Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5e chambre, 6 avril 2021, n° 18BX03376

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 5e ch., 6 avr. 2021, n° 18BX03376
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 18BX03376
Décision précédente : Tribunal administratif de Poitiers, 4 juillet 2018, N° 1700157, 1701007
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL MC DE BORDEAUX

N° 18BX03376

___________ REPUBLIQUE FRANÇAISE

X

__________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Z A

Présidente-rapporteure

__________

La cour administrative d’appel de Bordeaux Mme X Y

5ème chambre Rapporteure publique ___________

Audience du 9 mars 2021 Décision du 6 avril 2021 ___________ 38 54-10-05-03-02 68-02-04 68-03 C

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’X a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler, d’une part, l’arrêté du 12 août 2016 par lequel le maire de Saint-Palais-sur-Mer a délivré à la société Urban le permis d’aménager le lotissement « Le clos papyrus » et la décision du 22 novembre 2016 rejetant son recours gracieux et, d’autre part, l’arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de Saint-Palais- sur-Mer a délivré à la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer le permis de construire une résidence-services seniors et la décision du 14 février 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700157, 1701007 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 septembre 2018, le 7 mars 2019 et le 24 juin 2019, X, représentée par Me Géniteau, demande à la cour :



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1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 juillet 2018 ;

2°) de faire droit à ses conclusions en annulation de première instance et d’annuler le permis d’aménager modificatif du 27 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer, de la société Urban et de la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer le versement de 2 500 euros chacune en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2018 et le 3 mai 2019, la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer, société en nom collectif représentée par Me Caradeux, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’X le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2018 et 3 mai 2019, la société Urban, société par actions simplifiée représentée par Me D-E, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’X le versement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2019, la commune de Saint-Palais-sur-Mer, représentée par Me F-G, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’X Xune somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 18BX03376 du 3 novembre 2020, la cour, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, a sursis à statuer sur les conclusions des parties jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société Urban et à la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer de notifier à la cour, le cas échéant, une mesure de régularisation des illégalités mentionnées aux points 46 et 57 de l’arrêt.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2021, la commune de Saint-Palais-sur-Mer, représentée par Me F-G, a produit une pièce au dossier.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2021, la société Les sénioriales en ville de Saint- Palais-sur-Mer, représentée par Me Gallot, conclut à ce que la cour constate la régularisation des autorisations d’urbanisme contestées, le préfet de la Charente-Maritime ayant, par arrêté du 5 février 2021, accordé à la commune la dérogation prévue à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation pour les opérations en litige.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2021, la société Urban, représentée par Me Penisson, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et à ce que la cour constate la régularisation des autorisations d’urbanisme contestées, le préfet de la Charente-Maritime ayant, par arrêté du 5 février 2021, accordé à la commune la dérogation prévue à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation pour les opérations en litige.

Par des mémoires enregistrés les 18 février 2021 et 3 mars 2021, X, représentée par Me Géniteau, demande à la cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des



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dernières phrases des articles L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 111- 24 du code de l’urbanisme.

Elle soutient que la question posée influe sur l’issue du litige et présente un caractère nouveau et sérieux ; en effet, le Conseil constitutionnel a décidé dans sa décision n° 94-359 du 19 janvier 1995 que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ; la possibilité de déroger à l’obligation de réaliser un pourcentage minimum de logements sociaux n’est ni définie ni encadrée ; elle n’est subordonnée à aucune consultation ; la notion de typologie des logements situés à proximité de l’opération est floue ; l’autorité pouvant délivrer des dérogations n’est pas clairement définie ; en permettant l’octroi de dérogations sans fixation des conditions, le législateur s’est placé en situation d’incompétence négative ce qui ouvre la voie à l’arbitraire ; l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen exclut qu’il en soit ainsi.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2021, la société Urban, représentée par Me Penisson, conclut au rejet des conclusions de l’X tendant à ce que le Conseil d’Etat soit saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que :

- par décision n° 2012-660 du 17 janvier 2013, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la constitutionnalité de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- la question posée par l’X requérante est dépourvue de caractère sérieux ; en effet, l’objectif de valeur constitutionnelle concernant la possibilité de disposer d’un logement décent n’est pas susceptible d’être invoqué au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité ; au surplus, les dispositions critiquées ne remettent pas en cause la possibilité de disposer d’un logement décent ; l’incompétence négative du législateur n’est pas recevable lorsqu’elle n’affecte pas, par elle-même, un droit que la Constitution garantit ; si l’X invoque une méconnaissance du principe d’égalité, elle n’assortit son argumentation d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé ; les dispositions critiquées sont, de plus, suffisamment précises, tant sur l’autorité compétente pour accorder la dérogation que sur la typologie des logements qui peuvent être pris en compte pour accorder la dérogation ; en l’espèce, la demande de dérogation a été dûment justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2021, la commune de Saint-Palais-sur-Mer, représentée par Me F-G, conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, au rejet des conclusions de l’X tendant à ce que le Conseil d’Etat soit saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que :

- par décision n° 2012-660 du 17 janvier 2013, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la constitutionnalité de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- la question posée par l’X requérante est dépourvue de caractère sérieux ; en effet, le texte contesté est sans lien avec l’objectif à valeur constitutionnelle relatif à la possibilité de disposer d’un logement décent ; par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’X, les termes du texte sont suffisamment précis.

Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2021, la société Les sénioriales en ville de Saint- Palais-sur-Mer, représentée par Me Gallot, conclut au rejet des conclusions de l’X tendant à ce que le Conseil d’Etat soit saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que :



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- par décision n° 2012-660 du 17 janvier 2013, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la constitutionnalité de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- la question posée ne présente pas de caractère sérieux ; en effet, il n’existe aucun lien entre l’objectif à valeur constitutionnelle de possibilité de disposer d’un logement décent et l’exigence de réalisation de logements sociaux ;

- le texte de la loi ne présente aucune imprécision ; au vu des travaux parlementaires, l’autorité compétente pour décider d’une dérogation est clairement le préfet.

Par un mémoire enregistré le 3 mars 2021, l’X des amis des Saint-Palais-sur-Mer conclut aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires et, en outre, à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 5 février 2021 ou, subsidiairement, à ce qu’il soit déclaré illégal.

Elle soutient que :

- l’arrêté du 5 février 2021 a été pris par une autorité incompétente ; l’autorité compétente pour déroger à l’obligation concernant les logements sociaux ne peut être que l’autorité hiérarchiquement supérieure à celle qui constate la carence ;

- l’arrêté du 5 février 2021 n’est pas suffisamment motivé et est pris sur des bases inexactes en ce qui concerne le nombre de logements sociaux.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, la commune de Saint-Palais-sur-Mer, représentée par Me F-G, conclut aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que l’arrêté du 5 février 2021 est entaché d’incompétence est irrecevable dès lors qu’il fait référence à un moyen d’inconstitutionnalité de la loi ;

- le fait que l’arrêté du 5 février 2021 attribue à la société Urban le projet de construction de la résidence de services pour séniors est lié à une simple erreur de plume ;

- la dérogation est légalement fondée sur la typologie des logements situés à proximité immédiate du projet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la construction et de l’habitation ;

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Z A,

- les conclusions de Mme X Y, rapporteure publique,

- et les observations de Me Penisson, représentant la SAS Urban.

Considérant ce qui suit :



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1. Le maire de Saint-Palais-sur-Mer a délivré 12 août 2016 à la société Urban le permis d’aménager un lotissement, dénommé « Le Clos Papyrus », sur un terrain situé avenue de la Ganipote, comportant 32 lots devant supporter des maisons individuelles et 2 macro-lots, l’un destiné à l’implantation de logements collectifs à vocation sociale et l’autre devant accueillir une résidence-services séniors. Le 27 novembre 2017, le maire a délivré à la société Urban un permis d’aménager modificatif pour ce projet. L’X a introduit un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été rejeté par le maire le 22 novembre 2016. Le 13 décembre 2016, le maire de Saint-Palais-sur- Mer a par ailleurs délivré à la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer le permis de construire la résidence-services séniors prévue dans le cadre du permis d’aménager. Le 14 février 2017, le maire a rejeté le recours gracieux présenté par l’X contre ce permis de construire. L’X fait appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des arrêtés des 12 août 2016 et 13 décembre 2016 et des deux décisions portant rejet de ses recours gracieux. Elle demande également en appel l’annulation du permis d’aménager modificatif du 27 novembre 2017.

2. Par un arrêt du 3 novembre 2020, la cour a écarté les moyens invoqués à l’encontre des décisions contestées à l’exception de celui tiré de la méconnaissance de l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation, repris à l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme, qui dispose que : « Dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1, dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30 % des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux. Le représentant de l’Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération ». En application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, la cour a sursis à statuer sur les conclusions des parties jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt pour permettre à la société Urban et à la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer de notifier à la cour, le cas échéant, une mesure de régularisation de cette illégalité.

3. Par un arrêté du 5 février 2021 produit au dossier, le préfet de la Charente-Maritime, saisi par la commune de Saint-Palais-sur-Mer, a décidé d’accorder à la commune la dérogation prévue par les dispositions précitées, dès lors que le projet de résidence-services séniors de 72 logements ne comportait pas de logements locatifs sociaux mais devait être implanté sur le lot jouxtant le terrain où doit être édifiée une construction comportant 32 logements sociaux.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes de l’article LO 771-1 du code de justice administrative : « La transmission par une juridiction administrative d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ». L’article 23-2 de cette ordonnance dispose que : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux (…) ».

5. Selon l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation : « Dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1, dans toute opération de



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construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30 % des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux. Le représentant de l’Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération ». L’article L. 111-24 du code de l’urbanisme dispose que : « Conformément à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du même code, dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30

% des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5 dudit code, hors logements financés avec un prêt locatif social. L’autorité administrative compétente de l’Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération ».

6. Selon l’X requérante, la possibilité de déroger à l’obligation de réaliser un pourcentage minimum de logements sociaux n’est ni définie ni encadrée et n’est subordonnée à aucune consultation, la notion de typologie des logements situés à proximité de l’opération n’est pas suffisamment précise et l’autorité pouvant délivrer des dérogations n’est pas clairement définie, de sorte que le législateur s’est placé en situation d’incompétence négative, en violation de l’objectif de valeur constitutionnelle tenant à la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

7. D’une part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte, par elle-même, un droit ou une liberté que la Constitution garantit. L’objectif de valeur constitutionnelle que constitue pour toute personne la possibilité de disposer d’un logement décent, n’est pas, à lui seul, au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution, au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

8. D’autre part, en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales. La désignation de l’autorité administrative habilitée à prendre, au nom de l’État, la décision de déroger à l’obligation de prévoir dans certaines opérations de construction d’immeubles collectifs au moins 30 % de logements locatifs sociaux, ne met en cause aucun des principes fondamentaux que l’article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi. Par suite, l’absence de détermination de cette autorité par la loi ne traduit pas une incompétence négative du législateur. Par ailleurs, en se référant à la typologie des logements situés à proximité de l’opération, le législateur a, compte tenu de l’objectif de mixité sociale des politiques locales de l’habitat, entendu permettre une dérogation à l’obligation de réaliser un nombre minimum de logements locatifs sociaux dans les seuls cas où les constructions proches du projet comportent déjà un nombre significatif de logements locatifs sociaux, au regard du nombre de logements prévus par le projet. La loi ne comporte donc pas d’incertitude quant à la condition mise à la dérogation. Enfin, si l’autorité compétente pour accorder les dérogations n’a pas à recueillir au préalable l’avis de tiers, elle doit être saisie d’une demande motivée de la commune. Ainsi, les dispositions législatives contestées ne peuvent être regardées comme insuffisamment précises ni, comme le soutient l’X requérante, comme ouvrant la possibilité de décisions arbitraires en méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

9. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de sa compétence, dans des conditions portant atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue pour toute personne la possibilité de disposer d’un logement décent et à l’article 6 de la



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Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne présente pas un caractère sérieux justifiant que la question soit transmise au Conseil d’Etat.

Sur les autres moyens invoqués à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 5 février 2021 :

10. Les dispositions des articles L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 111-24 du code de l’urbanisme concernent les communes ayant fait l’objet d’un arrêté en application de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation. Ainsi, le « représentant de l’Etat » ou « l’autorité administrative compétente de l’Etat » qui peut accorder à une commune une dérogation à l’obligation de réaliser un quota minimal de logements locatifs sociaux est nécessairement le représentant de l’Etat dans le département, qui est l’autorité visée à l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, compétente pour constater la carence d’une commune en matière de logements locatifs sociaux. Dès lors, l’arrêté du 5 février 2021, signé du préfet de la Charente-Maritime, n’est pas entaché d’incompétence.

11. L’arrêté du 5 février 2021 rappelle que la construction de la résidence de services pour séniors de 72 logements, prévue dans le lotissement « Le Clos Papyrus », est soumise à l’obligation de réalisation d’au moins 30 % de logements locatifs sociaux et constate que 32 logements sociaux seront édifiés sur le terrain jouxtant la résidence-services pour séniors et qu’ainsi, les logements prévus sont conformes à la typologie requise. La dérogation est, par suite, suffisamment motivée. Si l’arrêté fait référence au projet de résidence de services séniors de la société Urban alors qu’en réalité, le constructeur du projet est la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer, cette simple erreur matérielle est sans incidence sur sa légalité.

12. Si l’X requérante soutient que la réalisation des 32 logements sociaux sur le lot contigu au lot devant accueillir la résidence-services séniors correspond en réalité non à l’obligation incombant au constructeur de cette résidence, mais pour une large part à l’obligation incombant aux constructeurs des 32 autres lots du lotissement, il ressort des pièces du dossier que ces 32 autres lots sont destinés à accueillir non des immeubles collectifs de plus de douze logements, mais des logements individuels qui ne donnent pas lieu à l’obligation de réaliser des logements locatifs sociaux en vertu des dispositions des articles L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 111-24 du code de l’urbanisme. Dès lors, le préfet de la Charente-Maritime pouvait légalement prendre en compte les 32 logements sociaux à réaliser à proximité immédiate de la résidence-services séniors pour estimer que la typologie des logements situés à proximité du projet justifiait qu’il soit dérogé à l’obligation incombant au constructeur de la résidence de services pour séniors.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les permis en litige doivent être regardés comme ayant fait l’objet d’une mesure de régularisation et que les conclusions tendant à leur annulation doivent être rejetées, ainsi que les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 5 février 2021.

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer, de la société Urban et de la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par X. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’X requérante les sommes demandées par les intimées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :



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Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par X.

Article 2 : La requête de l’X est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Palais-sur-Mer, de la société Urban et de la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer tendant à l’application de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à X, à la société Urban, à la société Les sénioriales en ville de Saint-Palais-sur-Mer, à la commune de Saint-Palais-sur-Mer et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Z A, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, Mme B C-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.

La présidente,

Z A

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au préfet de la Charente-Maritime chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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