CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 10 mai 2022, 21BX03734, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 4e ch. (formation à 3), 10 mai 2022, n° 21BX03734
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 21BX03734
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Poitiers, 15 juillet 2021, N° 2002280
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 12 mai 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045790649

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A C a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler les décisions des 27 août et 9 septembre 2020 par lesquelles le directeur général des finances publiques lui a refusé, au titre des mois de juillet et août 2020, le bénéfice du premier volet de l’aide exceptionnelle prévue par le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis à la suite de ces refus illégaux.

Par un jugement n° 2002280 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 27 août et 9 septembre 2020, a enjoint au directeur général des finances publiques de procéder au réexamen de la demande d’aide exceptionnelle présentée par M. C pour les mois de juillet et août 2020, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. C.

Procédure devant la cour administrative d’appel :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 18 septembre 2021 et le 17 janvier 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juillet 2021 en tant qu’il a fait droit aux conclusions à fin d’annulation de M. C et lui a enjoint de réexaminer sa situation.

Le ministre soutient que :

— l’activité de loueur de meublés de tourisme non professionnel, qui ne revêt pas le caractère d’une activité économique, n’est pas éligible au premier volet de l’aide, instituée par le décret du 30 mars 2020 ;

— la location d’immeubles ne constitue pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce ;

— cette activité, qui est de nature patrimoniale et ne saurait être assimilée à des activités hôtelière ou para-hôtelière, n’est pas mentionnée à l’annexe 1 dudit décret ;

— la volonté du législateur de ne pas inclure les loueurs en meublés non professionnels a été rappelée dans l’étude d’impact de la loi du 23 mars 2020 ainsi que dans la réponse à la question ministérielle n° 15935 publiée dans le JO du Sénat du 31 décembre 2020 page 6386 ;

— en tout état de cause, l’intéressé ne remplit pas une autre condition relative à l’octroi de l’aide, tenant à l’inexistence de dettes fiscales au 31 décembre 2019, à l’exception de celles bénéficiant d’un plan de règlement ;

— la demande de remboursement de l’aide indûment perçue sur la période de mars à juin 2020 concerne une période qui n’est pas l’objet du présent contentieux ; ainsi, la circonstance que l’administration n’aurait pas suivi une procédure contradictoire lors de la remise en cause de l’aide indûment perçue au titre de cette période est, en tout état de cause, inopérante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 décembre 2021 et 15 février 2022, M. C, représenté par Me Loiseau, conclut au rejet du recours, à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’économie, des finances et de la relance de lui attribuer l’aide sollicitée au titre des mois de juillet et août 2020 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et à ce qu’une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l’Etat, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le ministre n’a pas exécuté l’injonction au réexamen prononcée par les premiers juges et que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 janvier 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 18 février 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de commerce ;

— le code du tourisme ;

— la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

— le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B D,

— et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, qui exerce depuis le mois de mai 2018 une activité de loueur de meublés de tourisme à Jonzac, a bénéficié, au titre des mois de mars à juin 2020, du premier volet de l’aide exceptionnelle prévue par le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. L’intéressé a formulé deux nouvelles demandes d’aide au titre des mois de juillet et août 2020 qui, par deux décisions des 27 août et 9 septembre 2020, ont été rejetées au motif que son activité de loueur non professionnel de locaux meublés de tourisme n’était pas éligible à l’aide sollicitée. Par un jugement du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 27 août et 9 septembre 2020, a enjoint au directeur général des finances publiques de procéder au réexamen de la demande d’aide exceptionnelle présentée par M. C pour les mois de juillet et août 2020, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté les conclusions de l’intéressé tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis à la suite de ces refus illégaux. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance, relève appel de ce jugement en tant qu’il a fait droit aux conclusions à fin d’annulation de M. C et lui a enjoint de réexaminer sa situation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article 1er du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : « I. – Le fonds mentionné par l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises () ». Aux termes de l’article 3-8 du même décret, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les aides financières attribuées aux entreprises mentionnées à l’article 1er du présent décret et prévues à l’article 3-9 prennent la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d’affaires, subie au cours de chaque période mensuelle comprise entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020, par les entreprises qui remplissent les conditions suivantes : () 6° bis Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l’annexe 1 ou elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l’annexe 2 du présent décret et ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 80 % durant la période comprise entre le 15 mars 2020 et le 15 mai 2020 par rapport à la même période de l’année précédente ou, si elles le souhaitent, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 ramené sur deux mois ou, pour les entreprises créées après le 15 mars 2019, par rapport au chiffre d’affaires réalisé entre la date de création de l’entreprise et le 15 mars 2020 ramené sur deux mois ; () « . Enfin, aux termes de l’article 3-9 du même décret : » Les entreprises mentionnées à l’article 3-8 du présent décret ayant subi une perte de chiffre d’affaires supérieure ou égale à 1 500 euros perçoivent une subvention d’un montant forfaitaire de 1 500 euros. / Les entreprises mentionnées à l’article 3-8 du présent décret ayant subi une perte de chiffre d’affaires inférieure à 1 500 euros perçoivent une subvention égale au montant de cette perte. () La demande est accompagnée des justificatifs suivants : / – une déclaration sur l’honneur attestant que l’entreprise remplit les conditions prévues par le présent décret et l’exactitude des informations déclarées, ainsi que l’absence de dette fiscale ou sociale impayée au 31 décembre 2019, à l’exception de celles bénéficiant d’un plan de règlement ; () ".

3. Il résulte de ces dispositions que si le mécanisme d’aide exceptionnelle prévu par le décret du 30 mars 2020 cible prioritairement les entreprises des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de l’organisation d’évènements, du sport et de la culture qui ont dû interrompre leur activité ou qui les exercent dans des conditions dégradées en raison des mesures de police administrative mises en place dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, il n’exclut pas pour autant de son champ d’application les exploitants individuels exerçant une activité économique qui rempliraient les conditions prévues par le décret. Pour l’application des dispositions de ce décret, doit être regardé comme exerçant une activité économique quiconque accomplit une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou se livre à des opérations comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

4. En premier lieu et d’une part, il ressort des pièces du dossier que, depuis le mois de mai 2018, M. C propose à la location deux studios classés à Jonzac, spécialement construits et équipés pour accueillir des séjours touristiques de courte durée, dans le cadre d’une activité de loueur de meublé de tourisme. Au titre de cette activité, qui, selon les affirmations non contredites de l’intéressé, constitue l’essentiel de ses revenus, M. C a déclaré des revenus de 17 132 euros au cours de l’année 2019 et de 11 904 euros au titre de l’année 2020. Au regard des conditions d’exercice de cette activité, qui génère des recettes ayant un caractère de permanence, elle doit être qualifiée d’activité économique au sens et pour l’application des dispositions précitées du décret du 30 mars 2020. A cet égard, la circonstance que, s’agissant de la classification des revenus catégoriels, le IV de l’article 155 du code général des impôts qualifie de « professionnelle » l’activité de loueur en meublé uniquement lorsqu’elle génère des recettes annuelles supérieures à 23 000 euros est sans incidence sur la notion d’activité économique qui, seule, est prise en compte par les dispositions du décret du 30 mars 2020. De même, est sans incidence la circonstance que la location d’immeubles ne constitue pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce. Dès lors, le ministre n’est pas fondé à soutenir qu’en raison de sa nature même, l’activité exercée par M. C ne revêtirait pas un caractère économique et serait exclue du dispositif d’aide dont il se prévaut.

5. D’autre part, il résulte des termes de l’annexe 1 au décret du 30 mars 2020 que le secteur d’activité de l’hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, qui se distingue de celui des activités hôtelière et para-hôtelière également mentionné par cette annexe, fait partie des secteurs d’activité pouvant prétendre au bénéfice du mécanisme d’aide prévu par les article 3-8 et 3-9 du décret. Contrairement à ce que soutient le ministre, l’activité de loueur de meublés de tourisme qui, en ce qui concerne la classification des équipements et aménagements de tourisme, sont classés dans la catégorie des hébergements autres que les hôtels et les terrains de camping aux articles L. 324-1 et suivants du code du tourisme, à l’instar des résidences de tourisme et des villages résidentiels de tourisme, fait partie du secteur d’activité de l’hébergement touristique et autre hébergement de courte durée, au sens et pour l’application des dispositions de l’annexe 1. Ainsi, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’activité exercée par M. C est éligible au bénéfice de l’aide exceptionnelle, dans les conditions fixées par le décret.

6. En second lieu, l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le ministre fait valoir que les décisions contestées des 27 août et 9 septembre 2020 en litige peuvent se fonder sur les dispositions de l’article 3-9 du décret du 30 mars 2020 dès lors que M. C était redevable d’un reliquat de 270 euros de cotisations foncières des entreprises au 31 décembre 2019. Toutefois, il ressort des termes de l’avis de cotisation foncière des entreprises dont se prévaut l’administration, produit par M. C, que cet avis a été établi le 26 février 2020 et, dès lors, ne préjuge pas de la situation fiscale de l’intéressé au 31 décembre 2019. Si cet avis mentionne que le contribuable n’a pas payé « dans les délais » les sommes dues pour son échéance du 15 décembre 2019, le ministre n’indique pas la teneur et la durée de ces délais, de sorte qu’il n’établit pas que M. C se serait trouvé en situation de dette fiscale impayée au 31 décembre de cette même année, au sens et pour l’application des dispositions de l’article 3-9. Il n’y a pas lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif suggérée par le ministre.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire de se référer aux travaux préparatoires de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ni que l’administration puisse utilement se prévaloir de la réponse à la question ministérielle n° 15935 publiée dans le Journal officiel du Sénat du 31 décembre 2020, que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 27 août et 9 septembre 2020 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande d’aide exceptionnelle présentée par M. C pour les mois de juillet et août 2020.

Sur les conclusions à fin d’injonction présentées par M. C :

9. L’exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juillet 2021, confirmé par le présent arrêt, implique seulement que la demande d’aide exceptionnelle sollicitée par M. C pour les mois de juillet et août 2020 soit réexaminée. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’y a pas procédé. Il y a lieu, par suite, de prescrire ce réexamen et de prononcer contre l’Etat, à défaut de justifier de l’exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers et du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification, une astreinte de 25 euros par jour jusqu’à la date à laquelle le jugement précité et le présent arrêt auront reçu exécution.

Sur les frais liés à l’instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et sans que le ministre ne puisse utilement se prévaloir de l’existence d’un abattement forfaitaire pour frais de 71 % applicable au résultat imposable de l’activité de loueur en meublé exercée par M. C sur le fondement de l’article 50-0 du code général des impôts, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : Une astreinte de 25 euros par jour est prononcée à l’encontre de l’Etat s’il n’est pas justifié, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de l’exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juillet 2021 ensemble du présent arrêt et jusqu’à la date de cette exécution. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour cette exécution.

Article 3 : L’Etat versera à M. C une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à M. A C.

Délibéré après l’audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

Michaël D La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Fabrice Phalippon

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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