Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 8 février 2022, n° 21/02039

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 8 févr. 2022, n° 21/02039
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/02039
Décision précédente : Tribunal de commerce de Pontoise, 26 janvier 2021, N° 2018F00834
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 36E

13e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 08 FEVRIER 2022


N° RG 21/02039


N° Portalis DBV3-V-B7F-UM7R


AFFAIRE :

EURL I Z


C/

X-O Y

….


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE


N° Chambre :


N° Section :


N° RG : 2018F00834


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le :

à :


Me Christophe DEBRAY


Me A GOURION


TC PONTOISE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX,


La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

EURL I Z prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité


N° SIRET : 510 606 189

[…]

[…]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21118

Représentant : Me Romain LANTOURNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur X-O Y

[…]

[…]

S.A.R.L. Q R S agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège


N° SIRET : 348 580 291

[…]

[…]

S.A.R.L.MEDALIA, anciennement dénommée OSTEA, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège


N° SIRET : 402 109 565

[…]

[…]

Représentant : Me A GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2211048

Représentant : Me Arnaud MOLINIER de la SELAS LPA-CGR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0428

S.A.S. HOLISTEA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège


N° SIRET : 441 398 617

[…]

[…]

Représentant : Me A GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2211048

Représentant : Me Laurence TURPIN de la SCP SCP SENTEX – NOIRMONT- TURPIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R036

INTIMES

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Décembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport et Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,


Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,


La société Holistea (anciennement dénommée Q R S Formation Initiale), créée en 2002 par plusieurs associés dont MM. X O Y et I Z, exploite une école d’ostéopathie agréée par le ministère de la santé.


Dans son dernier état, le capital social est réparti ainsi :


- SARL Medalia (anciennement Ostéa) : 223 actions (50,68%), gérée par M. Y,


- EURL I Z : 175 actions (39,77%), gérée par M. Z,


- SARL Q R S (le COE) : 40 actions (9,09%), gérée par M. Y,


- M. Z : 1 action (0,23%)


- M. Y : 1 action (0,23%)
Les sociétés Medalia et COE sont détenues directement ou indirectement par M. Y à hauteur de 60% et par M. Z à hauteur de 40%.


MM. Z et Y ont occupé les fonctions de cogérants de la SARL Holistea. A compter de sa transformation en société par actions simplifiée en décembre 2015, les sociétés I Z et


Medalia ont été désignées en qualité respective de directrice générale et de présidente.


En suite de dissensions apparues entre les associés, la société I Z a été révoquée de ses fonctions par assemblée générale du 28 août 2018.


Considérant cette révocation comme injustifiée, abusive et vexatoire, la société I Z a fait assigner les sociétés Holistea, Medalia et Q R S ainsi que M. Y devant le tribunal de commerce de Pontoise, lequel par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 27 janvier 2021, a :


- déclaré la société I Z recevable mais mal fondée en ses demandes, l’en a déboutée ;


- déclaré les sociétés Ostea et COE et M. Y mal fondés en leur demande reconventionnelle, les a en déboutés ;


- condamné la société I Z à payer aux sociétés Ostea et COE et à M. Y la somme globale de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné la société I Z à payer à la société Holistea la somme de 2 000 euros au titre de

l’article 700 du code de procédure civile ;


- déclaré la société I Z mal fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile, l’en a déboutée ;


- condamné la société I Z aux dépens de l’instance.


Par déclaration du 26 mars 2021, la société I Z a interjeté appel de ce jugement.


Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 décembre 2021, elle demande à la cour de :


- confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle des sociétés Medalia

(anciennement Ostéa), COE et de M. Y visant à la condamner à leur payer à chacun la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral ;


- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;


Et statuant à nouveau,


- déclarer recevable et bien fondée son action ;


- juger que sa révocation de ses fonctions de directeur général de la société Holistea est intervenue sans juste motif ;
- juger, en outre, que sa révocation de ses fonctions de directeur général de la société Holistea est abusive compte tenu des circonstances vexatoires dans lesquelles elle est intervenue ;


- juger que les sociétés Medalia et COE ainsi que M. Y, agissant en qualité d’associés de la société Holistea, ont engagé leur responsabilité personnelle à son égard au titre de sa révocation injustifiée de ses fonctions et des circonstances dans lesquelles elle est intervenue ;


- déclarer que les préjudices décrits sont démontrés et présentent un lien de causalité avec la révocation injustifiée, d’une part, et les circonstances abusives de la révocation, d’autre part ;


En conséquence,


- condamner solidairement les sociétés Holistea, Medalia et COE ainsi que M. Y à lui verser

244 800 euros au titre du préjudice subi du fait de la révocation sans juste motif et 89 280 euros au titre du préjudice subi du fait des circonstances abusives de la révocation, soit la somme totale de

334 080 euros.


En tout état de cause,


- débouter les sociétés Holistea, Medalia et COE ainsi que M. Y de l’ensemble de leurs demandes à son encontre ;


- condamner solidairement les sociétés Holistea, Medalia et COE ainsi que M. Y à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner solidairement les sociétés Holistea, Medalia et COE ainsi que M. Y aux entiers dépens.


Les sociétés Medalia (anciennement dénommée Ostea) et COE et M. Y, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 décembre 2021, demandent à la cour de :


A titre principal,


- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté leurs demandes reconventionnelles relatives à l’indemnisation de leur préjudice moral ;


Statuant à nouveau de ce chef,


- déclarer que la société I Z a commis une faute vis-à-vis d’eux et a volontairement nui à leurs intérêts et a ainsi engagé sa responsabilité à leur égard ;


En conséquence,


- condamner la société I Z à verser à chacun des intimés, la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi ;


A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne devait pas retenir l’existence d’un juste motif de révocation à l’encontre de la société I Z et si elle devait retenir un caractère abusif de la révocation,
- déclarer que les préjudices allégués par la société I Z ne sont pas démontrés et ne présentent pas les caractères d’un préjudice indemnisable ;


- déclarer que les préjudices allégués par la société I Z sont sans lien de causalité avec la prétendue révocation injustifiée et abusive ;


Par conséquent,


- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société I Z de l’ensemble de ses demandes;


- débouter la société I Z de l’ensemble de ses demandes à leur encontre ;


En tout état de cause,


- confirmer le jugement en ses dispositions non contraires à leurs demandes ;


Y ajoutant,


- condamner la société I Z à leur payer, chacun, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner la société I Z aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par maître A


Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 700

du code de procédure civile.


La société Holistea dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 décembre 2021, demande à la cour de :


A titre principal,


- confirmer le jugement rendu en ce qu’il a jugé que la révocation de la société I Z est fondée sur un juste motif ; en ce qu’il a débouté la société I Z de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une révocation sans juste motif d’un montant de 244 800 euros à son encontre ; en ce qu’il a jugé que la révocation de la société I Z n’était pas intervenue dans des conditions vexatoires ; en ce qu’il a débouté la société I Z de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 89 280 euros ; et en ce qu’il a débouté la société I Z de l’ensemble de ses demandes ;


A titre subsidiaire, si la cour devait ne pas retenir l’existence d’un juste motif de révocation à

l’encontre de la société I Z et si la cour devait retenir un caractère abusif de la révocation,


- déclarer que les préjudices allégués par la société I Z ne sont pas démontrés et ne présentent pas les caractères d’un préjudice indemnisable ;


- déclarer que les préjudices allégués par la société I Z sont sans lien de causalité avec la prétendue révocation sans juste motif et abusive ;


Par conséquent,
- débouter la société I Z de l’ensemble de ses demandes à son encontre pour révocation sans juste motif et pour révocation abusive ;


En tout état de cause,


- confirmer le jugement en ses dispositions non contraires à ses demandes ;


Y ajoutant,


- condamner la société I Z à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile ;


- condamner la société I Z aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par maître A


Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2021.


Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1- Sur la révocation de la société I Z


Après avoir rappelé les circonstances ayant précédé sa révocation, notamment sa mise à l’écart progressive à compter de l’été 2017 et la diminution de sa rémunération, l’appelante, qui indique que si la révocation d’un mandataire social est décidée sans juste motif, elle doit donner lieu à dommages et intérêts au profit du dirigeant évincé, soutient, d’une part qu’elle n’a pas commis de faute susceptible de constituer un juste motif de révocation et d’autre part que les différends opposant les dirigeants ne présentaient pas un degré de gravité suffisant et ne portaient pas atteinte à l’intérêt social de la société ou à son fonctionnement.


S’agissant des griefs allégués pour justifier sa révocation, elle estime qu’ils sont fallacieux et, qu’en tout état de cause, ils ne constituent pas une faute grave au sens du droit du travail, à savoir celle qui rend impossible le maintien du dirigeant dans ses fonctions.


Elle conteste en premier lieu avoir commis la moindre faute à l’occasion des faits de harcèlement moral signalés par une salariée, soulignant en particulier qu’elle n’a fait que respecter les dispositions légales, que l’obligation de loyauté du dirigeant s’impose à l’égard de la société uniquement, que la prétendue instrumentalisation de Mme B est contredite par les pièces produites, que le rapport de l’inspection du travail a conclu à l’insuffisance des mesures prises par M. Y, que la partialité de ce dernier l’a empêché de prendre les mesures nécessaires et d’aborder cette problématique lors de l’assemblée générale du 21 février 2018, avant finalement de mettre en oeuvre les mesures qu’elle lui avait elle-même proposées. Elle ajoute avoir rédigé et régulièrement mis à jour le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), faisant observer que le défaut de rédaction de ce document n’a pas été présenté comme une des causes justificatives de révocation lors de l’assemblée générale du 28 août 2018. Elle considère que si des désaccords ont existé entre les dirigeants sur la manière de traiter ce cas de harcèlement, il n’est pas démontré en revanche que cette divergence soit grave et généralisée et surtout de nature à compromettre le fonctionnement de la société.


En deuxième lieu, elle fait valoir qu’aucun des quatre points de divergence allégués par les intimés pour justifier sa révocation, à savoir le refus de donner quitus au président sur la gestion au titre d’un exercice social, la cessation de toute communication entre dirigeants, le désaccord portant sur

l’augmentation de la rémunération du président et le versement de primes à des salariés, ne témoigne

d’une mésentente grave et n’a nui à l’intérêt social de la société, relevant qu’il est du rôle d’un associé de veiller à ce que les rémunérations des dirigeants soient justifiées.


En conclusion, elle prétend que sa révocation de l’entreprise traduit la détermination de M.


Y à vouloir évincer M. Z de la direction de l’entreprise en raison d’un règlement de comptes personnel visant à le sanctionner d’avoir cherché à protéger, dans l’intérêt social de la société et conformément à la loi, une salariée victime de harcèlement.


Les sociétés Medalia, COE et M. Y, d’une part, et la société Holistea, d’autre part, répliquent que la révocation de la société I Z est justifiée par de justes motifs, à savoir la gestion fautive et la carence depuis fin 2016 du signalement par Mme B des difficultés rencontrées avec Mme C, son refus lors de l’assemblée générale du 21 février 2018 de donner quitus de la gestion du président au risque de nuire gravement à l’image de la société, le désaccord sur la fixation des rémunérations des dirigeants votées lors de l’assemblée générale du 4 mai 2018, lesquels traduisent une mésentente grave entre le président et le directeur général de nature à compromettre

l’intérêt social et le fonctionnement de la société et ont conduit à une perte de confiance des associés.


Citant un certain nombre d’arrêts, ils font valoir que le juste motif peut consister en une faute ou, en

l’absence de faute, en une circonstance ou une attitude de nature à compromettre l’intérêt social ou le bon fonctionnement de la société et qu’il suffit d’établir l’existence d’un désaccord entre dirigeants susceptible de mettre en péril la bonne marche et la pérennité de la société. S’agissant du signalement de Mme B, ils reprochent notamment au directeur général de ne pas avoir informé le président des difficultés et mis en place une enquête dès novembre 2016, d’avoir mené une enquête à charge contre Mme C en en écartant le président et la consultante ressources humaines habituelle, saisi la Direccte sans considération des risques et sans concertation avec le président, transmis sur internet les observations de l’inspection du travail du 6 décembre 2017 au mépris de

l’interdiction du président, omis d’informer immédiatement le conseil habituel de la société et mandaté un autre conseil inconnu de celle-ci, critiqué systématiquement les initiatives du président et de s’être désolidarisé de ce dernier, d’avoir refusé de mettre en place des solutions d’apaisement du conflit, proposé comme seule solution de destituer Mme C, instrumentalisé Mme B à des fins personnelles, et distribué des primes aux salariés qu’il a auditionnés dans le cadre de son enquête ou qui ont témoigné en sa faveur. Ils en déduisent que l’appelante a ainsi gravement manqué

à ses obligations et porté atteinte à l’intérêt social et au fonctionnement de la société Holistea en contribuant à la dégradation du climat social. Ils considèrent qu’en tout état de cause ce conflit constitue une véritable dégradation des relations entre les dirigeants et une mésentente persistante qui

a engendré une perte de confiance réciproque et généralisée de nature à nuire gravement au fonctionnement de la société. Ils lui font grief également d’avoir volontairement entretenu une confusion entre sa fonction de directeur des ressources humaines et son mandat de directeur général au sein de l’établissement d’enseignement. Ils détaillent ensuite les différentes divergences

d’appréciation entre le président et le directeur général de nature, selon eux, à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société.


Lors de l’assemblée générale du 15 décembre 2015 de la société Holistea, alors dénommée COE


Formation initiale, la société Medalia, alors dénommée Ostea, a été désignée en qualité de présidente et la société I Z a été nommée en qualité de directrice générale pour une durée illimitée. Il n’est pas contesté que celle-ci avait notamment en charge la direction administrative et financière ainsi que les ressources humaines.


Selon les articles 20.1, 20.2 et 20.4 des statuts de la société Holistea, dans leur version datée du 28 février 2017, un ou plusieurs directeurs généraux peuvent être désignés en vue d’assister le président de la société ; la révocation du directeur général peut intervenir à tout moment, et uniquement pour justes motifs par décision votée par l’assemblée générale ordinaire des associés; sauf limitation fixée par la décision de nomination ou par une décision ultérieure, le directeur général dispose des mêmes pouvoirs de direction que le président.


Le juste motif permettant la révocation peut consister en une faute de gestion mais également en

l’absence de toute faute en une attitude ou une circonstance de nature à compromettre l’intérêt social ou le bon fonctionnement de la société. Il doit être fondé sur des éléments objectifs.


Il est constant que selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 20 août 2018, la société I Z a été convoquée à l’assemblée générale ordinaire du 28 août suivant avec comme objet sa révocation, le rapport du président joint indiquant que 'les erreurs commises par le directeur général, ainsi que les divergences d’appréciation sur plusieurs sujets entre le président et le directeur général, de nature à compromettre l’intérêt social, doublées d’une perte de confiance, nous conduisent à envisager la révocation du directeur général.' et listant la gestion du différend entre

Mmes C et B, le refus du directeur général de donner quitus de la gestion et d’approuver les comptes lors de l’assemblée générale ordinaire du 21 février 2018, l’absence de communication entre les dirigeants au risque de mettre en danger la société, le désaccord relatif aux rémunérations des dirigeants.


La société I Z a contesté les faits qui lui étaient ainsi reprochés par lettre du 26 août 2018 et

a pu s’en expliquer lors de l’assemblée générale.


Il convient d’examiner chacun des motifs allégués.

* Le différend entre Mmes C et B


Il résulte des attestations de M. J K, Mme L M et M. N X, qui indiquent pour le premier :'depuis 2016, […]il circulait des bruits de couloir concernant des mauvais comportements de madame D C vis à vis de certains professeurs et de certains élèves

[…].Puis c’est durant l’année de la promotion 2016-2017 que j’ai appris que I Z, en sa qualité de Directeur des ressources humaines et Directeur adjoint, a, de manière récurrente, alerté

X-O Y en sa qualité de directeur de l’école concernant les agissements de D

C envers certains salariés et élèves.',

pour la deuxième : 'Depuis une dizaine d’années j’évolue dans cette école et j’ai pu remarquer des difficultés d’ordre relationnel entre certains étudiants-salariés (ostéopathes, personnels administratifs) et Mme C […]. Au fil des années, ces problèmes relationnels ont été décrits et dénoncés à monsieur Y X-O, le directeur de l’école, et j’ai le sentiment qu’il a toujours existé un réel déni de sa part',

pour la troisième : 'En décembre 2016, suite à un conflit entre notre équipe et Mme D C,

M. X-O Y a demandé à notre responsable d’équipe de s’entretenir avec Mme C pour apaiser les tensions', que des difficultés existaient entre d’une part Mme D C, directrice de la clinique osthéopatique et compagne de M. Y, et d’autre part certains salariés et que celles-ci étaient connues de ce dernier à tout le moins depuis 2016.


Le 20 juin 2017, Mme B, coordinatrice pédagogique, a effectué un signalement auprès des délégués du personnel et de M. Z dénonçant l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait d’exercer ses fonctions de coordinatrice du fait du comportement de Mme C.


Le 30 juin suivant, les délégués du personnel ont mis en oeuvre le droit d’alerte prévu par l’article


L.2313-2 du code du travail, dans sa version alors applicable, en informant MM. Y et Z.


Ce dernier a alors, d’une part, fixé une réunion avec ceux-ci le 6 juillet 2017, d’autre part informé le président de la société le 7 juillet suivant du déroulement de cette réunion et enfin initié une enquête sous forme d’auditions de Mme B, de Mme C et de témoins réalisées en juillet et septembre 2017, selon des trames validées par les délégués du personnel dont les questions

n’orientaient pas, contrairement à ce qui est allégué par les intimés, les réponses des personnes interrogées. En effet, si l’emploi des termes 'harcèlement moral ou sexuel’ ne figuraient pas dans le signalement initial, il ne peut être reproché à la trame d’y recourir au vu de la situation décrite par

Mme B.


Il convient de relever en outre que dès le 15 juillet 2017, M. Y a informé M. Z qu’il

'souhaiterait reprendre la main et être au courant de manière précise (compte rendu de réunion) de ce qui est reproché à D C' et qu’il n’est pas contesté qu’il a assisté aux auditions du 7 septembre 2017, de sorte qu’il a pu veiller à ce que l’enquête ne soit pas menée à charge de Mme


C.


Le procès-verbal de la réunion du 6 juillet 2017 montre que le recours à un médiateur a été envisagé mais une telle mesure a été refusée par Mme B par lettres des 26 janvier et 19 février 2018 envoyées au président, de sorte que ce dernier ne peut faire grief au directeur général de ne pas avoir tenté de mesures d’apaisement.


Même à supposer que Mme B ait informé M. Z des difficultés qu’elle rencontrait dès le

29 novembre 2016 comme elle le précise dans son signalement, il ne peut pas être reproché au directeur général, au regard du contexte, d’avoir omis d’en informer le président ou de mettre en oeuvre une enquête immédiatement puisqu’outre le fait qu’il connaissait lui-même la personne mise en cause depuis 25 ans comme elle l’indique elle-même, il pouvait légitimement craindre un manque

d’impartialité de sa part.


De fait, il est justifié par le mail adressé par les délégués du personnel à MM. Z et Y, le

28 septembre 2017 'qu’il existait un problème de confidentialité', ce qui les a amenés à prendre conseil auprès de l’inspection du travail, avant même que M. Z informe M. Y le 30 septembre suivant de ce qu’il saisissait également la Direccte en raison notamment 'du non-respect des règles de confidentialité entraînant un doute sur la protection des personnes auditionnées'.


Il résulte du rapport de la contrôleuse du travail en date du 6 décembre 2017, établi en suite de

l’enquête réalisée du 12 octobre au 9 novembre 2017, que :


- 'Le fait que M. Y ait porté à la connaissance de Madame C une partie du contenu des témoignages a fortement altéré le déroulement de l’enquête' ;
- 'Le poste [de Mme B] semble avoir été vidé de toute contenance et de sens….Cette situation peut s’apparenter à un retrait des attributions de Madame B au regard de sa fiche de poste pouvant conduire progressivement à une forme de mise à l’écart au sein de la clinique',

- 'Selon plusieurs témoignages, cette situation ne reçoit pas de réponse appropriée de la part de

Monsieur Y’ ;

- 'Les agissements répétés de Mme C ont été de nature à perturber l’organisation du travail et à dégrader les conditions de travail des salariés, atteignant leur dignité et leur faisant craindre pour leur avenir professionnel au sein de l’entreprise Holistea';

- Concernant la situation de Mme Ez,'le retrait d’attributions principales sur un poste de travail peut être qualifié d’harcèlement moral au regard de la jurisprudence sociale. En outre, la non-reconnaissance par M. Y du retrait des attributions de Madame B à son poste de travail pourrait entraîner des difficultés quant à la mise en oeuvre d’une procédure de médiation'.'


Au vu des conclusions de ce rapport sur les mesures à prendre pour prévenir des situations de harcèlement moral au sein de l’entreprise, il ne peut être fait grief à M. Z ni d’avoir consulté un avocat spécialisé en droit social, distinct du conseil habituel de la société, ni d’avoir manqué de loyauté envers la présidente en transmettant ce rapport par mail aux délégués du personnel à l’origine du signalement nonobstant le souhait du président de le garder confidentiel.


Les attestations de Mme B des 9 mai 2019 et 12 novembre 2019 reprochant à M. Z une mauvaise gestion de 'la problématique réelle et sérieuse’ à laquelle elle était confrontée dans

l’entreprise voire une manipulation par celui-ci et par Mme F, établies en cours de la présente procédure, sont démenties par les mails et courriers datés des 9,12 et 26 janvier 2018, 19 février

2018, 21 mars 2018, 6 mai 2018 et 15 juin 2018 envoyés par celle-ci à la Direccte, avec pour certains

M. Y en copie, reprenant l’historique, pour dénoncer les tentatives de ce dernier de lui imposer une médiation par un médiateur que lui seul aurait choisi, la poursuite des faits de harcèlement et de conditions de travail compliquées du fait de Mme C, le fait que son poste ait été vidé de toutes ses fonctions antérieures puis affecté d’une multitude de tâches difficiles à réaliser, interrogeant notamment l’inspectrice du travail en ces termes : 'Est-il acté suite à cette procédure que

Mme C soit promue directrice de la clinique et que je m’en retrouve évincée ''.


Enfin, le 6 décembre 2017 puis le 10 janvier 2018 et le 19 février 2018, M. Z a proposé à Mme


C une formation en management, qu’elle a refusée, puis au président de faire intervenir un organisme spécialisé dans les risques psycho-sociaux et, non pas de licencier Mme C, mais de la muter sur un autre poste ne comportant pas de management.


Si la gestion de ce signalement a généré des tensions entre les salariés amenés à prendre partie, celles-ci sont imputables tant au président qu’au directeur général, étant souligné que le rapport


Eleas, établi à la demande de la présidente, a notamment rappelé que la gouvernance était historiquement fondée sur des liens d’amitié.


Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’aucune faute, attitude ou circonstance de nature à compromettre l’intérêt social ou le bon fonctionnement de la société ne peut être reprochée à la société I Z dans la gestion de ce signalement, la résolution de ces difficultés postérieurement à sa révocation et en cours d’instance, comme le rapport Eleas, ne démontrant pas une quelconque insuffisance de sa part.
* Le DUERP


Outre que le défaut de réalisation de ce document n’a pas été évoqué dans le rapport du président comme motif de la révocation, il ressort des conclusions de la société Holistea que ce document a été établi en 2012 par Mme G, consultante en ressources humaines, et qu’il aurait été actualisé par la société I Z en 2017.


S’il est démontré par le mail du 25 janvier 2018 adressé à la Direccte, qu’à cette date, M. Z a reconnu que le DUERP n’était pas finalisé, la société ne justifie pas avoir, antérieurement au conflit ayant opposé Mmes C et B, fait l’objet de réclamation de la part de l’administration ou réclamé ce document à M. Z ou donné à ce dernier quelque instruction que ce soit à ce sujet qu’il

n’aurait pas respectée.


En tout état de cause, les critiques formulées sur l’existence ou la qualité de ce document ne peuvent constituer un juste motif permettant la révocation du directeur général.

* Le quitus


Il résulte du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire annuelle du 21 février 2018, que si la société I Z a effectivement refusé de donner quitus au président de sa gestion pour

l’exercice clos au 31 décembre 2017 parce que n’avaient pas été mis à l’ordre du jour deux points relatifs au dossier de 'harcèlement’ et aux rémunérations qu’elle souhaitait évoquer, elle a, en revanche, approuvé les comptes et les résolutions relatives aux rapports du commissaire aux comptes sur les conventions intervenues entre la société, d’une part et les sociétés Ostea et de la Fontaine

d’autre part. En tout état de cause, il ne peut être fait grief à la directrice générale de ses choix effectués en qualité d’associée.

* Les rémunérations


Le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 4 mai 2018 témoigne d’un désaccord entre les deux dirigeants sur le calcul de leurs rémunérations pour l’exercice clos au 31 août 2018.


Outre que les intimés ne justifient pas des modifications survenues dans la répartition des tâches par rapport aux années précédentes qui auraient pu justifier une augmentation de la rémunération de la présidente et une diminution de celle de la directrice générale, même pour revenir au niveau de 2016, le fait pour la société I Z de s’opposer à une telle diminution ne constitue pas un motif justifiant sa révocation, étant souligné là encore qu’il ne peut lui être fait grief de ses choix effectués en qualité d’associée.

* Les primes


Ce grief n’a pas été évoqué dans le rapport du président comme motif de la révocation.


Il est constant que l’appelante a, courant novembre 2017, versé des primes à certains salariés.


Les intimés prétendent sans le démontrer que jusqu’alors ces primes étaient discutées et arrêtées d’un commun accord entre les associés.


La société I Z démontre à l’aide d’une liste produite sous sa pièce n°51, non contestée, que la pratique n’était pas nouvelle puisque des primes avaient également été versées au cours des deux exercices précédents ; que les deux délégués du personnel avaient déjà perçu des primes, pour M.


Blot au cours de l’exercice 2015-2016 et pour M. H au cours des deux exercices 2014 à 2016, de sorte qu’elles étaient sans lien avec l’exercice de leur droit d’alerte ; que parmi les salariés ayant obtenu des primes figurent à la fois des salariés ayant témoigné en sa faveur mais également MM.


Blot et Voillot qui ont produit des témoignages en faveur des intimés, le versement de ces sommes ne décrédibilisant donc pas leurs dires contrairement à ce qui est prétendu.


Si elle participe de la mésentente entre associés, la preuve n’est pas rapportée que cette distribution, en faveur des salariés, qui entre dans les attributions d’un directeur en charge des ressources humaines, serait contraire à l’intérêt social au prétexte qu’elle l’aurait été sans concertation de la présidente.

* La perte de confiance et l’absence de communication


L’absence de communication professionnelle entre les deux organes dirigeant, et non amicale entre


MM. Z et Y, au point de 'mettre en danger la société’ n’est pas établie au vu des mails échangés entre eux produits par les parties.


Tant le mail du 26 avril 2017 envoyé par M. Z à M. Y, faisant le constat qu’ils n’étaient plus 'sur la même longueur d’onde concernant le management et la gestion des équipes', que la lettre de M. Y du 10 janvier 2018, adressée aux employés de la société Holistea, indiquant avoir sollicité des aides extérieures pour 'donner des pistes d’amélioration pour tout ce qui est de

l’organisation, de la communication et de la gestion des ressources humaines', mettant clairement en cause la direction de M. Z, et le mail en réponse de ce dernier, témoignent que leur relation de confiance s’était dégradée et que des dissensions existaient entre MM. Z et Y.


Toutefois, la preuve n’est pas rapportée par les intimés qu’elles aient été préjudiciables à l’intérêt social ou de nature à compromettre le fonctionnement de la société dès lors que, détenant la présidence et la majorité du capital social, ils ont pu faire fonctionner la société sans difficulté et notamment réduire la rémunération de la directrice générale ou fixer l’ordre du jour des assemblées générales sans tenir compte des demandes des associés minoritaires. En outre, aucune des nombreuses pièces produites ne montre que l’agrément de l’institut de formation aurait été menacé.


L’ensemble de ces éléments établit que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la révocation de la société I Z de ses fonctions de directrice générale de la société Holistea est intervenue sans juste motif.

2- Sur les conditions de la révocation


La société I Z prétend que les conditions de sa révocation sont abusives en ce qu’elle a été précédée d’une diminution injustifiée de sa rémunération annuelle et d’une mise à l’écart progressive de la direction opérationnelle de la société puis accompagnée de propos dénigrants et de publicités vexatoires. Elle précise que la publication de l’intégralité du procès-verbal de l’assemblée générale du

28 août 2018 au registre du commerce et des sociétés porte atteinte à son honorabilité et à son crédit.


Les sociétés Medalia, COE et M. Y, d’une part, et la société Holistea, d’autre part, répliquent que le dépôt de la décision de révocation au greffe du tribunal de commerce est une obligation légale, prévue à l’article R.123-105 du code de commerce, qui ne peut donc caractériser en lui-même une révocation brutale ou vexatoire ou une intention de nuire. Ils considèrent en outre que la diminution de la rémunération de la directrice générale, votée en assemblée générale, est sans lien avec sa révocation ; qu’aucune mission n’a été retirée à la société I Z qui ne rapporte pas la preuve contraire, soulignant que cet élément est également sans lien avec la révocation ; et qu’aucune des pièces du dossier ne fait état d’actions ou d’écrits injurieux de la part de la présidente.


S’agissant de la diminution de sa rémunération, l’appelante a indiqué elle-même lors de l’assemblée générale du 28 août 2018, qu’il s’agissait d’une 'sanction déguisée suite à ce dossier de harcèlement de ta compagne'. Elle est donc sans lien avec la révocation.


S’il est avéré que la présidente a écarté la directrice générale de la gestion du différend susvisé, la preuve d’une mise à l’écart de la direction opérationnelle et d’un retrait de ses missions n’est en revanche pas suffisamment rapportée par les deux témoignages produits au regard notamment des organigrammes pour les années 2010/2011 et 2017/2018, qui, nonobstant une présentation différente, lui attribuent les mêmes missions. En outre, si dans un mail du 17 janvier 2018, la présidente a rappelé son rôle et l’absence de 'codirection', elle n’en tire aucune conséquence en termes de missions

à l’exception de l’annulation d’un audit initié par la directrice générale. Au demeurant, la mise à

l’écart alléguée est également sans lien avec la révocation.


Il est certain que la mention du procès-verbal du 4 mai 2018 selon laquelle 'L’activité du directeur général est limitée à la direction administrative (ressources humaines, comptabilité, juridique, finances, logistique). Pour ce faire, le directeur général, ostéopathe de formation, n’a pas de compétence particulière en ce domaine. Il se repose donc sur une équipe…' est particulièrement désobligeante à l’égard d’un directeur général qui a exercé ces fonctions durant 15 années et à l’égard duquel aucun manquement antérieur au différend ayant opposé la compagne de M. Y à une salarié n’est même allégué. Cependant, cet élément est insuffisant à caractériser une révocation abusive ou des conditions vexatoires.


Si l’article R.123-105 du code de commerce oblige à déposer au registre du commerce et des sociétés les actes, délibérations ou décisions emportant inscriptions modificatives notamment en cas de changement de dirigeant, il n’impose pas la publication intégrale du procès-verbal de l’assemblée générale.


En l’espèce, le procès-verbal de l’assemblée générale du 28 août 2018 mentionne que 'rien n’a été entrepris par le directeur général entre fin 2016 et le 30 juin 2017" ; que 'tous ces faits constituent des carences du directeur général' ; que 'ce rapport de la Direccte a été instrumentalisé pour obtenir le licenciement de Mme C et affaiblir le président'.


Bien qu’il vienne d’être constaté que nombre de ces reproches étaient infondés, la publication de ces propos, assortis des réponses de la société I Z, ne porte pas atteinte à sa réputation et à son honorabilité, de sorte que les conditions de la révocation ne peuvent être considérées comme abusives ou comme présentant un caractère vexatoire.


Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société I Z de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre

3- Sur le préjudice en lien avec la révocation sans juste motif


Rappelant que même si le préjudice subi n’est pas nécessairement égal à l’intégralité de la rémunération perdue, la perte de revenus constitue l’un des éléments d’appréciation du préjudice subi,

l’appelante explique que la révocation de ses fonctions a entraîné une baisse d’environ 75% de son chiffre d’affaires qui ne pourra pas être compensée par son activité libérale ; qu’elle est contrainte de supporter jusqu’en mars 2023 le coût d’un crédit d’un montant de 84 000 euros destiné à racheter les parts d’un associé qui a quitté la société ; qu’âgé de 60 ans, M. Z ne parviendra pas à retrouver un poste similaire ; et que la société n’a pas distribué de dividendes sur les cinq derniers exercices, cette décision appartenant à l’associé majoritaire. Compte tenu de son investissement dans la société durant quinze ans, elle s’estime fondée à réclamer une indemnisation égale à deux ans de rémunération fixe.


Elle fait valoir également que la responsabilité de M. Y et des sociétés associées, qu’il détient, est engagée en ce qu’il a quitté la sphère professionnelle pour se placer sur un terrain personnel et abusé de sa situation d’associé majoritaire pour servir ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt social et de la directrice générale.


Les intimés répliquent pour l’essentiel que l’appelante n’est pas fondée à rechercher la responsabilité des associés puisque la révocation est une décision sociale et non une décision d’associés, sauf à démontrer une intention de nuire constitutive d’une faute, personnelle à chacun d’entre eux, ce qui

n’est pas le cas en l’espèce. Ils ajoutent que le préjudice allégué, qui n’est pas né, certain et direct,

n’est pas indemnisable et que la diminution du chiffre d’affaires résultant de l’activité libérale de M.


Z, pourtant désormais exercée à temps plein, n’est pas cohérente et ne peut conduire qu’à douter des données figurant dans le projet de bilan produit. Ils soulignent que depuis deux ans l’appelante a la possibilité de développer sa clientèle, d’exercer son activité libérale à temps plein, qu’aucun des éléments apportés ne permet d’imputer exclusivement la baisse de chiffre d’affaires à la révocation du mandat social et qu’elle a toujours vocation à bénéficier des dividendes à hauteur de 40%.


Si le coût de l’emprunt pour le rachat de parts sociales et l’absence de distribution de dividende sont inopérants quant au préjudice effectivement subi, la perte de son mandat social a en revanche entraîné pour la société I Z une perte de rémunération et donc une diminution de son chiffre

d’affaires, lequel est passé de 355 730 euros en 2017 à 202 666 euros en 2018, 121 505 euros en

2019 et 89 525 euros en 2020. Si cette baisse est certaine au vu des bilans produits et en lien direct avec la révocation, elle ne lui est toutefois pas exclusivement imputable puisque celui-ci comprend également une part liée à son activité libérale, dont il importe peu de rechercher si elle a aurait dû ou pu augmenter depuis deux ans.


La société I Z aurait pu prétendre en 2018 à une rémunération de 122 400 euros et, compte tenu des rémunérations versées en 2017 (151 680 euros) et en 2016 (122 400 euros), à une rémunération à tout le moins équivalente en 2019. Du fait de sa révocation intervenue le 28 août

2018, il n’a perçu pour cet exercice qu’une somme de 86 600 euros.


En tenant compte de la perte de rémunération pour 2018, de ses interrogations quant à son implication future au sein de l’école (cf. mail du 26 avril 2017) qui auraient pu le faire démissionner de son mandat avant deux ans, mais également de la difficulté à retrouver un emploi similaire en raison de son âge, son préjudice peut être évalué à la somme globale de 120 000 euros.


Nonobstant l’implication personnelle de M. Y dans le litige opposant les dirigeants, inévitable au regard de l’historique de la création de la société et des liens d’amitié ayant existé entre eux, la preuve d’une intention de ce dernier de nuire à M. Z n’est pas rapportée par les pièces versées aux débats. La demande de solidarité formée à l’égard de celui-ci et des sociétés associées qu’il détient sera donc rejetée.


Il convient, par conséquent, infirmant le jugement de condamner la société Holistea à payer à la société I Z la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif.


Compte tenu du sens de cet arrêt, il n’y a pas lieu d’examiner la demande reconventionnelle des sociétés Medalia, COE et de M. Y en paiement de dommages et intérêts au titre des préjudices moral et matériel qu’ils auraient subis du fait des agissements de la société I Z.

PAR CES MOTIFS,


La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,


Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté l’EURL I Z de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de circonstances abusives et vexatoires et en ce qu’il a débouté les sociétés Medalia, COE et M. Y de leur demande renconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ;


Statuant à nouveau des chefs infirmés,


Dit que la révocation de l’EURL I Z de ses fonctions de directrice générale de la société


Holistea est intervenue sans juste motif ;


Condamne la société Holistea à payer à l’EURL I Z la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la révocation sans juste motif ;


Déboute l’EURL I Z de sa demande en paiement de dommages et intérêts du fait de la révocation sans juste motif formée à l’encontre de M. X-O Y et des sociétés Medalia et Q R S ;


Condamne in solidum les sociétés Holistea, Medalia et Q R ainsi que M.


Y à payer à l’EURL I Z la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne in solidum les sociétés Holistea, Medalia et Q R ainsi que M.


Y aux dépens de première instance et d’appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, La présidente,
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Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 8 février 2022, n° 21/02039