Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 5 mars 2020, n° 19/00018
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 16e ch., 5 mars 2020, n° 19/00018 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 19/00018 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Nanterre, JEX, 4 décembre 2018, N° 18/05278 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Patricia GRASSO, président
- Avocat(s) :
- Parties : LA SAS SOGEFINANCEMENT, SA INTRUM DEBT FINANCE AG, Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG SOGEFINANCEMENT
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51B
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 MARS 2020
N° RG 19/00018 – N° Portalis DBV3-V-B7D-S34Y
AFFAIRE :
Y X
C/
SA INTRUM DEBT FINANCE AG VENANT AUX DROITS DE LA SAS SOGEFINANCEMENT prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au dit siège domiciliée chez INTRUM, anciennement dénommée […], SAS dont le siège est sis […]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Décembre 2018 par le Juge de l’exécution de Nanterre
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/05278
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 05 03 2020
à :
Me Marie-laure TESTAUD, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Nathalie WINKLER, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ MARS DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Y X
né le […] à […]
de nationalité Française
145 terrasse de l’université
[…]
Représentant : Me Hassan GUEMIAH, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1572 – Représentant : Me Marie-laure TESTAUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 483
APPELANT
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S A I N T R U M D E B T F I N A N C E A G V E N A N T A U X D R O I T S D E L A S A S SOGEFINANCEMENT prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au dit siège domiciliée chez INTRUM, anciennement dénommée […], SAS dont le siège est sis […]
SA de droit suisse, immatriculée au RCS de ZUG sous le numér
o CH-100.023.266 dont le siège est […]
CH-6300 ZUG-SUISSE
Représentant : Me Nathalie WINKLER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 370
Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG société anonyme de droit suisse, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de ZUG sous le numéro CH-100.023.266, dont le siège social est sis, […], représentée par la Société INTRUM, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 322 760 497, dont le siège social est situé 97 Allée Alexandre Borodine ' Parc technologique ' Bâtiment Séquoia 1 à SAINT-PRIEST (69800), agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège.
Industrierstrasse 13c – ZUG-CH
o CH-100.023.266 dont le siège est […]
6300 SUISSE
Représentant : Me Nathalie WINKLER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 370
INTIMEES
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Février 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sylvie GUYON-NEROT, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
,Madame Patricia GRASSO, Président
,Madame Sylvie GUYON-NEROT, Président
,Madame Caroline DERYCKER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Nazia KHELLADI,
EXPOSE DU LITIGE
Agissant en vertu d’une ordonnance portant injonction de payer revêtue de la formule exécutoire
rendue le 11 janvier 2000 par le tribunal d’instance de Puteaux à l’encontre de monsieur X qui le
condamnait à verser à la société Sogefinancement une somme de 10.248 francs (soit : 1.562 euros)
outre intérêts au taux de 14,76 % à compter de la date de sa signification et qui lui a été signifiée le
06 avril 2000, la société Intrum Justicia Debt Finance (ci-après : Intrum), se prévalant de la qualité
de cessionnaire de cette créance, a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de
celui-ci ouverts en les livres de la société Crédit du Nord, ceci selon acte du 03 avril 2018 qui lui a
été dénoncé le 10 avril 2018.
Par jugement contradictoire rendu le 05 décembre 2018 le juge de l’exécution du tribunal de
grande instance de Nanterre, saisi par monsieur X d’une contestation de cette mesure par
assignation délivrée le 07 mai 2018, a :
• débouté monsieur Y X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
• condamné monsieur Y X aux dépens,
• condamné monsieur Y X à payer la somme de 1.500 euros à la société Intrum Debt Finance AG au titre de ses frais irrépétibles,
• rappelé que la décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2019, monsieur Y X, appelant de ce
jugement selon déclaration reçue au greffe le 02 janvier 2019, demande à la cour, visant le code de
procédure civile et notamment ses articles 117 et 700, le code de la sécurité sociale et notamment son
article L 160-12, le code des procédures civiles d’exécution et notamment ses articles L 112-4, L
211-1 et L 212-1, de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, en conséquence d’infirmer le
jugement entrepris et, statuant à nouveau de :
• dire que la société Intrum (anciennement dénommée Intrum Justitia France), mandataire de la société Intrum Justitia Debt Finance AG, ne justifie pas de la capacité d’ester ni du pouvoir d’ester (article 117 cpc),
en conséquence ,
• ordonner la nullité de la saisie et de sa dénonciation,
• dire qu’Intrum ne justifie pas d’une créance certaine, liquide et exigible,
• dire que les sommes bloquées sont partiellement ou totalement insaisissables,
• examiner la saisissabilité du compte,
• faire application de la majoration pour enfant à charge de 122,50 euros par mois,
• ordonner la mainlevée de la saisie des salaires de monsieur X en ce qu’elle porte sur la part insaisissable de :
* salaires de février 2018 crédités sur le relevé bancaire de mars 2018 : 344,09 euros (vir DDFIP des
Yvelines du 22/02/18) + 688,16 euros (vir DDFIP des Yvelines du 23/02/18)) + 408,77 euros (vir
SNC Caumartin 2005 du 01/03/18) = 1.441,02 euros,
* salaires de mars 2018 crédités sur le relevé bancaire d’avril 2018 : 688,16 euros (vir DDFIP des
Yvelines du 27/03/18)) + 559,17 euros (vir SNC Caumartin 2005 du 03/04/18) = 1.247,86 euros,
• ordonner la mainlevée des prestations de monsieur X en ce qu’elle porte sur des prestations insaisissables de protection sociale (Cpam + mutuelle) en nature, crédités sur le relevé bancaire d’avril 2008 : 108,98 euros (virement GPS Gestion Prestations du 28/03/18) + 1.400 euros (vir Gestion Prestations du 29/03/18) + 24,15 euros (virement mutuelle générale éducat du 03/04/18) = 1.533,13 euros,
• condamner la société Intrum Justitia Debt Finance AG à payer à monsieur X la somme de 5.000 euros pour saisie abusive et 4.800 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel (article 700 cpc),
• condamner la société Intrum Justitia aux entiers dépens avec distraction au profit de maître Marie-Laure Testaud, avocat aux offres de droit, en vertu de l’article 699 cpc,
Par dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2019, la société anonyme de droit suisse
Intrum Debt Finance AG prie la cour :
• de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
• de condamner monsieur X à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
• de condamner monsieur X aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité de la saisie-attribution
Attendu que pour solliciter la mainlevée de la mesure, monsieur X oppose d’abord à l’intimée un
défaut de capacité et de « pouvoir d’ester » en faisant valoir que seul le créancier peut signifier la
saisie, que la société Intrum, anciennement dénommée Intrum Justitia France ne justifie pas de son
pouvoir de représentation et qu’il s’agit d’une nullité de fond ;
Qu’évoquant, par ailleurs, la nécessité, pour le créancier, de disposer d’une créance certaine, liquide
et exigible, il soutient successivement que la saisie est antérieure à la signification de la cession de
créance du 17 mars 2017, qu’il n’est pas établi qu’elle était comprise dans le bordereau de cession et
qu’il n’est pas justifié de la somme sur laquelle porte la saisie, à savoir celle de 3.358,37 euros alors
que le principal revendiqué se monte à la somme de 1.562,35 euros ;
Qu’il se prévaut, enfin, sur le fondement de l’article 112-4 du code des procédures civiles d’exécution
selon lequel « les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent
insaisissables » et en raison du fait que cette insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde
du compte, de l’insaisissabilité partielle de ses rémunérations en visant l’article L 3252-2 du code du
travail et en affirmant que la saisie en cause est concernée par ces dispositions, de même qu’il doit
être tenu compte d’une majoration pour personne à charge et de l’insaisissabilité des prestations en
nature versées par la Caisse primaire d’assurance maladie et la mutuelle en visant, cette fois, l’article
L 160-12 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, ceci étant rappelé et s’agissant du défaut de pouvoir de la société Intrum, anciennement
dénommée Intrum Justitia France SAS qui a fait procéder à la saisie-attribution litigieuse le 03 avril
2018, qu’il résulte des énonciations de cet acte qu’elle agissait en qualité de représentant de la société
Intrum Justitia Debt Finance AG se présentant elle-même comme venant aux droits de la société
Sogefinancement SAS suite au rachat de la créance selon acte de cession en date du 17 mars 2017 ;
Que monsieur X n’est pas fondé en sa contestation du pouvoir de représentation de la société
Intrum Justitia France dès lors que l’intimée verse aux débats un « pouvoir général » daté du 07 mai
2012 par lequel la société Intrum Justitia Debt Finance AG constitue mandataire la SAS Intrum
Justitia, conformément aux articles 1984 et suivants du code civil et lui donne tous les pouvoirs
nécessaires à l’effet, notamment, de « former toutes saisies-attribution » ;
Que la saisie-attribution requérant du créancier qu’il soit muni d’un titre exécutoire portant
condamnation de la personne tenue d’exécuter, monsieur X est, en revanche, fondé à soutenir
que tel n’est pas le cas en l’espèce ;
Que la société Intrum se borne en effet à produire un bordereau de cession de créance daté du 17
mars 2017, portant sur la cession de 36.861 créances par la société Sogefinancement SAS à la société
Intrum Justitia Debt Finance AG, dont l’annexe vise, selon un extrait de tableau, monsieur X
Y en regard d’une « référence de dossier » JT 18 02 9093 et d’un « solde débiteur » au montant
de 3.358,37 euros ;
Que, certes, la société Intrum verse en outre l’ordonnance portant injonction de payer qui sert de
fondement à ses poursuites, ; qu’il y a cependant lieu de constater que cette décision n’identifie pas,
d’une quelconque manière, le contrat de crédit en cause, que le « solde dû » retenu par le juge
s’établit à la somme de 1.820 euros, alors que la créance cédée en 2017 est identifiée comme se
montant à celle de 3.358,37 euros et que la saisie-attribution a été pratiquée, en avril 2018, pour un
principal de 1.562,35 euros outre intérêts à compter du 03 avril 2018 ; qu’en l’absence de tout autre
élément, il convient de considérer que la société Intrum ne justifie pas de manière suffisante que la
saisie pratiquée a concerné le paiement des sommes visées dans le titre exécutoire ;
Qu’ à admettre même que cette saisie ait pu être exercée en vertu de ce titre, monsieur X est, en
outre, fondé à se prévaloir de l’inopposabilité de la cession au débiteur saisi à la date de la
saisie-attribution litigieuse, ceci sur le fondement des dispositions de l’article 1324 (nouveau) du
code civil applicable au présent litige selon lequel « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a
déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte » ;
Qu’en effet, s’il résulte des dispositions de l’article 1323 du code civil régissant le contrat bipartite
que constitue la cession de créance, que le transfert s’opère à la date de l’acte et si celui-ci est
opposable aux tiers dès cette date, contrairement à ce que laisse entendre la société Intrum, le
débiteur cédé est un tiers bénéficiant d’un régime particulier d’opposabilité ;
Que quand bien même l’article 1324 du même code est venu simplifier les formalités précédemment
exigées pour que la cession soit opposable à ce débiteur, il n’en reste pas moins que, sauf prise d’acte
manifestée de manière non équivoque, il appartient au cessionnaire de procéder à la notification
requise par ce texte s’il entend exercer à son encontre les droits attachés à la créance cédée ;
Qu’il n’est pas rapporté la preuve, au cas particulier, de la notification de la cession de créance au
débiteur saisi à la date de la saisie-attribution, cette diligence n’ayant été accomplie que le 18 avril
2018, soit postérieurement à la date de la saisie-attribution ;
Qu’il en résulte qu’en l’absence d’opposabilité de la cession de créance en cause à monsieur X à
la date de la saisie-attribution litigieuse, cette voie d’exécution ne pouvait être valablement pratiquée
par la société Intrum et qu’il y a lieu d’en donner mainlevée ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu’il en dispose autrement ;
Sur les autres demandes
Attendu que l’équité conduit à condamner la société Intrum à verser à monsieur X la somme de
1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Que la société Intrum qui succombe sera déboutée de ce dernier chef de demande et condamnée aux
entiers dépens de première instance et d’appel ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement entrepris et, statuant à nouveau ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 03 avril 2018 sur les comptes bancaires
de monsieur Y X ;
CONDAMNE la société Intrum Debt Finance AG la somme de 1.000 euros en application de
l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel
avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure
civile.
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
— signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame KHELLADI, Greffier placé, auquel
la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision