Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 1er décembre 2016, n° 14/06098

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 1er déc. 2016, n° 14/06098
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/06098
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Chartres, 1er juillet 2014, N° 13/02118
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 28Z

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 DECEMBRE 2016

R.G. N° 14/06098

AFFAIRE :

LE DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES D’EURE ET LOIR,

C/

[T] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 13/02118

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE PREMIER DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur LE DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES D’EURE ET LOIR,

agissant sous l’autorité du Directeur Général des Finances Publiques

en ses bureaux sis

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Maître Martine DUPUIS, membre de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625

APPELANT

****************

Monsieur [T], [F], [J] [S]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2] (28)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20140351

Plaidant par Maitre Bruno BOURDIN, avocat au barreau de CHARTRES,

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Octobre 2016 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président et Madame Nathalie LAUER, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement rendu le 02 juillet 2014 par le tribunal de grande instance de Chartres qui a :

— déclaré bien fondée la réclamation de M. [T] [S]

— déclaré régulière la déclaration de succession déposée par la SCP Joly Leloup le 27 février 2012 au service des impôts des entreprises de Chartres,

— annulé la décision de rejet de ladite réclamation prise par la direction départementale des finances publiques d’Eure et Loir le 13 juin 2013

— accordé la décharge des impositions supplémentaires perçues en vertu de l’avis de mise en recouvrement émis le 15 mai 2013

— condamné la direction départementale des finances publiques d’Eure et Loir à verser à M. [T] [S] la somme de 4 557 € avec intérêts au taux de 0.40% par mois depuis le 1 juillet 2013

— condamné la direction départementale des finances publiques d’Eure et Loir à verser à M. [T] [S] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu l’appel de cette décision relevé le 05 août 2014 par M. Le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir, dans ses dernières conclusions notifiées le 04 mai 2016, qui demande à la cour de :

— réformer le jugement,

— reconnaître la décision administrative préalable du 13 juin 2013,

— condamner M. [S] à payer à la caisse du responsable du service des entreprises de Chartres la somme de 4 557 € correspondant à la somme indûment restituée suivant décision prise le 25 novembre 2014 en exécution provisoire du jugement réformé,

— rejeter toutes les demandes en cause d’appel de M. [T] [S],

— condamner M. [T] [S] aux entiers dépens ainsi qu’au remboursement de la somme de 1 000 € indûment versée au titre de la décision déférée, outre le versement à l’appelant d’une indemnité de 1 200 € au titre des frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2014 de M. [T] [S] intimé, qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Chartres dans toutes ses dispositions,

— condamner la direction départementale des finances publiques d’Eure et Loir au paiement des intérêts légaux à compter de la date de paiement des impositions contestées à savoir le 1 juillet 2013,

— condamner la direction départementale des finances publiques d’Eure et Loir au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant que [S] [S] Veuve [V] née le [Date naissance 2] 1918 est décédée à la [Localité 3] le [Date décès 1] 2011 ; qu’elle avait 3 frères dont deux décédés sans descendance, le troisième également prédécédé mais ayant 5 enfants (dont [T] [S] ) ainsi qu’une soeur Mme [S] épouse [G], qu’elle a expressément exclue de sa succession et qui est elle même mère d’un enfant (M. [Q] [G]) ;

Considérant que le notaire chargé de la succession a déposé auprès des services fiscaux le 27 février 2012 une déclaration de succession faisant état d’un actif brut de 365 478.10 € pour un passif de 2 967.82 € ; que les droits de successions ont été réglés pour un montant de 158 442 € ;

Considérant que la succession de Mme [S] [S] Veuve [V] a fait l’objet d’une double liquidation : une au titre des dispositions testamentaires du 10 mars 2014 et une résultant des règles ab intestat ;

Considérant que le notaire a considéré que les héritiers légaux de la défunte étaient M. [Q] [G], venant en représentation de sa mère, soeur exhérédée de la de cujus et les 5 enfants de M. [Z] [S] dont M. [T] [S] venaient en représentation de leur père ; que M. [Q] [G] a reçu la moitié de la succession ab intestat soit 5/10eme alors que les 5 enfants de M. [Z] [S] se sont vu attribuer l’autre moitié, soit 1/10 chacun ;

Considérant que les service fiscaux ont contesté la liquidation de la succession : qu’ ils ont remis en cause l’application du mécanisme de la représentation et estimé que les 6 neveux et nièces de la défunte devaient hériter à hauteur de 1/6ème chacun ; que, ce faisant l’abattement fiscal passait à 7967 € par part contre 15 932 € pour chacune des deux souches ; que le taux d’imposition, lui, passait de 35% à 55% ;

Considérant que les services fiscaux ont donc mis en recouvrement les impositions supplémentaires à la charge de chacun des héritiers, soit la somme de 4 557 € pour M. [T] [S] ; Qu’il a versé cette somme le 1er juillet 2013 ;

Considérant que le 07 mai 2013, les consorts [S] ont présenté une réclamation collective contestant la liquidation successorale entreprise par l’administration fiscale ; que cette réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet en date du 13 juin 2013 par l’administration fiscale ;

Considérant que par acte du 24 juillet 2013, M [T] [S] a, au visa des articles 737, 751, 752, 753, et 755 du code civil, fait assigner Monsieur le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir aux fins notamment de voir déclarer régulière la liquidation civile et fiscale de la succession ; déclarer non fondée la décision de rejet de l’administration du 13 juin 2013 ; accorder la décharge des impositions supplémentaires et condamner l’administration au paiement des intérêts au taux légal par mois à compter de la date de paiement des impositions contestées, le 1er juillet 2013 ;

Que par le jugement dont appel, il a été fait droit à ces demandes ;

Considérant que le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir fait valoir qu’aucune disposition légale ne prévoit l’application du mécanisme de la représentation en cas d’exhérédation ; que la représentation réglementée par les articles 751 à 755 du code civil ne prévoit pas la représentation d’un successible exhérédé survivant au défunt ; que, dès lors que la représentation constitue une exception légalement définie, la représentation ne peut s’appliquer par extension au descendant d’un collatéral privilégié survivant au testateur et ayant fait l’objet de sa part d’une exhérédation ;

Considérant que M. [T] [S] réplique que le mécanisme de représentation est applicable en l’espèce au vu de la doctrine civiliste et de la jurisprudence qui ont admis ce mécanisme ; qu’en effet, le mécanisme de la représentation n’est pas uniquement réservé aux hypothèses de pré décès et de renonciation du représenté mais s’applique également à l’indignité qui est une exhérédation légale ; Qu’il se fonde sur l’article 755 admettant la représentation de l’indigne ;

Qu’il ajoute que [S] [V] avait gratifié M. [Q] [G] par testament, ce qui prouve, selon lui, qu’elle n’avait pas eu l’intention de lui faire subir l’exhérédation de sa mère ;

Considérant que l’article 751 du Code civil dispose que la représentation est une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ; que, selon l’article 752-2, en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frère ou s’ur du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles et tantes, soit que tous les frères et s’urs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degré égaux ou inégaux ;

Considérant que le premier juge a exactement noté que, constituant une dérogation aux dispositions de l’article 744 du même code, la représentation suppose donc une pluralité de souches et ne peut jouer en présence d’une seule souche active ;

Considérant que le c’ur du présent litige est donc bien de déterminer si l’exhérédation d’une s’ur survivante de la « de cujus » peut empêcher ses descendants de la représenter et les obliger à venir à la succession de leur tante de leur propre chef ;

Considérant que le directeur départemental des finances publiques observe justement qu’aucune disposition du Code civil ne tranche cette question ;

Considérant que le tribunal a décidé de manière tout à fait pertinente que la solution à donner à cette question devait être trouvée par une recherche de situations voisines permettant un raisonnement par assimilation ;

Considérant qu’effectivement l’article 729-1 du Code civil dispose que « les enfants de l’indigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur soit qu’ils viennent à la succession de leur chef, soit qu’ils y viennent par l’effet de la représentation ; que l’article 755 ajoute que la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de l’indigne encore que celui-ci soit vivant à l’ouverture de la succession ;

Considérant que la cour ajoute que ces dispositions ont été prévues par la loi du 3 décembre 2001 ;

Considérant dès lors que, contrairement à ce que prétend le directeur départemental des finances publiques, à tout le moins depuis la loi du 3 décembre 2001, la représentation ne suppose donc pas nécessairement que le représenté soit décédé ; qu’ainsi, l’article 754 du Code civil dispose également qu’on ne représente les renonçants que dans les successions dévolues en ligne directe ou collatérale ; qu’il s’agit donc d’une seconde hypothèse dans laquelle le mécanisme de la représentation peut jouer en l’absence de décès du représenté ;

Considérant que c’est à juste titre que le jugement déféré considère que l’indignité successorale s’assimile à une exhérédation légale ; qu’effectivement, une exhérédation par testament ne peut produire, pour les enfants de l’exhérédée, des conséquences juridiques et fiscales plus sévères que pour les enfants de l’indigne en les privant du mécanisme de la représentation ; que c’est donc à bon droit que le tribunal a considéré qu’une telle solution serait contraire à l’équité et donc aux v’ux du législateur ; qu’il est exact que l’indignité frappe un successible en raison de comportements gravement immoraux et même délictueux ; qu’il n’en est pas nécessairement de même de l’exhérédation volontaire qui peut procéder de situations diverses ;

Considérant que, la cour ajoute, que, même dans l’hypothèse de l’indignité frappant des comportements gravement immoraux voire délictueux, le législateur de 2001 a prévu la possibilité pour le de cujus, postérieurement aux faits et à la connaissance qu’il en a eue, de relever le successible frappé d’une cause d’indignité de l’exclusion qui l’atteint ; que cette faculté illustre le principe fondamental énoncé à l’article 721 du Code civil résultant des dispositions de la loi du 3 décembre 2001 selon lequel la dévolution successorale découle à titre principal de la volonté privée ; que ce texte énonce en effet que les successions sont dévolues selon la loi lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par des libéralités ; que ce principe doit donc guider a fortiori la solution d’un litige qui concerne les conséquences d’une exhérédation testamentaire ne recouvrant pas nécessairement une situation aussi grave que celle de l’indignité ;

Considérant que la solution à donner au présent litige doit donc également être recherchée dans la volonté de [S] [V] ; que si celle-ci a exhérédé sa s’ur, [K] [G], il n’est pas contesté qu’elle a au contraire gratifié le fils de celle-ci, [Q] [G], par son testament olographe du 10 mars 2014 ; que cette circonstance démontre que la de cujus n’a pas entendu faire subir à son neveu les conséquences de l’exhérédation de sa s’ur ; qu’il est donc conforme non seulement à l’esprit de la loi mais aussi à la volonté de [S] [V] que [Q] [G] vienne à sa succession par représentation quand bien même les articles 777 et 779 du code général des impôts n’admettent pas la représentation en cas d’exhérédation ;

Considérant qu’il s’ensuit que l’exhérédation de [K] [G] ne peut avoir pour conséquence successorale d’éteindre une souche ; que les conditions de la représentation en ligne collatérale prévues à l’article 752-2 du Code civil sont donc remplies ;

Que c’est donc à juste titre que, par motifs adoptés, le tribunal a fait droit aux demandes de [T] [S] ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré régulière la déclaration de succession déposée par la SCP Joly – Leloup le 27 février 2012, déclaré bien fondé la réclamation de [T] [S] du 7 mai 2013, annulé la décision de rejet de la direction départementale des finances publiques d’Eure-et-Loir du 13 juin 2013 et accordé en conséquence, la décharge des impositions supplémentaires perçues en vertu d’un avis de mise en recouvrement du 15 mai 2013 ;

Sur la demande relative aux intérêts et sur l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que l 'appelant fait valoir que la demande de M. [T] [S] de paiement des intérêts légaux à compter de la date de paiement des impositions contestées (le 1 juillet 2013) n’est pas fondée, la décision de dégrèvement prononcé le 4 juillet 2014 en exécution provisoire du jugement déféré ayant indiqué que les intérêts moratoires prévus à l’article L 208 du livre des procédures fiscales et les articles R 208-1 et -2 du même livre ayant été accordés; qu’il n’existe pas de litige né et actuel entre le comptable et l’intimé à ce titre ;

Que toutefois, il résulte des écritures mêmes du directeur départemental des finances publiques que ces intérêts moratoires ont été accordés en exécution provisoire du jugement déféré ; que l’administration poursuit bien l’infirmation de ce jugement ; que compte tenu du sens du présent arrêt, cette disposition du jugement doit donc bien être confirmée ;

Qu’il en est de même des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Que succombant à hauteur d’appel et comme tel tenu aux dépens, le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir sera condamné à verser à M. [T] [S] une indemnité complémentaire de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que les dépens pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Chartres le 2 juillet 2014,

Et, y ajoutant,

Condamne le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir à payer à M. [T] [S] la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le directeur départemental des finances publiques d’Eure et Loir aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

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