Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 12 décembre 2019, n° 18/07183
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 12 déc. 2019, n° 18/07183 |
---|---|
Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/07183 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Versailles, 19 septembre 2018, N° 17/04709 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Thérèse ANDRIEU, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : LA SAS GRH PORT MARLY PAR TRANSMISSION UNIVERSELLE DE PATRIMOINE, SAS RESIDIS
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
12e chambre
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 12 DECEMBRE 2019
N° RG 18/07183 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SXD6
AFFAIRE :
SAS RESIDIS venant aux droits de la SAS GRH PORT MARLY immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de GRASSE, sous le numéro 803 202 720,
C/
J X
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 17/04709
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-laure DUMEAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS RESIDIS venant aux droits de la SAS GRH PORT MARLY immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de GRASSE, sous le numéro 803 202 720
[…]
[…]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 – N° du dossier 24166
Représentant : Me Michel HARROCH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0311 -
APPELANTE
****************
Monsieur J X
de nationalité
[…]
ESPAGNE
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42507
Représentant : Me Arnaud TRIBILLAC, plaidant
Monsieur I Z
de nationalité
[…]
[…]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1961504 – Représentant : Me Florent LUCAS de la SELARL INTERBARREAUX CORNET-VINCENT-SEGUREL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Madame O Z
[…]
[…]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1961504 – Représentant : Me Florent LUCAS de la SELARL INTERBARREAUX CORNET-VINCENT-SEGUREL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur K Y
de nationalité
[…]
[…]
Représentant : Me Virginie DESPORT-AUVRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 361
Représentant : Me Laurent ZEIDENBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0191
- par Me K
Madame Q Y
[…]
[…]
Représentant : Me Virginie DESPORT-AUVRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 361
Représentant : Me Laurent ZEIDENBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0191
- par Me K
Monsieur R G (DA et conclusions signifiées le 23.11.2018 à étude)
de nationalité
[…]
[…]
défaillant
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Octobre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
M. X – ainsi que 55 autres personnes physiques ou morales – sont propriétaires d’appartements situés
[…]) qu’ils ont donnés à bail commercial, à destination de résidence
hôtelière, à la société Dom’ville Services, selon divers contrats signés en 2009 et 2010. Celle-ci a, par acte du
11 juillet 2014, cédé son fonds de commerce à la société […], aux droits de laquelle vient
aujourd’hui la société Residis.
Suivant divers avenants aux baux souscrits – à effet du 1er janvier 2015 – le montant du loyer annuel a été
conventionnellement modifié et aménagé par paliers jusqu’à la fin du bail.
Par courriers recommandés avec accusé de réception du 15 décembre 2016, la société […] a
sollicité de ses différents bailleurs la révision triennale des loyers pour la période ayant commencé à courir le
1er janvier 2016, en application des articles L.143-33 et L.145-38 du code de commerce.
En l’absence de réponse ou d’accord des bailleurs, et après notification à chacun d’un mémoire préalable par
courrier recommandé du 30 décembre 2016, la société […] les a assignés devant le juge des
loyers commerciaux du tribunal de grande de instance de Versailles, au terme de divers actes des mois d’août,
septembre, octobre et novembre 2017 afin de voir fixer le montant du loyer dû à compter du 1er janvier 2017,
pour chacun des appartements, à la valeur locative, ou le cas échéant à dire d’expert.
Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :
— Déclaré parfait le désistement d’instance et d’action de la société […] à l’égard de certains
propriétaires qui l’ont accepté, l’instance se trouvant ainsi éteinte à leur égard ;
— Dit que chacune des parties concernée par ce désistement conservera à sa charge ses propres frais
irrépétibles et dépens ;
— Déclaré recevable, mais mal fondée, la demande de la société […] tendant à la fixation du loyer
révisé à la valeur locative à compter du 1er janvier 2017;
— Débouté les époux Y et Z de leur demande de fixation du loyer révisé à compter du 15 décembre
2016 sur la base du loyer initial ;
— Condamné la société […] à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile:
• la somme totale de 2.000 euros à M. K Y et Mme Q Y,
• la somme totale de 2.000 euros à M. I Z et Mme L Z,
• la somme de 2.000 euros à M. J X;
— Condamné la société […] aux dépens de l’instance non concernée par un désistement accepté ;
— Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
— Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 19 octobre 2018, la société […] a interjeté appel du jugement à l’encontre de
13 propriétaires.
Par ordonnances des 30 octobre et 29 novembre 2018, le conseiller de la mise en état a donné acte à la société
[…] de son désistement à l’encontre de M. A, Mme B, M. C, M. D, Mme
E, la société Binet Patrimoine, et M. F.
L’appel formé par la société […] n’est donc plus dirigé qu’à l’encontre de 6 intimés, à savoir M. Et
Mme Z, M. Et Mme Y, M. X et M. G.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2019, la société […] demande à la cour de :
— Confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a donné acte de désistement d’instance et d’action à l’encontre
de certains propriétaires,
— Infirmer la décision dont appel pour le surplus.
En conséquence,
— Dire la société […] recevable et bien fondée tant au visa des dispositions des articles L. 145.33
et L. 145.38 du code de commerce que subsidiairement au visa des dispositions du nouvel article 1195 du
code civil à voir fixer le montant du loyer à compter du 1er janvier 2017 à la valeur locative des locaux,
— Fixer le loyer aux sommes suivantes :
• 1 812,54 euros hors taxes, hors charges par an à compter du 1er janvier 2017 pour l’appartement (lot n°225) et le parking sous-sol (lot PKL225) appartenant à Monsieur et Madame X J ;
• 3 000,79 euros hors taxes, hors charges, par an à compter du 1er janvier 2017 pour l’appartement (lot n°221) et le parking sous-sol (lot PKL221) appartenant à Monsieur et Madame Z ;
• 2 625,69 euros hors taxes, hors charges par an à compter du 1er janvier 2017 pour l’appartement (lot n°315) et le parking sous-sol (lot PKL315) appartenant à Monsieur et Madame Y ;
• 2 625,69 euros hors taxes, hors charges par an à compter du 1er janvier 2017 pour l’appartement (lot n°408) et le parking sous-sol (lot PKL408) appartenant à Monsieur et Madame G ;
• 2 623,24 euros hors taxes, hors charges par an à compter du 1er janvier 2017 pour l’appartement (lot n°14) et le parking sous-sol (lot PKL10) appartenant à Monsieur F ;
— Condamner tout succombant à payer à la société […] la somme de 5 000 euros sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à
l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions de procédure notifiées le 8 mars 2019, la société Residis demand à la cour de
prendre acte qu’elle vient aux droits de la société […], à la suite d’une transmission universelle de
patrimoine.
Par dernières conclusions notifiées le 23 juillet 2019, M. J X prie la cour de :
— Déclarer l’appel interjeté irrecevable et infondé,
— Confirmer en conséquence la décision dont appel,
— Déclarer irrecevable la demande de […],
Subsidiairement,
— Débouter […] de l’ensemble de ses demandes,
— Condamner […] au paiement d’une somme de 3000 euros en application des dispositions de
l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2019, M. et Mme Z demandent à la cour de :
— les recevoir en toutes leurs demandes ;
— Y faire droit ;
En conséquence :
— Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Residis de sa demande de fixation du loyer à la
somme annuelle hors taxes de 3.000,79 euros ;
— Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur et Madame Z de leur demande de fixation du
montant du loyer révisé au montant du loyer plafonné ;
— Fixer le montant du loyer du bail révisé à la somme plafonnée de 12.368,57 euros hors taxes par an à
compter du 15 décembre 2016 ;
— Débouter la société Residis de sa demande de révision pour imprévision fondée sur les dispositions de
l’article 1195 du code civil ;
En tout état de cause :
— Condamner la société Residis à verser à M.et Mme Z la somme de 5.000 euros sur le fondement des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— Condamner la société Residis en tous les dépens de l’instance.
Par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2019, M.et Mme Y prient la cour de :
A titre principal,
— Déclarer irrecevable la demande formulée par la société […] ;
A titre subsidiaire,
— Confirmer le jugement rendu par Mme le juge des loyers commerciaux le 22 septembre 2018 en ce qu’elle a
débouté la société […] de sa demande de fixation du loyer révisé à compter du 1er janvier 2017 à
la valeur locative ;
— Infirmer le jugement rendu par Mme le juge des loyers commerciaux le 22 septembre 2018 en ce qu’elle a
débouté M.et Mme Y de leur demande reconventionnelle de révision du montant du loyer ;
En conséquence :
— Fixer le montant du loyer du bail révisé à la somme plafonnée de 11.493,33 euros hors taxes par an à
compter du 15 décembre 2016 ;
— Rejeter l’intégralité des demandes de l’appelante ;
— Condamner la société […] à verser à M. et Mme Y la somme de 5.000 euros sur le
fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Condamner la société […] aux entiers dépens.
Par acte du 23 novembre 2018 délivré à étude d’huissier, la déclaration d’appel et les conclusions ont été
régulièrement signifiées à M. G qui n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2019.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux
écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Residis sollicite la fixation d’un nouveau loyer, à titre principal sur le fondement de la révision
triennale légale définie à l’article L.145-38 du code de commerce, et à titre subsidiaire sur le fondement de
l’article 1195 du code civil prévoyant une possibilité de révision du contrat en cas de changement de
circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat.
1 – Sur la recevabilité de la demande de révision sur le fondement de l’article L.145-38 du code de
commerce
Il résulte de l’article L. 145-38 al.1 et 2 du code de commerce que la demande en révision ne peut être formée
que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail
renouvelé. De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau
prix sera applicable.
En l’espèce, M. X et les époux Y soulèvent l’irrecevabilité de la demande de révision formée par le
bailleur au motif qu’ils ont signé un avenant au bail, respectivement le 1° janvier 2015 et le 15 juin 2015,
portant fixation conventionnelle du nouveau loyer. Ils soutiennent dès lors que le bailleur ne pouvait agir en
révision avant l’expiration d’un délai de 3 ans, soit respectivement avant le 1er janvier 2018 et le 15 juin 2018,
de sorte que sa demande de révision formée par courrier du 15 décembre 2016 est irrecevable.
La société Residis affirme être recevable en sa demande, sans expliciter sa position.
Le premier juge a estimé que la demande de la société Residis était recevable en ce que l’avenant du 1° janvier
2015 ne constituait pas une révision triennale prévue à l’article L.145-38 du code de commerce.
Il est constant que les avenants signés en 2015 portent sur une révision conventionnelle du loyer qui est
augmenté par paliers.
Contrairement à ce qu’a pu estimer le premier juge, une modification conventionnelle du loyer, telle qu’elle
résulte des avenants signés en janvier et juin 2015 est assimilée à une révision triennale dès lors qu’elle
entraîne l’application d’un nouveau prix, de sorte que la révision suivante ne peut intervenir qu’à l’expiration
d’un délai de 3 ans à compter du jour où le « nouveau prix sera applicable ».
En l’espèce, il ressort des avenants de janvier et juin 2015 que le nouveau loyer était applicable dans les deux
cas au 1° janvier 2015, de sorte que la demande de révision ne pouvait être formulée au plus tôt qu’à compter
du 1° janvier 2018.
La demande de révision triennale formée par la société Residis doit donc être déclarée irrecevable à l’égard de
M. X et des époux Y. Le jugement sera infirmé de ce chef.
La cour observe qu’il n’est justifié d’aucune signature d’avenant en 2015 par les époux H ou par M.
G (l’avenant leur a été proposé, mais il n’est pas justifié d’un avenant signé), de sorte que ces derniers ne
contestent pas la recevabilité de la demande formée par la société Residis.
2 ' sur le bien fondé de la demande en révision formée à l’encontre des époux H et de M. G
Il résulte de l’article L. 145-38 al.3 du code de commerce que par dérogation aux dispositions de l’article L.
145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de
commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration
ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice
trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux
premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière
fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en
découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours
de l’année précédente.
Il résulte en outre de l’article R.145-6 du code de commerce que les facteurs locaux de commercialité
dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du
quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le
voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement
pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
A l’appui de sa demande en révision, la société Residis fait valoir que son activité de résidence hôtelière est
très concurrencée par l’hébergement collaboratif de type Airbnb, ce qui entraîne une diminution de son taux
d’occupation. Elle ajoute que les attentats, les grèves et le sentiment d’insécurité ont fait fuir les touristes
étrangers, ce qui a eu une conséquence directe sur l’équilibre de sa gestion, avec une perte de chiffre d’affaires
de 25,8 % entre 2014 et 2016. Elle affirme que la baisse de fréquentation touristique constitue une
« modification notable et défavorable des facteurs locaux de commercialité de plus de 10% ».
Les époux H soutiennent pour leur part que la preuve d’une modification matérielle des facteurs
locaux de commercialité n’est pas rapportée, la baisse de fréquentation touristique alléguée n’étant pas une
modification 'matérielle’ au sens des dispositions précitées, son caractère local n’étant en outre pas établi, pas
plus que la variation de plus de 10% de la valeur locative.
***
Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, la baisse de fréquentation touristique alléguée, dont il n’est
nullement démontré ni même allégué qu’elle soit survenue dans la zone de chalandise concernée, ne constitue
pas une modification « matérielle » des facteurs locaux de commercialité. Les nombreux articles de presse
produits par le bailleur font uniquement état d’une situation générale dans le domaine hôtelier en France, sans
que soit rapportée la preuve que la baisse de fréquentation touristique s’est également produite dans la zone de
chalandise de la société Residis.
Les facteurs locaux de commercialité tels que définis à l’article R.145-6 précité ne comprennent nullement le
chiffre d’affaires de la société, de sorte que son éventuelle modification à la baisse ne peut être retenue pour
apprécier la nécessité d’une révision triennale.
Enfin, la simple affirmation d’une variation de plus de 10% de la valeur locative, qui n’est ni argumentée ni
documentée, est totalement insuffisante à démontrer cette variation.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a dit que les conditions de la révision triennale n’étaient pas
remplies et qu’il a ainsi débouté la société Residis de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce
chef.
3 ' sur la demande subsidiaire fondée sur l’article 1195 du code civil
Il résulte de l’article 1195 du code civil que si un changement de circonstances imprévisible lors de la
conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en
assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. En cas de refus ou
d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions
qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut
d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à
la date et aux conditions qu’il fixe.
En l’espèce, la société Residis soutient, à titre subsidiaire, qu’il convient de réviser le contrat au regard des
circonstances imprévisibles que constituent la concurrence de l’hébergement collaboratif et la désaffection des
touristes. Elle argue notamment du fait que les loyers de la résidence sont très supérieurs à son bénéfice brut
d’exploitation.
Les intimés font valoir que l’article 1195 précité n’est entré en vigueur qu’en septembre 2016, soit
postérieurement à la signature du contrat, ajoutant qu’en tout état de cause, le statut des baux commerciaux
déroge à la règle générale.
Dès lors que le statut des baux commerciaux prévoit de nombreuses dispositions spéciales relatives à la
révision du contrat de bail (révision triennale, clause d’indexation), il n’y a pas lieu de faire application des
dispositions générales de l’article 1195 précité, ces dernières devant être écartées au profit des règles spéciales
du statut des baux commerciaux, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a débouté la société Residis
de sa demande de révision fondée sur les dispositions générales du code civil. Le jugement sera confirmé de
ce chef.
4 – Sur la demande reconventionnelle en fixation du loyer au montant du loyer plafonné
Les époux Y et les époux H reprennent, en appel, la demande d’application de l’indexation prévue
au contrat – sauf à remplacer l’indice de référence des loyers (IRL) par l’indice du coût de la construction ' dont
ils ont été déboutés par le premier juge.
La société Residis ne forme aucune observation à ce titre.
Le premier juge a rejeté cette demande au motif que les bailleurs avaient signé des avenants fixant le montant
du loyer par palier sur la période de 2015 à 2018, ce qui était incompatible avec l’application d’une indexation
durant cette période, particulièrement en retenant comme base le loyer contractuel initial.
S’agissant des époux Y, l’avenant signé le 15 juin 2015 prévoit que le montant du loyer annuel est fixé à
7.961,01 euros HT pour la période de janvier 2015 à décembre 2017, puis 9.553,21 euros pour la période de
janvier 2018 jusqu’au terme du bail initial, à savoir le 30 décembre 2018, et enfin 10.614,68 euros pour la
période postérieure au 30 décembre 2018. Dès lors que le montant du loyer a fait l’objet d’une fixation
contractuelle jusqu’au 30 décembre 2018, les époux Y ne sont pas fondés à solliciter l’application de
l’indexation pour la période ayant commencé à courir en décembre 2016, celle-ci ne pouvant être à nouveau
appliquée qu’à compter du 30 décembre 2019, soit un an après la dernière fixation contractuelle. Le jugement
sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indexation à compter du 15 décembre 2016.
S’agissant des époux H, force est ici de constater qu’ils n’ont pas signé d’avenant en 2015, de sorte que
leur demande d’application de l’indexation est fondée.
Le loyer initial était fixé à la somme de 11.423,01 euros HT. Le contrat de bail prévoit une indexation le 1°
octobre de chaque année proportionnellement à la variation de l’indice de référence des loyers publié par
l’Insee, l’indice de base étant celui du premier trimestre de l’année de livraison. L’indice de référence des
loyers n’étant pas applicable en matière de bail commercial, il convient de faire application de l’indice du coût
de la construction, ce qui n’est pas discuté par le preneur.
Les époux H demandent à la cour de fixer le montant du loyer à la somme de 12.368,57 euros HT par
an à compter du 15 décembre 2016, en faisant application des indices des 2emes trimestre 2009 et 2016. Force
est ici d’observer que les indices fixés au contrat sont ceux des 1er trimestre 2009 et 2016, et non pas ceux du
2e trimestre de ces années.
Le calcul du loyer indexé s’établit donc de la manière suivante : 11.423,01 euros : 1503 x 1622 = 12.327,42
euros.
Il convient donc de fixer le montant du loyer indexé dû par la société Residis aux époux H à la somme
de 12.327,42 euros HT par an à compter du 15 décembre 2016. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Residis qui succombe sera condamnée au paiement des dépens exposés en cause d’appel. Il sera
alloué à chacun des intimés ou couple d’intimés une somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles
d’appel
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 20 septembre 2018 en ce qu’il a :
— débouté la société […], aux droits de laquelle vient la société Residis, de ses demandes de
fixation du loyer révisé à la valeur locative et de révision du contrat de bail,
— débouté les époux Y de leur demande d’application de l’indexation à compter du 15 décembre 2016,
— condamné la société […], aux droits de laquelle vient la société Residis, au paiement de frais
irrépétibles et de dépens,
L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Déclare irrecevable la demande de révision triennale formée par la société Residis à l’encontre de M.
X et des époux Y,
Fixe le montant du loyer indexé dû par la société Residis à M. I et Mme L H à la somme
de 12.327,42 euros HT par an à compter du 15 décembre 2016,
Condamne la société Residis aux dépens d’appel,
Condamne la société Residis à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à M. J
X d’une part, à M. K et Mme Q Y, d’autre part, et à M. I et Mme L
H de troisième part.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision
Entrée dans les baux commerciaux de la révision pour imprévision et caractérisation de l'indivisibilité de la clause d'indexation Le cabinet Gouache a obtenu une décision remettant en cause la jurisprudence maintenant constante de la Cour de cassation sur la validité des clauses d'indexation. Bien plus, cette décision admet, dans le statut des baux commerciaux, l'application de l'imprévision. La décision obtenue par le cabinet Gouache est particulièrement intéressante, en ce qu'elle a : - amorcé un revirement de jurisprudence sur la clause d'indexation ; - fait entrer dans le cadre …