CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2020, 18BX02021, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 7e ch., 31 déc. 2020, n° 18BX02021
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 18BX02021
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 25 mars 2018, N° 1505494
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042854531

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée RAGT 2N a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012.

Par un jugement n° 1505494 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, la société RAGT 2N, représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 mars 2018 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 10 000 euros au titre des frais exposés pour l’instance, outre les entiers dépens.

Elle soutient que :

 – les opérations de réorganisation interne de juin 2011 et en particulier le transfert du germplasm et du centre de recherche de la société SERASEM dans son patrimoine, ne caractérisent pas le transfert d’une activité économique autonome et pouvaient dès lors être soumises au dispositif de dispense de TVA prévu par l’article 257 bis du code général des impôts ;

 – l’administration n’établit pas l’existence d’un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A…,

 – les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société RAGT 2N fait partie du groupe RAGT et exerce une activité de recherche en vue de la création de variétés de semences. Elle a acquis, le 30 juin 2011, au prix de 5 666 347,28 euros, la branche de fonds de commerce de recherche de la société SERASEM, elle-même membre du groupe RAGT, comprenant notamment la clientèle attachée à la branche, des certificats d’obtention végétale et l’ensemble des mobiliers, matériels et outillages servant à l’exploitation. Elle s’est placée, à raison de cette acquisition, sous le bénéfice de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mentionnée à l’article 257 bis du même code. Le même jour, elle a également acquis auprès de la société SERASEM, au prix de 14 758 000 euros hors taxes, un patrimoine génétique constitué de graines, de plants, de plantes, de cellules germinales et d’autre matériels héréditaires, désigné sous le nom de germplasm. La société RAGT 2N a soumis cette seconde acquisition à la TVA. Enfin, la branche d’activité commerciale de la société SERASEM a, quant à elle, été transférée le 14 mai 2012 à la société RAGT Semences, autre société du groupe RAGT, dans le cadre d’une opération de fusion-absorption. À la suite d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la TVA afférente à l’acquisition du germplasm et a, par suite, réclamé à la société RAGT 2N un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012. Cette société relève appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce complément de TVA.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l’assujettissement à la TVA :

2. Aux termes de l’article 257 bis du code général des impôts, pris pour la transposition du premier alinéa de l’article 19 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : « Les livraisons de biens et les prestations de services (…), réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens. (…) ». Conformément à l’interprétation des dispositions de l’article 5 § 8 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, ultérieurement reprises par les dispositions du premier alinéa de l’article 19 de la directive du 28 novembre 2006, qui résulte de l’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 27 novembre 2003 dans l’affaire C-497/01, « Zita Modes SARL », la dispense de TVA prévue par ces dispositions lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens s’applique à tout transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise, dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d’exploiter le fonds de commerce ou la partie d’entreprise ainsi transmis et non simplement de liquider immédiatement l’activité concernée.

3. En premier lieu et ainsi qu’il a été dit précédemment, la société RAGT 2N a acquis, le même jour, par contrat séparé, à la fois les éléments d’actif du centre de recherche de la société SERASEM et le germplasm de cette société. Il résulte de l’instruction que le premier de ces contrats, intitulé « cession de fonds de commerce d’activité de recherche » comprend la cession de « l’ensemble des éléments corporels et incorporels de sa branche de fonds de commerce d’activité de recherche », y compris « la clientèle et l’achalandage attachée à ladite branche de fonds de commerce » et caractérise ainsi le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise que le bénéficiaire a pour intention d’exploiter et non de liquider immédiatement. Enfin, il résulte sans ambiguïté de l’intention des parties à ce contrat, notamment de son article 6, que l’objet de celui-ci correspond à la transmission d’une universalité partielle de biens, raison pour laquelle elle n’a d’ailleurs pas été soumise à la TVA, conformément aux dispositions précitées de l’article 257 bis du code général des impôts.

4. En outre, il résulte également de l’instruction que la société RAGT 2N exerce elle-même et exclusivement une activité de recherche similaire à celle de la société SERASEM, rémunérée par la cession de licences à la société RAGT Semences et à ses filiales, à qui elle confie la commercialisation des variétés végétales dont elle a obtenu la certification, de sorte que, sauf à prétendre qu’elle ne dispose pas elle-même d’un fonds de commerce ni n’exerce une activité autonome au seul motif qu’elle a confié à d’autres entreprises la commercialisation de ces produits, elle ne peut pas utilement soutenir qu’en dépit des apparences cette cession ne saurait, au contraire, caractériser une cession de fonds de commerce ou, à tout le moins, d’une activité autonome en se bornant à faire valoir que l’activité de commercialisation de la société SERASEM n’a été qu’ultérieurement transférée à la société RAGT Semences, de sorte que la cession de l’activité de recherche ne correspondrait en réalité au transfert d’aucune clientèle, et à soutenir que « la jurisprudence ne reconnaît pas l’existence d’une clientèle intergroupe » ou qu’elle ne correspond pas à la cession d’un élément de fonds de commerce au sens des articles 719 du code général des impôts et L. 142-2 du code de commerce.

5. En second lieu, il résulte des termes du contrat de cession du germplasm que celui-ci était utilisé par la société SERASEM dans le cadre de son activité, qu’il correspond à un « actif de recherche » et que cette cession a, précisément, pour objet de permettre à la société appelante de « disposer de l’ensemble des actifs corporels et incorporels nécessaires au déploiement de son activité de recherche » et à la société cédante d'« assurer la pérennité de ses programmes de recherche ». Ainsi et contrairement à ce que soutient la société RAGT 2N, le germplasm constitue le principal actif corporel et incorporel de l’activité de recherche cédée au regard de sa valeur, près de trois fois plus élevée que celle de l’ensemble des autres actifs, et s’avère indispensable à la poursuite de cette activité de recherches. Dans ces conditions, c’est à bon droit que l’administration fiscale a considéré que la cession séparée du germplasm et du « fonds de commerce de l’activité de recherche » présentait un caractère artificiel sans que la société RAGT 2N puisse utilement soutenir qu’elle correspondrait à une simple cession d’étude alors qu’il résulte de ses propres écritures qu’elle a elle-même considéré ce germplasm comme un actif amortissable et non comme une charge ou qu’il ne confère à son propriétaire aucune protection juridique en dépit de ce qu’il a fait l’objet d’une cession à titre onéreux.

6. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le germplasm et le fonds de commerce de recherche présentent un caractère inséparable en vue de l’exploitation de cette activité, que leur cession concomitante devait être regardée comme le transfert d’une partie autonome d’une entreprise et qu’elle caractérisait la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, entrant dans le champ d’application de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis précité du code général des impôts.

En ce qui concerne les pénalités :

7. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…) ".

8. En l’occurrence, l’administration fait valoir, sans être aucunement contestée, que la société RAGT 2N avait précédemment acquis le germplasm d’une autre société en dispense de TVA, de sorte qu’elle ne peut être regardée comme ayant ignoré l’application de cette règle claire et fixée de longue date sans que la société appelante puisse utilement soutenir qu’elle s’est bornée à déduire la TVA facturée par son fournisseur alors que ce fournisseur et elle-même font partie du même groupe de sociétés et ont les mêmes dirigeants. En outre et contrairement à ce que soutient également la société appelante, l’assujettissement à la TVA de l’acquisition de germplasm litigieuse n’est pas demeurée sans incidence sur ses bases d’imposition dès lors qu’en contrepartie de cet assujettissement, elle ne s’est pas acquittée des droits d’enregistrement prévus à l’article 719 du code général des impôts. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la cession séparée mais concomitante des différents actifs de l’activité de recherche dont s’agit à la société RAGT 2N présente un caractère purement artificiel. Dans ces conditions, l’assujettissement à la TVA de l’acquisition de germplasm litigieuse ne peut pas s’analyser comme « une mauvaise interprétation des dispositions fiscales » mais comme une volonté délibérée de se soustraire au paiement de l’impôt. Par suite, la société appelante n’est pas fondée à demander la décharge des pénalités dont a été assorti le complément de TVA litigieux.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société RAGT 2N n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions relatives aux frais exposés pour l’instance.

DÉCIDE :


Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée RAGT 2N et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l’audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme C…, présidente-assesseure,
M. Manuel A…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.


Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 18BX02021

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