CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 9 octobre 2018, 16BX00961, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 5e ch. - formation à 3, 9 oct. 2018, n° 16BX00961
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 16BX00961
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Saint-Barthélemy, 16 décembre 2015, N° 1200028
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037483093

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) French Cricket a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d’annuler la délibération du 23 février 2012 du conseil exécutif de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy ainsi que l’arrêté pris le même jour par le président du conseil exécutif de la collectivité, par lesquels un permis de construire a été accordé à la SARL Laplace Services.

Par un jugement n° 1200028 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 17 mars 2016 et 12 juillet 2017, la SCI French Cricket, représentée par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy ;

2°) d’annuler la délibération du 23 février 2012 du conseil exécutif de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy ainsi que l’arrêté pris le même jour par le président du conseil exécutif de la collectivité ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy le versement à son profit d’une somme de 10 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les décisions méconnaissent les dispositions de l’article 72, alinéa 2 du code de l’urbanisme ainsi que celles de l’article 121-4 du code de l’environnement de Saint-Barthélemy, dès lors, d’une part, que le dossier de demande de permis de construire n’était accompagné ni de la justification du dépôt de la demande d’autorisation ou de la déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement, ni de l’étude d’impact prévue par les articles 121-1 et 121-2 de ce même code, et, d’autre part, que l’autorité administrative a statué au vu d’un dossier incomplet ; ni le code de l’environnement ni le code de l’urbanisme ne prévoient la consultation des services de la DEAL ; la commission s’en est à tort rapportée à un avis de la DEAL ; en disposant de l’étude d’impact la commission d’urbanisme aurait pu prendre la mesure des nuisances sonores, visuelles et de poussière que l’installation d’une telle unité allait générer ;

 – les décisions méconnaissent les dispositions de l’article 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy, dès lors que le terrain d’assiette du projet, concernant une activité industrielle génératrice de fortes nuisances, d’insalubrité voire de danger, doit se situer en dehors des parties actuellement urbanisées de la collectivité de Saint-Barthélemy ; l’activité de concassage qui préexistait à celle objet du présent litige n’était pas exploitée sur la même parcelle, et n’était pas dans son champ visuel ; cette activité n’avait aucun rapport avec celle développée aujourd’hui par la SARL Laplace services ; cet ancien concasseur n’était pas en activité lors de l’acquisition de la parcelle et lors de la construction de la villa de la SCI French Cricket ; l’impact est colossal sur l’environnement et n’est pas diminué par les mesures, dont beaucoup n’ont pas été mises en place, dont fait état l’étude d’impact dans le seul but d’obtenir l’autorisation ; la collectivité de Saint-Barthélemy reconnaît explicitement l’existence réelle de risques pour la salubrité et la sécurité publique puisqu’elle déplace des riverains, échange des terrains et indemnise les propriétaires ;

 – le recours à la procédure sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est admis et reconnu par la jurisprudence à partir du moment où les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement ; l’impartialité de l’expert désigné par l’ordonnance du 1er juillet 2013 de la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre ne peut être mise en doute ; la société Laplace services n’a formé aucune action en rétractation de cette ordonnance comme elle en avait la possibilité sur le fondement des articles 496 et 497 du code de procédure civile.

Par des mémoires, enregistrés les 20 mai 2016 et 25 août 2017, la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy, représentée par Me E…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCI French Cricket à lui verser une somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise au vu d’un dossier incomplet n’est pas fondé ; en effet, la demande de permis de construire déposée le 17 octobre 2011 ne contenait pas la déclaration d’installation classée mais la SARL Laplace services l’a transmise le 8 décembre 2011 ; le président de la collectivité a signé le récépissé de dépôt de dossier de déclaration le 13 décembre 2011 qui contenait l’étude d’impact ; la commission d’urbanisme a pu rendre son avis le 16 décembre 2011 ; cette déclaration a ensuite été adressée par la collectivité à la préfecture le 6 janvier 2012 ; enfin, l’inspecteur des installations classées rattaché à la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Guadeloupe a transmis son rapport au président de la collectivité qui a délivré le 10 février 2012 à la SARL Laplace services un second récépissé de déclaration correspondant non plus au dépôt de dossier mais à la déclaration elle-même ;

 – en outre, il ne ressort d’aucune disposition légale que la commission d’urbanisme doit être en possession du rapport de l’inspection des installations classées, adressé à la collectivité le 24 janvier 2012 et distinct de la déclaration, lorsqu’elle rend son avis ;

 – le moyen tiré de la violation de 1'article 2 du code de 1'urbanisme de Saint-Barthélemy n’est pas fondé, dès lors que le terrain d’assise du permis de construire est situé en zone d’activité ; le projet de concasseur ne porte pas atteinte à la sécurité et à la salubrité publique ; la requérante ne peut sérieusement soutenir que la parcelle de la société Laplace services, d’une superficie de 5 361 m², se situe en zone habitée alors qu’elle se situe en zone d’activité depuis 1969 et à 200 mètres du lotissement de la requérante ; la SCI French Cricket voudrait en réalité que les désagréments pour les habitations alentours, auxquels la déclaration faite prévoyait des mesures afin de les palier, soient considérés comme une atteinte à la sécurité et salubrité publique, car ils nuisent à son activité de location immobilière ; au surplus, conformément à la règle imposant le respect de la séparation des autorités judiciaires et administratives, le bruit et la poussière dont fait état la SCI French Cricket ne peuvent que constituer des troubles anormaux du voisinage qui s’apprécient indépendamment de la régularité administrative du permis de construire ;

 – contrairement à ce qu’affirme la SCI French Cricket, la collectivité n’a pas indemnisé à hauteur de 962 000 euros les consortsA…, elle leur a versé une soulte correspondant à la différence de valeur entre les terrains échangés ; cet échange de parcelles résulte des désagréments causés ; la somme ainsi versée n’est en rien une indemnité dont le « financement est assuré par les administrés de la collectivité », il s’agit du paiement du prix de la valeur des terrains acquis par voie d’échange par la Collectivité et donc au profit de ses administrés.

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2016, la société Laplace services, société à responsabilité limitée représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCI French Cricket à lui verser une somme de 10 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise au vu d’un dossier incomplet en violation des articles 72 alinéa 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy et 121-4 du code de l’environnement de Saint-Barthélemy n’est pas fondé ; le fait de compléter une demande préalable de permis de construire incomplète n’est en rien une cause de nullité, la régularité du dossier étant appréciée au jour où l’administration statue et non au jour du dépôt du dossier ; en tout état de cause, la possibilité de régularisation doit même être prise en compte a posteriori, au jour où le juge de plein contentieux statue ; le raisonnement de la SCI French Cricket est fondé sur une analyse tronquée de la chronologie de cette demande par lequel elle tente d’engendrer la confusion de la Cour ; en effet, la demande de permis de construire déposée le 17 octobre 2011 ne contenait pas la déclaration d’installation classée mais la SARL Laplace services l’a transmise le 8 décembre 2011 ; le président de la collectivité a signé le récépissé d’accusé de réception du dépôt de dossier de déclaration le 13 décembre 2011 qui contenait l’étude d’impact ; la commission d’urbanisme a pu rendre son avis le 16 décembre 2011 sur la base de l’intégralité du dossier ; cette déclaration a ensuite été adressée par la collectivité à la préfecture le 6 janvier 2012 ; enfin, l’inspecteur des installations classées rattaché à la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Guadeloupe a transmis son rapport au président de la collectivité qui a délivré le 10 février 2012 à la SARL Laplace services un second récépissé de déclaration le 10 février 2012 correspondant non plus au dépôt de dossier mais à la déclaration elle-même ;

 – le moyen tiré de la violation de 1'article 2 du code de 1'urbanisme de Saint-Barthélemy n’est pas fondé, dès lors que le terrain d’assise du permis de construire est situé en zone d’activité ; si le classement de la parcelle AR 333 en « zone d’activité » a été arrêté par la carte d’urbanisme le 24 février 2012 (soit le lendemain de l’octroi du permis de construire) il constitue la réitération du classement réalisé par les deux cartes ou projets de cartes d’urbanisme qui l’ont précédée ; la parcelle AR 333 n’a jamais été située en zone urbanisée, mais avec la parcelle AR 1, exploitée par l’entreprise Saint Barth Agrégats, elle a toujours été l’objet d’une exploitation industrielle ; cette zone d’activités industrielles a été établie de fait avant que le lotissement Cricket ait existé ; c’est la zone résidentielle que constitue ce lotissement qui a été implantée dans le voisinage lointain de la zone d’activités, et non l’inverse ; cette zone d’activités se situe d’ailleurs à plus de 200 mètres dudit lotissement, ce qui constitue une distance plus que raisonnable sur une île dont la superficie totale n’excède pas 21 km² ; le projet a pour vocation un équipement collectif et il s’agit de l’adaptation et de la réfection d’une construction déjà existante ; le projet de concasseur ne porte pas atteinte à la sécurité et à la salubrité publique ; ces nuisances éventuelles, si elles étaient démontrées, ne constitueraient pas une atteinte à la salubrité publique au sens de l’article R. 111-2 du code national de l’urbanisme, mais des troubles anormaux du voisinage, qui sont parfaitement indépendants de la procédure de délivrance d’un permis de construire, et dont l’examen ne relève pas de la compétence des juridictions administratives ; le « rapport d’expertise » versé aux débats par la SCI French Cricket a été produit à l’issue d’une procédure initiée sur requête par la demanderesse, donc de manière non contradictoire ; elle n’a pas été convoquée par l’expert, qui se base donc exclusivement sur les propos de la SCI French Cricket et présente des conclusions infondées.

Par ordonnance du 31 août 2017, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 30 septembre 2017 à douze heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de 1'urbanisme ;

 – le code de 1'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

 – le code de l’environnement de Saint-Barthélemy;

 – l’arrêté du 30 juin 1997 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 2515 : « Broyage, concassage, criblage, ensachage, pulvérisation, nettoyage, tamisage, mélange de pierres, cailloux, minerais et autres produits minéraux naturels ou artificiels » ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

 – les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

 – et les observations de Me B…, représentant la SCI French Cricket.

Considérant ce qui suit :

1. Par décisions du 23 février 2012 le conseil exécutif de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy et son président ont accordé à la société Laplace services un permis de construire en vue de la réalisation, sur un terrain situé à Saint-Barthélemy, lieu-dit « Vittet », cadastré AR 333 d’une superficie totale de 5 361 m², d’une nouvelle unité permanente de concassage de type industriel, installation classée pour la protection de l’environnement assurant le recyclage des matériaux de terrassement pour laquelle elle a obtenu un récépissé de déclaration le 10 février 2012. La SCI French Cricket, propriétaire de deux parcelles de terrain cadastrées AP 269 et AP 713, dont l’une est située à environ 200 mètres du projet en litige, dans le lotissement dit du « domaine de Cricket » autorisé par arrêté préfectoral du 24 novembre 1977 et qui supporte une maison d’habitation, a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy l’annulation de la délibération du 23 février 2012 du conseil exécutif de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy ainsi que de l’arrêté pris le même jour par son président accordant un permis de construire à la société Laplace services. Elle fait appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l’article 72, alinéa 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy : « Lorsque les travaux projetés concernent une installation soumise à autorisation ou à déclaration en vertu du code de l’environnement de Saint-Barthélemy, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d’autorisation ou de la déclaration ». Aux termes de l’article 121-1 du code de l’environnement de Saint-Barthélemy : « I. Les travaux d’aménagement ou d’équipement et les constructions qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences. (…) L’étude est adressée au président du conseil territorial (…) est approuvée par le conseil exécutif (…) ». Aux termes de l’article 121-2 du même code : « Sont soumis à la réalisation de l’étude d’impact prévue à l’article 121-1 les travaux, équipements et constructions suivantes : – création ou extension d’équipements industriels dont l’emprise au sol est supérieure à 200 m² ». Aux termes de l’article 121-4 du même code : « Lorsque les travaux ou aménagements sont subordonnés à la délivrance d’un permis de construire ou au dépôt d’une déclaration en vertu du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy, l’étude d’impact doit être jointe au dossier de demande ou de déclaration ».

3. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la société Laplace services a présenté une demande de permis de construire une unité permanente de concassage de type industriel reçue par la collectivité le 17 octobre 2011 puis a, le 8 décembre 2011, soit postérieurement au dépôt de la demande de permis de construire, déclaré, conformément aux dispositions du code de l’environnement de Saint-Barthélemy, l’exploitation de l’unité permanente de concassage projetée et versé à son dossier de demande de permis, le 10 février 2012, le récépissé de la déclaration délivré le même jour au titre de la législation sur les installations classées. Il ressort des pièces du dossier que ce récépissé est d’ailleurs visé par la délibération du 23 février 2012 du conseil exécutif de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy et l’arrêté du même jour pris par le président du conseil exécutif de la collectivité lui accordant ce permis de construire. Ainsi, cette demande de permis de construire était, à la date des décisions en litige, accompagnée de la déclaration exigée par l’article 72, alinéa 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy précité. La circonstance que le récépissé de déclaration n’ait pas été produit concomitamment au dépôt de la demande de permis de construire n’est pas de nature à entacher d’illégalité la procédure de délivrance de ce permis de construire.

4. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Laplace services, prévoyant une surface hors oeuvre brute de 268 mètres carrés, nécessitait la production au dossier de permis de construire d’une étude d’impact, réalisée conformément aux dispositions de l’article 121-2 du code de l’environnement de Saint-Barthélemy. Cette étude, réalisée le 30 novembre 2011, n’était pas jointe à la demande initiale de permis de construire déposée antérieurement le 17 octobre 2011 et la collectivité n’apporte aucun élément permettant d’estimer que, dès le 16 décembre 2011, date à laquelle la commission d’urbanisme de la collectivité, commission interne au conseil territorial, a émis un avis favorable sur la demande de permis, elle avait réceptionné cette étude et transmise à la commission. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commission, dont la consultation est facultative, a émis son avis « sous réserve de l’avis favorable de la DEAL », réservant ainsi son appréciation sur les éventuelles conséquences environnementales du projet et que l’étude d’impact concernant le projet, qui n’a donné lieu à aucune réserve de la part de l’inspection des installations classées, ne comporte aucune information qui aurait été de nature, si elle avait été soumise à la commission, à influer sur le sens de son avis. Ainsi, si la commission d’urbanisme a été consultée sans avoir disposé de l’étude d’impact concernant le projet, il n’en est résulté aucune privation de garantie et cette omission ne peut être regardée comme ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision contestée. Le moyen tiré d’une consultation irrégulière de la commission d’urbanisme doit, par suite, être écarté.

5. Aux termes de l’article 1er du code de l’urbanisme de la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : « Les règles générales applicables en matière d’utilisation du sol sur le territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy, notamment en ce qui concerne la localisation, la desserte, l’implantation et l’architecture des constructions, le mode de clôture et la tenue décente des propriétés foncières et des constructions, sont déterminées par la carte d’urbanisme prévue à l’article 13 » et aux termes de l’article 2 de ce même code : " En l’absence de carte d’urbanisme opposable aux tiers, les règles de constructibilité sont les suivantes : 1º En dehors des espaces urbanisés de la collectivité, seuls peuvent être autorisés l’adaptation, le changement de destination, la réfection ou l’extension extrêmement mesurée des constructions existantes ainsi que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l’exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d’opérations d’intérêt général ; 2º Sur l’ensemble du territoire de la collectivité, les règles nationales d’urbanisme prévues aux articles R. 111-2 à R. 111-24 du code national de l’urbanisme sont applicables. (…) ". Il résulte des dispositions précitées, qu’en l’absence, à la date des décisions, d’un plan local d’urbanisme, ni d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, opposable aux tiers, les règles de constructibilité sont définies par l’article 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy.

6. Doivent être regardées comme urbanisées les parties du territoire concerné qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle n° AR n° 333 sur laquelle doit être implanté le projet de la société Laplace services a une superficie totale de 5 361 m² et constitue, avec la parcelle voisine n° AR n° 1 appartenant à la collectivité Saint-Barthélemy sur laquelle une autre société exploite une activité semblable, une zone d’activité. En l’espèce, au vu des pièces versées au dossier, il apparaît que les constructions les plus proches du projet, au nombre d’une dizaine dans un rayon de 200 mètres, se situent à une distance de 160,50 m et 118,87 m et constituent un habitat dispersé. Le terrain d’assiette du projet est entouré d’une zone verte constituée par une falaise au sommet de laquelle est édifiée la villa de la SCI French Cricket sur les parcelles AP269 et AP713, à une distance de 200 m, en surplomb de 87 m par rapport à l’installation. Dans ces conditions, et eu égard à la topographie des lieux et à la superficie totale de l’île de Saint-Barthélemy, de 25 km carrés, le terrain d’assiette doit être regardé comme situé en secteur non urbanisé au sens du 1° de l’article 2 du code de l’urbanisme de Saint-Barthélemy.

7. Il résulte de ce qui vient d’être dit que la société requérante, qui ne conteste pas le respect des règles applicables aux constructions dans les secteurs non urbanisés de l’île de Saint-Barthélemy, n’est pas fondée à soutenir que le permis de construire contesté méconnaît les règles applicables aux constructions dans les secteurs urbanisés de l’île.

8. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 111-2 du code de 1'urbanisme dans sa rédaction applicable : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet a fait l’objet d’une déclaration d’exploitation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement et que l’installation est soumise au respect des prescriptions qui résultent, à la date des décisions attaquées, de l’annexe I de l’arrêté du 30 juin 1997. Ces prescriptions fixent notamment dans l’article 6 de l’annexe I des normes relatives au rejet de poussières dans l’atmosphère et dans l’article 8 de cette annexe I des valeurs limites de bruit et une obligation périodique de mesures de bruit. Il ressort par ailleurs de l’étude d’impact validée par l’inspecteur des installations classées pour la protection de l’environnement le 24 janvier 2012, que la société a prévu de maintenir les abords boisés du site pour limiter la diffusion de poussières, de réaliser un dispositif de brumisation intégré à l’unité de traitement pour abattre les poussières et d’humidifier les stockages de matériaux de faible granulométrie pour limiter l’envol de poussières par temps sec et venteux. Eu égard aux mesures prises par la société Laplace services et aux prescriptions qui lui sont imposées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en délivrant le permis de construire en litige, la collectivité de Saint-Barthélemy aurait entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. La circonstance, à la supposer établie, que la société ne respecterait pas les normes, notamment de bruit, qui lui sont imposées, comme tend à le démontrer le rapport d’expertise du 22 mai 2014 produit par la société requérante, est à cet égard sans incidence sur la légalité du permis de construire. Ce non-respect peut seulement, le cas échéant, justifier notamment l’intervention des services compétents en matière de police des installations classées pour la protection de l’environnement et une action indemnitaire devant le juge compétent. La SCI French Cricket ne peut davantage se prévaloir utilement sur ce point des risques liés à la manipulation des ciments au regard des maladies professionnelles et des accidents du travail.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de la délibération du conseil exécutif du 7 novembre 2016 que la collectivité, qui ne conteste pas que l’activité puisse être source de désagréments pour les terrains alentours, a décidé de procéder à des échanges de parcelles. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’elle devrait être regardée comme ayant indemnisé un préjudice des propriétaires riverains à hauteur de 962 000 euros en leur versant ce montant au titre d’une soulte correspondant à la différence de valeur entre les terrains échangés. Cette opération ne traduit pas par elle-même de la part de la collectivité une erreur manifeste dans l’appréciation des risques liés au projet.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI French Cricket n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SCI French Cricket la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SCI French Cricket le versement des sommes de 1 000 euros au titre des frais exposés respectivement par la collectivité territoriale d’outre-mer de Saint-Barthélemy et la société Laplace Services en application des mêmes dispositions.

DECIDE :


Article 1er : La requête de la SCI French Cricket est rejetée.

Article 2 : La SCI French Cricket versera les sommes de 1 000 euros à la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy et à la société Laplace services en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI French Cricket, à la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy et à la société Laplace services. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.


Le premier assesseur,

Frédéric FaïckLe président-rapporteur,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

N° 16BX009612

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