Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 9 juin 2023, n° 22NT03872

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA, 1re ch., 9 juin 2023, n° 22NT03872
Juridiction : Cour administrative d'appel
Numéro : 22NT03872
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 9 octobre 2022, N° 2204094
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C F ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision du 28 juillet 2022 par laquelle la commission a rejeté leur recours préalable contre la décision du 8 juillet 2022 du directeur académique des services de l’éducation nationale du Finistère rejetant la demande d’autorisation d’instruction dans la famille qu’ils avaient formée pour leur fils A au titre de l’année 2022-2023.

Par un jugement n° 2204094 du 10 octobre 2022 le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 28 juillet 2022 de la commission académique et enjoint au recteur de l’académie de Rennes de délivrer l’autorisation sollicitée dans un délai de quinze jours suivant la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 décembre 2022 et 17 mars 2023, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C F devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

— c’est à tort que le tribunal a annulé la décision de refus d’autorisation de la commission académique au seul motif que le second contrôle pédagogique de l’enfant serait intervenu au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que l’autorité administrative était, en raison des résultats insuffisants des contrôles opérés, tenue, en application du dernier alinéa de l’article 49 de la loi du 24 août 2021, de rejeter la demande d’autorisation d’instruction dans la famille présentée par M. et Mme C F ;

— l’annulation de la décision de la commission académique ne pouvait conduire qu’à une injonction de réexamen de la demande B et Mme C F et non à la délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2023, M. et Mme C F, représentés par Me Fouret, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu’aucun des moyens invoqués par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport B Penhoat,

— les conclusions B Brasnu, rapporteur public,

— les observations d M. D, représentant le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse,

— et les observations de Me Cantarovich, représentant M. et Mme E.

Une note en délibéré enregistrée le 26 mai 2023, a été produite pour le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C F ont sollicité le 12 mai 2022, au titre de l’année scolaire 2022-2023, l’autorisation d’instruire en famille leur fils A, né le 28 février 2010. Par une décision du 8 juillet 2022, le directeur académique des services de l’éducation nationale du Finistère a rejeté leur demande au motif que les résultats des deux contrôles pédagogiques de l’instruction en famille réalisés au cours de l’année scolaire 2021-2022 s’étaient révélés insuffisants. Par une décision du 28 juillet 2022, la commission académique a rejeté leur recours préalable obligatoire formé contre la décision du directeur académique. Par un jugement du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de la commission académique. Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse relève appel de ce jugement.

Sur le cadre juridique du litige :

2. L’article 49 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié le régime de l’instruction dans la famille à compter de la rentrée scolaire 2022. Il a modifié l’article L. 131-2 du code de l’éducation pour prévoir que l’instruction obligatoire serait donnée dans les écoles et établissements d’enseignement et qu’elle ne pourrait, par dérogation, être dispensée en famille par les parents ou par toute personne de leur choix que sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5 du même code. Le VI de cet article 49 a toutefois prévu que, par dérogation, cette autorisation serait accordée de plein droit, pour les années 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du même code de l’éducation ont été jugés satisfaisants.

3. Aux termes de l’article L. 131-10 du code de l’éducation applicable en l’espèce : « () L’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction par les personnes responsables de l’enfant prévue au premier alinéa de l’article L. 131-5, faire vérifier, d’une part, que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et, d’autre part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1. A cet effet, ce contrôle permet de s’assurer de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. Il est adapté à l’âge de l’enfant et, lorsqu’il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers. / Le contrôle est prescrit par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation selon des modalités qu’elle détermine. Il est organisé en principe au domicile où l’enfant est instruit. Les personnes responsables de l’enfant sont informées, à la suite de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer en application du premier alinéa de l’article L. 131-5, de l’objet et des modalités des contrôles qui seront conduits en application du présent article. / () Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l’enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l’enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l’enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal. Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. () / Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. ».

4. Les articles R. 131-12 et suivants du code de l’éducation détaillent les modalités d’organisation des contrôles pédagogiques permettant de s’assurer que les enfants recevant une instruction dans la famille acquièrent progressivement les connaissances et compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Aux termes de l’article R. 131-16-1 du même code : " Le bilan du contrôle est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception aux personnes responsables de l’enfant dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois. / Lorsque les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, ce bilan : / 1° Précise aux personnes responsables de l’enfant les raisons pour lesquelles l’enseignement dispensé ne permet pas l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; / 2° Rappelle aux personnes responsables de l’enfant qu’elles feront l’objet d’un second contrôle dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois et précise les modalités de ce contrôle, qui ne peut être inopiné ; / 3° Informe les personnes responsables de l’enfant de la mise en demeure et des sanctions pénales dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application de l’article L. 131-10 du code de l’éducation et du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal. « . Enfin, aux termes de l’article R. 131-16-2 de ce code : » Lorsque les personnes responsables de l’enfant ont été avisées, dans un délai ne pouvant être inférieur à un mois, de la date et du lieu du contrôle et qu’elles estiment qu’un motif légitime fait obstacle à son déroulement, elles en informent sans délai le directeur académique des services de l’éducation nationale qui apprécie le bien-fondé du motif invoqué. () ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 23 mai 2022, M. et Mme C F ont été informés que le contrôle de l’instruction de leur fils A avait été jugé insuffisant et qu’un second contrôle aurait lieu en conséquence le 24 juin à

14 heures dans les locaux de la direction des services départementaux de l’éducation nationale du Finistère. Il n’est pas contesté que ce courrier n’a été réceptionné par M. et Mme C F que le 1er juin 2022. Par suite, le second contrôle est intervenu dans un délai inférieur à un mois, en méconnaissance des dispositions du 2° de l’article R. 131-16-1 et de celles de l’article R. 131-16-2 du code de l’éducation. Le délai d’un mois ainsi prescrit ayant pour finalité de permettre aux parents de mettre en œuvre les préconisations formulées dans le bilan du premier contrôle, un tel vice de procédure a eu pour effet de priver M. et Mme C F d’une garantie et a exercé une influence sur le sens du résultat du second contrôle. C’est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé la décision de refus d’autorisation contestée.

Sur l’injonction prononcée par le jugement attaqué :

6. Eu égard au motif d’annulation exposé au point 5, l’annulation de la décision du 28 juillet 2022 de la commission académique impliquait seulement que le recteur de l’académie de Rennes réexaminât la situation du fils B et Mme C F, après avoir diligenté le cas échéant un second contrôle de l’instruction en famille dans des conditions régulières. Il s’ensuit que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a enjoint au recteur de l’académie de Rennes de délivrer à M. et Mme C F une autorisation d’assurer l’instruction en famille de leur fils A, au titre de l’année scolaire 2022-2023. Il y a lieu en conséquence d’annuler l’article 2 du jugement attaqué et d’enjoindre au recteur de l’académie de Rennes de réexaminer la situation du fils B et Mme C F dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée par M. et Mme C F au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er :L’article 2 du jugement n°2204094 du 10 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 :Il est enjoint au recteur de l’académie de Rennes de réexaminer la situation du fils B et Mme C F dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse est rejeté.

Article 4 :Les conclusions B et Mme C F présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 :Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et à M. et Mme C F.

Une copie en sera adressée pour information au recteur de l’académie de Rennes.

Délibéré après l’audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Perrot, présidente de chambre,

— M. Penhoat, premier conseiller,

— Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2023.

Le rapporteur,

A. PenhoatLa présidente,

I. Perrot

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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