foi de l’intimée est sans incidence sur sa responsabilité délictuelle,

qu’il conclut à l’absence de motif légitime de nature à justifier la rupture des pourparlers, dès lors que :

— la société X ne démontre pas qu’elle était en pourparlers avec un sous-locataire potentiel, ni le désistement de ce dernier,

— une telle sous-location ne constituait pas une condition suspensive à la conclusion du bail, qui aurait été, le cas échéant, purement potestative,

— la société X disposait d’un délai de 8 mois pour trouver un sous-locataire, non assujetti à l’accord préalable du propriétaire,

qu’il estime que cette rupture, brutale et abusive, lui a causé un préjudice consistant :

— d’une part, en des honoraires divers pour un montant de 8.000 euros,

— d’autre part, en un manque à gagner, pour un montant de 112.026,67 euros, correspondant à un mois de loyer,

qu’il prétend que la rupture a eu pour effet de reporter d’un mois l’obtention d’un crédit pour travaux subordonné à la conclusion du bail et

que de ce fait le début des travaux et l’entrée du preneur dans les locaux ont été décalés à due concurrence,

qu’il soutient que la franchise de 4 mois de loyer accordée à dernier correspond aux conditions du bail convenu avec la société X, et s’imposait en raison de la loi de l’offre et de la demande et de l’économie générale de l’opération;

Considérant que la société X fait valoir que le retrait de son offre ne présentait aucun caractère tardif au regard du principe de liberté de rupture des pourparlers, compte tenu d’une durée des négociations de 2 mois et du défaut d’accord des parties sur l’ensemble des conditions du bail,

qu’elle invoque l’absence d’acceptation du bailleur de son offre du 27 février 2008, stipulant la possibilité de sous-location sans accord préalable du bailleur, laquelle constituait une condition sans caractère suspensif,

qu’elle ajoute que l’ensemble des pièces produites démontre l’existence de négociations toujours en cours à la date de la rupture,

qu’à cet égard, elle retient que le courrier de son agent immobilier n’a pas à remplir les conditions de l’article 202 du code de procédure civile pour être pris en compte, en vertu des article L. 110-3 du code de commerce et 1341 du code civil,

qu’elle conclut que faute pour M. Y d’avoir accepté son offre, en l’absence de mauvaise foi ou d’intention de nuire de sa part et compte tenu du désistement du sous-locataire envisagé et de surcroît de la date butoir du 25 avril 2008, elle pouvait cesser les pourparlers, sans faute,

qu’elle excipe de l’absence de préjudice subi par M. Y, se prévalant d’une jurisprudence constante rejetant les demandes d’indemnisation au titre d’un manque à gagner résultant d’une rupture même fautive de pourparlers.

qu’en tout état de cause elle conteste tout manque à gagner de son fait, faisant valoir que le manque à gagner invoqué résulte de la seule franchise de loyers accordée 'à titre commercial et exceptionnel’ par M. Y au preneur, dans le cadre de négociations, en contrepartie de l’entrée différée de ce dernier dans les locaux, en raison des travaux à effectuer,

qu’elle conclut au rejet de la demande formulée au titre des frais de conseil et d’agent immobilier, faute de justificatif;

Considérant que, pour se déterminer, le premier juge, après avoir écarté des témoignages contradictoires, a relevé:

— que le motif invoqué par la société X, à savoir la défaillance inopinée d’un sous-locataire éventuel , n’était pas opposable à M. Y ,

— que les circonstances de la rupture incombait à la société X et présentait un caractère manifestement abusif,

— que cependant M. Y n’apportait pas la preuve d’un préjudice effectif,

— qu’en effet il n’était pas établi que M. Y ait dû engager des frais de prospection complémentaire en suite de la défaillance du locataire initialement prévu,

— qu’au surplus le nouveau preneur venant en substitution de la société X avait bénéficié d’une franchise de loyers;

Considérant que la société X a fait une offre de location le 27 février 2008,

que le 29 février 2008, elle a informé M. Y que son comité de direction confirmait l’offre de location des jours précédents, et demandait au bailleur de faire parvenir un projet de bail,

qu’un tel projet était élaboré par M. Y puis le transmettait à la société X qui l’amendait le 19 mars 2008,

que le 3 avril 2008 le mandataire de M. Y l’informait que « son confrère lui confirmait qu’il serait possible de fixer un rendez-vous de signature pour conclure avec la société X » ,

qu’il ressort d’une attestation non critiquée que le bail devait être signé le 25 avril 2008 ,

que le 28 avril 2008 la société X , confirmant un entretien téléphonique antérieur, mettait un terme aux pourparlers pour avoir été informé le 24 courant du fait qu’un sous-locataire potentiel ne donnait pas suite à son projet de location de deux étages de l’immeuble litigieux,

Considérant qu’aussi longtemps qu’un accord n’a été conclu, chacune des parties demeure en principe libre de rompre des pourparlers,

que cependant pendant la durée de telles discussions les parties s’engagent réciproquement à une obligation de loyauté,

qu’en l’espèce , si le projet de bail prévoyait que le preneur pourrait sous-louer l’équivalent de trois plateaux, la société X n’avait, à aucun moment des discussions, fait état de négociations conduites en parallèle avec un éventuel sous-locataire, et encore moins fait de la conclusion d’un contrat de sous-location une cause essentielle de son intention de contracter,

que le premier juge a donc pu, à bon droit, retenir que la rupture incombait à la société X et présentait un caractère manifestement abusif,

Considérant que, pour écarter l’indemnisation d’un préjudice découlant de cette rupture des pourparlers, le premier juge a considéré que M. Y avait pu louer l’immeuble dans des conditions de délais peu différentes de ce qui avait été envisagé avec la société X ,

Considérant que le préjudice subi par la rupture abusive des pourparlers au moment même où devait se dénouer le projet de location envisagé ne peut être que les frais de négociation et d’études préalables au contrat ainsi que les conséquences du retard apporté à la perception de loyers prévus,

que ce dernier poste ne se confond pas aux gains espérés en cas de conclusion du contrat, c’est à dire les loyers contractuels, mais correspond au coût du différé de loyer induit par le report à une date ultérieure de la perception de ce revenu,

qu’un tel coût n’est que l’intérêt au taux légal qu’aurait rapporté le même produit durant ce différé,

Considérant que M. Y ne justifie pas des débours qu’il prétend avoir engagés pour la commercialisation du bien par ses divers mandataires et conseils,

qu’il apparaît que, en cas de formalisation du contrat de bail, la société X aurait procédé au premier versement de loyer effectif au 1er janvier 2009,

qu’il n’est pas contesté que le preneur ultérieurement contacté par M. Y a bénéficié lui-même de franchises pour les premiers mois d’occupation avec un premier versement de loyer effectif au 1er février 2009,

que le seul préjudice indemnisable n’est donc que le montant des intérêts au taux légal sur la somme de 112.026,67 euros, correspondant à un mois de loyer, pour la seule période de janvier 2009;

Considérant que M. Y a dû engager des frais irrépétibles en cause d’appel que la cour fixe à la somme de 3.000 euros,

que les dépens d’appel seront supportés par la société X , dont distraction au profit de la SCP Jullien Lecharny;

PAR CES MOTIFS

La cour , statuant par arrêt contradictoire,

RÉFORME le jugement entrepris,

CONDAMNE la société X à payer à M. Y le montant des intérêts au taux légal sur la somme de 120.026,67 euros applicable pour la durée du mois de janvier 2009,

DÉBOUTE M. Y du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société X à payer à M. Y la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

MET les dépens d’appel à la charge de la société X, dont distraction au profit de la SCP Jullien Lecharny.

PRONONCÉ par mise à disposition de l’arrête au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Dominique ROSENTHAL, président, et par Alexandre GAVACHE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 1, 9 décembre 2010, n° 09/09655