CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 21BX03477, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 4e ch. (formation à 3), 28 sept. 2023, n° 21BX03477
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 21BX03477
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 29 décembre 2020, N° 1801459
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 3 octobre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048132522

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Dax a demandé au tribunal administratif de Pau d’ordonner la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 460 138 euros, au titre du mois d’août 2017 et d’assortir les dégrèvements de taxe sur la valeur ajoutée des intérêt moratoires correspondants.

Par un jugement n° 1801459 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 août 2021 et 13 mai 2022, le centre hospitalier de Dax, représenté par la société Altra consulting, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1801459 du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2020 ;

2°) d’ordonner le la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 460 138 euros, au titre du mois d’août 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 7 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— à la suite de l’abandon de la clé de répartition économique qu’il appliquait depuis l’année 2011 pour établir ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, sur autorisation des services fiscaux et par dérogation à l’article 271 du code général des impôts, il a déclaré en 2016 un montant de TVA déductible supplémentaire de 1 530 102 euros qui, partiellement consommé, a généré un crédit de TVA de 460 138 euros dont il est fondé à solliciter la restitution, au titre de la période d’août 2017 ;

— la méthode de calcul qu’il applique se fonde à titre principal sur les dispositions du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, et vise à déterminer un coefficient d’assujettissement pour chaque type de dépenses mixtes, à savoir les dépenses de pharmacie, de restauration, de blanchisserie et de frais généraux ; ces dispositions doivent être lues au regard des principes de la directive TVA et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne, qui autorisent le recours à toute méthode permettant de garantir un résultat plus précis qu’une déduction forfaitaire unique basée sur le chiffre d’affaires ;

— il a justifié des différents coefficients appliqués, par la production d’une note du 11 octobre 2017 adressée à l’administration fiscale, à laquelle étaient joints des fichiers Excel sur les dépenses de l’établissement au titre des exercices 2014 et 2015 ;

— la comptabilisation des opérations hors champ d’application de la TVA et des opérations imposables dans des comptes distincts pour l’application du droit à déduction, prévue à l’article 209 de l’annexe II du code général des impôts, ne constitue pas une modalité d’exercice du droit à déduction mais une simple formalité permettant de justifier des droits à déduction exercés ; ces dispositions ne mentionnent pas la question des opérations partiellement imposables ; l’obligation comptable invoquée par le tribunal administratif de Pau ne saurait donc fonder le rejet des coefficients d’assujettissement appliqués par l’établissement dès lors que la comptabilisation dans des comptes distincts n’est pas une condition préalable à la sectorisation de son activité ;

— dans l’hypothèse où cette analyse du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts ne serait pas retenue, il entend faire application du V de ce même article, qui permet d’appliquer un coefficient d’assujettissement unique sur l’ensemble des dépenses mixtes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mars 2022 et 8 juillet 2022, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par le centre hospitalier de Dax ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Pauline Reynaud,

— et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L’établissement public administratif du centre hospitalier de Dax exerce, pour l’essentiel, des activités se situant hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et pour partie, des activités imposables à cette taxe, au sein desquelles figurent des opérations taxables et des opérations exonérées. En sa qualité d’assujetti à la TVA, le centre hospitalier de Dax bénéficie du droit de déduire la TVA qui lui est facturée pour les opérations imposables. A compter de l’année 2011, l’administration fiscale a autorisé l’établissement de santé, sur sa demande, à déterminer son droit à déduction pour l’ensemble de ses dépenses, mixtes ou non mixtes, en appliquant une clef de répartition unique dite « clé de répartition économique », calculée en fonction de la quote-part des recettes taxables par rapport aux recettes totales. Cette autorisation, valable pour l’année civile, a été tacitement renouvelée.

2. Le centre hospitalier de Dax a inscrit, sur une ligne distincte de sa déclaration CA3 du mois de novembre 2016, un montant supplémentaire de TVA déductible de 1 041 397 euros, au titre de la période 2014 et 2015 et résultant d’une modification de sa méthode de calcul de la détermination de ses droits à déduction, lequel a généré un crédit de TVA reportable sur les périodes postérieures. Ce crédit a été partiellement consommé. Le 26 septembre 2017, l’établissement public a présenté une demande de restitution d’un crédit de TVA d’un montant de 460 138 euros, au titre du mois d’août 2017. Il a été avisé le 7 février 2018 de l’engagement par l’administration fiscale de la procédure d’instruction prévue à l’article L 198 A du livre des procédures fiscales. A l’issue des opérations réalisées sur place entre le 14 avril et le 26 avril 2018, l’administration fiscale a rejeté la demande de restitution de crédit de TVA du centre hospitalier, par une décision du 27 avril 2018, notifiée le 30 avril 2018. Le centre hospitalier de Dax relève appel du jugement n° 1801459 du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la restitution du crédit de TVA litigieux, et d’assortir les dégrèvements qui en résulteraient des intérêts moratoires correspondants.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l’article 256 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». Aux termes de l’article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n’exercent le droit à déduction qu’au moment de la livraison. / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l’article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / b) Celle qui est due à l’importation ; / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l’achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; () / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d’importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. () / III. A cet effet, les assujettis, qui sont autorisés à opérer globalement l’imputation de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenus de procéder à une régularisation : / a) Si les marchandises ont disparu ; / b) Lorsque l’opération n’est pas effectivement soumise à l’impôt ; / IV. La taxe déductible dont l’imputation n’a pu être opérée peut faire l’objet d’un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d’Etat. () ".

4. Aux termes de l’article 205 de l’annexe II au code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ». Aux termes de l’article 206 de la même annexe du code général des impôts : " I. – Le coefficient de déduction mentionné à l’article 205 est égal au produit des coefficients d’assujettissement, de taxation et d’admission. / II. – Le coefficient d’assujettissement d’un bien ou d’un service est égal à sa proportion d’utilisation pour la réalisation d’opérations imposables. Les opérations imposables s’entendent des opérations situées dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu’elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. – 1. Le coefficient de taxation d’un bien ou d’un service est égal à l’unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d’un bien ou d’un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n’ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d’opérations imposables ouvrant droit à déduction et d’opérations imposables n’ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s’entendent tous frais et taxes compris, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / 2° Lorsqu’un assujetti a constitué des secteurs distincts d’activité en application de l’article 209, le chiffre d’affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé ; / 3° Pour l’application des dispositions du 1°, il est fait abstraction du montant du chiffre d’affaires afférent : / a. Aux cessions des biens d’investissements corporels ou incorporels ; / b. Au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. () / IV. – 1. Le coefficient d’admission d 'un bien ou d’un service est égal à l’unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / () 3. A l’exception des cas prévus au 1° bis du 4 de l’article 298 du code général des impôts, le coefficient d’admission est calculé en application des dispositions relatives à l’exclusion du droit à déduction fixées aux a, b et c du 1° du même 4 concernant, respectivement, les essences, les gazoles et le superéthanol E 85 et les gaz de pétrole et autres hydrocarbures présentés à l’état gazeux et le pétrole lampant. () / V. – 1. L’assujetti peut, par année civile, retenir : 1° Pour l’ensemble de ses biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables, un coefficient d’assujettissement unique, sous réserve d’en justifier ; 2° Pour l’ensemble de ses biens et services, un coefficient de taxation unique calculé dans les conditions du 3 du III. / 2. Les quatre coefficients mentionnés au I sont arrondis par excès à la deuxième décimale. Ils sont définitivement arrêtés avant le 25 avril de l’année suivante ou le 31 décembre de l’année suivante pour ceux qui deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée en cours d’année ".

5. Par ailleurs, les paragraphes 30 et 40 de l’instruction BOI-TVA-DED-20-10-10 du 12 septembre 2012, relative à la détermination des droits à déduction de TVA, et plus précisément au coefficient d’assujettissement, prévoient que : « 30. Par dérogation au principe de l’affectation, les entreprises peuvent être autorisées par l’administration à déterminer leur droit à déduction pour l’ensemble de leurs dépenses (mixtes ou non mixtes) en appliquant la clef de répartition calculée en fonction de la quote-part des recettes taxables par rapport aux recettes totales. Autrement dit, l’ensemble des dépenses des entreprises qui appliqueraient cette dérogation serait réputé mixte. / 40. Cette autorisation, qui peut être sollicitée par simple demande sur papier libre auprès de la direction départementale des finances publiques dont relève l’entreprise, s’applique pendant une année civile entière. Elle est renouvelée par tacite reconduction sauf dénonciation par le contribuable ou par l’administration avant le 31 décembre de l’année considérée. / La clef de répartition doit être adaptée à la situation de l’entreprise ce qui signifie que l’autorisation sera refusée dans les situations où la demande du redevable compromet les intérêts du Trésor. / Cette autorisation ne peut pas faire échec ni à la constitution de secteurs distincts car celle-ci est de droit lorsque l’entreprise exerce plusieurs activités soumises à des dispositions différentes en matière de TVA ».

6. Enfin, aux termes de l’article 209 de l’annexe II au code général des impôts : " I. – Les opérations situées hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l’application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d’activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. / Sont constitués en secteurs d’activité : / 1° Chaque immeuble ou ensemble d’immeubles ou fraction d’immeuble dont la livraison à soi-même est imposable en application du II de l’article 278 sexies du code général des impôts ou dans lequel sont réalisés des travaux d’amélioration, de transformation ou d’aménagement de logement dont les livraisons à soi-même sont imposables en application du 1° du 3 du I de l’article 257 du même code ; / 2° Les immeubles, ensembles d’immeubles ou fractions d’immeubles dont la location est imposée en application du 2° de l’article 260 du code général des impôts ; / 3° Les services mentionnés à l’article 260 A du code général des impôts ; / 4° Pour les organismes agissant sans but lucratif désignés au a du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts : /a. L’ensemble de leurs opérations qui ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et des ventes qu’ils consentent à leurs membres au-delà de 10 % de leurs recettes totales ; / b. chacune des manifestations de bienfaisance ou de soutien qu’ils organisent et dont les recettes sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; / 5° Chaque opération de lotissement ou d’aménagement de zone réalisée par les collectivités territoriales ou leurs groupements. / II. – Les biens d’investissement ouvrant droit à déduction sont inscrits dans la comptabilité de l’entreprise pour leur prix d’achat ou de revient diminué de la déduction à laquelle ils donnent droit, rectifié, le cas échéant, conformément aux dispositions de l’article 207 ".

7. Ainsi qu’il a été rappelé au point 1, suite à la demande présentée le 2 mars 2011 par le centre hospitalier de Dax, l’administration fiscale a validé, par un courrier du 21 avril 2011, le principe et le taux d’une « clé de répartition économique » applicable à l’ensemble des dépenses mixtes et non mixtes du centre hospitalier de Dax, égale au rapport, au numérateur, du montant des recettes afférentes aux opérations ouvrant droit à déduction, et au dénominateur, du montant total des recettes afférentes aux opérations dans le champ et hors du champ d’application de la TVA, y compris les subventions et les dotations publiques, par dérogation aux dispositions de l’article 271 du code général des impôts et des II et III de l’article 206 de l’annexe II à ce code. Cette autorisation, fondée sur l’instruction BOI-TVA-DED-20-10-10 du 12 septembre 2012, a été reconduite tacitement, l’établissement public ayant, chaque année, fait connaître au service le nouveau taux à retenir. Souhaitant abandonner le régime dérogatoire de la clé de répartition économique, qu’il estimait moins favorable que le régime de droit commun, le centre hospitalier de Dax soutient avoir rectifié ses modalités de calcul de son droit à déduction de TVA afin de distinguer les activités de service public de soins et d’hospitalisation, qu’il exerce à titre principal, dont il est constant qu’elles se situent hors du champ d’application de la TVA, les activités de formation, qui entrent dans le champ d’application de la TVA mais en sont exonérées, et les activités de pharmacie, de restauration et de blanchisserie, ainsi que les frais généraux, qui au regard de cette taxe, sont de type mixte.

8. Ainsi, les activités de pharmacie, de restauration et de blanchisserie, ainsi que les frais généraux communs tels que les dépenses liées à l’activité des médecins exerçant en libéral dans les locaux de l’hôpital, ouvrent droit à déduction, en application du II de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts, à concurrence du coefficient d’assujettissement des biens et services correspondants, qui est égal à la proportion de leur utilisation pour la réalisation d’opérations imposables.

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu’il appartenait ainsi au centre hospitalier de Dax, qui se prévaut à titre principal, non de la possibilité de retenir un coefficient d’assujettissement unique, prévue au 1° du 1 du V de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, mais de l’application des dispositions du II du même article, de calculer le coefficient d’assujettissement de chaque bien et service, en fonction de sa proportion d’utilisation pour des opérations imposables. Or, il résulte de l’instruction que, pour ses frais généraux communs aux opérations imposables et non imposables, le centre hospitalier n’a pas appliqué un tel calcul, mais a retenu un coefficient d’assujettissement calculé sur la base d’un ratio comprenant au numérateur les recettes dans le champ d’application de la TVA, imposables et exonérées, et au dénominateur les recettes totales, hors champ et dans le champ de cette taxe. Ce faisant, toutefois, le centre hospitalier de Dax a retenu un coefficient d’assujettissement unique pour l’ensemble de ses biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables et doit donc être regardé comme ayant fait application des dispositions précitées du 1° du 1 du V de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts. Or, l’établissement de santé a appliqué le même ratio de 0,9 que l’ancienne clé de répartition économique, en incluant donc, à tort, dans son calcul, les opérations situées hors du champ d’application de la TVA. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Dax ne justifie pas avoir fait une correcte application des dispositions du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts s’agissant des frais généraux. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, l’établissement de santé n’a pas été privé par l’administration fiscale de toute possibilité de prétendre aux dispositions de droit commun, mais cette possibilité est conditionnée par le respect des dispositions du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, ce qui, ainsi qu’il vient d’être dit, n’est pas le cas en l’espèce. Pour les mêmes motifs, le centre hospitalier de Dax n’est pas fondé à soutenir que l’administration, en refusant sa méthode de calcul de son droit à déduction, porterait atteinte aux principes de neutralité, d’effectivité et de proportionnalité.

10. En deuxième lieu, le centre hospitalier de Dax soutient que la méthode consistant à calculer un coefficient d’assujettissement par type de dépenses mixtes de même nature, à savoir la blanchisserie, la restauration, la pharmacie, et les frais généraux, est conforme aux dispositions précitées du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, dès lors qu’il résulte de la directive TVA et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que les Etats membres peuvent appliquer, pour une opération donnée, une clé de répartition autre que la méthode fondée sur le chiffre d’affaires, à condition que cette méthode garantisse une détermination du prorata de déduction de la TVA plus précise que celle résultant de la méthode fondée sur le chiffre d’affaires. Il résulte toutefois, et en tout état de cause, de l’instruction, que l’établissement de santé ne justifie pas suffisamment des modalités de détermination de ces différents coefficients de déduction. Le centre hospitalier de Dax a déterminé ces coefficients sur la base de la consommation des produits pour les dépenses de pharmacie, le nombre de repas réellement produits pour la restauration et les kilotonnes de linges réellement traités pour la blanchisserie, et ne s’est ainsi pas fondé sur la comptabilité analytique, ou sur des critères physique, technique ou financier, de nature à traduire au mieux leur proportion d’utilisation réelle pour la réalisation d’opérations imposables et non imposables. Si l’établissement de santé soutient que sa méthode de calcul est conforme aux dispositions du II de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, ni les fichiers Excel produits, qui listent les diverses dépenses réalisées en 2014 et 2015, leur nature, leur affectation et leur montant, ni la note explicative établie le 11 octobre 2017, n’apportent de précisions suffisantes sur la détermination des modalités de calcul des coefficients d’assujettissement pour chaque type de dépenses mixtes.

11. En troisième lieu, l’établissement de santé soutient qu’il est fondé, à titre subsidiaire, à se prévaloir des dispositions du V de l’article 206 de l’annexe II du code général des impôts, et à appliquer un coefficient d’assujettissement unique pour l’ensemble des dépenses mixtes, déterminé à partir des clés de répartition correspondant aux coefficients d’assujettissement définis pour chaque type de dépenses mixtes (nombre de repas, kilotonne de linge et consommation de médicaments). Toutefois, ainsi que le fait valoir l’administration fiscale, le coefficient d’assujettissement ainsi fixé par le centre hospitalier de Dax à 0,24, ne correspond à aucun ratio physique ou financier directement calculable, et n’apparaît pas pertinent pour justifier du prorata de déduction de la TVA.

12. En quatrième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées du premier alinéa du I de l’article 209 de l’annexe II au code général des impôts qu’il appartient à l’assujetti, pour l’application du droit à déduction, de comptabiliser dans des comptes distincts les opérations situées hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables.

13. Il résulte de l’instruction que, s’agissant des dépenses mixtes, le centre hospitalier de Dax, qui affirme s’appuyer sur sa comptabilité analytique pour déterminer les coefficients d’assujettissement propres à chaque dépense, n’a pas comptabilisé dans des comptes distincts les opérations situées hors du champ d’application de la TVA et les opérations imposables. Or, contrairement à ce que soutient l’établissement de santé, cette obligation, qui s’applique bien en l’espèce, ne constitue pas une simple formalité permettant de justifier des droits à déduction exercés, mais bien une des modalités d’exercice de ce droit à déduction. Enfin, le centre hospitalier de Dax ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la comptabilisation dans des comptes distincts n’est pas une condition préalable de la sectorisation de l’activité d’un établissement de santé, dès lors qu’il n’a lui-même pas entendu ériger les activités de pharmacie, de restauration, de blanchisserie, et les frais généraux communs à l’ensemble des activités de l’établissement, en un ou plusieurs secteurs d’activité distincts au sens des dispositions du I de l’article 209 de l’annexe II du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Dax n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a refusé de prononcer le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Dax n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 460 138 euros, au titre du mois d’août 2017.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier de Dax de la somme qu’il demande sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Dax est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Dax et au ministre de l’économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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