Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 16BX01710, Inédit au recueil Lebon

  • Marchés et contrats administratifs·
  • Aquitaine·
  • Sociétés·
  • Commune·
  • Maîtrise d'oeuvre·
  • Ingénierie·
  • Valeur ajoutée·
  • Justice administrative·
  • Responsabilité·
  • Ouvrage

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Association Lyonnaise du Droit Administratif

Procédure – Procédure contentieuse – Incidents – Intervention - Recevabilité - Recevabilité de l'intervention de l'assureur dans un contentieux de garantie décennale - Existence Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige (1). L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité décennale a été mise en œuvre peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un intérêt …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 3e ch. (formation à 3), 26 avr. 2018, n° 16BX01710
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 16BX01710
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 23 mars 2016, N° 1401785
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036848843

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commune de Dax a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner solidairement la SCP d’architectes Martiquet-Soriano-Barrière, la SARL Elisabeth Drapeaud, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, Mme F… C…, la société Sorebat Aquitaine et la société Qualiconsult à lui verser la somme de 152 350,88 euros au titre des travaux de reprise de l’étanchéité du toit terrasse de l’Atrium Casino.

Par un jugement n° 1401785 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a condamné la société Sorebat Aquitaine à verser à la commune de Dax la somme en principal de 111 600 euros, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée, déduction faite, le cas échéant de la retenue de garantie liquidée au profit de la commune de Dax. Le tribunal a également condamné la SCP d’architectes Soriano et Barrière, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, la SARL Elisabeth Drapeaud et Mme F… C… à verser solidairement à la commune de Dax la somme en principal de 12 400 euros assortie de la taxe sur la valeur ajoutée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2016, la SARL Sorebat Aquitaine, représentée par Me E…, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif du 24 mars 2016 ;

2°) de constater que sa responsabilité ne peut éventuellement être engagée que sur le terrain de la responsabilité décennale des constructeurs et ce, à parts égale avec les membres du groupement de maîtrise d’oeuvre et la société Qualiconsult, ou, à tout le moins, que sa part de responsabilité ne saurait excéder 80 %.

Elle soutient que :

 – le vice était caché à la réception ; le dommage ne peut en effet être qualifié d’apparent si ses conséquences et son ampleur ne se manifestent que postérieurement à sa réception ;

 – le procès-verbal de réception fait certes état d’un cloquage au titre des réserves, mais ce phénomène s’est amplifié par la suite ;

 – c’est donc bien la responsabilité décennale des constructeurs qui est susceptible d’être engagée ;

 – ce vice rend l’immeuble impropre à sa destination, dès lors qu’il est ouvert ponctuellement au public et que tout usager peut trébucher sur ces cloques et chuter ;

 – il compromet à terme la solidité de l’immeuble ;

 – la responsabilité tenant à l’acceptation du support devant recevoir l’étanchéité incombe à parts égales à tous les intervenants ; en particulier, la maîtrise d’oeuvre a manqué à son devoir de contrôle et de surveillance et le contrôleur technique a également failli à sa mission.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2016, la compagnie Axa France, assureur de la société Ingerop Conseil Ingénierie, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Sorebat Aquitaine la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – son intervention est recevable ;

 – les désordres étaient parfaitement visibles ;

 – ils ont fait l’objet de réserves non levées ;

 – ils ont donné lieu à une note des services techniques de la ville de Dax en avril 2009 faisant état du défaut de reprise par Sorebat dans le cadre de la garantie contractuelle de parfait achèvement, en dépit de plusieurs relances ; le marché a d’ailleurs été finalement résilié sans levée des réserves : l’aggravation est donc simplement due à la défaillance de l’entreprise ;

 – les cloques étaient les prémices de désordres connus et appréciables dans toutes leurs conséquences au moment de la réception et qui ont fait l’objet de réserves adaptées ;

 – les vices relèvent donc de la garantie de parfait achèvement et la demande de la ville de Dax à ce titre est prescrite, puisqu’elle n’a obtenu une ordonnance du juge des référés qu’en 2012 ;

 – les désordres ne compromettent en rien la destination de l’ouvrage ; les cloques, localisées et ne dépassant pas 2 cm, ne présentent aucun risque pour les personnes et n’ont donné lieu à aucune infiltration notable et avérée ; la solidité de l’ouvrage n’est par ailleurs pas atteinte.

Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2016, la SCP d’architectes Soriano et Barrière conclut à la réformation du jugement, demandant sa mise hors de cause et que soit mise à la charge de la commune de Dax la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande subsidiairement que la condamnation à indemniser la commune soit prononcée hors taxe et à être garantie de toutes les sommes mises à sa charge par les sociétés Ingerop, Qualiconsult et Sorebat prises solidairement ou, plus subsidiairement encore, à concurrence de 5 à 10 % par la société Ingerop, à concurrence de 5 à 10 % par la société Qualiconsult et à concurrence de 80 à 90 % par la société Sorebat.

Elle soutient que :

 – il n’y a avait pas d’impropriété à destination lors de la réception de l’immeuble ; ce n’est que postérieurement à la réception avec réserves que ce critère d’application de la garantie décennale des constructeur s’est fait jour ;

 – les infiltrations d’eau ont pour cause des interventions inappropriées d’entreprises tierces au marché initial pour le compte du maître de l’ouvrage ; la responsabilité des intervenants au marché ne peut donc être recherchée de ce fait ;

 – le cloquage relève d’un problème de mauvaise qualité et de défaut de préparation du support à l’origine du défaut d’accrochage et d’étanchéité ; ce défaut ne peut lui être imputé ; c’est la société Ingerop et elle seule qui a assuré au sein du groupement la maîtrise d’oeuvre des travaux d’étanchéité ;

 – la société Sorebat s’était pour sa part engagée à reprendre les désordres et le contrôleur technique a émis un avis favorable ;

 – ces sociétés doivent être tenues pour responsables à hauteur des parts d’imputabilité proposées par l’expert judiciaire ;

 – le coût allégué de la maîtrise d’oeuvre est exorbitant pour un simple suivi de chantier ; un seul lot doit intervenir pour réaliser les travaux de reprise et donc ces travaux ne nécessitent pas de maîtrise d’oeuvre ;

 – ces travaux entrent dans le champ de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales et la commune de Dax ne peut donc prétendre qu’à une indemnisation pour un coût hors taxe.

Par un mémoire enregistré le 26 août 2016, la société Ingerop Conseil Ingénierie conclut à l’annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée devant le tribunal par la commune de Dax ou, subsidiairement, à ce que la condamnation prononcée soit limitée à la somme de 112 000 euros hors taxe et à ce qu’elle soit garantie par les société Soriano-Barrière, Sorebat, Qualiconsult et par Mme F… C…, des condamnations prononcées à son encontre. Elle demande que soit mise à la charge de toute partie succombante à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la compagnie Axa ne peut se prévaloir de l’existence de réserves alors que le désordre n’était pas déclaré dans toute son ampleur lors de la réception ; les cloques rendent l’immeuble impropre à sa destination ; par conséquent, seule la responsabilité décennale des constructeurs peut être recherchée ;

 – le lot gros oeuvre ne pouvait ignorer la destination de l’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre a parfaitement rempli ses obligation dans l’information préalable de l’entreprise titulaire du lot ;

 – la répartition des responsabilités au sein de la maîtrise d’oeuvre n’est pas précisée mais, de fait, seule la SCP Soriano-Barrière avait un rôle d’ordonnancement, de pilotage et de coordination ;

 – l’expert relève aussi l’absence de contrôle de la part de la société Qualiconsult ;

 – les travaux de reprise entrent dans le champ de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales et la commune de Dax ne peut donc prétendre qu’à une indemnisation pour un coût hors taxe.

Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2016, Mme C… conclut à l’annulation du jugement, à sa mise hors de cause et au rejet de la demande indemnitaire de la commune de Dax. Elle sollicite également que soit mise à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

 – les désordres concernent le lot n° 2 attribué à la société Sorebat ;

 – son intervention s’est limitée à un simple examen visuel des mosaïques et elle n’a effectué aucun travail d’exécution ;

 – la qualité de membre d’un groupement ne fait pas présumer de la solidarité de ses membres, en l’absence de clause en ce sens ; elle n’est intervenue que dans le cadre de la réalisation du lot n° 10.

Par des mémoires enregistrés les 6 avril et 4 août 2017, la commune de Dax conclut au rejet de la requête. Subsidiairement, elle demande la condamnation des constructeurs alternativement sur le terrain de la responsabilité décennale des constructeurs à lui verser la somme de 124 000 euros hors taxe, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts légaux, capitalisés. Elle demande également que soit mise à la charge des constructeurs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et les dépens.

Elle soutient que :

 – elle a également fondé sa demande sur le terrain de la responsabilité décennale des constructeurs ; elle a droit à indemnisation, alternativement, sur ce terrain ;

 – la société Sorebat ne conteste pas sa responsabilité dans l’apparition des désordres ;

 – elle n’a jamais sollicité d’indemnisation au titre des infiltrations ;

 – le groupement de maîtrise d’oeuvre était conjoint et solidaire ;

 – eu égard à l’étendue des désordres, c’est à juste titre que l’expert a envisagé le suivi des travaux de reprise par un maître d’oeuvre, en l’absence de compétence technique des services de la ville de Dax et alors que l’immeuble est protégé au titre des monuments historiques ;

 – si elle est éligible au fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe ne lui est que partiellement remboursée et le remboursement est effectué à N+2 ; elle est donc fondée à demander la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la réparation ;

 – le montant des travaux hors taxe est de 123 586,66 euros et non de 112 000 euros ;

 – la toiture-terrasse est utilisée et le cloquage constaté, très étendu, rend son accès difficile et dangereux, et son entretien problématique ; le désordre rend donc l’immeuble impropre à sa destination.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2017, la société Qualiconsult conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et demande que soit mise à la charge solidaire de la ville de Dax et des sociétés Soriano-Barrière, Sorebat et Qaliconsult la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Subsidiairement, elle demande à être garantie de toute condamnation par les sociétés Sorebat, Soriano-Barrière, Ingerop, Axa France, et Mme C…, la ville de Dax n’ayant en toute hypothèse aucun droit à indemnisation de la taxe sur la valeur ajoutée et de frais de maîtrise d’oeuvre sur les travaux de reprises.

Elle soutient que :

 – aucune conséquence dommageable du cloquage n’a été mise en évidence ; les désordres litigieux ne présentent pas une gravité suffisante pour donner lieu à engagement de la garantie décennale ; rien ne permet notamment de considérer que ces dommage sauraient rendu l’ouvrage impropre à sa destination ;

 – il y a eu des réserves ;

 – elle n’est pas concernée, eu égard à sa mission, qui était limitée à la solidité des ouvrages ;

 – sa responsabilité ne saurait être concernée par un défaut d’exécution ponctuel entraînant une malfaçon peu importante qui ne s’est pas aggravée douze ans après la réception ;

 – les travaux de reprise entrent dans le champ de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales et la commune de Dax ne peut donc prétendre qu’à une indemnisation pour un coût hors taxe ;

 – en tout état de cause le déficit de taxe pour la ville de Dax ne peut être que de 5,6 % ;

 – les demandes en garanties des locateurs d’ouvrage ne peuvent être fondés que sur les principes dont s’inspirent les articles 1382 et 1383 du code civil, qui supposent la démonstration d’une faute ; aucune faute de sa part n’est démontrée en l’espèce ;

 – en revanche, la société Sorebat ne conteste pas sa responsabilité, la société Soriano-Barrière n’a pas contrôlé les travaux, la société Ingerop a également failli à sa mission et Mme C… est tenue solidairement avec les autres membres du groupement.

Par une ordonnance du 10 juillet 2017, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 4 septembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

 – le code des marchés publics ;

 – la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Laurent Pouget,

 – les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville,

 – les observations de Me G…, représentant la commune de Dax,

 – et les observations de Me B…, représentant la compagnie Axa France.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Dax a entrepris en 2002 la réhabilitation de l'« Atrium Casino », bâtiment classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historique dont elle est propriétaire. La maîtrise d’oeuvre a été confiée, par acte d’engagement du 13 février 2002, à un groupement solidaire composé de la SCP Martiquet-Soriano-Barrière, mandataire, de la SARL Elisabeth Drapeaud, de la société Ingerop Conseil Ingénierie et de Mme C…. Le contrôle technique a été attribué au bureau Qualiconsult par acte du 28 février 2002 et, par un marché en date du 9 juillet 2003, le lot n° 2 « Etanchéité » a été confié à la SARL Sorebat Aquitaine. La réception de ce lot a été prononcée à effet du 3 mai 2005, avec des réserves portant notamment sur la présence de cloquages en divers points de la toiture-terrasse. Cette réserve n’a pas été levée en dépit de plusieurs relances adressées à la société Sorebat Aquitaine et, en définitive, le marché a été résilié aux frais et risques de celle-ci le 28 novembre 2005 par le maître d’ouvrage, lequel a conservé la retenue de garantie. Les cloques sur le revêtement d’étanchéité s’étant par la suite multipliées, et à défaut de trouver une solution amiable avec la société Sorebat Aquitaine et son assureur, la commune de Dax a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau en février 2012, aux fins d’expertise. A la suite du dépôt, le 11 février 2014, du rapport de l’expert désigné par le président de cette juridiction, la commune a demandé à celle-ci de prononcer la condamnation solidaire de la société Sorebat Aquitaine, du contrôleur technique et des maîtres d’oeuvre, à lui verser la somme de 152 350,88 euros, correspondant au coût estimé des travaux de reprise de l’étanchéité du toit-terrasse. La société Sorebat Aquitaine relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif, la jugeant responsable du désordre à hauteur de 90 %, l’a condamnée à verser à la commune de Dax la somme de 111 600 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts capitalisés, sous déduction de la retenue de garantie. Elle demande que la responsabilité soit partagée de manière égale entre elle-même et chacun des membres du groupement de maîtrise d’oeuvre, lesquels ont été solidairement condamnés, par le même jugement, à réparer à hauteur de 10 % le dommage subi par la commune, au moyen du paiement d’une indemnité en principal de 12 400 euros hors taxe augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur l’intervention de la compagnie Axa France :

2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Or, la compagnie d’assurances Axa France, qui ne se prévaut que de sa qualité d’assureur de la société Ingerop Conseil Ingénierie, ne saurait être regardée comme justifiant en l’espèce d’un intérêt suffisant à intervenir dans le cadre de la présente instance, dans la mesure où la requête de la SARL Sorebat Aquitaine ne met en cause le jugement attaqué qu’en tant qu’il préjudicie à ses droits en la condamnant à verser des dommages et intérêts à la commune de Dax. Par suite, l’intervention de la compagnie Axa France ne peut être admise.

Sur l’appel principal de la société Sorebat Aquitaine :

3. En premier lieu, ainsi que l’a rappelé le tribunal, lorsque des travaux ou prestations sont rendus nécessaires par les désordres ayant donné lieu à des réserves de la part du maître de l’ouvrage lors de la réception et que ces travaux ou prestations ne sont pas exécutés, les relations contractuelles se poursuivent au-delà de l’expiration du délai de garantie, même lorsqu’il n’a fait l’objet d’aucune mesure de prolongation, tant que les réserves n’ont pas été levées. L’absence de levée des réserves fait en revanche obstacle à ce que le maître d’ouvrage puisse mettre en cause la responsabilité décennale des constructeurs concernés.

4. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert judiciaire, qu’a été constatée la présence de très nombreuses cloques sur la résine d’étanchéité du toit-terrasse du bâtiment. Selon l’expert, ce phénomène de cloquage, qui est apparu dès avant la réception du lot n° 2 et dont les manifestations ont ensuite présenté un caractère évolutif dans le temps, tient à un manque d’adhérence de la résine au support, tenant à un défaut de préparation et de mise en oeuvre de ce dernier qui n’a pas été décelé, en l’absence de vérification de sa qualité. Ce désordre a donné lieu à des réserves de la part du maître d’ouvrage, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de réception du lot considéré en date du 3 mai 2005. Or, il est constant que ces réserves n’ont jamais été levées par la suite. Cette seule circonstance, alors même que le dommage n’aurait pas été entièrement apparent dans son étendue au moment de la réception et serait propre à compromettre la destination de l’immeuble ou à affecter sa solidité, ainsi que l’allègue la société Sorebat Aquitaine, est en tout état de cause de nature à faire obstacle à ce que, comme elle le sollicite, la garantie décennale des constructeurs soit substituée à l’engagement de sa responsabilité contractuelle, retenue à juste titre par les premiers juges.

5. En second lieu, la société requérante ne conteste pas détenir une part de responsabilité dans la survenance du dommage considéré mais considère que cette part, estimée à 90 % par le tribunal, doit être ramenée à de plus C… proportions, compte tenu de la défaillance du groupement de maîtrise d’oeuvre dans sa mission de contrôle et, en particulier, de la carence de la société Qualiconsult dans l’exercice de son contrôle technique.

6. D’une part, en vertu des clauses de la convention de contrôle technique du 28 février 2002, la société Qualiconsult était exclusivement chargée d’exercer son contrôle sur les éléments afférents à la solidité de l’immeuble et des équipement indissociables, à la stabilité des ouvrages avoisinants, au respect des normes destinées à assurer la sécurité du public et à l’isolation acoustique. Il est constant que la sous-couche du matériau d’étanchéité du toit-terrasse du bâtiment n’entre dans aucune de ces rubriques et, par suite, nonobstant la circonstance que l’expert judiciaire attribue une part de responsabilité au contrôleur technique, il n’entrait pas dans le champ des missions de la société Qualiconsult de s’assurer de la qualité de réalisation de cette couche-support. C’est donc à juste titre, quand bien même cette société avait émis un avis préalable favorable au procédé envisagé, que les premiers juges ont conclu à sa mise hors de cause dans la réalisation du dommage.

7. Il résulte d’autre part de l’instruction que les maîtres d’oeuvre qui, en vertu de l’acte d’engagement du 13 février 2002, devaient s’assurer conjointement et solidairement de la conformité de l’exécution des travaux aux prescriptions du marché, ont failli dans leurs missions de coordination des constructeurs et de surveillance des travaux d’aménagement de la toiture-terrasse, en ne s’assurant pas de la conformité de la chape de béton aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières, ni de la conformité des conditions de pose du revêtement d’étanchéité par la société attributaire. L’expert relève que ces défaillances ont concouru à la réalisation du désordre en cause, dans une mesure comprise entre 5 et 10 %. Il note aussi, se référant au dossier technique du produit et aux pièces contractuelles du marché passé par la société Sorebat que celle-ci devait procéder elle-même à la vérification du support destiné à recevoir la résine d’étanchéité et, le cas échéant, informer la maîtrise d’oeuvre de l’incompatibilité de l’état de la chape avec le produit d’étanchéité. Or, il est constant que la société requérante a réceptionné et utilisé le support sans réserve et sans s’assurer de sa conformité aux prescriptions du marché et de son aptitude à permettre une bonne adhérence de la résine. Ces circonstances révèlent une carence notable de la société Sorebat Aquitaine dans l’exécution de ses missions contractuelles et, par son argumentation devant la cour, celle-ci ne contredit pas sérieusement les conclusions du rapport d’expertise lui imputant dans une large mesure la responsabilité du dommage. Dans ces conditions, les premiers juges n’ont pas fait une inexacte appréciation de cette part de responsabilité en la fixant à 90 %.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Sorebat Aquitaine, qui ne conteste pas l’évaluation faite du préjudice par les premiers juges, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau l’a condamnée à payer à la commune de Dax, en réparation des désordres, la somme de 111 600 euros, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts au taux légal, calculés à compter du 8 septembre 2014, et capitalisés à compter du 8 septembre 2015, déduction faite le cas échéant de la retenue de garantie liquidée au profit de la commune de Dax pour un montant de 6 784,81 euros.

Sur les conclusions présentées par la société Soriano-Barrière, la société Ingerop Conseil Ingénierie et Mme C… :

9. Le jugement attaqué a rejeté les conclusions de la commune tendant à une condamnation solidaire des maîtres d’oeuvre avec l’entreprise Sorebat Aquitaine au titre de la réparation des désordres. La condamnation solidaire de la société Soriano-Barrière, de la société Ingerop Conseil Ingénierie et de Mme C… au profit de la commune a ainsi été limitée par ce jugement à la somme de 12 400 euros assortie de la taxe sur la valeur ajoutée. D’une part, ces trois maîtres d’oeuvre n’ont pas demandé la réformation du jugement dans le délai d’appel. D’autre part, en l’absence de condamnation solidaire avec la société Sorebat, leur situation ne pouvait être aggravée par l’appel principal émanant de cette société qui tend à la diminution de la condamnation prononcée par le tribunal à son encontre au profit de la commune de Dax. Enfin, la commune ne remet pas en cause les droits que le jugement attaqué lui a reconnus à l’égard des maîtres d’oeuvre. Dans ces conditions, les conclusions par lesquelles la société Soriano-Barrière, la société Ingerop Conseil Ingénierie et Mme C… demandent la réformation du jugement attaqué en tant qu’il les a condamnés au profit de la commune et subsidiairement forment des appels en garantie, qui ne sont ni des appels principaux, ni des appels incidents ou provoqués, ne sauraient être accueillies.

Sur les frais d’expertise :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de maintenir les frais d’expertise à la charge définitive des parties dans les proportions indiquées par le jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droits aux conclusions présentées par les parties au présent litige sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : L’intervention de la compagnie Axa France n’est pas admise.

Article 2 : La requête de la société Sorebat Aquitaine est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par la société Soriano-Barrière, la société Ingerop Conseil Ingénierie, Mme C…, et par la commune de Dax sont rejetées.

Article 4 : Les frais d’expertise sont maintenus à la charge des parties dans les proportions fixées par le jugement attaqué.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sorebat Aquitaine, à la société Soriano-Barrière, à la société Ingerop Conseil Ingénierie, à Mme C…, à la commune de Dax, à la société Qualiconsult, à M. A…, mandataire liquidateur de la SARL Elisabeth Drapeaud, et à la compagnie Axa France.

Copie en sera adressée à M. D…, expert.


Délibéré après l’audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,


Lu en audience publique le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

9

N° 16BX01710

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2018, 16BX01710, Inédit au recueil Lebon