Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 21 décembre 2017, n° 14/02837

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 21 déc. 2017, n° 14/02837
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/02837
Sur renvoi de : Cour de cassation, 14 mai 2014
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

contradictoire

DU 21 DECEMBRE 2017

N° RG 14/02837

AFFAIRE :

C-D X

C/

SA CHABE LIMOUSINES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2010 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : 07/00015

Copies exécutoires délivrées à :

la SELAS JADDE AVOCATS

Me C-Michel PERARD

Copies certifiées conformes délivrées à :

C-D X

SA CHABE LIMOUSINES

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 17 juin 2014 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2014 cassant et annulant l’arrêt rendu le 25 mai 2011par la cour d’appel de VERSAILLES

Monsieur C-D X

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Julien HADJADJ de la SELAS JADDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J034

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA CHABE LIMOUSINES

N° SIRET : 314 613 720

[…]

[…]

représentée par Me C-Michel PERARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A680

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Novembre 2017, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l’affaire,

Greffier, lors des débats : Madame A B

Le 26 avril 2000, M. C-D X était embauché par la SA Chabé Limousines en qualité de chauffeur grande remise en contrat à durée déterminée jusqu’au 15 novembre 2000. À l’issue de ce contrat, les relations professionnelles se poursuivaient entre les parties sans nouvel écrit.

À compter de 2005, M. X a été titulaire d’un mandat de délégué syndical et élu délégué du

personnel en février 2006, membre du comité d’entreprise.

S’estimant victime de discrimination, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 3 janvier 2007 pour demander des rappels de salaire pour heures supplémentaires depuis 2001 et paiement des repos compensateurs en découlant, des rappels de 13e mois, de prime d’ancienneté, et des dommages et intérêts pour discrimination salariale et professionnelle.

Par jugement de départage du 8 février 2010, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a condamné la SA Chabé Limousines à payer à M. X les sommes de 1 747,20 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire outre les congés payés y afférents et débouté le salarié du surplus de toutes ses demandes, ainsi que celles de la SA Chabé Limousines et condamné celle-ci à verser à M. X la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par arrêt du 25 mai 2011, la cour d’appel de Versailles, 15e chambre, a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et condamné M. X aux dépens.

Par arrêt du 15 mai 2014, la Cour de cassation, chambre sociale, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale, cet arrêt et remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et renvoyé, pour être fait droit, devant la cour d’appel de Versailles autrement composée. La SA Chabé Limousines a été condamnée au dépens et à verser à M. X la somme de 3 000 euros.

M. C-D X a remis l’affaire au rôle de la cour d’appel le 17 juin 2014.

Dans ses conclusions du 10 octobre 2017 soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. X demande à la cour de réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et sollicite la condamnation de la SA Chabé Limousines à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale. Il demande enfin la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de son employeur aux dépens.

Dans ses écritures du 27 mars 2017 également développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, la SA Chabé Limousines demande à la cour de dire que le contrat de travail de M. X a été exécuté loyalement par elle, conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et au débouté de l’ensemble des réclamations du salarié et à titre reconventionnel, sollicite la condamnation de M. X à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Reste en litige entre les parties le reproche de discrimination syndicale déposé par M. X à l’encontre de son employeur, la SA Chabé Limousines. M. X a été désigné délégué syndical à compter de 2005 et il invoque deux griefs, le premier résultant de la multiplication des procédures disciplinaires abusives à son encontre et le second tenant à la modification unilatérale et injustifiée des modalités de missions qui lui ont été confiées, entraînant une diminution notable de la partie variable de sa rémunération.

Aux termes de l’article 2141-5 du code du travail applicable à l’espèce, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition de travail, de formation professionnelle d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Pour étayer ses affirmations, et sur le premier moyen, M. X produit :

• la mise à pied disciplinaire dont il a fait l’objet de la part de son employeur du 15 au 19 mai 2007, qui a été annulée par jugement de départage du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 8 février 2010, confirmé par arrêt de la cour d’appel de céans

• un courrier de mise en garde du 23 octobre 2007 relatif à la tenue quotidienne du carnet chauffeur

• une mise à pied disciplinaire du 30 novembre 2011 pour non-respect des standards de l’entreprise, sanction annulée par jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 10 juillet 2013

• une mise en garde du 10 mai 2012 relatif à la longueur de ses cheveux avant le 4 mai 2012

• un avertissement le 9 décembre 2013 pour avoir roulé sciemment avec un pneu insuffisamment gonflé ce qui a entraîné la destruction du pneu et de la jante du véhicule le 12 novembre 2013

• une convocation en vue de sanction disciplinaire du 12 décembre 2013 pour avoir refusé une commande, sans suite après l’entretien qui s’est tenu à cette date

• une mise en garde du 2 mai 2014 pour non mise à disposition du client d’une bouteille d’eau le 25 mars 2014

• un avertissement du 14 novembre 2014 pour avoir lu trop rapidement sa mission du 5 octobre et de s’être trompé dans la prise en charge d’un client

• une convocation à entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire du 27 avril 2015 restée sans suite après l’entretien qui s’est tenu à cette date

• la lettre de l’inspection du travail du 13 juin 2007 concluant que « l’accumulation de sanctions à l’égard des 3 représentants du personnel (dont M. X) pose la question du respect de l’article L. 412-2 du code du travail qui interdit les mesures de discipline en lien avec l’appartenance à un syndicat ou l’exercice de l’activité syndicale, M. X ayant fait l’objet dernièrement d’une mise à pied disciplinaire peu après avoir été élu membre de la délégation unique du personnel »

• les décisions de l’inspecteur du travail du 21 août 2007 mentionnant « ces 3 délégués syndicaux (dont M. X) apparaissent comme les représentants du personnel les plus actifs de l’entreprise (') ces sanctions interviennent peu après l’engagement par chacun d’entre eux d’une procédure devant le conseil de prud’hommes contre la SA Chabé Limousines »

En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale directe ou indirecte au sens du texte ci-dessus rapporté est démontrée en ce qui concerne les mesures disciplinaires prises par la SA Chabé Limousines.

En ce qui concerne le second grief, M. X produit :

• sa lettre du 23 juillet 2008 par laquelle il reproche à son employeur de ne pas lui permettre de participer à la mission « London Dubaï » contrairement aux années précédentes lui permettant de compléter son salaire de façon significative,

• celle du 19 mai 2008 où il reproche à son employeur de l’avoir écarté des missions confiées par l’hôtel Plaza Athénée et la réponse de l’employeur du 13 juin 2008 exposant que ce retrait correspond au trouble qu’il a occasionné en novembre 2007 dans cet hôtel et à la demande de la direction de l’hôtel indiquant qu’il serait souhaitable de ne plus l’y envoyer en mission, outre sa déclaration de main courante dressée le 23 novembre 2007 à la suite de l’altercation

• qu’il a eu avec le voiturier du Plaza Athénée l’attestation de M. Y exposant que, salarié entre mars et octobre 2010, il avait relevé que « la SA Chabé Limousines confie les courses à ses chauffeurs suivant sa volonté, les bonnes, les moyennes et les petites, lui-même n’étant missionné que pour les petites courses (Etihad, Fedex ou gares) où il rencontrait invariablement M. X et le voyait attendre des heures en stand by sur le parking pro à Roissy un éventuel dépannage, la SA Chabé Limousines peut ainsi réguler le salaire qu’elle souhaite que le salarié obtienne »

• l’attestation de M. Z, qui affirme que comme lui, M. X était affecté aux palaces parisiens pour y effectuer des missions intéressantes et très bien rémunérées et que sa situation professionnelle avait complètement changé après qu’il avait revendiqué devant le conseil de prud’hommes des heures supplémentaires et qu’il était représentant syndical pour n’avoir plus de missions rémunératrices sur les palaces, étant réduit aux transferts aéroports 2 à 3 fois par jour, 6 jours sur 7, 12 heures d’amplitude horaire au tarif le plus mal payé de 15,45 € l’heure, ce qui avait contribué à réduire insidieusement son salaire

• ses relevés de service de 2000 à 2016

• ses bulletins de salaire de 2000 à 2015 et le tableau de ses rémunérations

• ses déclarations personnelles de pourboires.

La SA Chabé Limousines conteste la teneur de l’attestation de M. Z en affirmant que ce salarié n’avait pas les mêmes horaires que M. X et était exclusivement affecté aux hôtels, ce qui l’empêchait de constater les faits qu’il prétend rapporter ; ce salarié étant effectivement en opposition avec son ancien employeur qui l’a licencié en mars 2017 et cette attestation étant produite pour la première fois en justice en octobre 2017, soit très tardivement par rapport à la procédure introduite pour harcèlement par M. X, la cour ne peut la retenir pour fonder sa conviction ; L’attestation de M. Y, circonscrite à 6 mois en 2010, mentionne sa situation et le fait qu’il a rencontré régulièrement M. X sur le parking de Roissy sans en préciser l’époque concernée et alors que les courses depuis l’aéroport entraient également dans ses fonctions ;

Ainsi, à l’exclusion de ses propres affirmations, les pièces versées aux débats ne permettent pas à la cour de constater que M. X souffrait de missions systématiquement moins rémunératrices ni d’une diminution de salaire en raison des courses confiées alors qu’il était dans la période considérée entre 2011 et 2014 en arrêt de travail pour maladie.

Dès lors, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale est démontrée en ce qui concerne les seules mesures disciplinaires prises par la SA Chabé Limousines.

Il convient alors de procéder à l’examen des moyens soulevés par l’employeur. La SA Chabé Limousines fait valoir qu’une partie des sanctions dont M. X reproche la notification ne peuvent s’apparenter à des sanctions disciplinaires (rappel au règlement, mise en garde, convocation sans suite après l’entretien) tandis que les autres, justifiées, n’étaient en aucun cas animées d’une volonté discriminatoire.

Si en effet, il ne peut être reproché à l’employeur de délivrer un rappel des obligations contractuelles à son salarié qui ne tenait pas quotidiennement son carnet chauffeur par exemple, en revanche, l’avertissement délivré pour la destruction du pneu et de la jante du véhicule le 12 novembre correspondait à une erreur de conduite du salarié sans qu’il soit rapporté la preuve qui lui incombait de justifier, de la volonté de mal faire du salarié (les seules pièces 73 et 74 de l’employeur se limitant au constat des dégâts non contestés) et ne pouvait donc relever du droit disciplinaire, que les mises à pied des 30 mai 2007 et 30 novembre 2011 ont été annulées par le conseil de prud’hommes pour disproportion avec la faute commise ou pour défaut de preuve de l’existence des standards à respecter, décisions non remises en cause par la SA Chabé Limousines qui n’a pas formé appel à leur encontre, et enfin, en adressant à plusieurs reprises à son salarié des « convocations à entretien préalable à sanction disciplinaire que nous envisageons de prendre à votre encontre » sans y donner

suite démontre que l’employeur a eu recours, contre M. X, à de nombreuses reprises à des menaces de sanctions ou à des sanctions injustifiées dont rien ne vient démontrer ainsi la pertinence ;

La SA Chabé Limousines échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par M. X sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement syndical.

M. X réclame l’octroi de la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ; il invoque avoir subi en conséquence de ces faits un préjudice moral puisqu’il a été en arrêt maladie pour dépression et stress d’origine professionnelle de mai 2008 à août 2011. il invoque un préjudice financier résultant de la baisse de son salaire durant l’arrêt maladie et la non-perception de pourboires qu’il chiffre à la somme de 126 708 euros.

La cour n’a pas retenu la discrimination syndicale fondée sur l’existence de missions systématiquement moins rémunératrices ; en revanche, M. X justifie que le comportement discriminant de l’employeur à son égard a eu un retentissement important sur son état de santé ; il convient de condamner la SA Chabé Limousines à ce titre à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi.

La SA Chabé Limousines qui succombe supportera la charge des dépens d’appel et sera condamnée à verser à M. X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2014

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 8 février 2010 en ce qu’il a débouté M. C-D X de sa demande au titre de la discrimination syndicale

condamne la SA Chabé Limousines à verser à M. X la somme de 8 000 euros en réparation de la discrimination syndicale reprochée

condamne la SA Chabé Limousines aux dépens d’appel

la condamne à payer à M. X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme A B, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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