Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 3 mars 2020, n° 18/05592

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 3 mars 2020, n° 18/05592
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/05592
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 27 juin 2018, N° 16/04562
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 4 septembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 03 MARS 2020

N° RG 18/05592

N° Portalis DBV3-V-B7C-SSRF

AFFAIRE :

[T] [V] [G] [F]

C/

Maître [I] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/04562

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Anne-laure DUMEAU,

— la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation le 25 février 2020, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

Madame [T] [V] [G] [F]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6] (78)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant/déposant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42403

APPELANTE

****************

Maître [I] [C],

membre de la SCP [K] [O] [E] [R] [D] [W] ET [A] [O], NOTAIRES ASSOCIÉS,

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant/déposant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 020044

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

Rejeté la demande de Mme [T] [F],

Rejeté la demande de Mme [Z] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [T] [F] aux dépens ;

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 1er août 2018 par Mme [F] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2019 par lesquelles Mme [F] demande à la cour de :

Dire et juger Mme [F] aussi recevable que bien fondée en son appel, l’y

recevoir,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles rendu le

28 juin 2018,

En conséquence,

Condamner Maître [C] à payer à Mme [F] la somme de 222 929,77 euros sur le fondement de l’article 1147 du code civil,

Condamner Maître [C] à payer à Mme [F] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaire sur le fondement de l’article 1141 du code civil,

Condamner Maître [C] à payer à Mme [F] la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Maître [Z] [P] en tous les frais et dépens de première instance

et d’appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2019 par lesquelles Mme [C] demande à la cour de :

Déclarer Mme [F] mal fondée en son appel principal, l’en débouter,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Mme [C],

Y ajoutant,

Condamner Mme [F] à régler à Mme [C] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1ère instance et d’appel,

Condamner Mme [F] aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par la SCP Courtaigne avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [F] et M. [Y] [M] ont fait enregistrer une déclaration de Pacs puis de dissolution du Pacs par déclarations conjointes au greffe du tribunal d’instance de Versailles en dates respectives des 8 juillet 2009 et 2 novembre 2012.

Dans l’intervalle, aux termes d’un acte authentique reçu le 21 janvier 2010 par Me [X] [L], notaire associé à [Localité 7], avec la participation de Me [I] [C], notaire à [Localité 7], Mme [F] et M. [M] ont acquis en indivision, à concurrence de 70% pour la première et de 30 % pour le second, un terrain à bâtir d’une superficie de 1512 m² et d’une SHON de 411 m² situé au Lieudit [Adresse 5] à [Localité 8] (78) ainsi qu’un cinquième indivis de la parcelle à usage de voie nouvelle cadastrée section ZC n°[Cadastre 3] lieudit [Adresse 5] , moyennant le prix de 223 000 euros, frais d’agence et de notaire en sus, représentant un prix total de 265 344, 93 euros.

L’acte de vente faisait suite à la promesse de vente établie par Me [L] selon laquelle Mme [F] et M. [M] étaient bénéficiaires dans les mêmes proportions.

Ces derniers ont ensuite fait édifier une construction à usage d’habitation sur le terrain acquis, dont le coût s’est élevé à 247 788 euros TTC.

Mme [F] et M. [M] avaient par ailleurs accepté une offre de crédit émanant du Crédit industriel et commercial en date du 30 décembre 2009, portant sur deux prêts immobiliers pour un montant global de 240 000 euros au remboursement desquels ils se sont engagés solidairement.

A la suite de leur séparation, Mme [F] et M. [M] n’ont pas trouvé d’accord sur les modalités d’un partage amiable de l’indivision existant entre eux. Me [B] [H], notaire, a établi un procès-verbal de difficultés le 12 février 2016.

Reprochant à Mme [C], rédactrice de la promesse de vente d’avoir manqué à son obligation de conseil et commis une faute en ne lui attribuant qu’une quotité de 70 % sur le bien devant être acquis avec son compagnon alors qu’elle finançait la totalité de l’apport, Mme [F] a fait assigner celle-ci par acte d’huissier du 13 avril 2016 devant le tribunal de grande instance de Versailles en mettant en cause sa responsabilité professionnelle et aux fins d’obtenir réparation de ses divers préjudices, sollicitant sa condamnation à lui payer principalement les sommes de 222 929, 77 euros et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

C’est dans ces circonstances que la décision entreprise a été rendue.

SUR CE , LA COUR,

Mme [F] reproche en substance à Mme [C] la proportion fixée par l’acte d’acquisition du 21 janvier 2010 dans les droits indivis de chacun des acquéreurs.

Elle prétend que Mme [C] a manqué à son obligation de conseil et a fait preuve de négligence compte tenu de ce qu’elle a payé le prix du terrain dans son intégralité par un apport personnel de sorte qu’elle affirme que l’acte notarié aurait dû être établi à son seul nom.

Elle prétend que la notaire se devait d’expliquer en détails les avantages et les inconvénients de l’achat du terrain en indivision compte tenu du fait que l’apport personnel de M. [M] était nul et que le fait d’attribuer à M. [M] une quotité indivise de propriété sur le terrain objet de l’acte litigieux équivalait à lui consentir une donation déguisée.

Elle évoque les termes du projet de partage proposé par Mme [C] qu’elle a refusé d’accepter et énonce de nombreux chiffres à l’appui. Elle fait état du coût total de revient du bien immobilier litigieux à hauteur de 743 099,24 euros représentant un coût total pour elle de 457 861,24 euros d’apport personnel, outre la moitié des emprunts immobiliers, de 142 619 euros, représentant globalement la somme de 600 480,24 euros. Elle fait valoir que la valeur vénale du bien est estimée dans le projet de partage à 550 000 euros et que le projet de partage occultait le fait que les prêts avaient commencé d’être remboursés et que si elle avait accepté de signer ce projet, le financement global lui incombant – avec les prêts restant à sa charge- aurait été de 727 861 euros.

Elle reproche à Mme [C] de n’avoir communiqué à son confrère Maître [L], rédacteur de l’acte, aucun élément relatif à l’origine des deniers précisant seulement que M. [M] acquerrait la propriété à hauteur de 30% et elle-même de 70% et lui fait grief d’avoir mal apprécié l’acquisition du bien et d’avoir raisonné comme s’il s’agissant de la vente d’un terrain déjà bâti et non d’un terrain à bâtir puisqu’elle a tenu compte du coût de la construction à intervenir dans l’acte d’acquisition du terrain nu. Elle affirme qu’il s’agit d’une faute dès lors qu’il était envisageable que M. [M] et elle-même se séparent ou que l’un décède ou encore qu’un tiers fasse un recours contre le permis de construire et que le notaire a ainsi fait une fausse appréciation de la situation des parties alors qu’il doit assurer l’effectivité et l’efficacité de son acte.

Elle observe que le coût définitif de la construction n’a été connu que le 13 juillet 2011, à son achèvement, soit bien postérieurement à la signature de l’acte d’acquisition et que Mme [C] ne peut se prévaloir de la globalité de l’opération pour justifier la détermination des quotités entre les parties.

Elle affirme que Mme [C] a cherché « à couvrir sa responsabilité professionnelle » en espérant qu’elle signerait un projet de partage désavantageux pour elle en mentionnant que les parties renonçaient à exercer ultérieurement tout recours contre l’autre partie.

Elle soutient également pour répondre à Mme [C] qui observe qu’elle ne démontre pas le financement du terrain par des deniers propres, qu’elle avait reçu divers dons manuels et bénéficié de son épargne salariale, et disposait ainsi, au moment de l’acquisition, d’une somme de 457 861 euros et que le notaire n’ignorait pas cette situation.

Elle prétend que c’est donc de manière purement fictive que Mme [C] a estimé la participation financière de M. [M] à 30% et qu’elle a été calculée au regard de son apport personnel et de ses contributions dans le remboursement du prêt immobilier.

Elle invoque un préjudice de 222 929 ,77 euros, correspondant selon ses indications, à 30% du coût de revient du bien immobilier qu’elle estime à 743 099,24 euros , outre un préjudice complémentaire de 10 000 euros.

Mme [C] conteste toute faute ou manquement de sa part. Elle invoque une contradiction entre l’affirmation de Mme [F] selon laquelle elle a financé l’achat du terrain dans son intégralité au moyen de ses fonds personnels et le reproche qui lui est fait de lui avoir fait acquérir le terrain en indivision avec son compagnon alors qu’il ressort de l’offre de prêt émise par le Crédit industriel et commercial, que le prêt souscrit par Mme [F] et M. [M], en qualité d’emprunteurs solidaires et indivisibles, était destiné à financer l’acquisition du terrain et la construction.

Elle en déduit que c’est ainsi à juste titre qu’elle a procédé à un raisonnement prenant en compte une opération globale pour tenir compte de l’apport de chacun en considérant notamment que les prêts seraient remboursés par moitié jusqu’à leur terme.

Elle précise qu’elle s’est conformée à la volonté exprimée à cette époque par les parties.

Elle fait valoir que Mme [F] reconnaît dans ses écritures que la répartition des droits dans l’indivision figurait déjà dans la promesse de vente et qu’elle a été le résultat d’une discussion avec les parties ; que les calculs fait à partir du coût global de l’opération immobilière projetée ont conduit à la répartition fixée à l’acte, qui correspondait au financement devant être assumé par chacun.

Elle soutient que les proportions d’acquisition indivise du bien litigieux n’ont pas été fixées péremptoirement par le notaire, mais ont fait l’objet de discussions entre et avec les parties.

Elle précise qu’elle ne connaissait pas plus l’une que l’autre des parties et n’avait aucun motif d’être partiale.

Elle observe que Mme [F] qui prétend avoir contesté la quotité de 40% devant initialement être attribuée à M. [M] dans la rédaction d’un projet de promesse, n’indique pas avoir émis des réserves sur celle retenue de 30% alors que la signature de l’acte authentique n’ est intervenue que six mois après.

Elle fait encore valoir pour répondre au grief sur ce point qu’elle n’avait aucune obligation de communiquer à son confrère Me [L], des éléments sur l’origine des deniers, dont Mme [F] n’a nullement fait état ou justifié au moment de l’intervention du notaire .

Elle soutient que la position de Mme [F] tendant à prétendre que l’opération aurait dû se traduire par l’acquisition d’un terrain à son nom à charge pour elle de payer une soulte à M. [M] dans les proportions du coût de la construction au regard de sa participation au prêt destiné à financer la construction, n’est pas sérieuse ; qu’elle tente par ce biais d’alléguer que la propriété du bien ne serait pas indivise, ce qui est totalement contraire au titre de propriété qui correspond à l’accord des parties, afin de servir ses intérêts dans le cadre des opérations de partage en cours.

Elle fait valoir que les prétentions de Mme [F] relatives à la prétendue confusion du notaire quant à l’acquisition d’un terrain à bâtir ou d’un terrain et d’une maison n’apportent strictement rien aux débats et rappelle que Mme [F] et M. [M] avaient obtenu leur permis de construire, préalablement à leur acquisition, s’agissant d’une condition suspensive et qu’ils ont bien réalisé la construction au moyen d’un prêt souscrit par eux.

Elle observe que les opérations de partage de l’indivision n’ont pas réalisées, qu’un procès-verbal de difficultés a été établi et que le tribunal n’est pas saisi des désaccords subsistants et que le fait que le coût définitif de la construction n’ ait été prétendument connu que le 13 juillet 2011, soit à son achèvement est sans incidence, puisqu’à ce jour le partage n’a pas eu lieu.

Elle souligne comme un fait curieux que Mme [F], qui a mis un terme à toute tentative de conciliation dans le cadre des opérations de partage, n’ait pas préféré saisir le tribunal d’une demande de liquidation partage plutôt que d’agir à l’encontre du notaire en lui réclamant des sommes exorbitantes, totalement injustifiées tant dans leur principe que dans leur quantum.

Elle observe, s’agissant des prétentions de Mme [F] quant à sa participation réelle au financement du bien, qu’elle ne verse aux débats aucun relevé bancaire justifiant des sommes par elles versées au titre du remboursement de l’emprunt et qu’il a fallu attendre ses écritures du 20 septembre 2019 pour qu’elle détaille les dons manuels reçus de ses parents entre la fin de l’année 2008 et le mois d’avril 2013 et souligne encore qu’elle n’en a pas donné l’information au notaire à l’époque de l’acquisition et qu’elle n’a pas justifié que les fonds reçus ont été investis dans le bien indivis.

Mme [C] fait valoir que le changement de position de Mme [F] entre l’époque où le couple nouvellement pacsé élaborait des projets d’avenir et notamment celui d’acquérir un terrain pour y édifier le domicile de la famille et ce jour, s’explique par sa rupture avec M. [M], dont elle-même n’a pas à subir les conséquences.

Elle cite une jurisprudence selon laquelle la responsabilité du notaire ne peut plus être recherchée s’il a été tenu à l’écart des négociations et n’est intervenu qu’une fois la convention des parties devenue parfaite et réitère qu’en l’espèce les proportions de chacun des acquéreurs avaient été fixées sans l’intervention du notaire.

Elle dénonce les termes employés par Mme [F] qui lui reproche d’avoir « tenté tois fois de la spolier » affirmant qu’ils lui sont préjudiciables en ce qu’ils portent atteinte à son intégrité.

Elle conclut à l’absence de faute de sa part en prétendant avoir rempli son obligation d’information, son devoir général de loyauté, de prudence, de diligence et d’efficacité dans la rédaction de l’acte litigieux.

Elle invoque par ailleurs que le préjudice invoqué par Mme [F] n’est pas né, ni certain, ni actuel dès lors qu’elle ne démontre pas l’impossibilité de recouvrer les sommes indûment réglées compte tenu de sa participation dans l’acquisition du bien immobilier par le biais de récompenses. Elle fait valoir que le préjudice allégué revêt un caractère purement éventuel et nullement quantifiable dès lors que la participation des indivisaires dans le financement du bien litigieux n’est pas fixée et que les emprunts sont toujours en cours. Elle se réfère à la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle le notaire ne peut être tenu au paiement de restitutions auxquelles un contractant est condamné . Elle réfute l’existence d’un préjudice moral de Mme [F].

Mme [C] se prévaut en dernier lieu de l’absence de lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué.

***

Considérant qu’il est incontestable que le projet de M. [M] et de Mme [F] consistait dès l’origine dans l’acquisition d’un terrain sur lequel ils devaient faire bâtir, projet qui s’est concrétisé dans les faits ; que les moyens développés par Mme [F] tenant à diverses hypothèses de séparation, ou décès ou d’absence d’obtention du permis de construire, qui auraient pu survenir entre l’acquisition du terrain et la construction, telles qu’avancées par Mme [F] sont sans objet et inopérants en ce qu’elles ne se sont pas réalisées et que comme le fait valoir Mme [C] le notaire n’est pas chargé de prédire l’avenir et d’envisager toutes les hypothèses étrangères dont la probabilité est très faible, pouvant affecter la réalisation du projet dont il lui a été fait part et à l’élaboration duquel il est chargé d’apporter sa participation en tant que notaire instrumentaire des actes ; que s’agissant de l’obtention du permis de construire , elle constituait une condition suspensive de la promesse de vente, de sorte que la vente n’aurait pas eu lieu si le permis de construire n’avait pas été obtenu ;

Considérant en outre, que Mme [F] ne démontre pas avoir sollicité de Mme [C] qu’elle prépare un acte d’acquisition en son seul nom ; que M. [M], avec lequel Mme [F] s’est pacsée le 8 juillet 2009, soit six mois avant l’acte de vente, était partie prenante à l’opération immobilière ; que si le terrain avait été acquis par Mme [F] seule, on ne voit pas quel intérêt aurait eu son compagnon à former une demande de prêt avec cette dernière, s’il ne se voyait reconnaître aucune quote-part indivise sur le bien ; que si Mme [F] avait seule présenté une demande de prêt, elle n’aurait pas obtenu le même montant de prêt, qu’elle a jugé nécessaire au financement de la construction projetée, puisque la demande initiale de prêt présentée le 20 novembre2009, portait sur un montant de 240 000 euros, correspondant au coût prévu de la construction ;

Qu’il ne se déduit pas du fait que Mme [F] avait perçu de ses parents, divers dons manuels pour un montant déclaré de 344 728 euros, qu’elle ait eu la volonté de les employer en totalité dans l’opération immobilière ; que si tel avait été le cas, elle n’aurait pas eu besoin de recourir à un prêt du montant souscrit ;

Que si le notaire doit dans le cadre des échanges préalables à la rédaction des actes, remplir un devoir de conseil à l’égard des parties, il ne peut le faire que sous réserve des éléments portés à sa connaissance et du projet qui lui est présenté ; que c’est ainsi à juste titre que Mme [C] a pu conseiller les parties, si tant en est que son avis ait été requis, en portant une appréciation et en faisant des calculs à partir de la réalité d’une opération immobilière globale, comprenant l’acquisition d’un terrain et la construction d’une maison, en proposant la fixation des quote-parts respectives des acquéreurs au regard du financement global prévisible de l’opération ;

Qu’elle a dès lors eu raison de prendre en considération le montant des emprunts contractés ensemble et solidairement par les acquéreurs, dont le capital était de 275 000 euros en définitive, ce qui excédait de plus de la moitié le montant de l’opération, hors coût du crédit , étant observé qu’elle n’est pas démentie par Mme [F] dans son affirmation selon laquelle celle-ci disposait de revenus mensuels de l’ordre de 2 398 euros, ce qui exclut qu’elle ait pu prendre seule en charge les remboursements d’emprunt s’élevant à 1 590 euros par mois ;

Qu’il est au surplus relevé, comme Mme [C] le souligne, que Mme [F] ni ne dit avoir pris en charge le remboursement des prêts ni ne justifie, par les pièces appropriées, de sa participation même partielle à celui-ci ;

Considérant s’agissant de l’appréciation de la valeur globale de l’opération projetée, que dans ce type d’opération où une construction est prévue, l’intégralité du coût du projet ne peut être déterminée de manière totalement exacte, compte tenu de toutes les incertitudes existant en matière constructive, outre l’évolution possible des choix des maîtres de l’ouvrage et des travaux supplémentaires éventuels ;

Considérant cependant que le contrat de construction signé le 6 juillet 2009 par M. [M] et Mme [F], soit de manière concomitante à la promesse de vente, prévoyait un prix forfaitaire et définitif de 232 000 euros TTC auquel s’est rajouté, suivant avenant du 7 juillet 2009, un montant de 4 000 euros, ce qui portait ainsi à 236 000 euros, le coût prévisible de la construction, dont avaient connaissance les parties et le notaire avant la signature de l’acte de vente ; que la facture définitive d’un montant de 247 788 euros ne s’est pas avéré très éloignée de ce montant ;

Qu’il apparaît que la proportion fixée par Mme [C], en accord avec les parties, compte tenu des éléments dont elle disposait, correspond de manière appropriée à ce que les acquéreurs étaient chacun en mesure de financer ; que l’on peut supposer, à partir du projet d’état liquidatif qui n’a pas abouti, que les ex concubins avaient l’intention de rembourser les prêts par moitié ; qu’en admettant que Mme [F] avait financé, par un apport personnel l’acquisition du terrain, à hauteur de 253 265 euros, en ce compris les frais d’acquisition, somme à laquelle il convient de rajouter le montant global des prêts, de 275 000 euros, soit à la charge de chacun des concubins, un remboursement de 137 500 euros, il apparaît, hors le prêt Astria de 9 600 euros, que Mme [F] aurait globalement financé 73,9% du bien et M. [M] 26% de celui-ci ;

Considérant que compte tenu de ce que le notaire et vraisemblablement les acquéreurs eux-mêmes n’avaient pas une connaissance précise au moment de la signature de l’acte de la répartition exacte du remboursement entre eux, laquelle n’est pas fixée à ce jour, le notaire n’a commis aucune faute, ni aucun manquement à son obligation de conseil en établissant un acte ou en donnant au confrère l’établissant, les instructions pour fixer les quote-parts indivises respectives de Mme [F] et de M. [M] à 70% et 30% ; que Mme [F] avait toute latitude pour revoir la quote-part prévue et négociée avec M. [M] entre la promesse de vente et l’acte de vente, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait ; qu’elle ne précise pas en quoi le conseil donné par Mme [C] lui aurait été défavorable alors qu’elle n’était pas seule partie à l’acte et qu’elle ne démontre pas qu’elle a envisagé d’acquérir et de financer entièrement seule l’opération immobilière dans son ensemble ;

Considérant en outre qu’il ne saurait davantage être imputé un comportement fautif à Mme [C] en ce qu’elle n’a pas fait préciser à l’acte de vente l’origine des deniers ; que Mme [F] ne démontre pas qu’elle ait justifié de celle-ci auprès du notaire, ni qu’elle lui a expressément demandé que celle-ci soit mentionnée à l’acte ; qu’il n’est pas établi que la pièce n°28 de Mme [F], qui est la copie d’un vague brouillon de modèle de reconnaissance de dette soit imputable à Mme [C] et ne saurait convaincre la cour de ce que Mme [C] avait une parfaite connaissance de l’origine des deniers devant servir à financer l’acquisition du terrain ;

Considérant par ailleurs qu’il ne résulte pas du projet d’état liquidatif auquel Mme [F] a refusé de consentir, que M. [M] ait jusque là contesté le fait qu’elle ait financé l’acquisition du terrain au moyen de deniers propres ;

Considérant enfin que le tribunal, qui n’avait retenu non plus aucune faute à l’encontre de la notaire intimée, a exactement relevé qu’en l’absence de liquidation et partage de l’indivision, Mme [F] ne peut se prévaloir d’un préjudice, qui n’est ni certain, ni actuel ;

Qu’il sera ajouté que si les opérations de compte liquidation et partage de l’indivision nécessitent de se référer au titre, pour procéder au calcul théorique des droits des parties, rien n’empêche l’une d’entre elles, en l’occurrence Mme [F] , de démontrer le cas échéant, qu’elle a financé l’acquisition au-delà de la part qui lui incombait et de demander qu’il lui en soit tenu compte par le biais d’une créance détenue sur l’indivision ;

Que le fait que l’acte notarié d’acquisition mentionne une répartition de l’indivision à hauteur de 70% pour Mme [F] ne lui interdit pas de rapporter l’existence de son apport personnel , ni de justifier de la part exacte de ses remboursements d’emprunt afin d’établir qu’elle peut prétendre à une créance à l’encontre de l’indivision consistant dans le dépassement d’un financement à 70% ;

Qu’enfin la cour ne peut que constater que le projet de partage que Mme [F] a refusé, prévoyait l’attribution à son profit de la maison et des meubles meublants la composant, sans versement d’une quelconque contrepartie financière, ni indemnité d’occupation à M. [M], à charge pour elle de supporter seule le remboursement des prêts depuis octobre 2012, ce qui correspond à la date de séparation du couple, ainsi que le remboursement du débit du compte joint, de sorte que sauf les comptes d’administration à faire entre les parties, ce projet tenait compte du financement du bien par Mme [F] dans les plus larges proportions, puisque rien ne revenait à M. [M] ;

Que pour l’ensemble de ces motifs tenant à l’absence de faute de Mme [C] et à l’absence de préjudice actuel et certain de celle-ci, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté cette dernière de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens ;

Considérant que Mme [F] qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d’appel ;

Considérant vu l’équité, qu’il convient d’allouer à Mme [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais exposés en première instance et en appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en celles relatives à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement entrepris,

CONDAMNE Mme [F] à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

CONDAMNE Mme [F] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

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